Ville: St Ignace, c'est pompeux mais c'est beau

Ah bon, ça fait trop de "les églises"? Ouah eh, l'aut', attends, est-ce que tu sais seulement combien c'est qu'il n'y en a des églises dans Prague? Ouah eh, l'aut', attends, est-ce que tu sais seulement combien c'est que j'en ai parlé de, des églises de Prague? Bon, ben alors... tu vois bien, trop pas que j'en cause des églises, comme dirait mon fils :-)
Alors OK, sur l'église St Ignace (Ignace, Ignace, c’est un petit petit nom charmant… cf. Fernandel) je vais faire court, promis. D'ailleurs y a pas grand chose à dire, z'allez-voir. Tout d'abord c'est pas l'église de n'importe lequel d'Ignace, mais ce bel édifice imposant, vitrine de la puissance et de la richesse de ses fondateurs, est consacré à Ignace de Loyola, l'inventeur des jésuites, la compagnie de Jésus (Societas Jesu/Iesu en Latin), pour lesquels (Ignace et sa secte intégriste) j'ai franchement une forte aversion, je ne vous le cacherai pas. Pour ceux qui se demanderaient pourquoi tant de haine, et sans rentrer dans la polémique d'un Edmond Paris (cf. "L'histoire secrète des jésuites"), je vous inviterais à prendre connaissance de leurs objectifs (raison d'être originelle et actuelle), de leurs règles, de leurs méfaits (dans les colonies, comme en Europe), de leurs intrigues, de leurs liens avec le pouvoir (et la papauté en particulier)...
Alors en général, j'ai horreur de généraliser, d'autant plus que j'ai une certaine admiration pour certains d'entres-eux ("Bohuslav Balbín", "Josef Dobrovský"...). Pis sans en être vraiment, du jésuite, il est des titans qui sont issus de leur enseignement (René Descartes, Voltaire, Denis Diderot...) controversé (cf. le philosophe et pédagogue Gabriel Compayré). On ne peut pas non plus ignorer qu'ils sont à l'origine de chefs-d'oeuvre artistiques fabuleux (Klementinum, St Nicolas "Malá Strana", Ste Barbara à "Kutná Hora"... cf. L'art des Jésuites). Tout ça oui, certes, mais en général, lorsque j'entends le mot "jésuite", je sors mon revolver.

Bon, concernant le bougre Ignace donc, vous trouverez des kilomètres de biographie à son sujet, alors impassons sur Ignace et passons directement à l'église qui lui est consacrée. Notre église se trouve sur la place Charles de la nouvelle ville, à l'angle de la rue "Ječná" pleine de bouchons tout le temps. Depuis la fin du XIV ème siècle, il y avait là une petite chapelle du corps du Christ ("kaple Božího Těla", Corpus Christi). L'édit de mise en chantier est daté du 1er avril 1382, tandis que la remise des clés au recteur de l'université Charles est signée en date du 28 juin 1403. En 1416 elle passa aux mains des utraquistes lesquels accrochèrent sur son fronton en 1437 les compacta (accords) de Bâle de 1436. Les catholiques n'oublièrent pas cet évènement provocateur. En 1556, invités par cette andouille de Ferdinand 1er, arrivèrent à Prague les 12 premiers jésuites dûment mandatés par le pape.
Ils s'installèrent près de l'église dominicaine St Clément (vieille ville) alors bien délabrée (St Clément donnera ensuite le "Klementinum", connu de tout bon touriste qui se respecte). Illico, les braves légionnaires papaux se mirent hypra consciencieusement au boulot afin de luter activement contre la peste protestante qui se propageait dans le royaume. Ils devinrent encore plus actifs après la bataille de la montagne blanche, et en 1628, ils inauguraient leur troisième collège de Prague sur la place Charles, collège connu aujourd'hui sous l'appellation "Bývalá novoměstská kolej jezuitů u chrámu sv. Ignáce, Karlovo náměstí 36, Nové Město". Attention, en l'époque rien à voir avec l'énorme bâtiment que l'on peut voir aujourd'hui, avant c'était chiche-petit par manque de pognon. C'était comme la petite chapelle du corps du Christ...
En fait après la susdite défaite montagnarde, les jésuites récupérèrent la petite chapelle du Corpus Christi pour leur propre compte, et l'utilisèrent pour les besoins de la recatholisation bohémienne qui leur incomba. Mais celle-ci devint rapidement exigüe (la chapelle), beaucoup trop exigüe pour une recatholisation industrielle des masses perverties, aussi il fallut rapidement penser à plus grand. Et ils eurent du bol les jésuites. Dans les années 1630, la veuve d'Adam II "ze Šternberka" (plus haut burgrave du royaume jusqu'en 1619, décédé en 1623) fit un don conséquent aux légionnaires du pape. Mais lorsque qu'en 1633 un de ses fils décéda prématurément, "Marie Maxmiliána" (née "Hohenzollern", ça vous dit quelque chose ce nom non?) remit le paquet et la main à la poche avec un don encore plus conséquent. Et c'est ainsi qu'avec tout ce pognon, les jésuites mirent en chantier une partie de l'énorme collège d'aujourd'hui. Pis les dons affluèrent, sans que vraiment l'on ne sache d'où ni comment tout ce pognon sans odeur arriva. Il permit cependant à la compagnie de Jésus d'acquérir les 23 habitations comme les terrains qui se trouvaient à proximité de la chapelle.
Cette dernière survécut jusqu'aux réformes de Joseph II. Mais comme beaucoup d'autres, elle fut alors désacralisée. En 1790 elle fut vendue aux enchères, en 1791 le proprio la fit abattre et les restes utilisables comme les pierres tombales furent utilisés pour paver les trottoirs de Prague. Mais revenons aux jésuites.

