Visiter: Le musée national, c'est trop top
Ben voilà, après le musée qui n'était pas le plus mieux que j'ai pu voir, je vous invite au musée que ça vaut vraiment la peine, et ce, qu'il fasse beau, moche, sec ou pluvieux (contrairement à l'autre). En fait chronologiquement, j'aurais même dû le mettre avant l'autre, puisqu'on l'a (celui-là) visité avant (l'autre), mais bon, comme il me fallait un peu de temps pour préparer les photos, qu'il y en a velu à dire dessus, que je dois plus préparer l'article du musée national que moins l'article du musée de la ville de Prague, donc la publie est après (même un peu tard) au lieu d'être avant. Remarquez bien que ça ne change rien, sinon que mon article précédent un peu... sévère (mais aucunement malveillant) a sûrement été influencé par cet ordre des visites. Allez, hop, passons directement au sujet d'aujourd'hui, donc le musée national de Prague.
L'institution du musée fut créée au tout commencement du mouvement nationaliste en 1818 par le paléontologue, minéralogiste et comte "Kašpar Maria Šternberk" (1761-1838) sous l'appellation un brin chauvine de "Musée de la patrie". Bien évidemment, en ce temps là, le magnifique édifice que vous pouvez admirer aujourd'hui n'existait pas et les collections provenant principalement des ramassages de la noblesse et de la bourgeoisie tchèques étaient stockées dans divers bâtiments praguois. Le développement du musée (enfin de l'institution) sera assuré d'abord par la publication de "Časopis Národního muzea" (le magazine/la revue du musée national) dés 1829 (et toujours publiée -la revue- aujourd'hui), puis par la fondation en 1831 de la maison d'édition "Matice česká" (la matrice tchèque) dont le but était de promouvoir la science et la littérature tchèques en langue tchèque (pour les Tchèques :-) Derrière ces deux leviers de la promotion du musée (tchèque) se trouvaient nombreux phénomènes prodigieux de la nation. Citons par exemple l'historien, écrivain et homme politique (et j'ai bougrement réduit ses contributions car il mérite toute une publie) "František Palacký" (1798 - 1876) dont la bonne bouille décore nos biftons de 1000 CzK; l'historien et slaviste "Josef Dobrovský" (1753 - 1829) dont l'oeuvre colossale sur la Bohême et la langue tchèque sera essentiellement écrite en Allemand, ne croyant pas en l'avenir de la langue sur laquelle il a tant écrit; le biologiste "Jan Evangelista Purkyně" (1787 - 1869), père de la physiologie expérimentale et fondateur du département de Sciences Naturelles du musée, le paléontologue d'origine française Joachim Barrande (1799 - 1883) qui a légué son oeuvre au musée et son nom au quartier de Prague "Barrandov" (le Hollywood Cinecittesque tchèque où qu'on tourne en ce moment le dernier James Bond) et de nombreux tout plein d'autres, de phénomènes prodigieux de la nation qui contribueront à la promotion de l'institution du musée.
Ainsi à force de notoriété, de dons et de collections, ben il commençait à s'en entasser grave du fourbi dans le palais "Nostický" (au 20 de la rue "Na Příkopě", il n'existe plus, détruit, aujourd'hui c'est la banque "Živnostenská banka" qui y est). Pis un jour la puzfrau "bába Pejzlerka" (femme de ménage) n'en pu plus de la poussière et des poils d'araignées qui s'entassaient depuis des années. Elle menaça même de jeter son tablier si l'on ne trouvait pas rapidement suffisamment d'espace pour entreposer rationnellement toutes ces breloques afin qu'elle puisse toiletter proprement tout ce foin. C'est finalement "František Ladislav Rieger" (un autre grand de la nation) qui trouva la solution. Tandis qu'on en était à détruire les remparts de la ville, qui en cette fin de XIX ème siècle ne servaient plus à rien (avec les bombes chimiques, atomiques, grippe aviaire et caricatures de mats aux mets...), il réussit à convaincre le conseil municipal à ce que la ville de Prague fasse don du terrain laissé libre par la destruction (en 1875) de la porte du cheval ("Koňská brána", officiellement "brána sv. Prokopa", porte de St Procope mais porte du cheval de part le marché aux canassons à proximité, ancien nom de la place St Venceslas)... j'en suis où... ah oui, donc qu'on fasse don de l'espace laissé libre pour la construction d'un nouveau musée. Le conseil fut au début retissant, forcément, mais lorsque François ("František") expliqua que c'était pour la gloire de la nation, qu'un pays sans musée national c'est comme une bière sans mousse, et qu'on en ferait un (musée) grandiose avec le Saint Patron du pays devant la façade que le François-Joseph Erste en ferait une diarrhée de jalousie, alors la municipalité accepta en fin de compte le projet.
En 1883 on lança donc un appel d'offre pour la construction de l'édifice, et c'est l'architecte "Josef Schulz" qui remporta le concours grâce à son concept d'"aisances à tous les étages" et de "placards fermant à clés" pour "bábu Pejzlerku". La construction dura 5 ans (de 1885 à 1890), le style est néo-renaissance, la surface au sol est de 104 par 74 mètres, l'édifice compte 338 marches d'escalier de la fontaine (devant l'entrée) jusqu'à la coupole, il comporte 560 fenêtres (contente la femme de ménage de faire les carreaux) et 3500 portes (content le concierge d'en conserver les clefs). Fin mars 1891, on finit par installer les objets d'exposition, et le 18 mai 1891, on inaugura le musée national (qui ne s'appelait toujours pas encore musée national) en grande pompe avec fanfares, cotillons, discours, pom-pom girls et frites-merguez-ketchup. Mais n'allez pas croire que c'en était fini de l'aventure, point du tout, car il restait encore plein de trucs à terminer. Genre la fontaine (devant l'entrée), elle ne fut terminée qu'en 1892 (quand on y mit de l'eau dedans), les décorations de la salle des artistillustres (panthéon), achevée qu'au début du XX ème siècle, la machine à coca collé, installée dans le hall en 1991... Pis on y mit des statues jolies jolies, genre devant l'entrée principale, au-dessus de la fontaine, des oeuvres du sculpteur "Antonín Wagner". Vous y verrez l'allégorie de la Bohême avec la couronne de St Venceslas sur la tête tenant verticalement une épée dans la main, puis les faignasses lascivement couchées en dessous à côté sont les fleuves "Vltava" et "Labe", et encore sur les côtés plus loin, une jouvencelle représentant la Moravie et un jouvenceau représentant la Silésie (et un étron évoquant l'empire d'Autruchon-gris). Pis encore d'autres statues sur le bâtiment, de "Josef Mauder", "Bohuslav Schnirch", puis des statues sur les balustrades, en haut, figurant l'air, l'eau, la terre et le feu mais aussi la vérité, la beauté, etc... (curieusement, on n'y a pas mis la connerie, qui pourtant est la vertu la plus répandue). Mais je ne peux pas tout vous décrire, tellement il y en a plein. Puis aussi c'est pas le plus intéressant non plus. Par contre les statues du dedans, alors là il y en a velu plus intéressant à raconter, sur les 400m² du panthéon.
