Ailleurs: La prodigieuse abbaye de Plasy

Et pourtant j'en ai vu du monastère et de l'abbaye ces derniers temps, et pourtant je me suis déjà extasié devant la beauté, la splendeur, le génie artistique comme architectural des titans qui ont conçu puis construit ça, eh bien malgré que tout ça pourtant, ben après avoir visité l'abbaye de "Plasy", je me suis rendu compte que je n'avais rien vu.
C'est purement dingue avec ces édifices-là, c'est que même après en avoir vu 1, 2 puis 3 et même 10, 20, puis 50 ben le 51 ème vous laissera à nouveau perclus sans voix le cul à terre, enfin moi tout au moins ça me le fait comme ça. Et pourtant chuis pas du genre à m'étonner d'un rien, je vis dans un pays où 15% de la population vote con-muniste non reformé, 35% vote rose quand le gouvernement est bleu (et vice versa), et 50% se barre à la pêche lors des élections pour pouvoir vomir sereinement au bistrot sur la politique, la conscience tranquille de ne pas avoir contribué au bordel dans lequel ils se trouvent tous. Pour vous dire à quel point je ne m'étonne plus de rien, genre. Ben là, si. Je fus littéralement sidérationné par la taille de l'abbaye, par la technique mise en oeuvre dans la construction et sidérationné dans le bouleversement à la vue de l'état épouvantable dans lequel se trouve ce fantastique édifice. A pleurer, sans dec! L'abbaye se trouve donc à 25 km au Nord de "Plzeň", soit seulement 30 minutes au nord de l'autoroute qui vous mène à Prague si vous roulez vers notre capital de l'Ouest (genre c'est vraiment à côté si vous venez en voiture, alors n'ignorez pas "Plasy", allez-y).
Lorsqu'on visita l'abbaye la première fois avec ma chérie d'amour, lors du circuit classique, nous fumes tellement envoutés que nous décidâmes d'y retourner pour la visite du circuit inhabituel, qui lui n'a lieu qu'un seul et unique week-end par an, et qui mérite vraiment d'être stabilobossé en première page de vos agendas. Mais bon, commençons par le début, tiens, que je vous raconte comment c'est.

La première date importante est 1144, puisqu'il s'agit de la date de fondation de l'abbaye. L'original de l'édit n'existe plus, mais l'on retrouve le texte dans les actes pourris du "Codex diplomaticus et epistolaris regni Bohemiae" (cf. l'abbaye de Broumov) en date de 1146: "Vladislaus I, rex Bohemiae, monasterio ordinis Cisterciensis in Plasy [...]"
Et déjà rien que là me direz-vous, le premier collégien peut se rendre compte de la boulette, puisque "Vladislaus I" est mort en 1125. Eh oui, mais non, c'est pas si simple, la boulette vient d'ailleurs. Oui le prince "Vladislav I", père du prince "Vladislav II", est mort en 1125, mais son fils, le prince "Vladislav II" est devenu roi de Bohême en 1158 sous le pseudo de "Vladislav I" ("Vladislaus I, rex Bohemiae") par la grâce de l'empereur du St empire romain germanique Frédéric Barberousse, après que notre bon prince eut aidé ce dernier (Frédo) à mornifler les Ritals du nord (Milan). Or comment donc expliquer qu'un texte soit disant conforme (sinon original) du 5 août 1144 puisse commencer par "Vladislaus I, rex Bohemiae" puisqu'en cette époque, 14 ans plus tôt, on ne parlait que de "Wladezlay regis secundi Bohemorum", donc comment expliquer cela sinon que le texte fut "adapté" à posteriori? Bref, le prince "Vladislav II" (et sa femme Gertrude) fonda l'abbaye de "Plasy", et d'entrée de jeu il lui accorda une attention toute particulière.
L'objectif du souverain était clair dès le début. En implantant une abbaye en cette région, il souhaitait peupler (civiliser?) le coin peu habité, affirmer sa présence princière aux confins de son royaume, et faire un contrepoids (religieux) envers les vassaux tout (trop?) puissants vivant là. Le prince choisit alors d'y implanter l'ordre des cisterciens, et sélectionna un emplacement géographique qui conviendrait parfaitement à leur mode de vie (cistercien = espèce endémique): près d'une rivière, dans un vallon, et (assez) loin d'une ville. Alors pourquoi justement les cisterciens me demanderez-vous? D'abord parce qu'ils coûtaient moins cher à l'achat puisque peu connus à l'époque (l'ordre fut fondé en toute fin du XI ème siècle), et parce qu'ils étaient laborieux (manuellement, travaillaient surtout la terre). Je ne vais pas vous parler de l'ordre des cisterciens, parce que c'est très bien documenté dans Wiki et dans ça aussi, mais notez qu'ils sont d'AOC française. Par contre la légende de l'origine de l'abbaye mérite un paragraphe, tellement elle est cucul-gnangnan-bébête-trouduc.
Elle date du temps baroque, lorsque quelqu'un (les moines?) se sentit le besoin d'inventer une légende sur la genèse de "Plasy", parce que le simple fait d'exister n'était pas suffisant. Il était une fois le roi "Vladislav" qui s'endormit sous un tilleul (alors déjà ça commence mal, parce qu'on sait qu'il n'était pas roi en cette époque). Et il fit un rêve, genre qu'il entendit chanter des moines dans le val (et comment qu'il savait que c'était des moines, y a pas que les moines qui chantent dans les vaux?). Alors il s'approcha et vit des bougres habillés en soutane blanche qu'il ne connaissait pas (ah, ben voilà, je savais bien). Alors il leur demanda qu'est-ce que c'est de qui c'est quoi pour. Et lorsqu'ils lui expliquèrent qu'ils étaient cisterciens, "Vladislav" décida de leur construire une abbaye, là, dans le val de "Plasy". Inutile d'analyser plus en détail...

Lors de la cérémonie de baptême, "Vladislav II" offrit 4 hameaux à l'abbaye afin que les moines puissent commencer à traire le gueux ("Kaznějov, Vrážné, Sechutice et Nebřeziny"). Mais comme la dot était curieusement bien maigre, l'évêque de Prague lui-même fit un geste et rajouta 1 bled de sa poche (cliquez ici pour les détails).
Dès 1145, 9 moines de l'abbaye cistercienne de "Langheim" (aujourd'hui ville de "Lichtenfels", près de "Bamberg", Haute-Franconie, Allemagne) s'installèrent à "Plasy", et se mirent au travail sous la direction du premier abbé Konrad (Conradius I, qui décéda sans doute la même année des suites de circonstances inconnues). Ils construisirent ainsi d'abord le "provisorium", cahutes en bois provisoires permettant de passer l'hiver à l'abri des bêtes sauvages, et vers 1154, ils mirent en chantier le premier édifice en pierre, l'église Ste Marie de l'assomption, sous l'impulsion du second abbé Yvo (également élevé au grain à l'abbaye de "Langheim"). Parenthèse. La vierge Marie est un personnage fondamental chez les cisterciens, aussi vous en retrouverez au kilomètre dans les noms d'abbayes, dans leur liturgie, dans leur pain quotidien... sauf dans leur lit, c'est interdit (lecture: "La Vierge dans la tradition cistercienne, Jean Longère, prêtre de Saint Sulpice et directeur de recherches au horaires du CNRS").
L'arrivée des moines dans la région fut une grande attraction pour tous, et afin de s'attirer les bonnes grâces des curaillons, les seigneurs, les bourgeois, les dévots, et même les démunis commencèrent à donner. Ainsi le prince "Soběslav II" offrit en 1175 à l'abbaye 2 domaines terriens (sans grande importance cependant), le prince "Bedřich" leur échangea 2 petits hameaux éloignés contre un grand à proximité (parce que ça l'arrangeait aussi), les cisterciens eux même achetèrent des bourgs, des terres, des bois, des veaux, vaches, cochons et même une parcelle à proximité de Prague se disant qu'avec le temps, ça prendrait bien de la valeur. Ainsi en 1250, on pouvait compter quelques 50 bourgs, hameaux, villages, 2 villes, et 11 domaines ruraux (appelés granges) comme propriétés de l'abbaye dans les proches environs (référence: confirmation de propriété par bulle papale d'Innocent IV en date du 19 novembre 1250). En fait, outre les taxes payées par les assujettis, les moines tiraient également profits des terres (granges) qu'ils cultivaient et administraient (avec talent), et rapidement, ils purent se permettre de remplacer les cahutes en bois par de la bonne pierre. Parmi leurs grands succès économiques, mentionnons la spécialisation (rationalisation) agricole.
C'est à dire que chaque succursale, domaine, exploitation, ferme... se spécialisait dans un secteur d'activité concentrant tous ses efforts sur son coeur de métier. L'un faisait la vache, l'autre faisait le cochon, un tel faisait l'oeuf, un autre le blé, autrui cueillait, d'aucun tondait, etc... Et ça rapportait bezef de pognon, tiens, regardez la PAC aujourd'hui, z'ont rien inventé les technocrates bruxellois: les Pays-Bas produisent des tomates vertes sans goûts, l'Espagne des fraises identiques, chaipaqui fait l'aubergine, la patate, le blé, le concombre phallique droit standard, quant à la France, elle touche les plus grosses subventions afin de ne pas produire. Et ça rapporte bezef de pognon. En 1204, ils terminèrent donc l'église romane (commencée vers 1154) qu'ils firent inaugurer par l'évêque d'"Olomouc" (quelque chose comme "Karel Gott" en l'époque), puis ils terminèrent leur cloître, puis ils mirent en route (en pierre) un hôpital, puis des édifices agricoles, et devinrent l'une des plus solides abbayes du royaume, financièrement comme foncièrement, avec quelques 8 succursales-abbayes administrées par la maison mère de "Plasy" (5 sous-abbayes pour mâles, et 3 sous-abbayes pour femelles).
Evidemment, tout ce joli monde était comme cul et chemise avec le pouvoir. Tiens, pour vous dire, lorsqu'en 1216, l'évêque "Ondřej" s'en alla à Rome se plaindre auprès du pape que "Přemysl Otakar I" tracassait l'église, qu'il arnaquait l'évêque sur la dîme et qu'il lui barbotait des bonbons dans sa soutane, de quel côté croyez-vous que pencha l'abbé Albert de "Plasy"? Ben du côté royal, eh ouais. Du coup, nombreuses exemptions et multiples privilèges submergèrent l'abbaye. Puis le fils à "Otakar I", durant son règne, le roi "Václav I". Il venait souvent poser ses valises en l'abbaye afin de respirer l'air frais de la campagne. Et pour remercier les cisterciens de l'accueil et de la bonne bouffe, il les libéra du devoir d'hospitalité (ce devoir incombait à tout roturier, d'offrir asile et couvert à la noblesse). Mieux, "Václav I" leur emprunta même du pognon. Les archives mentionnent une dette royale de 200 grivnas (cf. une précédente publie pour les détails de "grivna") envers l'abbaye que le roi compensa par le don du domaine de "Žihelsko" (cf. "Žihle" au Nord de "Plasy").
Ensuite son fils, "Přemysl Otakar II" pareil, les archives mentionnent une partie de boules avec les abbés "Jindřich II" en 1257 (5 à 13 pour le roi) puis avec "Gerhard" en 1263. Ou encore en 1310, l'abbé Jean 1er fut co-chargé d'organiser le méchoui d'accueil du roi Jean de Luxembourg sur le trône de Bohême. Qui croyez-vous qu'on envoya en Chine pour acheter les pétards? Pour vous dire comme elle était importante l'abbaye de "Plasy". Sauf que comme toujours, ben y a rien qui dure, et après le succès arriva (d'ailleurs rapidement) la déchéance.