L'agrandissement du collège commença en 1659, et au matin du 12 juillet 1665, l'on posa la première pierre de la future église St Ignace de Loyola. 13 ans plus tard, alors qu'on avait certes achevé le gros du chantier mais qu'il restait encore de la finition à fignoler, l'archevêque mécène amateur d'art, de culture et de beau en général, "Jan Bedřich z Valdštejna" vint copieusement goupillonner à l'eau bénite notre édifice, le 31 juillet 1678 très exactement.
Le premier génie responsable de cette construction est "Carlo Lurago", qui laissa son emprunte sur de nombreux édifices praguois ("Klášter dominikánů u chrámu sv. Jiljí", "Klášter křížovníků s červenou hvězdou uchrámu sv. Fr. Serafínského", "Klášter benediktinek u baziliky sv. Jiří", "Chrám sv. Salvátora", "Velkopřevorský palác", "Lobkowiczký palác, Hradčany", "Nostický palác", "Schönbornský palác"...). Il oeuvra sur St Ignace de 1665 à 1670, puis c'est son constructeur coutumier d'origine bavaroise, "Martin Reiner" (1627-1680), qui prit la suite jusqu'en 1678 (le couvent des franciscains à "Hostinné" près de "Trutnov", l'église Ste Marie de l'annonciation à "Ostrov" près de "Karlovy Vary", le château de "Mníšek pod Brdy" ou encore le cloître des bénédictins près de l'église St Nicolas vieille-ville).
Et pour l'anecdote, le fabuleux peintre "Václav Vavřinec Reiner" était son petit fils, au Martin. Pis n'oublions pas non plus un chouchou des jésuites, l'architecte "Pavel Ignác Bayer" (prélature de l'abbaye de "Plasy", "Dietrichsteinský palác", le palais de l'archevêque à Prague, le Klementinum, St Salvator, St Havel, St "Haštal"...) qui construisit en 1686-87 la tour du fond, au Nord-est, puis en 1697-99 le portique (l'antichambre à colonnes) d'entrée.