Le panthéon, c'est la plus belle salle de tout l'édifice, et une des plus belles de tous les édifices du pays. La pièce sert toujours aux commémorations, célébrations, obsèques de personnalités/évènements remarquables (tiens, moi par exemple j'y donne la semaine prochaine une bamboula discrète pour fêter les 7000 hits et les 1 an de mon blog, en toute simplicité, modestement). Alors pour les descriptions, commençons par les peintures. Dans les lunettes (ce sont les demi-cercles en haut, la lune c'est entier, rond, la lunette c'est plus petit, demi-lune, donc demi-rond) vous trouverez des scènes mémorables de l'histoire du pays. La première paire de lunettes est l'oeuvre de "František Ženíšek" et représente l'appel fait au laboureur "Přemysl" de prendre "Libuše" pour épouse et fonder presto une dynastie (ce qu'il fit sans trop se faire prier), puis Méthode (la moitié de Cyrille) à Rome terminant avant de mourir la traduction des Saintes Ecritures en Slave (vers l'an 885 en UNICODE UTF-8 à cause des accents). La seconde paire de lunettes est l'oeuvre du prodigieux "Václav Brožík" et représente Charles IV fondant l'Universitas Carolina (en 1348), puis "Jan Amos Komenský" développant devant le conseil municipal d'Amsterdam ses théories de l'enseignement (en 1657). Et là, pour ceux qui suivent assidûment mes publies, et je les en remercie, vous devriez me dire "eh Strogoff, attends voir, on en a déjà entendu parler de ces deux tableaux là?" Ben oui, exactement, ils se trouvent également à la mairie de la vieille ville. Ben voilà chers lecteurs, je suis confronté à l'angoisse de l'embarras fâcheux car je ne sais pas lesquels sont les vrais. Je veux dire que les 2 paires sont vraies (ah ouais?), de la main du maître (peut-être), celles du musée comme celles de la mairie (c'est ce qu'on m'a dit), mais je ne sais pas lesquels furent peintes en premier, et lesquelles furent par la suite copiées. Alors s'il s'en trouve des, parmi vous, qui ont une explication, écrivez-moi s'il vous plait afin de lever définitivement le voile opaque de l'inconfortable incertitude. Sinon les pendentifs... Ah oui, alors évidemment qu'est ce que c'est les pendentifs? Ce sont les constructions en triangle sphérique concave, entre les grands arcs soutenant la coupole, permettant de passer du plan carré au plan circulaire (parfois octogonal). Ben oui, puisque le cercle de la coupole passe dans le carré du transept par le truchement des trompes et des pendentifs, alors forcément. Donc les pendentifs, ces triangles sphériques concaves... bref entre les lunettes, les triangles peints sont l'oeuvre de "Vojtěch Hynais". Ils représentent l'inspiration, la science, le progrès et l'art (du cochon). Et tiens, pour la petite anecdote, ce même "Vojtěch Hynais" décora encore les 8 bandes d'arcs de voûtes... bon chais pas si ça se dit comme ça, ça, alors disons les petits anges fleuris qui jouent des instruments de musique dans les cieux en trompe l'oeil, presque ovale la forme, vous les voyez, donc il les peignit sur toile bien tranquillement dans son atelier en 1902. "Tiens Germaine, remets voir donc des chips dans le saladier...". Ce n'est qu'une fois sur son échelle, prêt à coller ses oeuvres dans les emplacements prévus à cet effet, qu'il se rendit compte qu'il manquait quelques 15 à 20 cm de toile sur les bords. Et donc après avoir consciencieusement dérouillé son empoté d'apprenti qui avait maladroitement pris les mesures quelques mois auparavant, il l'envoya à coups de pieds au cul chercher ses pinceaux, ses gouaches et son fourbi à barbouille dans l'atelier, puis termina les raccords directement sur le plâtre à la lueur des chandelles. Alors c'est sûr, et heureusement, ça ne se voit pas tant que vous n'avez pas le groin collé dessus. Par contre, et selon les propres paroles du fils de l'apprenti qui m'a raconté cette anecdote un soir dans une taverne honorable, "les centimètres qui manquaient étaient aussi visibles qu'une nonne faisant des génuflexions dans un champ d'aubergines".