Dès la seconde moitié du XIV ème siècle, l'économie de notre abbaye commença à flancher, et au début du XV ème siècle, "Plasy" était au bord du dépôt de bilan. En fait, les moines cessèrent d'appliquer à la lettre les règles de l'ordre cistercien (cf. St Benoît de Nursie, "Ora et Labora", soit "travaille et tais-toi, faignant") pour devenir petit à petit rentiers féodaux vivant de la location de leurs terres. Et tandis qu'un siècle auparavant le système économique cistercien fonctionnait sur le principe des granges agricoles, ben au XIV ème siècle, les moines prirent le statut de rentiers, bailleurs, usuriers en attente de retour sur investissement.
Or quand on sait que le gueux est de nature faignante, qu'il rechigne à payer l'impôt et qu'il carambouille le montant de ses récoltes comme de ses revenus, ben point n'est surprise que la situation financière de l'abbaye chuta dans le rouge. Pire, devant les difficultés, les moines mettaient en gage leurs terres auprès des métayers, et pour peu que ces terres se trouvaient sur des domaines juridictionnels hors de leur autorité, les impôts et les taxes tombaient dans l'escarcelle d'autrui. Rajoutez à cela un fort relèvement de l'imposition commandé par l'ivrogne "Václav IV" au début du XV ème siècle, et paf, la faillite sonnait à la porte de l'abbaye. Pis comme on dit chez nous, "Čert sere na jednu hromadu" ("le diable chie sur le même tas", genre quand la poisse s'acharne, elle ne fait pas semblant...), aussi même le lien étroit avec la royauté commença à battre de l'aile. D'abord lorsqu'en 1292, le roi "Václav II" signa l'édit de mise en chantier de l'abbaye de "Zbraslav" sous l'appellation "Aula Regia" (cours/enceinte royale) afin d'y faire reposer les dépouilles de la dynastie des Prémyslides.
Ensuite lorsqu'en 1300, le même "Václav II" tourna toute son attention vers l'abbaye de "Sedlec - Kutná Hora" où l'on venait de découvrir de gros gisements d'argent (métal), suite à quoi il publia sa fameuse "Ius regale montanorum" (i.e. "Constitutiones iuris metallici", le "droit royale d'exploitation de la montagne") donnant naissance au gros de Prague, apportant fortune et pouvoir... enfin c'est une autre histoire, mais du coup "Plasy", c'était vraiment pas son souci. L'un des problèmes financiers venait du fait que les cisterciens avaient interdiction de vendre leurs terres, et donc de récupérer du cash-flow qui leur faisait défaut. Aussi en 1313, le comptable de "Plasy" Jean se rendit à la curie de Prague son livre de comptes sous le bras, afin de soumettre doléance d'être exempté de la dîme alors prélevée pour une 10 ème croisade en terre sainte (qui d'ailleurs ne vit jamais le jour, la croisade). A la vue du livre de comptes et du bilan archi-négatif, non seulement la curie exempta l'abbaye de la dîme, mais de surcroît lui autorisa la vente de terrains à hauteur de 1000 sous d'or.
Mais rien n'y fit, la situation financière se détériorait (cf. Bear Stearns, Freddie Mac et Fannie Mae, Lehman Brothers, Merrill Lynch...) Alors en 1376, la curie alla même jusqu'à intégrer les lucratives paroisses de "Kralovice" et de "Ledce" à l'abbaye banqueroutarde, comme le rappelle l'encyclopédie d'Otto. Peine perdue. Même pas la Fed ne voulut point intervenir à "Plasy". Sans argent, sans soutien, de confession catholique en pleine folie "Jan Hus", et paf, les seigneurs hussites du coin s'en prirent aux terres cisterciennes à coup d'occupation illégale et de confiscation: entre 1419 et 1421, les terres de l'abbaye de "Plasy" disparurent de 5/6 ème.

Pis arrivèrent les guerres hussites, et en mars 1421 tout le domaine fut mis à feu par "Jan Žižka" en personne. Les moines non massacrés s'échappèrent là où qu'ils purent, et ne revinrent qu'en 1438 dans une abbaye détruite à 50%. Entre temps, le roi "Zikmund" qui lorgnait sur le trône de Bohême combattait furieusement les hussites, et comme tout le monde sait, l'argent est le nerf de la guerre aussi il mit en gage les terres vides de moines auprès des familles "z Kolovrat", "z Gutštejna", ou encore "ze Švamberka" qui finançaient ainsi les armées zikmundiennes. Pis d'autres terres cisterciennes furent carrément vendues, idem pour les édifices encore debout, bref, tout ce qui avait de la valeur et qui appartenait à l'abbaye de "Plasy" fut le plus illégalement confisqué et refourgué au plus vite afin de financer la guerre. Tiens, les archives de 1431 mentionnent par exemple la vente de la bibliothèque aux abbayes de "Dobrilugk" et de "Marienberg" (dans le Brandebourg, Allemagne).
Dans le courant du XV ème siècle, une fois les guerres hussites terminées, les moines revinrent petit-à-petit à "Plasy", récupérèrent quelques malheureux domaines (sous l'abbé Adam, 1478-1492), mais ils ne vivaient plus dans le luxe d'auparavant. Des quelques 70 bourgs, hameaux et villages appartenant à l'abbaye avant 1421, il n'en restait plus guère que 5, dans lesquels vivotaient de pauv' bougres affamés par les impôts, les hostilités et la misère ambiante. Au XVI ème siècle, l'abbaye était soumise à une forte imposition, et les terres comme les villages qui leur furent restitués durent être mis en gages afin de financer le pain quotidien. Les archives mentionnent par exemples qu'en 1543, l'abbé "Bohuslav (Bohuslaus) 1530-1556" mit en gage tous les domaines agricoles de l'abbaye au profit du secrétaire personnel de l'empereur Ferdinand Ier, "Florián Gryspek z Gryspachu", afin de payer les taxes exceptionnelles que le susdit Ferdinand prélevait pour mener sa guerre contre les Turcs (en 1540 les Turcs annexèrent la Hongrie centrale). Bref, les paysans fauchés ne payaient plus ni n'obéissaient plus à l'abbé, les impôts s'acharnaient sur les uns comme sur les autres, rajoutez en cette seconde moitié du XVI ème siècle un peu de peste (humaine comme animale), quelques inondations, et vous comprendrez pourquoi lors du recensement de 1608, l'abbaye de "Plasy" ne comptait plus que 2 moines en tout et pour tout.

Mais autant "le diable chie sur le même tas", qu'il ne peut pas faire que ça, et lorsqu'il s'arrête, l'espoir renaît. Et en l'occurrence, l'espoir de notre abbaye arriva le 23 mai 1618 avec la fameuse défenestration de Prague dans laquelle l'abbaye de "Plasy" joua assez curieusement un rôle non négligeable par l'intermédiaire de son abbé d'alors (avec l'abbé c'est moins drôle qu'avec le maire, le maire d'alors) "Jiří Vašmucius" (i.e. "Wassmutius, Wasmucius"). En effet lors de cette défenestration, les protestants fouturent par la fenêtre les 2 bougres "Vilém Slavata z Chlumu a Košumberka" et "Jaroslav Bořita z Martinic" qui survécurent à leur chute et coururent se faire soigner chez cette bonne dame "Polyxena z Lobkovic" (née "z Pernštejna", vous savez, celle qui fit cadeau aux carmélites du couvent Ste Marie de la victoire de la petite statuette de l'enfant Jésus, le "Il santo bambino di Praga")...
donc se faire soigner chez cette bonne dame "Polyxena z Lobkovic" comme fantastiquement peint par le fabuleusement génial "Václav Brožík": "Polyxena z Lobkovic ochraňuje ve svém domě královské místodržící Slavatu a Martinice, svržené z oken královského hradu v Praze roku 1618". Mais les 2 défenestrés n'en étaient pas quittes pour autant, parce qu'on en voulait à leurs têtes. Aussi le premier resta enfermé chez les "z Lobkovic" pendant presque un an, avant qu'on ne lui permette de partir en cure thermale (1619), d'où il quitta la Bohême pour Passau. Quant au second, il s'enfuit du palais (des "z Lobkovic") seulement quelques jours après la chute pour rejoindre notre abbaye de "Plasy" où justement, le bon abbé "Wassmutius" lui offrit le gîte et le couvert, puis lui fournit même un âne sur le dos duquel "Jaroslav Bořita z Martinic" quitta le pays en direction de Munich déguisé en moine cistercien. Attention, certaines sources polluées ont inversé les rôles, et affirment que ce serait "Vilém" qui trouva refuge en "Plasy".
C'est faux, comme on peut lire dans les nombreuses sources (cf. "Ottova encyklopedie obecných vědomostí", "Plaský klášter a jeho minulý a současný přínos pro kulturní dějiny"...) Mais retour à l'abbé de "Plasy" "Jiří Vašmucius", car il était homme peu ordinaire et de nature aventureuse. Après l'anecdote du fuyard, l'empereur Matthias (alors remplacé à la tête du pays par cette ordure de Ferdinand II) sut qu'il pouvait compter sur l'appui de l'abbé et de son abbaye, et le 19 juin, puis le 13 juillet de cette même année, il écrivit personnellement à "Wassmutius" afin qu'il cesse de payer l'impôt aux Etats (gouvernement provisoire et hussite de la Bohême après la destitution de Matthias en 1617) et qu'il aille rapidement filer un coup de main aux armées de "Plzeň" (Pilsen en Allemand) dans laquelle ville venaient se refugier les catholiques de la région à l'approche des armées hussites du général "Petr Arnošt Mansfeld" envoyées par Prague.
L'abbé s'exécuta. Il envoya prestement ce qu'il lui restait en vivres dans la ville, fit rapidement quelques courses chez "Castro" afin d'approvisionner les catholiques en armes et munitions ("Chez Castro y'a tout ce qu'il faut, outils et matériaux..."), puis à la tête d'un détachement d'une trentaine de pauv' bougres sollicités de-ci de-là, il rejoignit le gouverneur de la place de "Plzeň" en la personne du capitaine "Félix von Dornheim" (cf. "Ernest, Graf zu Mansfeld, Ludwig Ütterodt zu Scharffenberg, p. 159"). Là, il retrouva de nombreux potes comme le prieur de l'abbaye d'"Osek", "Jiří Stein", avec qui il fréquentait le petite séminaire cistercien, ou le sonneur de cloches de la cathédrale St Bartholomé, "Josef Prachař", dont la surdité légendaire n'avait d'égal que son talent pour raconter des blagues salaces. Et après avoir vidé plusieurs chopes de bonne bière de "Plzeň" (la Prazdroj n'existait cependant pas encore), ils prirent ensemble place sur les remparts de la ville en attente du "Mansfeld" à la tête de sa troupe d'hérétiques.
Ces derniers arrivèrent aux portes de la ville le 19 septembre 1618, et furent accueillis au son du canon par les défenseurs catholiques. "Vašmucius" avec ses 2 potes s'en donnait à coeur joie, et pour cause, parce qu'aussi curieux que cela puisse paraître, avant d'être abbé de "Plasy", avant même d'avoir été prieur de l'abbaye de "Zbraslav" (jusqu'en 1616), ben "Jiří Vašmucius" avait été capitaine d'artillerie, eh oui. Et pendant pratiquement 2 mois, les 3 joyeux curaillons faisaient chier de la boule de plomb sur la tête des parpaillots du haut des remparts de "Plzeň" (cf. la bataille de Pilsen pour les détails). A la chute de la ville le 21 novembre, l'abbé fut capturé, condamné à mort, mais l'abbaye paya une rançon prêtée par le préfet de "Plasy", que l'abbé lui remboursa en 1628 sous la forme d'un prêt de 2 domaines agricoles à "Mladotice" et surtout d'une métairie avec droit de débit de bière à "Kralovice". Mais les troupes du "Mansfeld" avaient bien noté l'orientation religieuse comme la verve belliqueuse de l'abbé, et avant de s'en retourner en leurs pénates, les lieutenants du généralissime pillèrent l'abbaye ainsi que les domaines environnants.
Au printemps 1620 ce sont les Hollandais qui mirent à sac ce qui restait de "Plasy", si bien qu'après la bataille de la montagne blanche (8 novembre 1620), lorsque la Bohême exsangue commençait enfin à lécher ses plaies, l'abbé ne put que constater les dégâts assenés au domaine: la plupart des édifices de l'abbaye, le moulin, la brasserie, les greniers se trouvaient dans un état effroyable. Mais l'ancien canonnier était couillu des roupettes, et n'allait pas se laisser abattre pour si peu. D'abord il releva ses manches, sa soutane, mit à terre les ruines gothiques et entama une reconstruction baroque pratiquement "ex nihilo" sur les précédentes fondations. Ensuite, en cela fortement soutenu par le défenestré "Jaroslav Bořita z Martinic", par le bourgmestre de Pilsen, et par tous les autres qu'il avait alors aidés, l'abbé adressa à cette vile gouape de Ferdinand II une demande de restitution des terres, domaines, bourgs, hameaux et villages spoliés avant-guerre. Et lorsque le domaine fut enfin habitable, qu'il fut enfin financièrement renfloué, ce foutu bougre d'abbé "Vašmucius" se mit en tête d'incorporer une nouvelle fournée de novices parmi lesquels se trouvaient ses illustres successeurs comme "Jakub Vrchota z Rosenwertu" et "Kryštof Tengler".
Mais la guerre de 30 ans finit par rattraper l'abbé et son abbaye. D'abord en tout début d'année 1634, lorsque cette immonde fripouille d'Albrecht Wenzel Eusebius de Wallenstein s'établit aux abords de "Plzeň". Il planta les armées impériales sur le domaine de "Plasy", et s'en partit à "Cheb" ("Eger" en Allemand) en février au motif de s'offrir une "p'tite pipe". Il n'en revint jamais, puisqu'il y fut assassiné dans la nuit du 25 février, et "Plasy" dut nourrir à ses frais 2 régiments d'infanterie pendant 6 mois. Puis en 1638, la guerre prenant les vilaines tournures qu'elle prit, en particulier avec l'arrivée massive de troupes suédoises, l'abbé mit le cap une fois de plus sur la ville de "Plzeň" fortifiée, afin de mettre ses bizuts en sureté. Lui non plus n'en revint pas (enfin vivant) puisqu'il décéda de mort naturelle en mai 1639. En 1662, son novice et successeur, l'abbé "Kryštof Tengler", fera rapatrier les reliques du bougre sur l'abbaye de "Plasy" où il repose toujours (me semble-t-il). Et voici, je me suis un peu attardé sur l'abbé "Jiří Vašmucius", mais sans lui, ce que vous voyez aujourd'hui de l'abbaye ne serait sans doute pas...
Attention, non pas qu'il construisit (fit construire) ce que vous voyez, mais qu'il redonna à l'abbaye la grandeur, l'importance et la dimension politique comme financière qu'elle avait des siècles auparavant. D'ailleurs l'historien "Zdeněk Hojda" (des écrits duquel je tiens nombreuses informations) n'hésite pas à parler de l'abbé "...sub quo ut a tristibus ad meliora transeamus fata." (... qui du désespoir en espérance transforma la destinée [traduction personnelle]).