En 1671 ou 1699 (selon les sources), l'on posa à la cime du tympan une statue de St Ignace de Loyola, qui encore aujourd'hui regarde les énormes bouchons routiers qui se forment à ses pieds. Notez la mandorle qui évoque le rayonnement lumineux de son corps de gloire, ce qui est pour le moins exceptionnel car cet attribut (mandorle) était autrefois exclusivement réservé au Christ (accessoirement à la vierge, tous 2 ressuscités).
La mandorle dans l'iconographie byzantine représentait la transfiguration, l'essence divine, symbolique apparemment native de l'hésychasme des anachorètes (cf. la philocalie des Pères neptiques et les apophtegmes des Pères du désert. Attention, c'est particulièrement abscons et totalement illisible en entier sans séquelles mentales). Et on se parle bien de la mandorle dans le cadre de la chrétienté, car icelle était déjà employée dans l'antiquité bien avant l'invention de Jésus Christ. Bref, et donc réservée à Jésus, la mandorle, et la légende raconte que les jésuites obtinrent une dérogation exceptionnelle carrément du pape, pour que leur St Ignace puisse briller comme une ratiche en or dans la bouche d'une vieille tzigane. Sinon cette statue est attribuée à "Tommaso Soldatti" mais sans certitude, d'autant plus qu'il avait un frère qui oeuvra sur St Ignace également, "Antonio Soldatti", que tous les 2 étaient stucateurs, qu'ils étaient issus de l'atelier de la famille "Lurago" (architectes, tailleurs de pierre, stucateurs de père en fils, en neveu, en petits fils...), qu'ils peuvent aussi s'écrire "Soldati", et que je n'ai que très peu d'éléments les concernant. Sur le portique de "Pavel Ignác Bayer" se trouvent d'autres statues de célébrités jésuites, lesquelles sont attribuées à "Antonio Soldatti", mais pareil, sans certitude puisque certaines sources les attribuent à "Matěj Václav Jäckel" (quel bordel).

Alors on rentre dans l'église, hop, et la première chose que l'on aperçoit, c'est la fameuse pancarte défense de photographier. Pour l'anecdote je vous informe que cette chienlit interdictrice s'étend, partout, car l'on s'en revient de la Sérénissime Cité où l'on se ressourça en air iodé, en bouffetance, en spritz en terrasse, en peinture et en vieilles pierres, et justement, cette même chienlit interdictrice se retrouve dans toutes les églises vénitiennes. Je ne me souviens plus si c'était autant la dernière fois, mais très honnêtement il ne me semble pas. Il ne me semble pas que l'on m'emmerdait autant il y 6 ans, lorsque je visitais la fabuleuse Venise plusieurs fois par an. Mais cette fois-ci, sans dec, à cogner d'ssus tellement c'était tout interdit. La dictature de la censure totale, téléphone, glace, sandwich, appareil photo, short, T-shirt, cigarette, chien, pet, rot... Alors pour bien marquer mon hostilité aux interdits du despotisme religieux, je garde systématiquement mon couvre chef sur ma tête. Et lorsqu'un (voire qu'une) imbécile me fait remarquer mon impertinence, alors je réponds en souriant "vous inquiétez pas, c'est pas grave, chuis pas croyant." Succès assuré.
Sans dec, faut pas déconner non plus. N'oublions pas que la religion n'est absolument pas un constituant de la démocratie ni de la république (bien au contraire), et qu'elle est tout juste tolérée afin de plaire à mémé et aux Polacs qui ont grandi avec. Alors s'ils ont l'intention de m'emmerder avec leurs ineptes interdits, j'ai la ferme intention de les emmerder en les outrepassant stupidement. Mon comportement fait hurler ma chérie d'amour qui est respectueuse des règles établies, même lorsqu'elles vont à l'encontre des libertés individuelles, mais moi je suis resté jeune et con (d'ailleurs peut être 90% du dernier pour 10% du premier).

Bref, en pénétrant dans St Ignace... euh... en pénétrant dans l'église St Ignace, qui selon les experts est d'arrangement typiquement jésuitique de style baroco-rococo, vous verrez sur la gauche une chapelle dite Ste Marie de Lourdes avec une statuette de la vierge rappelant son apparition en 1858 (cf. Bernadette Soubirous). Il s'agit d'une oeuvre de "Heřman Kotrba" (connais pas) de 1948 influencée par le roman "La chanson de Bernadette" de "Franz Werfel".
Ensuite vous trouverez 8 chapelles consacrées à St François Xavier (jésuite), St François Borgia (jésuite), St Louis (jésuite pas sûr qu'il s'agisse du roi français, mais plutôt du jésuite Gonzague, Saint Aloysius de...), St Libère, Ste Barbara, Ste Marie chais pas quoi (boulangère? "Marie Pekařská"), aux Sts Patrons de la Bohême, et aux Stes âmes fidèles (véridique, mais chais pas ce que ça veut dire, "kaple všech věrných duší", est-ce l'omnium fidelium defunctorum du 2 novembre?). Elles contiennent des oeuvres d'artistes notoirement renommés comme le peintre "Ignác Raaba", les sculpteurs "Jan Jiří Bendl", "Matěj Václav Jäckel", "Ignác František Platzer", "Richard Jiří Prachner", "Jan Antonín Quittainer" ou "František Ignác Weiss".