Puis passons aux statues, toujours dans le panthéon. En taille réelle, vous en verrez normalement 6. Je dis bien normalement car les statues (comme les bustes) ne sont pas des constantes perpétuelles, et selon les saisons politiques l'on en retire et l'on en remet. D'ailleurs je vous en parlerai plus tard. Donc en temps normal disais-je, ou plutôt la dernière fois que j'y suis allé, il y en avait donc 6 de statues grandeur réelle:
"Jan Hus" (par "Věra Ducháčková-Beránková", 1938)
"Jan Amos Komenský" (par "Antonín Popp", 1897)
Le président "Tomáš Garrigue Masaryk" (par "Otakar Španiel", 1931)
"Jan Neruda" (par "Karel Dvořák", 1933-1941)
"František Palacký" (par "Antonín Popp", 1897, la plus ancienne statue du panthéon)
"Kašpar Maria Sternberg" (par "Josef Kvasnička", 1900)
Concernant les bustes, alors je ne vais pas vous les énoncer tous, il y en a plus de 40, mais au moins quelques connus, les plus mieux pour moi, vraiment ceux que je vénère comme le messie (mais non, je déconne):
"Bedřich Smetana" (par "Ladislav Šaloun", 1901)
"Antonín Dvořák" (par "Ladislav Šaloun", 1904)
"Viktorin Kornel ze Všehrd" (par "František Stránský", 1899-1900)
"Josef Jungmann" (par "František Stránský", 1900-1901)
"Bohuslav Balbín" (par "František Stránský", 1899)
"Ferdinand Maxmilián Brokof" (par "Emanuel Halman", 1900)
"Petr Jan Brandl" (par "Emanuel Halman", 1900)
"Josef Václav Myslbek" (par lui-même 1902-1903)
Puis pour les flottants, les temporaires, les politico-saisonniers, citons entres autres, les plus flagrants:
Le président "Edvard Beneš", retiré en 1951 et jamais remis en place pour ne pas fâcher nos voisins germaniques (voir les "décrets du président Beneš")
"František Ladislav Rieger", retiré en 1951 et placé aujourd'hui à la Galerie Nationale
"Kilián Ignác Dientzenhofer", retiré en 1951 et toujours à la cave (ah? Et pourquoi?)
"Julius Fučík", retiré en 1991
"Zdeněk Nejedlý", retiré en 1991
Alors pour les retirés en 1951, ils étaient trop Tchèques pour les con-munistes d'à l'époque. Pour les retirés 40 ans plus tard, ils étaient trop con-munistes pour les Tchèques d'aujourd'hui. O tempora, o mores! Bref donc le panthéon, allez-y, c'est splendide, et c'est très très Tchèque. Surtout n'hésitez pas à laisser tomber une larme d'émotion sur la mosaïque en marbre du sol devant tant de grandeur et de sublimité nationale :-) Et encore avant de partir, remarquez la porte d'entrée principale (dans le panthéon). C'est un chef d'oeuvre de marqueterie sur bois dans un cadre de marbre rouge veiné, et regardez bien des 2 côtés de la porte, ce sont des motifs différents. De face on reconnaît la délicate castration d'un cheval de brasserie par la fille du maître brasseur, avec les dents, comme le veut la tradition, et du côté pile, une scène classique de la vie à la campagne, un fermier jetant des seaux d'eau sur le gros verrat qui profita de la positon cambrée de sa femme (au fermier) apportant la pâtée aux canards pour lui grimper sur le râble. C'est authentique et splendide.
Bon, mais une telle baraque, ben c'est de l'entretien énorme énorme. Regardez-voir "bábu Pejzlerku" combien de temps qu'elle met à faire la poussière, combien de litres de Mr Propre et de Glassex-vitre elle utilise? Et je ne vous parle pas des travaux d'entretien, des vrais, de la maçonnerie, plomberie et toiture. Je ne vous parle pas des entretiens courants comme déjà en 1901 où qu'il fallut en remettre un coup sur le crépis. Je ne vous parle même pas des travaux d'entretien exceptionnel comme en 1945 (le 7 mai, 1 jour avant la fin de la guerre), alors que les alliés bombardaient la gare centrale (à 500 m du musée) une bombe lâchée trop tôt arrachait (sans exploser) une partie du dernier étage de l'édifice (côté cour heureusement). Pis il y a eu des dégâts irréparables généralement liés à l'incommensurable connerie humaine, qui comme chacun sait est en opposition d'avec l'art et la science. Exemple, en août 1968 lors de l'invasion des armées du pacte de Varsovie, les soldats russes ont sciemment et sans motif tiré au fusil mitrailleur lourd et à la mitraillette sur l'édifice. Les impacts des balles infligèrent des dégâts considérables dans le grès de la façade, des piliers, des statues et des bas-reliefs au point qu'une réfection de 2 ans (1970 à 1972) fut nécessaire (financée par les bolcheviques responsables?) sans pour autant supprimer les traces de ce vandalisme primitif (regardez sur mes photos de façades, les impacts sont salement visibles). Puis il y a eu l'histoire de la construction du métro de Prague. En 1978, tandis que l'on creusait à ciel ouvert le hall de la station "Muzeum" juste devant la façade du bâtiment, les explosions de dynamite finirent par altérer le contrefort d'angle avant gauche du monument. De méchantes fissures apparurent dans les murs et il fallut rapidement détacher le contrefort de la base, surélever d'un doigt hydrauliquement tout le fourbi puis consolider la base à l'aide de colonnes en béton. En 1986 on masqua les fissures dedans la pierre avec de la résine, donc aujourd'hui vous ne voyez plus rien du dehors, mais en dedans, la structure fondamentale est atteinte. Mais attendez voir, parce que le délire constructiviste mélangé à l'incompétence urbanistique saupoudré d'idéologie marxiste-léniniste allaient accoucher de la plus immonde hydre stupido-polluo-dégradationnesque qu'une agglomération puisse imaginer: une autoroute traversant le centre ville. Eh oui, tenez-vous bien, en 1978 un sinistre collectif d'ineptes imbéciles bolcheviques inaugurait la nouvelle double-voie traversant le coeur de la ville en plein devant le musée dans un sens, et en plein derrière le musée dans l'autre (sens). Et comble de l'ironie, l'affligeante inauguration eut lieu dans le panthéon, appréciez au passage le sens de l'humour singulièrement développé. Ah pour ça, ils étaient extrêmement créatifs et lucides à l'époque, nos "lider maximo" issues de l'agriculture ou de l'armée. Puis assistés par des génies civils des ponts et chaussées dont les compétences techniques reposaient sur la parfaite connaissance des théories marxistes plutôt que sur la lecture des idées judicieuses et pertinente du Corbusier (Propos d'urbanisme) ou de Camillo Sitte (l'Art de bâtir les villes), il va sans dire qu'on pouvait difficilement s'attendre à autre chose qu'à la décrite monstruosité. Et encore on a de la chance, eussent-ils un peu plus duré qu'on aurait aujourd'hui un aéroport sur la place Venceslas. Et donc pour en revenir à notre édifice, les vibrations et la monstrueuse pollution depuis plus de 20 ans ont causé et causent toujours de considérables dévastations au bâtiment comme aux collections (ben ouais, il est pas étanche le musée). Le crépis de la façade agonise, certaines statues au sommet doivent être démontées car les morceaux qui s'en détachent risquent de blesser les passants, l'électricité et la plomberie sont dans un état déplorable car non modernisées depuis des dizaines d'années, le système anti-incendie en panne depuis 25 ans est suppléé par des extincteurs classiques... bref on estime aujourd'hui les travaux à quelques 4,5 milliards de CzK (150 millions €, eh oui, rien que ça) et quelques 3 à 4 ans rien que pour préparer l'édifice à la restauration. Alors dépêchez-vous, d'y aller avant qu'il ne s'effondre :-(
"Y aller, y aller, ben ouais mais pour voir quoi?" Ah, l'excellente question que j'attendais, alors pour voir quoi? Ben pour voir les quelques 200.000 objets exceptionnels qui y sont exposés. En fait la collection complète se compose de 100 fois plus de pièces (20 millions), mais les 99% non exposées servent à recherche scientifique des scientifiques et non à la contemplation béate des amateurs comme nous. Alors le musée se compose de 5 départements:
Sciences naturelles: anthropologie, botanique, entomologie, minéralogie, mycologie, paléontologie, zoologie.