Bien, et maintenant passons au morceau de choix, à la bonne chair architecturale, au fantastiquement splendide domaine que vous pouvez apercevoir aujourd'hui, sur lequel les plus grands génies constamment mentionnés dans mes publies ont talentueusement oeuvrés, domaine qui fut édifié pendant des années sans pourtant avoir jamais été achevé si l'on en juge par rapport aux plans originels. Prenons donc les divers édifices dans l'ordre de leur apparition-reconstruction.

L'église Ste Marie de l'assomption

Donc comme dit précédemment, elle remonte jusqu'à la fin XII ème siècle, et fut détruite aux 2/3 tiers par les hussites. Eh bien malgré la destruction, malgré la reconstruction baroque entreprise entre les années 1661 et 1667 sous l'impulsion de l'abbé "Kryštof Tengler", cette église conserve encore aujourd'hui des traces romanes, au point qu'on parle d'église romanobaroquisée. Tout d'abord la base est romane puisqu'on conserva les fondations comme les murs d'origine, mais l'on la raccourcit cependant d'environ de moitié (pour vous dire la longueur qu'elle devait faire dans les temps romans). Le tympan au-dessus de l'entrée qui fut masqué lors de la réfection baroque est également roman. Par contre la façade fut baroquisée, les voûtes furent baroquisées, la nef fut baroquisée à l'intérieur comme en son abside. Elle fut d'ailleurs tellement baroquisée que les historiens en art baroque s'accordent à dire que ce fut le premier édifice ainsi baroquement stylisé de toute la Bohême occidentale. Mieux, elle aurait même dû être encore plus baroquisée que ça, puisque ce génie de Jean-Blaise Santini avait soumis des plans de baroquisation particulièrement ambitieux: une basilique à 3 coupoles en adéquation avec l'envergure architectonique de toute l'abbaye.
Mais ces plans ne furent jamais mis en chantier à cause des guerres de succession des Habsbourg (y avait plus de pognon). Sinon selon les archives, devant l'entrée devaient se trouver 2 petites chapelles consacrées à St Catherine et à Ste Barbara, ainsi que 2 tours, mais de ces éléments on ne voit plus rien. Et particularité encore, lorsque l'abbaye fut sécularisée (eh oui, encore les fameuses réformes de Joseph II), notre église de l'assomption passa aux mains de la cure (administration paroissiale), et c'est encore aujourd'hui le seul édifice de tout le domaine qui appartient toujours à l'église (institution religieuse), d'ailleurs on y célèbre régulièrement des messes.

Le grenier et l'horloge

Alors de suite, je souhaite spécifier que le grenier dont il s'agit ici est un bâtiment à part entière, et même un splendide bâtiment, bien loin de ce que l'on pourrait concevoir sous le terme de "grenier" ou "grange" qui pour moi sont d'ailleurs parfaitement synonymes
(cf. Le Trésor de la Langue Française: Grenier=bâtiment rural ou partie élevée d'un bâtiment rural où l'on conserve des céréales, du fourrage ou de la paille. Grange=bâtiment clos destiné à abriter les récoltes). Alors avant d'être le grenier agricole que vous voyez aujourd'hui, il y avait exactement là, à cet emplacement, le palais princier des Prémyslides. Le bâtiment originel serait donc du XIII ème siècle, d'avant même 1265 selon les experts. Lorsque les hussites dévastèrent le domaine en 1421, ils laissèrent toutefois debout les chapelles de cet édifice, mais compte tenu des relations tendues qu'entretenait l'abbaye avec le souverain, il ne semblait aucunement indispensable de reconstruire le "domus regia". Cependant en 1685, l'abbé "Ondřej Trojer" trouva 'achement dommage de laisser cet édifice dans cet état, aussi il fit venir l'un des plus grands architectes de l'époque, recommandé par le mécène, amateur d'art et archevêque de Prague "Jan Bedřich z Valdštejna" en personne, afin qu'il soumette quelques idées de possibilité de qu'est-ce qu'on pourrait bien en faire.
Et l'architecte archiépiscopal Jean-Baptiste Mathey se mit au boulot, et faramineusement bien, parce qu'il considéra le projet d'un point de vue global de son ensemble. Il soumit en fait des idées de possibilité non pas seulement sur le grenier, mais sur tout le domaine, il soumit un plan d'ensemble avec les divers bâtiments et leur possible apparence. Mais j'y reviendrai. Concernant notre grenier, Jean-Baptiste proposa de conserver les chapelles (en hauteur, dernier vestige gothique du domaine), et d'accoler des 2 côtés les bâtiments agricoles. De l'extérieur, vous ne pouvez pas louper cette partie gothique. Si vous regardez le bâtiment à partir de la route, alors au milieu se trouve comme une colonne pentagonale à 2 rangées superposées de fenêtres étroites en ogives typiquement gothiques contrastant avec les petites fenêtres rectangulaires baroques sur 3 rangées. A l'intérieur de cet édifice à 3 étages se trouve donc une 1 chapelle (gothique) consacrée au St patron de la Bohême, St Venceslas, et au-dessus, reliée par un escalier dans l'épaisseur du mur, une autre chapelle (gothique aussi) consacrée à la femme de Mr Christ, Ste Marie Madeleine. La chapelle du bas ne se visite malheureusement pas (problème d'humidité) mais elle contiendrait 2 fresques de vers 1280 représentant l'une St Venceslas, l'autre St Guy (énorme que j'vous dis cette abbaye qu'elle est).
Pis Jean-Baptiste coiffa l'édifice d'une tour accessible par plus de 100 marches d'escalier, au sommet de laquelle se trouve une horloge toujours en fonction (j'y reviendrai). Ce bâtiment est aujourd'hui considéré comme le plus ancien édifice agricole cistercien en Bohême, et selon d'aucun même au monde hors France. Et signalons encore que la double chapelle de notre grenier a été conçue sur le modèle de la Sainte Chapelle parisienne, construite entre 1242 et 1248 sous St Louis, chef d'oeuvre gothique qui dut en son temps en imposer gravement aux cisterciens pour qu'ils en fasse une copie.

L'horloge au sommet de la tour du grenier est également exceptionnelle. Son mécanisme date de 1686 et ne contient pas une seule vis. Tout ce fourbi tient ensemble grâce à des cales, des joins, des goupilles, de la colle et du scotch... et fonctionne avec des tirants, des poids, des engrenages... et des marteaux qui cognent sur 3 cymbales afin de sonner les quarts d'heures comme les heures entières. L'horloge donne l'heure sur 4 cadrans cardinaux (autour de la tour) et doit être remontée journellement à la main
(tandis que la tour doit être remontée journellement à pied), charge qui incombe depuis plus de 25 ans à un habitant du hameau grâce auquel la tourhorloge sonne toutes les 15 minutes de jour comme de nuit au grand dam des proches riverains de l'abbaye. Et ça se visite. C'est même un circuit différent du reste de l'abbaye, alors prévoyez suffisamment de temps lorsque vous y irez, parce que vous devez absolument y aller. Le grenier est sans aucun doute le bâtiment le plus dévasté du domaine. C'est effroyable! Et comme il n'y a pas vraiment de pognon à la pelle pour entretenir tout le domaine, on ne se parle de fait même pas de restauration. Les boules!

Le palais à Bacial dit "prélature"

Alors là je tombe sur une coquille dure, parce que le terme de "prélature" en Français désigne une dignité, une charge ecclésiastique (si par exemple le prélat est un évêque, sa prélature est le diocèse) alors qu'en Tchèque il s'agit (à tort) de la résidence (généralement luxueuse) du prélat (abbé, évêque, archevêque...).
Aussi malgré que l'aumônerie puisse être la résidence de l'aumônier, ben la prélature n'est pas la résidence du prélat comme l'abbaye n'est pas la résidence de l'abbé (même s'il y réside), ni même le presbytère n'est pas la résidence du presbyte (mais du curé). C'est compliqué... la religion. Sauf que chais pas comment qu'on dit, alors je vais utiliser le terme de "palais abbatial" parce qu'au moins comme ça, je ne risque pas de dire une couillonnerie. Le bâtiment se trouve au Nord du domaine, et forme comme un L à 2 étages. En cet emplacement se trouvait le palais abbatial originel, mais il fut détruit compte tenu de son état de ruine. Pareil, le nouveau palais fut commencé sous l'abbé "Ondřej Trojer", et c'est également Jean-Baptiste Mathey qui s'y colla, mais au début seulement, parce qu'il quitta la Bohême en 1695 et décéda l'année suivante à Paris. Ce génial architecte fut donc remplacé par un génial architecte (remarquez comme les moines n'y perdirent pas au change) en la personne de "Pavel Ignác Bayer" (sa marque se retrouve sur "Arcibiskupský palác", "Břevnovský klášter", "Klementinum", "zámek Ohrada u Hluboké nad Vltavou" et nombreuses églises praguoises).
Ce dernier termina le chantier en 1698, mais l'aspect initial initié par Jean-Baptiste fut légèrement modifié (notez la partie centrale surélevée et en saillie par rapport au reste de l'édifice). La grande salle intérieure ainsi que les escaliers d'accès sont richement décorés de stucatures et de fresques de "Jan Kryštof Liška" dont vous retrouverez les oeuvres dans les plus grandes galeries de Prague comme le palais Schwarzenberg ou la "Strahovská obrazárna". Et cette richesse, cet espace, cette représentativité firent justement qu'au XIX ème siècle, l'autre andouille de Metternich (je vous en parlerai plus loin) s'installa dans ce bâtiment qu'on finit par appeler "palais".
Aujourd'hui on utilise ce bâtiment (en particulier la grande salle d'honneur) pour des concerts, des bals, des remises de diplômes, des élections de Miss-Pâté, mais également pour y loger les employés de l'administration du domaine.