Le tableau de l'autel central (mi XVIII ème siècle) date de 1687 (ou 1688, j'ai un doute) et représente l'ascension aux cieux de St Ignace de Loyola (St Ignace de L'au-delà :-) par "Jan Jiří Heinsch"
(1647 - 1712), moins connu que ses contemporains mais tout autant fabuleux malgré qu'il peignit principalement pour le jésuite (j'ai eu le bonheur fin 2006 d'inviter l'exposition des écuries du château de Prague intitulée "Jan Jiří Heinsch, le peintre de la piété baroque", énorme que c'était). D'ailleurs tiens, vous verrez en l'église St Ignace une autre peinture du même peintre Jean-Georges: le déménagement des restes de St Venceslas, qui selon les historiens se serait déroulé le 4 avril 932. Vous vous souvenez, quand je vous avais parlé du plus grand St Patron de la Bohême, le prince "Svatý Václav", alias St Venceslas? Bon, il fut donc assassiné par son frère à "Stará Boleslav", lequel, pris de remords, rapatria la dépouille mortelle sur Prague ("Hic corpus sancti Wencezlai a sacerdotibus excipitur de sepulcro, Hic corpus sancti Wencezlai a sacerdotibus ponitur super vehiculum, ut duceretur Pragam") afin de la sanctifier post mortem (j'te dis pas la satisfaction du macchab).
Mais il est une légende véridique (cf. une des nombreuses légendes concernant St Venceslas, "Oriente iam sole", mi-XIII ème siècle) qui raconte que lorsque le convoi funéraire tiré par canassons ("Hic plures equos ducunt ad vehiculum") passa à proximité d'une prison, les dites-bourriques freinèrent des 4 fers, et refusèrent d'avancer (c'est dans la version tchèque). Alors on changea les canassons par des boeufs, mais pareil, ils refusèrent d'avancer (toujours dans une version tchèque-bis). Alors on changea les boeufs par des ânes, mais pareil, ils refusèrent d'avancer (c'est une version tchèque-ter). Alors on changea les ânes par des dromadaires, mais pareil, ils refusèrent d'avancer (ça c'est dans la version arabe). Alors on changea les dromadaires par des esclaves de Guantanamo, mais pareil, ils refusèrent d'avancer (version USA)... bref dans la vraie version latine (et tchèque aussi), soudainement les taulards tombèrent en liquéfaction de béatitude devant la dépouille de St Venceslas ("Hic adoratur corpus sancti Wencezlai, Hic venerunt ad corpus sancti Wencezlai, Hic cadunt super facies suas adorantes corpus sancti Wencezlai, Hic venerunt ultra aquam cum corpore sancti Wencezlai cum dei adiutorio in ictu oculi"), et tout aussi soudainement pareil ils furent libérés de la taule, des chaines, de la CSG... ("Hic captivi liberati sunt ab omnibus vinculis").
Mais plutôt que d'aller se souler la trogne avec des gourgandines galantes, ils ne trouvèrent rien de mieux que d'aller raconter ces conneries-là à tous ceux qui voulaient bien les entendre ("Hic captivi narrant hominibus, qualiter liberavit eos sanctus Wencezlaus"). Du coup, ben ça ne pouvait pas louper, fallait construire une église (rotonde en l'époque) en l'honneur de St Venceslas ("Hic fundatur ecclesia in honore sancti Wencezlai, ubi fuit carcer"), là, sur l'emplacement d'où ça s'était passé. Sans dec, ça vous parle "la grâce présidentielle"? S'il fallait construire une église à chaque fois que... Encore que là, bon, j'avoue que c'est quand même balaise, parce que le président Venceslas était déjà raide et froid lorsqu'il promulgua son amnistie. Sinon faut que je vous dise la suite aussi parce que mort de rire, z'allez voir.