Histoire: préhistoire, ancien, moyen et nouvel âge de la Bohême, ethnographie, numismatique. Histoire, c'est 3 salles, 60 vitrines, 2 macchabées, et une palanquée de trucmuches qui méritent d'être vus. Ethnographie et numismatique pas vues (sans doute fermées)
Cultures asiatiques, américaines et africaines: mais pas dans le bâtiment dont je vous parle là. Les collections se trouvent sur la place de Bethléem ("Betlémské náměstí"), dans la maison "Dům U Halánků" (c'est énorme d'histoire aussi cet édifice, mais je laisse ça pour une autre fois). Le musée s'appelle "Náprstkovo muzeum" du nom de "Vojtěch Náprstek" (1826 - 1894), révolutionnaire idéaliste, patriote, voyageur, collectionneur, mécène (et j'en oublie) dont je vous parlerai sûrement un jour aussi (comme de son musée). En attendant allez-y, j'ai adoré, c'est trop top le fourbi qui s'y trouve...
Le musée de la musique: pareil, ailleurs (rue "Karmelitská 2/4", sous les arcades à droite de l'église "Panny Marie Vítězné"). J'y ai pas encore été, donc j'peux pas vous raconter.
La bibliothèque du musée national: aussi ailleurs, dans le château de "Radslav Kinský" à "Žďár nad Sázavou" (150km de Prague, au sud-est, direction "Brno"). Pas encore été non plus.
Mais revenons au premier département au deuxième étage de notre bâtiment, celui des sciences naturelles, car c'est vraiment là que vous trouverez de quoi vous enthousiasmer, vous et vos gnafrons. Alors d'abord les piafs... "Ouais papa, tu comprends, les emplumés... maman nous fait des nuggets de poulet 1 fois par semaine, alors les piafs, nous on voudrait plutôt voir des frites, à quoi ça ressemble avant d'être surgelées...". Et là, vous sortez les anecdotes magiques du chapeau (magique aussi), et si avec de telles historiettes vos moutards ne sont pas emballés comme des joujoux à Noël, alors je ne sais plus quoi vous dire. Tiens, commencez par les bêtes rarissimes qu'on ne trouve même plus dans la nature. Le squelette du dodo (ou dronte, scientifiquement Raphus Cucullatus), communément appelé l'idiot de l'île Maurice (dodo viendrait du Portugais "doido", fou) est une rareté unique dans le monde. Cette espèce de grosse dinde endémique de l'île (Maurice) a été exterminée vers la fin du XVII ème siècle, et seuls 4 musées dans le monde (dont celui de Prague) en conservent des reliques. C'est quasiment plus rare que du Jésus, ça vous en trouvez une tranche dans n'importe quelle bonne basilique. Et tenez-vous bien, anecdote, hop... savez d’où proviennent les bouts de dodo de notre musée, hein? Et bien du roi Rudolf II. Eh ouais, notre loufoque de roi qui n'en n'était plus à une excentricité près, avait un dodo vivant dans sa fameuse ménagerie. Et pour preuve, il (le dodo à Rudolf) a même été peint par l'artiste hollandais "Roelandt Savery". Autres raretés du musée, le grand pingouin (Alca impennis ou Pinguinus impennis) disparu (dernier couple assassiné) en 1844, le canard du Labrador (ou eider du Labrador, Camptorhynchus labradorius) aperçu vivant pour la dernière fois en 1878 (à Elmira, dans l'état de New York), l'extraordinaire pigeon migrateur (ou colombe voyageuse, Ectopistes migratorius) qui, selon certains experts, aurait été en son temps l'espèce d'oiseau la plus nombreuse sur terre alors que le dernier spécimen mourut en septembre 1914 dans le zoo de Cincinnati aux Etats-Unis, ou encore la conure de Caroline (Conuropsis carolinensis) sorte de perruche nord-américaine dont le dernier spécimen s'éteignit (dans le même zoo) en 1918. Autre rareté mais pas totalement éteinte, enfin si, dans la nature il n'y en a plus, juste en captivité, le lion de barbarie (ou de l'Atlas, Panthera leo leo). C'était le plus gros bestiau de la famille des lions (jusqu'à 250kg pour le mâle). Il vivait dans les montagnes de l'Atlas entre l'Egypte et le Maroc. Le dernier spécimen vivant dans la nature a été assassiné en 1922, et le musée national de Prague en conserve un crâne. Par contre tiens, je vous file un tuyau... si vous voulez en voir des vivantes (comme les frites :-) de ces bestioles, allez au zoo (safari) de "Dvur Králové", il semblerait qu'ils en ont quelques spécimens. Puis en empaillés, grandeur nature, vous y verrez (dans le musée) encore l'aye-aye (Daubentonia madagascariensis), lémurien endémique de Madagascar extrêmement rare qui ressemble à un croisement de chauve-souris et d'écureuil. Il a un troisième doigt démesuré qui lui sert à attraper les larves dans les trous des troncs d'arbres (doigt de la main droite) et se gratter les fesses (doigt de la main gauche). Pis il y a aussi le maki (Varecia variegata), comme l'autre, lémurien endémique de Madagascar dont la population diminue énormément parce que la pauvre bête à la malchance d'avoir une viande particulièrement savoureuse (avec des frites). Et dans la série c'est énorme, le tigre de l'Altaï (ou tigre de Sibérie, Panthera tigris altaica). C'est le plus gros tigre du monde, mais il a surtout la particularité de forniquer dans l'eau parce que madame prétend être dérangée par les mouches. Ouah l'autre eh, sans dec, quelle chochotte madame Altaï, chuis scié... et