Le cloître

Donc à nouveau un bout de définition s'impose. Par "cloître" j'entends ici "dont les bâtiments entourent complètement une cour", c'est à dire le lieu de résidence et de vie des moines de notre abbaye. Comme déjà dit, cet édifice unique fut reconstruit en 1628 sous l'abbé "Vašmucius" mais de ça, il ne reste plus rien. Ce que vous voyez aujourd'hui est d'instigation "Evžen Jan Jindřich Tyttl", i.e. "Eugenius" qui fut abbé à "Plasy" entre 1699 et 1738, et de réalisation "Jan Blažej Santini-Aichel" que je ne vous présente plus, tellement je vous en ai déjà parlé, et tellement il est vain d'essayer de décrire son talent, son ingéniosité par de simples mots.
Cet architecte était un démiurge de la construction, un monstre sacré de créativité et un titan artistique comme il en exista peu, z'allez voir. Vous vous souvenez que les cisterciens étaient à l'agriculture ce que la femme est à la lessive :-) et donc pour faire turbiner leurs champs, leurs cultures, ils s'étaient installés dans la cuvette de "Plasy", près de la rivière "Sřela" qui délimite le domaine abbatial au Sud et à l'Ouest. Et déjà au moyen-âge, ils avaient creusé un canal artificiel pour faire venir l'eau jusqu'à l'intérieur du domaine afin de faire tourner leur moulin à scie. Mais justement, cet endroit était humide, marécageux, et pas vraiment propice à la construction (notez que par rapport au cloître, les autres édifices sont posés à plusieurs mètres plus haut). Ben Jean-Blaise réussit à construire en cet endroit, sur ce marécage instable, le chef-d'oeuvre que vous pouvez voir. Tout d'abord, il enfonça 5100 pilots de chênes dans le sol (cf. Venise). Sur ces pilots, il posa une armature de 500 poutres longitudinales et 1200 latitudinales formant une espèce de caillebotis, sur lequel il construisit ensuite l'édifice.
Et attention, afin que toute cette fondation en bois ne pourrisse pas, il l'inonda d'eau en dérivant vers ce point diverses sources, et cette eau constamment en contact avec le bois empêche l'air de putréfier les pilots comme le caillebotis, qui aujourd'hui sont pratiquement pétrifiés. Ensuite sur le caillebotis, Jean-Blaise posa des fondations en pierre, sur la pierre des couches d'ardoise, et seulement sur cette couche d'ardoise il commença à construire le cloître (à quelques 3 m au-dessus de la base en bois). C'est absolument génial, totalement hermétique à l'humidité, mais extrêmement complexe à l'entretien, ben tiens, parce que tout ce système repose sur la nécessité vitale de maintenir ad vitam aeternam un niveau d'eau propre constant dans les fondations sans quoi tout s'effondre. A cet effet, vous verrez à l'intérieur même du cloître 2 bassins d'eau (appelés miroirs) qui permettent de contrôler et réguler le niveau d'eau en dessous de l'édifice. Le moindre changement dans l'un ou l'autre sens pourrait s'avérer fatal. Si l'eau disparait, l'air pénètre dans les fondations, pourrit le bois et tout s'effondre. Si l'eau déborde, elle dépasse la couche d'ardoise imperméabilisante, pénètre dans les murs et tout s'effondre aussi.
D'ailleurs pour bien informer les générations futures de ce fait, vous pouvez lire dans le miroir bleu (au Nord-Ouest) l'inscription "aeDIfICIUM hoC sIne aqUIs rUet" (sans eau cet édifice s'écroule). Et si vous vous souvenez de ce qu'est un chronogramme, alors vous pouvez calculer l'année 1720 qui correspond à chais pas quoi, parce que cet édifice fut construit entre 1711 et 1740. Aujourd'hui, et selon les divers guides qui nous firent faire les différents circuits, le niveau de l'eau se mesure tous les jours plusieurs fois (par jour), mais dans le passé, on est passé plusieurs fois près de la catastrophe (j'y reviendrai plus loin).

La colonne vertébrale de ce système aquatique est la galerie royale ("Královská štola") qui assure un renouvellement constant de l'eau, mais également permet d'évacuer le trop plein. Cette galerie qui ressemble à un égout passe sous tout l'édifice.
Elle est longue de 220 m, haute de 1,7 à 2,2 m, large de 4 m et fut originellement creusée par les moines pour les besoins du moulin, vous vous souvenez? Jean-Blaise utilisa ainsi fort ingénieusement les efforts du passé, et les adapta encore plus ingénieusement aux besoins du présent. L'un des plus remarquables exemples de modernité sont les chiottes. Imaginez qu'il y a 250 ans, alors que la plupart de l'humanité faisait dans le trou percé d'une planche horizontale posée à même une simple fosse creusée dans la terre au fond du jardin (et encore dans le meilleur des cas), ben nos moines cisterciens vidaient leurs boyaux dans un véritable tout-à-l'égout. En effet, Jean-Blaise avait inventé de vrais chiottes juste au-dessus de la galerie royale, avec cabines séparées pour la grande, comme pour la petite commission. Lorsque vous visiterez l'abbaye de "Plasy" (parce que vous ne pouvez pas ne pas la visiter), eh bien lorsque vous regarderez dans le fond du trou de la planche, vous verrez sous quelques 7 m en dessous de vous couler la rivière dans la galerie royale. Et pour l'urine, il avait également inventé de formidables petits entonnoirs en étains à pente douce, dans lesquels l'ensoutané introduisait son membre (sans contact cependant) et laissait naturellement couler son jus le long de ce remarquable ustensile fort adroitement charpenté.
Eh oui, il y a 250 ans, les moines pouvaient pisser sans la moindre éclaboussure sur leurs sandales, contrairement aux stupides pissoirs actuels dont 90% de la population (masculine) fait mauvais usage en dirigeant le jet contre la paroi verticale et en forçant le débit par une contraction fessière éclaboussant ainsi joyeusement non seulement sa propre (conséquemment sale) personne mais également ses voisins de gauche comme de droite. Luxe: dans chacune des cabines, le génie avait aménagé de petites niches permettant d'y faire reposer le bougeoir lors des activités nocturnes, et un système d'aération extrêmement sophistiqué permettait d'évacuer les exhalaisons pestilentielles. Mais tout cet avant-gardiste fourbi avait cependant un manifeste inconvénient (bien que pas pour nos cisterciens): le complexe de l'abbaye se trouve en amont du village, ce qui devait occasionner bien du bonheur auprès des lavandières en aval, lorsque le taux d'occupation de l'abbaye était au maximum.

Comme-dit, le principe génial de tout ce système reposait sur un entretien constant, mais également sur la qualité de l'eau.
Il était impensable qu'elle stagne, aussi sur le principe de la pression d'eau (vases communicants), Santini avait conçu tout un arsenal de tuyaux, trous, galeries qui alimentait en eau propre les fondations en bois, partout sous toute la surface de l'édifice, et la pression d'eau propre arrivant d'en haut, chassait l'eau vétuste en bas vers la galerie royale, laquelle l'évacuait dans la rivière, exactement sous le pont de la route (c'est toujours visible). Maintenant l'eau se devait également d'être propre afin de ne pas contaminer le bois avec des algues, des poils et des bouteilles en plastoc. Aussi les tuyaux qui amenaient l'eau dans le système étaient équipés de filtres mécaniques, de raclettes pour enlever les saloperies matérielles, mais les tuyaux étaient encore équipés de filtres chimiques à base de charbon (le charbon absorbe) afin de retenir les saloperies organiques qui pouvaient alimenter les algues. La hauteur d'eau dans les miroirs se situe globalement à 45 cm, et comme dit précédemment, elle doit se maintenir à cette hauteur constamment. Alors quoi que c'est comment qu'on fait quand il pleut à torrent de la fonte des neiges, ou qu'on se trouve en période de sécheresse accrue par la couche du trou d'ozone? Ben Santini avait tout prévu.
Par manque d'eau, il y existe une pièce dite "de remplissage" qui permettait aux moines de déverser de l'eau (à l'aide de sceau) dans un trou au sol. Cette eau se déverse dans une pièce (piscine) spéciale (cf. mes photos), et une fois passée par le système de purification, alimente le circuit classique de maintien du bois propre et humide. Selon la délicieuse guide, on ne sait pas si ce système ne fut jamais utilisé. Pareil, par trop d'eau, il y a des canaux d'absorption tout autour du bâtiment, comme dans le jardin d'Eden (selon vers où s'écoule l'eau de pluie du toit) qui détourne le liquide (acide) vers la galerie royale empêchant ainsi l'humidité dans le sol d'atteindre les murs ni de s'infiltrer insidieusement dans l'eau propre de maintien du bois propre et humide. Et tout ça fonctionnait de façon géniale tant que les moines habitaient là. Malheureusement au fil des années (au XIX ème siècle), ils furent remplacés par des imbéciles d'ampleur galactique (cf. plus loin) qui installèrent dans l'enceinte de l'abbaye une brasserie, ce qui en soit n'est pas une mauvaise chose, sauf qu'ils utilisaient la galerie royale comme égout, et déversaient dedans les eaux usées de la brasserie, puis de la fabrique de limoche, ce qui n'était pas prévu.
Ensuite les diverses constructions menées n'importe comment sur le domaine finirent par abimer les sources d'approvisionnement en eau propre, comme les canaux d'absorption des pluies sales, en conséquence de quoi, au lieu que la pression ne chasse l'eau usée vers l'extérieur, tout le système s'inversa pour absorber l'eau sale vers l'intérieur. Pendant des dizaines d'années, s'infiltrèrent ainsi dans les fondations en bois les eaux de pluie provenant de la route (en amont et à proximité, cf. Metternich plus loin), contenant en hiver le sel anti-verglas, en été les engrais des champs, et toute cette immonde merdasse ne passant plus dans les filtres commença à entamer les fondations. Aujourd'hui la tendance est heureusement arrêtée, mais vous pouvez voir les effroyables dégâts dans les 2 miroirs: boue, algues, et limon qui n'auraient jamais dû s'y trouver.

Aération et humidité

Maintenant avec toute cette flotte dans ses fondations, ce fabuleux cloître devait être fichtrement ventilé me direz-vous.
Eh oui, et justement, ben nous y voilà. Avant oui, il était ventilé comme il faut le cloître, parce qu'à nouveau les moines s'occupaient de leur turne, mais aujourd'hui c'est un vrai problème. Santini avait conçu un fantastique système de ventilation. D'abord le jardin d'Eden (ou de Paradis, c'est le nom qu'on donne aux jardins situés au centre des cloîtres) est surélevé de 4,5 m par rapport au niveau du sol pour être plus exposé au soleil et moins couvert par les ombres des murs l'encerclant. Des mesures ont montré que la température au sol dans le jardin d'Eden est de plusieurs degrés supérieure à la température au sol à l'extérieur du cloître. En dessous de ce jardin se trouve un système de canaux reliant une galerie étroite (galerie principale d'aération) qui fait le tour de tout l'édifice et qui est accessible au niveau des 2 miroirs. A partir de cette galerie principale autour du jardin, montent de petites ouvertures jusqu'aux fenêtres du rez-de-chaussée (il y a environ 50 fenêtres à chaque étage), ainsi que 2 larges couloirs de ventilation représentés par les escaliers (au niveau des 2 miroirs) débouchant sur les larges couloirs ouverts tout autour de l'édifice et sur ses 2 étages (plus le rez-de-chaussée). Ainsi lorsqu'il fait chaud (printemps-été), le soleil chauffe la terre du jardin d'Eden, la chaleur s'accumule dans la masse, puis est redistribuée par temps froid (automne-hiver) dans tout le bâtiment par l'intermédiaire de ces galeries (l'air chaud monte).
Pis lorsque la température du système d'aération était trop basse, les moines bouchaient les ouvertures à l'aide de paille, et allumaient le poêle à mazout. Ok, déjà les Romains utilisaient la géothermie pour chauffer leurs bains turcs, mais ce bougre de Santini l'a adapté à cet énorme complexe (un des plus grands d'Europe, sinon LE plus grand) faisant d'une pierre 2 clous, car son système chauffait et ventilait l'édifice. Aujourd'hui, après le passage de cette incommensurable andouille de Metternich (je vous en parlerai plus loin), la ventilation se fait très mal et l'humidité, la condensation sont les plus grands dangers qui menacent ce monument. Et justement, ben un p'tit gars du nom de "Michal Široký", étudiant du département de cybernétique de la faculté de sciences appliquées de "Plzeň" planche depuis une paire d'années sur le problème dans le cadre de ses études, à savoir comment augmenter la température et diminuer l'humidité dans le cloître, puis comment stabiliser ses paramètres une fois optimisés.
N'est-ce pas une tâche fantastique? Alors si vous comprenez le Tchèque, vous pouvez lire ses études sur son site, et même lui laisser un mot d'encouragement parce qu'il le mérite bien, l'encouragement.