Une fois tout ce chambard retardateur avec les canassons, les boeufs, les ânes... terminé, le corpus Wencezlai put enfin reprendre sa route vers St Guy ("Hic corpus sancti Wencezlai portatur ad ecclesiam sancti Viti").
Une fois sur place (en la cathédrale nostre, enfin église en l'époque), il ne faisait rien d'autre que du miracle à la pelle, le St Venceslas. Du miracle, du libérage, de la baptisation, du rasage gratis... ("Hic sanctus Wencezlaus liberavit paganum a vinculis, Hic paganus baptizatur, Hic quidam paganis venditus et detentus, Hic, qui erat detentus a paganis, sanctus Wencezlaus liberavit") et arrive le moment le plus exquis, parce que c'est fabuleux quand même les textes latins, je cite donc "[...] que tellement de miracles etc... que même de certaines femmes débiles et aveugles se rendaient auprès de la sépulture de St Venceslas" ("Hic quedam mulier debilis et ceca venit ad tumulum sancti Wencezlai"). C'est ENORME, et ça ne s'invente pas! Bon, alors après ce bon coup de rigolade, pourquoi que je vous parle de tout ça moi? Ben parce que cette fameuse rotonde, puis église de St Venceslas qui fut construite des suites de tous ces miracles, se trouvaient sur la place du petit côté ("Malostranské náměstí"). Pendant des années, les archéologues cherchaient l'emplacement du bâtiment à coup de sondes, de fouilles lorsque possibles (travaux de canalisation, etc...) et d'indications historiques, mais rien.
Les seules indications étaient une eau-forte de 1606 par "Filip van den Bosche" représentant un panorama du château de Prague (et un bout d'église recherchée), une autre eau-forte (auteur inconnu) représentant l'invasion de Prague par les primitifs de Passau en 1611 (pareil, un bout de St Venceslas en dépasse), puis 2 dessins de "Roelandt Savery" (alors peintre à la cour de Rudolf II) représentant l'église en arrière plan. Ils savaient en outre que l'église St Venceslas fut construite dès 1628 sur l'emplacement de la rotonde romane, et que le tout avait fait place en 1683 au collège des jésuites ("Profesní dům", aujourd'hui faculté de Math-Phys de l'Université Charles) parce que ces derniers, financièrement soutenus par la noblesse catholique (en particulier par l'autre ordure de "Albrecht z Valdštejna"), proliféraient comme nécrose sur charogne, et que malgré l'attention portée par la mairie au "plus ancien édifice chrétien de la ville", les travaux du nouveau collège finirent par ébranler la vieille pierre de l'église qui dut être démolie
(sans parler de la vingtaine de maisons sur la place, ni de l'église gothique St Nicolas remplacée par l'actuel chef-d'oeuvre baroque, rien de neuf sous le ciel de Prague). Et donc rien de rien de l'église pendant des dizaines d'années de recherche, au point que les concernés (archéologues, historiens...) en arrivèrent à la conclusion que St Venceslas et toutes ses traces furent définitivement anéantis. Pis arriva février 2004, lorsqu'on voulut dégager dans une des salles du rez-de-chaussée de la faculté de Math-Phys une partie du sol alors remblayée afin de niveler le plancher du nouvel édifice du XVII ème siècle. Et là, le vrai miracle s'accomplit: l'on découvrit dans le sous-sol non seulement l'église de 1628, mais carrément la rotonde romane du XII ème siècle (peut-être même plus vieille), dans un état exceptionnel de conservation (en particulier les carreaux en terre cuite).
Je vous ai trouvé un document relatant tout cela. Il est en Tchèque, mais les photos sont en Français, donc jetez y un oeil, c'est fabuleux. Ah oui, je me souviens de ce que je voulais vous dire. Ben ce fameux tableau de "Jan Jiří Heinsch" dans l'église St Ignace représentant tout ce chambard du déménagement de la dépouille de notre saint patron se trouvait originellement dans l'église St Venceslas, et il fut lui-même déménagé en St Ignace lorsque les jésuites démolirent St Venceslas en 1683.

Et juste pour terminer sur ce sujet, le fameux "Profesní dům" des jésuites n'était pas un collège, mais un hôtel de luxe pour les officiers de haut rang de la compagnie (de Jésus). Quant à mes références latines d'au-dessus, elles ne sont pas issues de l'ouvrage "Oriente iam sole" (copie assez introuvable, même en mauvais état chez des antiquaires) mais du "Liber depictus" (i.e. "Krumauer Bildercodex", le codex en images de "Český Krumlov"), une des premières bandes dessinées que ma bonne nourrice nichue eut la sagesse de mettre entre mes mains afin de les occuper (intelligemment selon ses dires) lors de la tétée.