un lit à baldaquin, non? Et hop, de quoi scier vos gnafrons férus d'informatique. Le navigateur Web Firefox, sa mascotte, ben Firefox vient du chinois "hǔo hú" et signifie renard de feu. Or il ne s'agit là aucunement d'un renard, mais d'un petit panda (panda fuligineux, Ailurus fulgens) vivant dans l'Himalaya et gravement menacé par la bêtise des hommes (comme toujours). Pareil, vous en trouverez un modèle empaillé dans notre musée. Mais attention, il n'y a pas que des bêtes en voie de disparition, il y a aussi des trucs tout simples mais fichtrement rares. Genre tiens, si je vous dis Helix pomatia, le truc le plus ordinaire qui puisse être, le rudimentaire escargot de Bourgogne que tout le monde a déjà goûté au moins une fois avec du schneckebutter et une baguette bien fraîche. Ben chais pas si vous le savez, ou si tout simplement vous vous êtes jamais posé la question, mais les coquilles, elles tournent toutes dans le sens des aiguilles d'une montre, vers la droite. Ben au musée national de Prague, ils ont une coquille qui tourne dans le sens inverse, vers la gauche. C'est énorme, il paraîtrait que statistiquement parlant, ça n'arriverait qu'une fois sur 1 million dans la vraie nature sauvage. Dingue. Surtout si on compare ce rapport (1 / 1.000.000) à l'Helix Tchernobylix dont la coquille fluorescente toute l'année clignote chaque 26 avril. Rareté il y a encore 20 ans (1 / 5.000.000.000.000), il prolifère depuis comme de la mauvaise herbe de l'autre côté des Carpates (1 / 2) au point que le musée national de Prague a retiré son unique exemplaire de l'exposition.
Et puis tiens, à propos des exemplaires auparavant uniques devenus banalement ordinaires, les coquillages, hop anecdote... Si je vous dis la porcelaine or (couleur or) Cypraea (Lyncina) aurantium? Bon, moi-même je ne la connaissais pas avant d'en entendre parler par l'un des conservateurs du musée national lors d'une rencontre fortuite "U Zlatého Tygra". "Alors attention" me dit-il d'une voix grave, "je te parle d'à l'époque où ce coquillage avait une valeur inestimable. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, cette porcelaine ne se trouvait qu'extrêmement rarement aux alentours des îles Fidji, et seuls les rois autochtones de ces îles avaient le droit d'en posséder. D'ailleurs toute personne qui en trouvait une (porcelaine) se devait, sous peine de mort, de la remettre au roi dans les plus brefs délais. Et plus le roi avait de ces porcelaines, et plus son pouvoir était grand aux yeux des autres rois des autres îles. Aujourd'hui, tu en trouves de partout, pour quelques 50 à 100€, en provenance des Philippines, de Chine... bref ça n'a plus la même valeur qu'il y a 100 ans..." Il alluma une cigarette, prit une gorgée de bière et poursuivit. "Alors que j'étais encore étudiant (fin des années 1960) et que je travaillais au musée sur un sujet de conchyliologie, je m'enthousiasmais devant le docteur "Karel Táborský" (alors directeur du département de zoologie) des superbes porcelaines or de l'institut. Et c'est ainsi qu'il me raconta comment il les obtint. Dans les années d'entre deux guerres, alors que le docteur était dans son bureau on lui annonça une visite fortuite. Il vit alors entrer un gaillard sympathique d'une cinquantaine d'années, lui affirmant être né en Bohême sous l'Empire austro-hongrois, avoir immigré aux Etats-Unis et fait fortune. Avec cette fortune, il se serait offert une île en périphérie des Fidji, avec titre, rang et diplôme de roi (de l'île). Puis à la suite des nombreuses années d'absence du pays, il serait revenu mettre un oeil curieux sur sa terre natale et apportait en l'occasion un cadeau royal au musée national. C'est alors que sous les yeux avides d'impatience, de curiosité et d'excitation du docteur "Táborský", il ouvrit une petite boîte pleine de coquillages sans la moindre valeur certainement ramassés sur les plages du Pacifique par un mouflet fouineur." Mon narrateur rigola un grand coup, prit une longue lampée de bière et poursuivit. "Mais le docteur avait de l'élevage (de l'éducation), et malgré sa déception, il remercia chaleureusement le bougre, l'emmena contempler quelques exemplaires rares de coquillages du Pacifique réunis au musée, et après avoir respectueusement pris congé du fâcheux, oublia rapidement cet épisode. Mais le bougre revint plusieurs années plus tard. Vieux, fatigué et fourbu par le règne sur son île lointaine, il l'aurait vendue avant de s'en retourner mourir sur la terre qui l'avait vu naître. Cependant avant de s'en retirer de ce monde, et fort de la leçon de tact et de civilité dont avait fait preuve le docteur "Táborský" à l'époque, il avait apporté au musée un autre cadeau royal cette fois-ci d'une autre envergure. Il découvrit, emballées dans un tissu de soie, 6 magnifiques Cypraea (Lyncina) aurantium, qui en leur temps faisaient la fierté du musée national." Alors je ne sais pas si elles y sont toujours exposées au musée, car notre visite a été écourtée avant même d'avoir pu accéder au département "kikoyages", mais l'histoire est plaisante et m'a fait beaucoup rire sur le moment.