Sinon, 2 jours par an et de façon tout à fait exceptionnelle, la galerie d'aération se visite. Alors j'ai pas pu m'empêcher. J'ai réservé pour ma chérie d'amour et pour moi-même, puis nous en avons discuté avec d'autres autour de quelques bières, puis ils ont passé le mot, et finalement ce n'est pas à 2 mais à 9 que nous visitâmes cette galerie, la petite Yuuko en tête (eh ouais, elle est revenue travailler en Tchéquie parce que Tokyo, apparemment...). Alors pour ceux qui n'auront pas la chance de la visiter, parce que claustrophobes, parce que Zétazuniens (mes frêles petites épaules frottaient aux parois des murs), parce que pas le temps, ben vous pouvez admirer mes photos prises pour vous au péril de ma mort, parce que sans être vraiment claustrophobe endurci, je le suis quand même un peu en dilettante, parfois.
Et les jolies fesses callipyges bleues appartiennent à cette délicieuse Tatiana. Lorsque je me suis retrouvé par le plus grand des hasards derrière elle (je vous assure que ce n'était pas l'issue d'une intention lubrique délibérément fomentée à dessein), et lorsque je l'ai informé par civilité de mon élevage que je lui photographiais involontairement la croupe, elle me répondit en souriant "pas grave, j'ai pas honte de mes fesses". Ah la bougresse polissonne, di diou c'que j'aime ces femmes fières de leur voluptueuse plastique, lorsque leur corps de pouliche racée enrichit de prestance matérielle cette assurance de leur verbe, ah crénom di diou... Ah oui, l'abbaye de "Plasy"...

La taule à moine possédé

Au rez-de-chaussée du cloître se trouve une vraie taule pour les moines agités, fautifs, délictueux voire criminels. Elle est voisine du réfectoire d'hiver avec lequel elle communique par l'intermédiaire d'une petite fenêtre étroite dans laquelle se trouvait un tambour en bois.
Dans ce tambour l'on déposait un bout de vieux crouton de pain rassis-moisi avec un verre d'eau et un pot de moutarde, puis l'on tournait la chose de 180° afin que le moine au gnouf puisse goinfrer. Mieux, pour les moines totalement coupables, il existait 2 trous dans le sol d'une profondeur de 3 à 4 m et larges de quelques 75 x 75 cm (c'était pas prévu pour les moines Zétazuniens). Le premier trou était rempli d'eau plutôt froide à hauteur de genoux, et l'on y descendait le pauv' bougre pour une durée suffisante afin qu'il médite sur son nuisible comportement. Mais pas trop suffisante non plus, la durée, qu'il n'aille pas choper un refroidissement de la gourde à pisse. C'était le trou pour moine moyennement possédé. Le second trou était rempli d'eau plutôt très froide à hauteur de taille, et l'on y descendait le pauv' bougre ficelé à une échelle comme une rosette de Lyon pour une durée suffisante afin qu'il médite sur son nuisible comportement. Et afin qu'il réfléchisse consciencieusement, le fichtre, selon certaines sources l'on refermait le trou d'un gros parpaing et l'on mesurait la durée du séjour à la couleur des olives (du moine). Tant qu'elles étaient vertes et de la taille d'une prune, le baigneur restait dans son puits, lorsqu'elles viraient au noir et de la taille d'un M&M's, l'on consentait à sortir le repenti s'il récitait un confiteor sans claquer des dents.
C'était le trou pour moine particulièrement possédé. Ca fout les boules moi j'dis.

Les escaliers

Alors le guide a particulièrement insisté sur les escaliers de Jean-Blaise, parce qu'ils seraient autoportants. Bon, et alors? Là, je ne vois pas ce qu'il y a de miraculeux, mais bon. Sinon des escaliers, y en a de 2 types. Vous avez les grands escaliers qui mènent des miroirs aux divers étages, et qui bien qu'autoportants, ont dû être étayés compte tenu de leur état. Pis vous avez 2 escaliers rigolos en colimaçon ovale qui montent jusqu'aux greniers, et qui eux sont vraiment intéressants d'un point de vu artistique (cf. mes photos).

Les fresques

Au premier étage, il y a 15 fresques au plafond peintes par "Jakub Antonín Pink" (la grande majorité) et "Josef Kramolín" (devant l'entrée de la chapelle St Benoît, en 1776). Alors autant le "Jakub Antonín" je n'en avais jamais entendu parler, que du Zeppy si. D'abord parce qu'il fut le disciple d'un peintre que j'adore, "František Xaver Palko" (vous pouvez voir certaines oeuvres splendides au palais Schwarzenberg), ensuite parce que vous retrouverez les oeuvres du "Josef Kramolín" en des sites des plus remarquables, "Sedlec", "Hradec Králové" (église des jésuites), "Mariánská Týnice" (publie à viendre), ou St Nicolas ("Malá Strana"). D'après les guides, il y aurait aussi des fresques de "František Antonín Müller", mais ils ne m'ont rien montré, et j'ai oublié de leur demander, alors pour ce dernier, rendez-vous en les églises de "Březno" et de "Kadaň" (près de "Chomutov", Nord-Ouest) où vous pourrez admirer les légendes de St Venceslas.

La chapelle de St Benoît

Elle servait auparavant comme salle du chapitre lors des grandes réunions, genre élection de l'abbé, coupe du monde de foot, etc... Et c'est pour cette raison qu'en regardant en haut, vous verrez sur la coupole une fresque représentant un attroupement de moines, une Ste vierge, et une élection d'abbé (ne me demandez pas ce qu'elle fait là, la Ste vierge en cette occasion). La coupole se termine par une lucarne afin de bien éclairer la chapelle, qui par ailleurs devait être l'antichambre d'accès à la super-église (cathédrale même selon le guide) qui aurait dû remplacer la petite église Ste Marie de l'assomption (cf. plus haut)

La chapelle de St Bernard

Elle servait auparavant comme petite salle du chapitre lors des petites réunions, genre élection de miss abbé, coupe d'Europe de foot, etc... Et c'est pour cette raison qu'en regardant en haut, vous verrez une étoile à 8 branches, marque de fabrication "Santini" (je vous en ai déjà parlé à propos de "Kladruby"), sur laquelle sont peints Mr Christ et ses 12 apôtres. Ceux qui ont de bons yeux, pourront lire "omine ... doce nos orare ..." qui correspond à Luc 11.1: "Domine doce nos orare sicut et Iohannes docuit discipulos suos" (Seigneur, apprends-nous à jouer au foot comme Jean l'a enseigné à ses disciples). Dans la petite sale du fond, il y a une première fresque représentant l'écriture des épîtres de St Bernard (un ancien des Cîteaux), et une seconde fresque représentant St Benoît (en noir) et St Bob de Molesme (en blanc, fondateur de l'ordre cistercien), priant la Ste Vierge.
La première fresque dépeint donc Bernard de Clairvaux en pleine nature contemplant pensif les arbres, les cailloux, se disant qu'il pourrait être au bistrot, et sur sa table d'écriture l'on peut lire: "Experto crede: aliquid amplius invenies in silvis, quam in libris. Ligna et lapides docebunt te, quod a magistris audire non possis" (Crois-en l'expert: l'on apprend 'achement plus dans les bois que dans les livres. Les arbres et la caillasse t'enseigneront des choses que tu ne saurais entendre par ailleurs, petit scarabée. Epist. 106.) Evidemment, on pourrait épiloguer longuement sur une telle assertion, genre: "Strogoffo crede: aliquid amplius invenies in tabernis, quam in natura", mais c'est pas le sujet d'aujourd'hui, donc hop, la suite. Pour terminer sur la chapelle de St Nanard, sachez que cette andouille de "Metternich" y avait installé dedans ses archives familiales, lesquelles finirent aux archives de Prague après 1945.

Le réfectoire d'été

Alors il est plutôt dévasté, parce qu'en son temps, il servit de grenier avant de prendre feu (cf. 1894). Sinon il est haut sur 2 étages (sans doute pour les besoins de stockage) et contient aujourd'hui 8 toiles de tailles remarquables (2,5 x 4 m) peintes par "Jakub Antonín Pink" (une 9 ème toile a été perdue). Elles sont toutes sur le même thème, bouffe et boisson (ben tiens, dans le réfectoire), le tout inspiré de sujets bibliques.

La bibliothèque

Ben l'en reste plus grand chose, d'abord à cause de l'incendie (cf. plus loin), ensuite à cause des ventes, mises en gages, etc... mentionnées précédemment.
Du coup, il ne reste plus que les fresques au plafond toujours de "Jakub Antonín Pink" qui indiquent de quelle matière traitaient les 12295 ouvrages en dessous (des fresques). 12295 livres, véridique, c'est marqué dans une de mes sources. Dis-donc, je pense à un truc, chuis pas étonné qu'il ne soit pas connu le "Jakub Antonín Pink" s'il a passé sa vie à peindre dans l'abbaye de "Plasy". Sinon dans la bibliothèque se trouvent les peintures de 3 abbés, "Benedikt Engelken" (1666-1681, c'est lui qui étendit le plus le domaine de l'abbaye), le fameux "Ondřej Trojer" (1681-1699), et "Celestin Stoy, i.e. Coelestinus" (1738-1748, c'est lui qui aurait fait construire le plus de bâtiments agricoles). Et bien évidemment, il ne peut pas y manquer un portrait de l'autre vile gouape de Ferdinand II, le renouvelateur de l'abbaye après la bataille de la montagne blanche.

La pharmacie

Alors attention, ce que vous pouvez voir ici lors de la visite n'est pas d'origine, il s'agit de meubles pharmaceutiques qui ont été importés ici d'aut'part afin d'illustrer ce que la pharmacologie abbatiale pouvait offrir aux malades. Certains éléments originaux de "Plasy" se trouvent aujourd'hui au musée national de Prague et au musée de Bohême de l'Ouest à "Plzeň". La pharmacie est, pour ainsi dire, née en même temps que l'infirmerie au début du XVII ème siècle lors de la renaissance de l'abbaye. Mais attention, il ne s'agissait pas d'une infirmerie pour les pauvres et les démunis (genre hospice civil, hospitale pauperum), mais d'une infirmerie pour les membres de la congrégation, ceux qui vivaient là, travaillaient là et payaient leur assurance maladie (l'assurance "contre la maladie", pas pour, vous sentez la différence entre "l'assurance voiture" [pour] et "l'assurance maladie" [contre], et je ne vous parle pas de l'assurance vie [pour] qui est en fait une assurance décès [contre], vous imaginez le genre de problèmes conceptuels auxquels un individu peut être confronté dans l'apprentissage de cette fantastique langue française?).
Bref... Au plafond, vous pouvez contempler une splendide fresque représentant la Ste trinité faisant la queue au guichet de la sécu, et en regardant bien, vous apercevez l'inscription "Salus infirmorum, ora pro nobis" (avis aux malades, présentez votre carte d'assuré).

En dehors des fantastiques meubles de pharmacie, dont le balaise bahut baroque badigeonné à la main, dont chaque casier/tiroir est peint d'un motif différent, donc en dehors de ça, vous pouvez encore voir une statue datant du XVIII ème siècle de St Sigismond, roi des Burgondes au VI ème siècle, et qui selon la tradition populaire guérit de la fièvre des marrais comme des hernies, pour peu qu'on le prie bien comme il faut. Et juste à côté du Sigismond, se trouve une huile de la première moitié du XVIII ème siècle représentant Ste Apolline, martyr(e) au III ème siècle, à qui les hérétiques arrachèrent les dents faisant ainsi d'elle la sainte patronne des dentistes (vous vous rappelez de l'assurance vie et de l'assurance décès? C'est la Ste patronne des malades dentaires qu'elle aurait du être Ste Apolline, pas celle des arracheurs dedans).