Vers 1770, l'église endura une restauration rococo aussi la majorité du fourniment que vous pouvez encore voir aujourd'hui date de cette époque.
Sur la droite se trouve une autre chapelle datant de 1684-1685. Vous verrez en son centre une copie de 1875 par "Jan Umlauf" de l'original de "Josef Führich" représentant la parabole du fils prodigue. "Jan Umlauf" n'est pas spécialement connu du grand public, d'autant plus que son aire de production était les environs de "Kyšperk" (ville appelée "Letohrad" depuis 1950, mais personne ne sait pourquoi sinon les camarades fumiers con-munistes, région de "Pardubice") où il décéda en 1916, et dans le château de laquelle ville sont aujourd'hui concentrées la plupart de ses oeuvres laïques. On lui doit quelques 400 portraits de notables, 300 tableaux de retables dans une centaine d'églises, et une vingtaine de chemins de croix, sans compter la bonne soixantaine de peintures dans le cloître de "Svatá Hora". Ah oui, et pourquoi alors une copie?
Ben chais pas, sans doute que l'original était trop cher à l'achat. Quoi d'autre sinon? Ah si, la chaire est une oeuvre de "Richard Jiří Prachner", pis c'est tout pour l'intérieur.

Sinon la tour, enfin le clocher (puisque je vous ai parlé de clocher et de cloche dans la précédente publie), mesure 50m de haut. En dehors de ressembler à n'importe quelle clocher, celui-là n'a rien de particulier sinon que sa localisation latérale peut laisser supposer qu'il aurait dû avoir un jumeau (cf. clocher central et latéral). En son temps, il y avait là 2 cloches du fameux saintier, fondeur, et mouleur de canon (véridique) "Mikuláš Löw (z Löwenberku)" (de son vrai nom "Jan Michal Mikuláš Löw von Löwenberg"), mais comme ses 2 statues du pont Charles, elles ont dû finir en bouillie à canon lors d'une guerre.
Hein? Lesquelles 2 statues du pont Charles? Ben celle du calvaire, vous vous souvenez, je vous en avais parlé lorsqu'il fut vandalisé en 2007. Bon alors en 1657, le fabuleux peintre "Karel Škréta" en personne se rendit à Dresde afin d'appréciévaluer le corps du Christ (alors à vendre) de l'atelier de fonderie des frères "Hillinger". Cool, il était beau comme un Jésus, robuste comme un bronze, cadrait bien sur sa croix et ferait certainement très beau sur le pont Charles d'où qu'il devait figurer. Du coup notre Charles ("Škréta") s'en alla convaincre son pote Nicolas d'aller négocier l'oeuvre d'art, parce qu'il parlait mieux l'Allemand que lui (la famille "Löw" provenait des environs de Nuremberg, ils déménagèrent à Prague en 1640 lorsqu'ils découvrirent à quel point le niveau de vie ici est supérieur à celui de la Bavière), qu'entre collègues de profession ils s'entendraient sûrement mieux qu'entre fondeur et peintre, et que si jamais Nicolas lui rendait ce service, il aurait droit à la postérité sur le pont Charles.
Du coup quelques jours plus tard seulement, "Mikuláš Löw (z Löwenberku)" s'en prenait l'avion pour la Saxe afin de récupérer le précieux et lourd coli. Et non seulement Nicolas rapatria l'oeuvre en bronze sans rayer la peinture, mais de surcroît il réussit à négocier le faisage gratis des p'tits trous dans les mains et dans les pieds destinés à fixer proprement le nazaréen sur son cadre en bois. Aussi comme promis, Charles laissa "Mikuláš Löw (z Löwenberku)" mouler-couler-coller 2 statues de sa composition aux côtés du crucifix. Jan et Marie en bronze furent posées (statues) là en 1666, et y restèrent jusqu'en 1861 lorsqu'elles furent remplacées par Jean et Marie en pierre d'auteur "Emanuel Max".
Et comme les cloches de St Ignace, Jean et Marie en bronze de "Mikuláš Löw (z Löwenberku)" disparurent sans qu'on ne sache où. Pour l'anecdote, et à force de peser sur sa croix, le Jésus en bronze finit par se croûter dans la "Vltava" en 1707 (ça tombait bien, il était déjà en habit de bain). D'aucuns mirent cet incident sur le compte des p'tits trous négociés gratuitement (et donc mal faits) par le pauv' saintier Nicolas, et ces mêmes d'aucuns expliquèrent ainsi le remplacement des statues en 1861, genre vengeance mesquine. Quoi qu'il en soit, il en coûta fortune en scaphandrier afin d'aller récupérer le crucifié-noyé dans le fond du fleuve, mais ce n'était plus l'affaire du saintier, décédé depuis plus de 25 ans.