Et le bonhomme de conservateur de poursuivre "et la baleine, tu l'as vue la baleine, tu sais comment elle est arrivée au musée?" Et hop, anecdote. "En 1885, un bestiau long de quelques 22 m de la marque Balaenoptera Physalus est allé bêtement s'échouer sur la plage de la petite île de "Lyngöy Molo", à côté de Bergen en Norvège. Les pêcheurs (de baleines) du coin avaient de suite reniflé la juteuse opportunité, aussi sous l'oeil expert d'un naturaliste local, ils commencèrent par dépecer la bête comme il faut, travailler la viande et la graisse comme il se doit et faire quelques porte-monnaie avec la peau, puis proposèrent le squelette proprement charcuté à divers musées du monde. Cette offre est ainsi arrivée aux oreilles du conservateur de paléontologie, le docteur "Antonín Frič" qui voyait là une occasion unique de procurer au musée national une pièce remarquablement exceptionnelle. Mais comme toujours, derrière l'idée grandiose se cachait le vil frein financier. Le musée était incapable de rassembler la somme demandée par les vautours norvégiens. Mais qu'à cela ne tienne, car "Antonín Frič" avait un frère, "Václav", qui faisait partie d'un cercle de "štamgast" (habitués) s'attroupant régulièrement dans une taverne notoire pour débattre de tout et de rien, généralement des deux à la fois. Or le précédemment cité mécène "Vojtěch Náprstek" était de ces "štamgast". Un jour "Václav Frič" présenta à dessein son frère "Antonín" à l'assemblée, et après que ce dernier eût exposé cette histoire de baleine et qu'il eût proprement imbibé l'auditoire du breuvage national, l'assistance conclut à l'unanimité qu'un tel spécimen se devait de figurer en bonne place dans le nouveau bâtiment en construction, future fierté nationale. Et pour que la petite histoire soit complète, c'est "Vojtěch Náprstek" qui décida d'acquérir le tas d'os puants pour en boucher un coin à la compagnie d'ivrognes. Ainsi en l'an 1887, l'on commença à empaqueter les quelques 4 tonnes du monstre marin et à les transporter vers cette magnifique capitale de la Bohême qu'est Prague. Ben ouais, mais le musée national n'était pas encore construit. Aussi les restes de l'animal finirent temporairement et naturellement dans le musée du mécène, au "Náprstkovo muzeum". En 1892, l'on décida de placer la baleine dans le lieu auquel elle était originellement destinée et l'on démonta soigneusement le puzzle. Puis profitant de l'occasion (du démontage), l'on décida de traiter les os toujours suintants de graisse. A cet effet l'on mit à contribution l'usine de construction de machines à vapeurs, trams, et autres locomotives "Ringhofferova továrna" à "Smíchov" (devenue ensuite "ČKD Tatra Smíchov", puis centre commercial "Carrefour"), la seule à disposer de bacs suffisamment grands pour traiter certains morceaux du squelette à la vapeur. Une odeur infecte de poiscaille se dégageait de l'usine pendant plusieurs jours et envahissait tout le quartier. On finit par remonter le squelette sur son socle d'acier posé à même le sol, et le morceau de choix resta ainsi jusqu'en 1967, date de la grande restauration des pièces du musée. Non seulement on repassa à la vapeur le squelette qui s'entêtait encore et toujours à goutter comme un saint Nicolas myrrhoblyte, mais une fois re-nettoyé, re-vapeurisé, on le re-fixa définitivement au plafond à l'endroit et dans la position que vous pouvez contempler encore aujourd'hui."
Allez, encore une anecdote pour les gnafrons, "Mission Impossible", le film avec Tom Cruise, vous l'avez vu? Bon mais eux oui, forcément, alors pour eux, les scènes qui au début sont sensées se passer à l'ambassade des Etats-Unis se déroulent en fait dans le hall du musée national. Ils ne savent plus comment faire grand, énorme, et pompeux ces bourricots pour que les réceptions de l'ambassadeur soient toujours réussies :-) Sinon côté pratique, le prix d'entrée est absolument dérisoire au regard de la qualité, de la diversité et de la quantité de pièces exposées. Tenez jugez vous-même 120 CzK (4€) pour toute la famille (2 adultes et 2 loupiots), sinon 100 CzK (3,33€) plein pot pour une personne (c'est le prix d'un demi à CDG). Il y a un vestiaire, gratuit, eh oui, où officient des dames charmantes donc n'hésitez pas à y laisser vos effets personnels encombrants (belle-mère?). Les photos sont permises moyennant la classique contribution de 50 CzK (1,67€) mais pareil, sans statif, sans flash, avec peu de lumière et beaucoup de vitrines pour des reflets inopportuns magnifiques (donc photographiage réservé à de vrais professionnels spécialistes de la photo parfaite et du reportage extraordinaire comme moi je sais faire :-) Le temps de visite? Alors là, hein, chais pas dire, parce que vraiment, ça va dépendre de vous, de vos gnafrons et des bêlements de la belle-mère dans le vestiaire. Mais en gros, si vous le faite au pas de course le musée, sans rien lire de ce qu'il se dit sur les petits plaquettes blanches explicatives, alors comptez 2 heures. Puis si vous êtes assidus, curieux, et enthousiastes, et de surcroît vous ne comprenez rien au Tchèque (pour les petits plaquettes blanches explicatives), alors vous pouvez qu'on té la journée qu'on plète, voire plus. Ah oui, et nous, on a été les victimes infortunées d'une effroyable fumisterie déplaisante au possible. Tandis que nous nous promenions