Sinon l'officine originelle n'était pas là où vous pouvez la voir aujourd'hui. Auparavant elle se trouvait au rez-de-chaussée à côté de l'entrée principale dans le cloître, car en l'époque le pharmacien faisait office de concierge (et vice versa). La pharmacie fonctionna même après le rachat du domaine par les Metternich jusqu'en 1895, et se nommait "au lion doré". Sinon, il semblerait que les moines de "Plasy" fabriquaient un médicament unique, génial, et particulièrement efficace contre les problèmes gastriques: la poudre de "Plasy", "albus pulvis" ou "des weissen plasser mineralischen pulver". L'origine de cette poudre remonterait au XVI ème siècle, mais sa réelle notoriété est aujourd'hui attribuée au moine "Lucas Gottlieb" (praefectus pharmacopae, décédé en 1776 en l'abbaye de "Vyšší Brod"). Cette poudre était extraite de la carrière de schiste près de "Hromnice", et servait à la fabrication d'acide sulfurique (sulfate, vitriol, oléum...). Et bien que la recette fut gardée secrète au point qu'aujourd'hui on ne la connait pas exactement, on sait cependant que notre moine mélangeait une petite quantité de vitriol issu de la carrière avec du sel digestif
(sulfate de sodium?), qu'il ajoutait un brindeperlimpinpin (de chais pas quoi parce que chuis vraiment pas doué en chimie), et obtenait quelque chose d'équivalent à ce qu'aujourd'hui on appelle du bicarbonate de soude (formule chimique Al Ca Sel Zer :-) Génial non? Il semblerait que c'était bon au goût, plaisant à l'oeil, que c'était efficace contre les lourdeurs digestives, les éructations, les météorismes, les dyspepsies, les apepsies, les flatulences, les hyperacidités, les aérogastries, jusqu'à la pestilence buccale des dents pourries. Pas surprenant que ça se vendait partout, jusqu'au-delà des frontières de la Bohême, selon le guide. Y a juste que malgré mes recherches, je n'ai pas trouvé la moindre trace écrite de la fameuse poudre de "Plasy". Dommage.

La suite de l'histoire

Et voilà, toute cette fabuleuse splendeur architecturale fut donc construite, modifiée, refaite, baroquisée entre 1660 et 1740, soit pendant quelques 80 ans. Parmi les architectes qui contribuèrent à ce chef-d'oeuvre, citons encore "Carlo Lurago", ou "Kilián Ignác Dientzenhofer" qui termina le cloître après la mort de Santini (en 1723).
Quant aux artistes, encore que les architectes en étaient assurément (des artistes), donc peintres, sculpteurs, stucateurs et bénistes signalons "Petr Brandl", "Karel Škréta" ou encore "Matyáš Bernard Braun". Tiens, à ce propos, signalons qu'en 1710, l'abbé de "Plasy" "Evžen Tyttl" passa commande d'une statue auprès de Matthieu-Bernard, alors totalement inconnu à Prague. Le sculpteur s'exécuta, et pour sa première commande praguoise s'appliqua de ce qu'il put, du mieux de son talent d'à lui, et ce jour-là il fit fort, très fort. Cette statue qui se trouve sur le pont Charles de Prague, l'hallucination de Ste Lutgarde (Luitgarde, Luidgarde...), est considérée comme la plus belle, comme la plus intéressante des statues du pont, voire de tout le baroque Tchèque (une copie en plâtre se trouve dans le réfectoire d'hiver de l'abbaye). De suite, elle apporta au sculpteur une fracassante renommée qui fit de lui l'un des (sinon LE) plus prolifiques sculptures baroques de la Bohême.
Et tout cela, grâce à l'abbé "Tyttl" comme mentionné au dos du monument (sur le pont): "D. HONORI S. LUTGARDIS POSUIT MONASTERIUM DE PLASS ORD. CISTERC. SVB EVGENIO TYTTL ABBATE ET PRAEPOSITO S. M. MAGD. AD BOH. LIPPAM MDCCX" (eh oui, il était aussi prieur du diocèse Ste Marie Madeleine de "Česká Lípa"). Il aimait bien coller son nom et ses attributs partout où qu'il pouvait l'Eugène, tiens, sur notre cloître aussi, après les honneurs au bon dieu, à la vierge Marie, au pape et autres dignités, vous pouvez lire "EUGENIUS TYTTL PRAEFATI ORDE IN LOCO HOC PLASS ABBAS ADS M.MAGD BOEMO LIPPAE...". Ou encore sur une des maisons du fantastique domaine de "Býkov" (construit entre 1703 et 1705, commune de "Hromnice"): "[...] PERMUTAVIT. ET IN PRAEDIUM AEDIFICAVIT F.EVGENIVS TYTTL ABBAS PLASSENSIS ANNO 1705".

Et puisqu'on en parle de l'abbé, quelques mots sur "Evžen Tyttl". Eugène prit ses fonctions à "Plasy" à l'âge de 33 ans, et conserva son job jusqu'à sa mort en 1738, soit 39 ans de service. Mécène, amateur d'art, et féru d'architecture au point que ses collègues abbés lui attribuaient une totale compétence en la matière, il mit dans la rénovation baroque de l'abbaye une fougue toute différente de ses prédécesseurs. Il est même des historiens qui subodorent qu'il eut mit sa propre touche sur certains édifices du domaine, mais aucune preuve n'existe. Et parmi les nombreuses traces que ce bougre d'abbé laissa au domaine (outre son nom de partout, et sa collection d'horloges par exemple), il en est une qui éveille nombreuses questions: son paraphe. Il se composait d'un double "T", soit 2T (pourquoi pas 3, y a bien 3 T dans "Tyttl"?). Or si vous regardez sur la coupole de la salle du chapitre de notre abbaye, vous y verrez un T avec un serpent dessus. Du coup les hypothèses à la question du pourquoi sont nombreuses.
D'abord le serpent: que ce soit celui d‘airain (dit "Nehushtan" ou "Nehoushtan") de Moïse, le caducée d'Hermès ou d’Asclépios, le serpent était perçu comme élément bénéfique, curatif (ah ouais? Et le serpent d'Eden?) et l'abbé voyait son abbaye comme un sanatorium spirituel. Seconde hypothèse, selon qu'on se place dans le bon angle, le serpent sur son T forment les lettres E.T. ("Evžen Tyttl" phone home!) Ensuite pourquoi 2T: 2T comme 2 ème "Trojer". Ou encore TT comme Audi, ou comme 4x4 (Tous Tes reins), ou intérim (Travail Temps polaire), ou Trinidad et Tobacco... bref personne ne sait vraiment, mais tout le monde en parle. Et j'oubliais, tiens, autant "Evžen Tyttl", bon, ok... mais on ne peut pas passer sous silence les bleds de "Ondřejov" et de "Trojany". Z'avez fait le rapprochement avec l'abbé "Ondřej Trojer"?
Elle est où l'humilité, la modestie, la simplicité prônées par l'église? Vanitas vanitatum, et omnia vanitas...

Puis advint une période sombre, très sombre pour notre abbaye de "Plasy", encore, eh oui. Comme beaucoup d'autres, notre domaine tomba sous le coup des reformes joséphiennes, et en 1785 il fut sécularisé (très exactement le 9 Novembre 1785, le facteur sonna à la porte). Les quelques 60 cisterciens qui vivaient là eurent alors le choix de rejoindre d'autres abbayes encore en fonction, en Bohêmes comme ailleurs, de devenir curé pour les besoins paroissiaux, de devenir militaire pour les besoins impériaux, ou de devenir boucher pour les besoins des bestiaux... enfin ils avaient le choix, quoi. Ce qui est sûr, c'est qu'ils partirent en nombre, et une fois partis, le domaine passa aux mains du "fond religieux national" ("státní náboženský fond") qui avait pour objectif de retraiter laïquement tous ces déchets religieux. En cette époque se trouvait à la tête de l'abbaye l'abbé "Celestin Werner", et bien qu'il dut obéir aux ordres de l'empereur, il n'en démordit point pour autant.
Tout d'abord il fit don de ce que l'on voulait bien lui laisser, c'est-à-dire ce qui était estampillé de la marque abbatiale et donc qui appartenait directement à l'abbé et non à l'administration de l'abbaye... il fit don des tableaux bouffe-boisson de Jacqu'Antoine Pink comme d'un crucifix doré de Matthieu-Bernard Braun à l'église de sa ville natale de "Horní Slavkov" (Bohême de l'Ouest, contrairement à Austerlitz, Moravie du Sud). Puis ensuite, il se mit en tête de restaurer la vie cistercienne dans l'abbaye, tout au moins d'emmerder le Joseph autant qu'il le put. D'abord il continua à vivre dans l'abbaye, et dès 1787 il se tourna vers la diète (gouvernement des états de Bohême) qui elle même prônait auprès de l'empereur la restauration des abbayes/couvents/monastères sécularisés au motif du maintien de la foi catholique en le pays. Ben tiens, pendant 150 ans les Habsbourgeois ont littéralement fait chier leur monde en recatholisant manu-militari tout le pays et tous ses habitants, et d'un coup, parce que Joseph II avait lu Manu Kant, Fred Schiller et autres éclairés de l'Aufklärung, il allait fout' cul par dessus tête tous les efforts de ses ancêtres? Attends Zep, tu déconnes ou quoi? Mais l'empereur était intraitable, les institutions fermées ne seraient pas recouvertes.
Tout sembla s'arranger en février 1790, puisque Joseph II reçu son dernier sacrement sous la forme d'une extrême onction, et 6 mois plus tard la diète relança l'empereur successeur et frère du défunt Joseph. Comme il était tout frais, tout jeune, et qu'il ne voulait froisser personne, Léopold II promit en moins d'une semaine de remettre sur pieds quelques abbayes, dont "Plasy". Puis il se mit au boulot, puis il eut d'autres affaires à traiter, puis il se fit conseiller par des conseillers, embobiner par des embobineurs, et au début de 1792 renvoya à la diète une fin de non recevoir sous la forme d'un majeur levé. Ca ne lui porta pas spécialement chance: il décéda 2 mois plus tard. En 1798, l'abbé têtu essaya même d'installer en son abbaye des trappistes français chassés par la révolution, mais lorsqu'ils entendirent parler des fondations aquatiques, du travail d'entretien, refaire la peinture et les tapisseries, ces derniers se replièrent sur "Kladruby". Au tout début du XIX ème siècle, l'abbé "Werner" insista encore une fois auprès de l'empereur (François II, fils de Léopold II), lequel mit sur pied une commission d'examination de l'avenir du domaine.
L'abbé fut même invité en 1803 à prêcher par écrit pour sa cause et présenter les opinions des anciens cisterciens encore vivants. Sur les quelques 60 moines d'alors (avec les moines comme avec l'abbé, c'est 'achement moins drôle qu'avec le maire, le maire d'alors), seulement une petite dizaine répondit favorablement, et la conclusion de la commission fut alors sans appel: pas de moines à "Plasy", et de plus l'édifice fut déclaré impropre à l'installation d'une caserne militaire, comme à tout autre utilisation. L'abbaye ferma ses portes définitivement, bien qu'elle servit encore pendant les guerres napoléoniennes d'hôpital militaire de fortune.

Maintenant il existe encore une légende à propos de "Celestin Werner", qui parle d'un trésor que notre abbé aurait planqué, ce taquin. Z'allez vous marrer, parce que c'est exactement (enfin presque) la même légende que pour "Kladruby". Il s'agirait de 12 statues en argent (apôtres) et d'une en or (Jésus) toutes grandeur nature. Selon d'autres versions, il s'agirait de tonneaux pleins de pièces d'argent et d'or.
Parfois il y eut des témoins lors du planquage, parfois pas. Parfois le trésor fut planqué dans l'abbaye, parfois dans les environs. Parfois l'un des acolytes aurait vendu le secret sur son lit de mort, et parfois pas non plus. Allez savoir, mais ce qui est sûr et navrant, c'est que de nombreux chercheurs de trésors ont tenté leur chance dans l'abbaye alors qu'elle était inoccupée et pour ainsi dire à l'abandon, et leurs dégâts matériels sont toujours visibles comme vous le prouveront les guides en vous indiquant les divers emplacements de leurs méfaits. Ah oui, et pour autant que je sache, personne n'a encore rien trouvé, parce qu'il est fort à parier que le trésor n'existe pas.