Sinon pour une fois, ce n'est pas Joseph II et ses réformes qui mirent fin à l'activité de l'église, mais le pape Clément XIV qui en 1773 dissolut la Compagnie de Jésus (notez que les verbes dissoudre comme absoudre n'ont officiellement pas de passé simple, tracasserie qu'officieusement je résolus puisque ce dernier en a un, de passé simple, le verbe résoudre, mais pas dissoudre).
L'église fut alors fermée, quant au colossal collège attenant, il fut livré à l'armée qui le repeignit en hôpital (militaire). Et comme de l'hôpital au cimetière il n'y a qu'un pas, et qu'avant de franchir ce pas d'aucun souhaite passer par l'église, l'on rouvrit St Ignace pour les besoins religieux des mourants. En 1814, pissette... Pie VII rétablit la Compagnie de Jésus, mais compte tenu de la déplorable réputation dont jouissaient ses membres en terres de Bohême (cf. la recatholisation forcée, à sec avec du sable), il fallut attendre 1853 avant d'apercevoir le premier jésuite version 2.0 en notre pays. En 1866 l'ordre récupéra cependant son église St Ignace, mais en 1950 il fut à nouveau chassé, cette fois par la chienlit con-muniste. Le collège attenant resta aux mains des militaires jusqu'en 1938, lorsqu'ensuite il devint un hôpital civil classique, fonction qu'il occupe toujours aujourd'hui en temps qu'hôpital universitaire. Vers la fin de la seconde guerre mondiale, et à l'instar d'Emmaüs, de la maison de Faust, et quelques autres édifices voisins (mais notre église), notre collège essuya d'importants dommages lors du bombardement erroné de Prague par ces bougres d'andouilloutratlantiques (cf. une précédente publie).
Mais fort heureusement, cela ne devrait plus arriver, jamais, car si tout va mal, notre petite République accueillera prochainement un radar zétazunien destiné à défendre la paix dans le monde et protéger Prague des bombardements voulus comme par erreur. Youpi, dansons la carioca... In fine, l'église St Ignace fut rendue aux jésuites en 1991 selon une source, bien que je ne sois pas du tout sûr de la propriété. Ce qui est par contre avéré, c'est que ces derniers en jouissent, et exercent toujours en ce lieu leurs activités évangéliquéducatives. Pour visiter, notez les horaires d'ouverture de la messe et suivez votre gépéesse: 50°4'31.636"N, 14°25'16.714"E.

Commentaires

clémentine a dit…
Bonjour,
je cherchais justement qui était Jan Umlauf.
Merci pour ce beau reportage de St Ignace. c'est la première église où je suis entrée dans Prague. C'était l'an passé très tot vers 6H, je pense que c'était la nuit des églises.
Je l'ai trouvée magnifique, j'ai fait des montagnes de photos car je ne connaissais pas encore Prague et trop peu l'art baroque.
Ce rose est "étrange" mais j'ai été conquise.
Je vais souvent y revenir, tout comme là.
Strogoff a dit…
Bonjour Clémentine, la nuit des églises est le meilleurs moment pour visiter et photographier, car dans la plupart des cas on ne peut ni l'un, ni l'autre. Par contre faut faire abstraction du monde, parce que généralement c'est plein comme un oeuf (puisque généralement on ne peut ni visiter ni photographier). Ceci-dit 6h, c'est tôt, mais lorsqu'on est à Prague pour peu de temps, je comprends qu'on souhaite en profiter au maximum.

Rose "étrange"? C'est une des couleurs baroques par excellence, imitation marbre (rose), couleur chaude, pastel, utilisée sur de nombreux édifices à l'extérieure (St Jean Népomucène à Kutná Hora, la Montagne Sainte à Příbram) comme à l'intérieur (l'abbaye d'Ettal en Bavière). Ben si tu y reviens, n'oublie pas de visiter les autres églises, nombreuses valent la peine également, sinon encore plus.

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