au milieu des primates empaillés, les hauts parleurs soudainement retentirent d'avec la fameuse phrase en plusieurs langues "Mesdames et messieurs, chers visiteurs, le musée va bientôt fermer ses portes..." quoi? Mais c'est pas possible! "...aussi nous vous demandons de bien vouloir vous diriger vers les sorties." Attends, il est quelle heure? "Nous espérons que votre visite a été agréable..." mais c'est seulement 15:45!!! "...et en attendant de vous revoir..." Qu'est-ce que c'est que cette blague? "...nous vous souhaitons une excellente fin de journée." Il doit y avoir une erreur à coup sûr "Ladies and gentlemen, dear visitors, the museum is about to close…", ça ferme jamais à 16h les musées "… wish you an excellent end of the day." Attends je vais demander... "Meine Dammen und Herren, sehr geehrte Besucher…" ah ben flûte alors, il n'y a plus personne "…Türen schließen…" mais c'est dingue, les gens s'en vont vraiment "…Richtung der Ausgange…" ah ben tiens, en v'là un de gardien [...] Et pourtant il fermait bien, exceptionnellement à 16h à cause d'une réception à la con qui faisait qu'on n'avait surtout pas été prévenus et qu'on ne savait donc pas et qu'à cause justement donc, ben j'ai pas pu tout photographier. Donc faites gaffe aux horaires, parce que même normale, la fermeture du bâtiment sera toujours trop tôt, beaucoup trop tôt. Alors voilà, j'espère vous avoir donné l'envie d'y aller car je le répète, ça vaut la peine, et hâtez-vous parce que parti comme c'est commencé avec cet édifice, on ne sait pas s'il va nous faire le prochain hiver.
L'institution du musée fut créée au tout commencement du mouvement nationaliste en 1818 par le paléontologue, minéralogiste et comte "Kašpar Maria Šternberk" (1761-1838) sous l'appellation un brin chauvine de "Musée de la patrie". Bien évidemment, en ce temps là, le magnifique édifice que vous pouvez admirer aujourd'hui n'existait pas et les collections provenant principalement des ramassages de la noblesse et de la bourgeoisie tchèques étaient stockées dans divers bâtiments praguois. Le développement du musée (enfin de l'institution) sera assuré d'abord par la publication de "Časopis Národního muzea" (le magazine/la revue du musée national) dés 1829 (et toujours publiée -la revue- aujourd'hui), puis par la fondation en 1831 de la maison d'édition "Matice česká" (la matrice tchèque) dont le but était de promouvoir la science et la littérature tchèques en langue tchèque (pour les Tchèques :-) Derrière ces deux leviers de la promotion du musée (tchèque) se trouvaient nombreux phénomènes prodigieux de la nation. Citons par exemple l'historien, écrivain et homme politique (et j'ai bougrement réduit ses contributions car il mérite toute une publie) "František Palacký" (1798 - 1876) dont la bonne bouille décore nos biftons de 1000 CzK; l'historien et slaviste "Josef Dobrovský" (1753 - 1829) dont l'oeuvre colossale sur la Bohême et la langue tchèque sera essentiellement écrite en Allemand, ne croyant pas en l'avenir de la langue sur laquelle il a tant écrit; le biologiste "Jan Evangelista Purkyně" (1787 - 1869), père de la physiologie expérimentale et fondateur du département de Sciences Naturelles du musée, le paléontologue d'origine française Joachim Barrande (1799 - 1883) qui a légué son oeuvre au musée et son nom au quartier de Prague "Barrandov" (le Hollywood Cinecittesque tchèque où qu'on tourne en ce moment le dernier James Bond) et de nombreux tout plein d'autres, de phénomènes prodigieux de la nation qui contribueront à la promotion de l'institution du musée.
Ainsi à force de notoriété, de dons et de collections, ben il commençait à s'en entasser grave du fourbi dans le palais "Nostický" (au 20 de la rue "Na Příkopě", il n'existe plus, détruit, aujourd'hui c'est la banque "Živnostenská banka" qui y est). Pis un jour la puzfrau "bába Pejzlerka" (femme de ménage) n'en pu plus de la poussière et des poils d'araignées qui s'entassaient depuis des années. Elle menaça même de jeter son tablier si l'on ne trouvait pas rapidement suffisamment d'espace pour entreposer rationnellement toutes ces breloques afin qu'elle puisse toiletter proprement tout ce foin. C'est finalement "František Ladislav Rieger" (un autre grand de la nation) qui trouva la solution. Tandis qu'on en était à détruire les remparts de la ville, qui en cette fin de XIX ème siècle ne servaient plus à rien (avec les bombes chimiques, atomiques, grippe aviaire et caricatures de mats aux mets...), il réussit à convaincre le conseil municipal à ce que la ville de Prague fasse don du terrain laissé libre par la destruction (en 1875) de la porte du cheval ("Koňská brána", officiellement "brána sv. Prokopa", porte de St Procope mais porte du cheval de part le marché aux canassons à proximité, ancien nom de la place St Venceslas)... j'en suis où... ah oui, donc qu'on fasse don de l'espace laissé libre pour la construction d'un nouveau musée. Le conseil fut au début retissant, forcément, mais lorsque François ("František") expliqua que c'était pour la gloire de la nation, qu'un pays sans musée national c'est comme une bière sans mousse, et qu'on en ferait un (musée) grandiose avec le Saint Patron du pays devant la façade que le François-Joseph Erste en ferait une diarrhée de jalousie, alors la municipalité accepta en fin de compte le projet.