Et pour terminer définitivement sur notre 53 ème et dernier abbé de "Plasy" "Celestin Werner", une rapide parenthèse sur... non tiens, commençons par le début. Tout d'abord des cadeaux qu'il fit à l'église de sa ville natale de "Horní Slavkov", ben les tableaux revinrent à "Plasy" et vous pouvez encore les voir dans le réfectoire d'été.
Nous quand on y a été, on a fait la visite au pas de course, parce que chais pas pourquoi, mais le guide me stressait sans cesse quand je faisais mes photos, qu'il fallait qu'on passe ailleurs que là où qu'on était, donc des photos-tableaux du "Pink", z'en avez pas bezef. Quant au crucifix doré de Matthieu-Bernard, il se trouverait selon mes sources à la galerie nationale, au palais Sternberg ("Šternberský palác") plus précisément, donc pas de photo du tout. Sinon vous vous souvenez en 1146, lorsque le "Vladislav I" fit don des 5 patelins à l'abbaye lors de son établissement, ben il s'y trouvait un patelin du nom de "Nebřeziny" ("[...] Nebrisini cum suis appenditiis, [...]"). Au XIII ème siècle, les moines en firent donc un kolkhoze cistercien qui fut le 16 mai 1721 loué par l'abbé 2T ("Tyttl") à un certain "Matěj Ondřej Kondel", bâtisseur en "Plasy" et bras droit du grand Santini dont il termina les chantiers après sa mort (en 1723).
Sur ce terrain loué par l'abbaye, "Matěj Ondřej Kondel" fit construire entre 1721 et 1723 un domaine agricole selon les plans du génie Santini (rien que ça). Lorsque le chantier en "Plasy" prit fin (pour cause de guerre de succession), Matthieu-André prit la direction de "Plzeň" avec sa petite famille de 10 gosses dont le parrain d'un n'était autre que le peintre "Jakub Antonín Pink", "Plzeň" où le bâtisseur devenu également architecte eut de nombreuses commandes. Or vous vous souvenez qu'après la sécularisation de l'abbaye de "Plasy" en 1785, l'abbé récalcitrant "Celestin Werner" continua à vivre sur le domaine? Eh bien en 1788, il finit par déménager, et devinez où, eh ben ouais, dans la maison de "Matěj Ondřej Kondel" designed by Santini, au numéro postal 1 du bourg de "Nebřeziny", où il décéda en 1813. Ce domaine fut ensuite hérité par la nièce de l'abbé, Thérèse et son mari "Josef Gütterischov" qui le vendirent en 1822 à l'ancienne inspectrice des eaux et forêts "Josefa Svobodová", qui le revendit en 1834 aux bourgeois de Prague
"Martin Karel Brabec" et "Antonín Theodor Šiman" qui augmentèrent l'habitation principale d'un étage et établirent sur le domaine une fabrique de parquets employant quelques 40 personnes et dont les planches à parquets étaient coupées sur mesure par une scie entrainée par une machine à vapeur, véritable curiosité locale pour l'époque qui malheureusement prit feu en 1840 (la fabrique), mais fut reconstruite 6 mois plus tard par "Antonín Theodor Šiman" et son nouvel associé "Leonard Spielerov" dont les descendants continuèrent jusqu'en 1878 à vivre de cette industrie qui donna son nouveau nom à l'originel domaine agricole "la parqueterie" dont les édifices baroques santiniens sont toujours et encore visibles aujourd'hui. C'est dingue non?

Le cas Metternich

Alors on ne peut pas passez sous silence le cas du gars "Klemens Wenzel Nepomuk Lothar kníže Metternich" qui eut sur "Plasy" un impact aussi énorme qu'il en eut sur l'Europe toute entière. Je ne vais pas vous parler directement du bougre, parce que c'est très bien écrit là... ah si, juste pour info, Metternich fréquenta avant la révolution française les bancs de l'université de Strasbourg comme Goethe, Strogoff, et d'autres pointures d'envergure internationale. Maintenant passons aux faits. Lorsque Napoléon 1er reçut sa raclée finale à Waterloo en 1815, l'Europe entière put enfin commencer à soigner les plaies ouvertes pendant quelques 20 ans de guerre. Et y avait du boulot, aussi tout apport d'argent liquide dans les caisses des états n'était que divine providence afin de subvenir au besoin de tout.
Et c'est ainsi qu'en 1826, alors qu'on avait épuisé toutes les options de réutilisation de l'abbaye de "Plasy" à des activités autres que spirituelles, l'on se décida à vendre le domaine à Metternich beaucoup plus alléché par les 10.000 hectares de terrain (10 x 10 kilomètres) que par les bâtiments qui s'y trouvaient. Et justement, son effroyable comportement sur tout le domaine, son manque total de considération pour le subtil équilibre techniquaquatique du cloître, eurent les conséquences que je m'en vais vous dépeindre. Le premier édifice qui eut à souffrir de la présence du vandale fut la résidence de l'abbé que l'on finit par appeler "le palais", parce monseigneur y installa ses quartiers les peu de fois où il se rendait à "Plasy", lui et sa famille. Ainsi disparu totalement la petite chapelle privée dans laquelle l'abbé se rendait avant de ranger sa viande dans le torchon pour la nuit. Ensuite souffrit particulièrement le cloître, et ce de façon directe comme indirecte. De façon directe, disparurent les fontaines qui se trouvaient dans les 2 miroirs, et dont la fonction consistait à augmenter le brassage de l'air dans ces 2 puits principaux d'aérations (cf. précédemment). Selon le guide, il est fait mention fonctionnelle de ces 2 fontaines dans diverses sources, malheureusement aucun document ne les décrit d'un point de vue technique, et elles sont ainsi perdues à jamais.
De façon indirecte, Metternich fit construire une brasserie, un moulin, une scierie, une distillerie, une carrière et dès 1828 une forge au nord du domaine, forge qui fabriquait la "fonte de Plasy" ("Plaská litina"), toujours fabriquée dans les environs aujourd'hui. Le problème est que pour relier cette forge avec son domaine, il fit construire une nouvelle route qui auparavant n'existait pas, nouvelle route beaucoup trop proche des bâtiments historiques avec les conséquences en terme de pollution déjà mentionnées (cf. sel et engrais, sans parler de la modification topographique du terrain et donc de l'écoulement des eaux...). Cette "route Metternich" est devenue au fil du temps une route nationale reliant "Plzeň" par "Kralovice" avec les villes du Nord comme "Most", "Teplice"... Pour les besoins de cette voie principale, il fit également détruire la petite église Ste Marie du rosaire dont il ne reste plus rien car les matériaux furent réutilisés dans la construction des nouveaux bâtiments (cabanes à outils, foyers sonacotra, etc...).
Pratiquement tous les bâtiments du domaine se souviennent du passage DU Metternich, car tous furent d'une façon ou d'une autre aménagés en grenier, grande, range-fourbi, loge-larbin, stocke-bordel, pour les besoins industriels ou agricoles du dévastateur (ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés). Il est cependant un édifice tout particulier, certes hors domaine abbatial, mais à seulement 100 mètres de l'autre côté de la route, qui se souvient des Metternich encore plus que les autres édifices: l'église "sv. Václava". Et pour cause, ils y logent éternellement (pour l'instant). Bien que d'origine gothique, l'abbé "Ondřej Trojer" décida en 1690 de faire retaper l'église en baroque (sans doute par Jean-Baptiste Mathey) comme "gratiarum actio pro sanitate recuperata" (sincères remerciements) après une poussée d'hémorroïdes si douloureuse que les anciens du village racontent encore aujourd'hui comment les loups des environs s'attroupaient autour de l'abbaye en réponse aux hurlements du malheureux, et comment les moines en pleine nuit devaient se frayer un chemin à la fourche parmi les meutes de lupoïdes afin d'aller quérir dans les fermes voisines les kilos de graisse à traire dont ils oignaient incessamment l'anus horribilis du prélat.
Eh bien, un si fantastique souvenir fut néoclassicisé (empirisé selon certains) par Metternich afin d'en faire le sépulcre familial dans lequel il se trouve lui-même. Sans honte, il fit déplacer les moines qui reposaient là, dans la cave, et après une repeinture des rideaux, il fit venir du domaine familial de "Kynžvart" toute la famille décédée, en date du 9 août 1828 (qu'ils déménagèrent, pas qu'ils décédèrent). "Klemens [...] Metternich" lui même termina en la crypte lorsqu'il décéda en 1859, et c'est son fils Richard et surtout sa femme "Pavlína Sándorova ze Szlawnicze" qui menèrent le bal. Tandis que lui faisait l'ambassadeur à Paris, elle faisait du salamalec auprès de la haute. Elle servit même de modèle aux plus grands, comme Edgar Degas ou Eugène Boudin, et lorsqu'elle se rendait à "Plasy", j'te dis pas les chouilles culturelles qu'elle y organisait.
Et c'est bien une chose qu'il faut quand même leur laisser aux Metternich, c'est qu'ils "civilisèrent" grandement la région d'un point de vue culturel (ils organisèrent musique et théâtre), éducatif (ils installèrent une école dans le cloître) et professionnel (ils engagèrent plein de monde dans leur brasserie, fonderie, scierie...). Richard décéda en 1895, et il repose également en la crypte de "Plasy".

L'incendie

Puis en 1894 il y eut le feu. Que voulez-vous, avec toute cette agriculture stockée dans les greniers, granges, silos. Avec toute cette bière et cette industrie dans les environs... et paf... Le 27 août 1894 les paysans étaient aux champs, les non paysans à la foire de la St Bartholomé à "Plzeň" ("Bartolomějský trh", toujours en activité 1 fois par an, fin août). Vers 15:30, tandis que l'on chauffait des tonneaux à bière, la palissade du charpentier prit feu, pis sa cahute à fourbi prit feu, pis l'isolation en bois de la glacière prit feu
(glacière à l'ancienne, où l'on entreposait des blocs de glace découpés sur l'étang en hiver), pis la chapelle St Benoît prit feu (au niveau de la coupole), pis le vent chassa le feu le long de la charpente du toit du cloître, et en quelques minutes l'incendie faisait rage sur le dernier étage de tout l'édifice. L'on mobilisa (un peu tard) tous les pompiers et tous les volontaires des environs, des renforts vinrent même de "Plzeň" comme des casernes militaires environnantes. 28 lances à incendie arrosaient le domaine, les "à vapeur" (pour la pression) arrosaient le cloître en feu, les "à l'huile" (de coude) arrosaient les édifices environnants afin d'éviter la propagation du sinistre. Dans la nuit, le feu arriva sur le toit du réfectoire d'été qui avait judicieusement été aménagé en grenier, et paf, le feu reprit de plus belle avec les réserves de blé bien sec. Le second jour le vent tourna, et mit le feu au reste du cloître. L'église Ste Marie de l'assomption toute proche fut épargnée, mais pendant 5 jours, l'incendie reprit 3 fois dans ses combles, incendie à chaque fois maîtrisé à temps car l'on avait placé des vigiles dans tous les édifices environnants.
Il fallut pratiquement 7 jours afin de maîtriser définitivement l'incendie, mais la coupole inaccessible de la chapelle St Benoît brula encore 6 jours de plus. Au matin du 9 septembre elle s'effondra du haut de ses 26 mètres. Les dégâts furent considérables. Le toit et tout le second étage du cloître furent totalement détruits. Les fresques de "Josef Kramolín" furent bousillées, comme la fresque au plafond du réfectoire d'été, intitulée "de comment rassasier 5000 hommes, sans les femmes et les enfants avec 5 pains et 2 poissons" (Matthieu 14:17 et plus).

Mais les Metternich étaient foutrement bien assurés, et en été 1895, tout fut retapé, la coupole, les escaliers en colimaçon ovale, et le toit. Cependant les fresques du second étage comme du réfectoire d'été furent détruites à jamais. La légende raconte que lorsque la coupole s'effondra, l'on trouva parmi les débris cramoisis une boîte en métal contenant les actes de re-fondation de l'abbaye, de la terre et des cendres provenant de la tombe de St Jean de Népomucène
(j'te dis pas l'bordel dans lequel qu'il vit), des reliques de saints non identifiés (mais des saints pour sûr), un ouvrage en latin daté de 1739, une louange à Eugène 2T, un ticket de pressing pour 2 soutanes, 1 barrette et 3 mosettes, plus d'autres broutilles mineures parmi lesquels la liste détaillée des objets enfermés dans cette cassette sans laquelle on serait bien incapable de dire la provenance de la terre et des cendres susmentionnées. Et toujours selon la légende, bon nombre de ces objets auraient aujourd'hui disparu, au point qu'on se demande bien à quel point cette légende pourrait être véridique, tellement qu'il n'en reste pas grand chose de matériel.

Re... la suite de l'histoire

Bon, c'est pas spécialement intéressant, mais signalons quand même qu'en 1945, l'armée rouge séjourna en l'abbaye, qu'à la fin de la guerre les biens des Metternich furent confisqués sur la base des décrets Beneš, et qu'après le départ des Ruskofs, le mobilier de l'abbaye fut au mieux déplacé, parfois vendu, au pire vandalisé.
Lorsque la chienlit con-muniste prit le pouvoir en 1948, elle conserva sur le domaine la brasserie, dans les bâtiments y installa la coopérative d'état (connue par la suite sous "Jednota"), l'organisme de gestion des forêts, les archives nationales, loua d'autres bâtiments inoccupés, prêta aux kolkhoziens pour les besoins agricoles (stockage comme cantine), mit à la disposition du comité national régional (véridique, national régional, "Okresní národní výbor") de "Kralovice", puis de "Plasy", logea les jeunesses con-munistes (on décervelait au sortir de l'uté-russe en l'époque) et creusa même sous le domaine en 1963 un abri pour la défense nationale (en cas d'agression des forces capitalimpérialistes de l'Ouest). Cet abri, qui dévasta totalement les caves gothiques du "palais" comme la galerie qui menait sous terre de la résidence de l'abbé dans la crypte sous les chapelles du grenier, est toujours "utilisable", et l'on tenta bien de l'utiliser comme dépôt à fourbi, en attendant qu'on sache quoi en faire d'autre (de l'abri comme du fourbi). La tentative fut abandonnée (mais chais pas pourquoi), et c'est apparemment le rez-de-chaussée du grenier qui remplit cette fonction (cf. mes photos).
Parenthèse. Le "národní výbor" ou "commission nationale" ("comité national") était divisé en des niveaux régionaux, départementaux, locaux, municipaux, totalementidiots (diviser pour régner) et servait (le "národní výbor") d'organe exécutif, genre de première ligne de front, de main droite, à tout l'appareil con-muniste qui terrorisait le pays pendant plus de 40 ans. Au sein de cette monumentalehypradministration kafkaïenne dont on peut encore aujourd'hui ressentir les néfastes rémanences dans certains organes d'état, se trouvaient les plus immondes ordures con-munistes con-vaincues des bienfaits de la dictature du prolétariat, comme les plus couardes larves imbéciles qui appliquaient strictobêtement les directives tombées d'en haut. La vie du citoyen tchécoslovaque était dictée économiquement, socialement et culturellement par le "národní výbor" sans l'autorisation écrite duquel organe (de mes c...) il était jusqu'à interdit de péter librement sous peine d'être considéré comme un ennemi du socialisme à la solde de l'impérialisme américain, un contrerévolutionnaire de la révolution soviétique d'octobre, un pisseur dans le bénitier de l'église marxiste et un cracheur dans la soupe léniniste du bonheur d'entre les peuples de la paix dans le monde.
Une horreur Thérèse, fin de parenthèse. Bref, sous les con-munistes, les bâtiments étaient utilisés en fonction des besoins immédiats. On faisait tomber ce qui encombrait et on montait ce dont on avait besoin, sans le moindre souci de la valeur historique, artistique ou architecturale. Vers les années 1970, l'on commença à entrevoir un bout d'infime conscience de conservation. L'on restaura l'infirmerie et quelques fresques, mais ce n'est qu'en 1993 qu'on commença à remettre en fonction tout le fragile système aquatique qui semble aujourd'hui fonctionner tel qu'il avait été conçu par les génies précédemmentionnés, et que d'aucun considère comme un "joyau technique d'envergure européenne". En 1995 enfin, le domaine fut déclaré "patrimoine culturel national", classification grâce à laquelle un fin filet d'argent liquide coule dans la rénovation et l'entretien de ce pur chef-d'oeuvre. Dans les années 1995 et 1996, l'on sonda le sous-sol du cloître, et les informations concernant les pilots, le caillebotis, comme la qualité de l'eau furent minutieusement consignées, détaillées afin de venir en aide à l'ampleur des dégâts. Dans ces années l'on redécouvrit également les pièces qui servaient de prison.
Au fils des siècles, elles avaient été transformées, adaptées, au point qu'elles ressemblaient à n'importe quoi, sauf à ce qu'elles étaient vraiment: des taules. En 1998 l'on restaura les 8 énormes tableaux de "Jakub Antonín Pink". En 2004, le conservateur de l'abbaye vola quelques 50 manuscrits stockés là par le musée national, et tenta de les revendre à son propre profit.

De comment les moines se multiplièrent et prospérèrent

Alors selon les experts en reproduction abbatiale, l'abbaye de "Plasy" est la seule abbaye qui eut des enfants (maison mère et branches, succursales).
L'un des plus prospères (d'enfant) fut "Velehrad" (60 km à l'Est de "Brno"), fondé en 1204 (parfois 1205), première abbaye cistercienne en Moravie qui en fonda elle même 4 autres (d'enfants). Et pourquoi faire me direz-vous, d'avoir des gosses pour une abbaye? Ben d'abord pour le pognon, parce que mine de rien, l'abbaye mère récupérait des taximpôts directs auprès de ses succursales. L'abbé Pierre... L'abbé père (c'était l'abbé en chef des abbés-succursales, "quot sunt in monasterio, ab eius rectore, qui est pater abbas") visitait régulièrement ses abbés-subordonnés, mais contrairement au moine qui voyageait seul à dos d'âne en sandales (le moine en sandales, pas l'âne), le pater-à-basse voyageait confortablement en char à boeufs en charentaises fourrées (l'abbé en charentaises, pas les boeufs) accompagné d'une escorte conséquente afin de le protéger des malandrins. Et qui d'après vous payait les frais de déplacement, de bouche et d'hébergement? Eh ouais, la succursale. La seconde raison était d'ordre économico-professionnel.
Plus y avait d'abbayes et plus y avait de moines, plus y avait de moines et plus y avait de main d'oeuvre diversifiée, et plus y avait de main d'oeuvre diversifiée plus y avait de production agricole comme manufacturée, et plus y avait de production agricole et manufacturée plus y avait de pognon dans les poches de l'abbé. Quod erat demonstrandum. Mais l'abbaye de "Plasy" elle-même n'était pas née ex nihilo. Comme mentionné précédemment, elle fut fondée par des moines venus de "Langheim", qui fut fondée par des moines venus de "Ebrach" (Bavière), qui fut fondée par des moines venus de "Morimond" (Haute-Marne), qui fut fondée par des moines venus de "Cîteaux" (Côte-d'Or), qui fut fondée par Robert de "Molesme" (Côte-d'Or aussi)... qui fut engendré par sa maman et son papa... Adam et Eve... dieu... Bref, et à force de pognon, ben il y eut des acquisitions.

Tiens, en 1678 lorsque l'abbaye de "Plasy" commença à se porter bien mieux qu'avant, l'abbé "Benedikt Engelken" acheta à la famille "Miseroni z Lisonu" le château de "Krašov" (en ruine) avec tout le domaine qui va bien, soit 5 hameaux, une bergerie, 2 moulins et un élevage de poissons (sous forme d'un étang, véridique).
En 1698 l'abbé "Ondřej Trojer" acheta une ferme sur le canton de "Mladotice", et fit reconstruire la petite chapelle St Catherine en ruine en une chapelle du (saint) nom de la vierge Marie ("kaple Jména Panny Marie"). Architecte? Jean-Blaise Santini. C'est d'ailleurs sur ce petit bout de chapelle en pleine campagne (à la périphérie du bourg de 400 âmes) que Jean-Blaise se fit les dents, et qu'il épata l'abbé au point qu'en 1710 ce dernier accepta du génie les plans de reconstruction du cloître de "Plasy" et de "Mariánská Týnice" (publie à viendre ultérieurement). En 1699, notre abbé "Ondřej Trojer" (toujours), par contrition d'avoir renommé la précédente chapelle en vierge Marie, fit construire sur son domaine de "Nynice" une nouvelle chapelle consacrée à Ste Catherine. Architecte? Jean-Baptiste Mathey... enfin pour les plans, parce que le constructeur fut "Matěj Ondřej Kondel", vous savez, celui que sa ferme fut conçue par Santini, puis rachetée par l'abbé 2T ("Tyttl").
D'un côté Santini, de l'autre Mathey, parmi les plus chers du marché, genre l'abbé vivait grand train et dépensait velu. Maintenant, faut aussi dire que la main d'oeuvre était gratuite. Tiens, en cette seconde moitié du XVII ème siècle, le paysan vivait chichement. La guerre de 30 ans avait ravagé l'Europe, Léopold Ier levait gravement l'impôt pour financer sa guerre contre le Turc aux portes de Vienne, et les corvées imposées par les puissants (dont l'abbé de "Plasy") ne laissaient plus une seule minute au pauv' bougre pour regarder tranquillement sa télé. Et c'est justement dans ce contexte pourri, que les 2 fielleuses crapules de Louis XIV et "Imre (Emerich) Thököly" envoyèrent leurs agents provocateurs parcourir la Bohême et pousser le jacques à la révolte (pour les détails des relations malsaines entre le roi soleil et le Hongrois ligués contre ce pauvre Léopold, lisez l'article du professeur Jean Bérenger paru dans la revue d'histoire diplomatique: "Le royaume de France et les “Malcontents de Hongrie”. Contribution à l’étude des relations entre Louis XIV et Imre Thököly."). Et le jacques se révolta en 1680, en Bohême comme à "Plasy", mais l'ordre fut prestement ramené au sabre et à la potence. Et tandis que certains exécutaient les coupables sans pitié, notre abbé "Benedikt Engelken" les assignait à la corvée sans pitié aussi. L'un des plus fameux épisodes est l'allée des tilleuls que les gueux durent planter gratuitement jusqu'à la prévôté de "Mariánská Týnice", et dont il ne reste aujourd'hui que le dernier arbre, dit le tilleul de "Radim", du nom du meneur, le bailli "Jiří Radim z Dřevce" qui après avoir planté son dernier arbre fut pendu haut et court.
Bon, et j'en suis où moi? Ah oui, le pognon... et donc grâce à ce pognon issu des abbayes succursales, des prévôtés-fermes, des corvées (économie de pognon), les moines cisterciens purent au XVIII ème siècle édifier ce fantastique domaine de "Plasy".

Alors pour en terminer avec cette perle de Bohême, ce patrimoine exceptionnel non pas tchèque mais mondial, je vous exhorterais à vous y rendre sans la moindre hésitation. Oui, c'est hors des sentiers battus par le touriste, oui c'est hors de la route principale vers Prague, mais c'est à la fois tellement proche, et tellement riche, que vous n'avez pas le droit de l'éviter, surtout si vous êtes en voiture. Personnellement j'y retournerai encore (l'année prochaine, maintenant c'est la saison morte), parce que je n'ai pas encore tout vu, parce que je veux tout voir, et parce qu'il est fort à parier qu'il en sera de plus en plus visible (au fur et à mesure des restaurations). Mention spéciale aux p'tits jeunes qui font faire les visites, parce qu'ils vous parlent de l'abbaye avec amour, avec passion, avec ce qu'ils en ont vécu (ils travaillent/restaurent là), et c'est pas du récité par coeur comme on en rencontre beaucoup trop souvent. Y a juste que si jamais, enfin un petit bémol... donnez plus de temps aux visiteurs, laissez-les regarder (photographier) en détail, permettez leur d'apprécier chaque bout du joyau. Je sais, vous vous faites le circuit plusieurs fois par jour, donc z'êtes repus, mais moi non, toujours pas, alors s'youplaît, un tout petit peu plus de temps... genre. GPS: 49°56'4.231"N, 13°23'24.204"E

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