En 1883 on lança donc un appel d'offre pour la construction de l'édifice, et c'est l'architecte "Josef Schulz" qui remporta le concours grâce à son concept d'"aisances à tous les étages" et de "placards fermant à clés" pour "bábu Pejzlerku". La construction dura 5 ans (de 1885 à 1890), le style est néo-renaissance, la surface au sol est de 104 par 74 mètres, l'édifice compte 338 marches d'escalier de la fontaine (devant l'entrée) jusqu'à la coupole, il comporte 560 fenêtres (contente la femme de ménage de faire les carreaux) et 3500 portes (content le concierge d'en conserver les clefs). Fin mars 1891, on finit par installer les objets d'exposition, et le 18 mai 1891, on inaugura le musée national (qui ne s'appelait toujours pas encore musée national) en grande pompe avec fanfares, cotillons, discours, pom-pom girls et frites-merguez-ketchup. Mais n'allez pas croire que c'en était fini de l'aventure, point du tout, car il restait encore plein de trucs à terminer. Genre la fontaine (devant l'entrée), elle ne fut terminée qu'en 1892 (quand on y mit de l'eau dedans), les décorations de la salle des artistillustres (panthéon), achevée qu'au début du XX ème siècle, la machine à coca collé, installée dans le hall en 1991... Pis on y mit des statues jolies jolies, genre devant l'entrée principale, au-dessus de la fontaine, des oeuvres du sculpteur "Antonín Wagner". Vous y verrez l'allégorie de la Bohême avec la couronne de St Venceslas sur la tête tenant verticalement une épée dans la main, puis les faignasses lascivement couchées en dessous à côté sont les fleuves "Vltava" et "Labe", et encore sur les côtés plus loin, une jouvencelle représentant la Moravie et un jouvenceau représentant la Silésie (et un étron évoquant l'empire d'Autruchon-gris). Pis encore d'autres statues sur le bâtiment, de "Josef Mauder", "Bohuslav Schnirch", puis des statues sur les balustrades, en haut, figurant l'air, l'eau, la terre et le feu mais aussi la vérité, la beauté, etc... (curieusement, on n'y a pas mis la connerie, qui pourtant est la vertu la plus répandue). Mais je ne peux pas tout vous décrire, tellement il y en a plein. Puis aussi c'est pas le plus intéressant non plus. Par contre les statues du dedans, alors là il y en a velu plus intéressant à raconter, sur les 400m² du panthéon.
Le panthéon, c'est la plus belle salle de tout l'édifice, et une des plus belles de tous les édifices du pays. La pièce sert toujours aux commémorations, célébrations, obsèques de personnalités/évènements remarquables (tiens, moi par exemple j'y donne la semaine prochaine une bamboula discrète pour fêter les 7000 hits et les 1 an de mon blog, en toute simplicité, modestement). Alors pour les descriptions, commençons par les peintures. Dans les lunettes (ce sont les demi-cercles en haut, la lune c'est entier, rond, la lunette c'est plus petit, demi-lune, donc demi-rond) vous trouverez des scènes mémorables de l'histoire du pays. La première paire de lunettes est l'oeuvre de "František Ženíšek" et représente l'appel fait au laboureur "Přemysl" de prendre "Libuše" pour épouse et fonder presto une dynastie (ce qu'il fit sans trop se faire prier), puis Méthode (la moitié de Cyrille) à Rome terminant avant de mourir la traduction des Saintes Ecritures en Slave (vers l'an 885 en UNICODE UTF-8 à cause des accents). La seconde paire de lunettes est l'oeuvre du prodigieux "Václav Brožík" et représente Charles IV fondant l'Universitas Carolina (en 1348), puis "Jan Amos Komenský" développant devant le conseil municipal d'Amsterdam ses théories de l'enseignement (en 1657). Et là, pour ceux qui suivent assidûment mes publies, et je les en remercie, vous devriez me dire "eh Strogoff, attends voir, on en a déjà entendu parler de ces deux tableaux là?" Ben oui, exactement, ils se trouvent également à la mairie de la vieille ville. Ben voilà chers lecteurs, je suis confronté à l'angoisse de l'embarras fâcheux car je ne sais pas lesquels sont les vrais. Je veux dire que les 2 paires sont vraies (ah ouais?), de la main du maître (peut-être), celles du musée comme celles de la mairie (c'est ce qu'on m'a dit), mais je ne sais pas lesquels furent peintes en premier, et lesquelles furent par la suite copiées. Alors s'il s'en trouve des, parmi vous, qui ont une explication, écrivez-moi s'il vous plait afin de lever définitivement le voile opaque de l'inconfortable incertitude. Sinon les pendentifs... Ah oui, alors évidemment qu'est ce que c'est les pendentifs? Ce sont les constructions en triangle sphérique concave, entre les grands arcs soutenant la coupole, permettant de passer du plan carré au plan circulaire (parfois octogonal). Ben oui, puisque le cercle de la coupole passe dans le carré du transept par le truchement des trompes et des pendentifs, alors forcément. Donc les pendentifs, ces triangles sphériques concaves... bref entre les lunettes, les triangles peints sont l'oeuvre de "Vojtěch Hynais". Ils représentent l'inspiration, la science, le progrès et l'art (du cochon). Et tiens, pour la petite anecdote, ce même "Vojtěch Hynais" décora encore les 8 bandes d'arcs de voûtes... bon chais pas si ça se dit comme ça, ça, alors disons les petits anges fleuris qui jouent des instruments de musique dans les cieux en trompe l'oeil, presque ovale la forme, vous les voyez, donc il les peignit sur toile bien tranquillement dans son atelier en 1902. "Tiens Germaine, remets voir donc des chips dans le saladier...". Ce n'est qu'une fois sur son échelle, prêt à coller ses oeuvres dans les emplacements prévus à cet effet, qu'il se rendit compte qu'il manquait quelques 15 à 20 cm de toile sur les bords. Et donc après avoir consciencieusement dérouillé son empoté d'apprenti qui avait maladroitement pris les mesures quelques mois auparavant, il l'envoya à coups de pieds au cul chercher ses pinceaux, ses gouaches et son fourbi à barbouille dans l'atelier, puis termina les raccords directement sur le plâtre à la lueur des chandelles. Alors c'est sûr, et heureusement, ça ne se voit pas tant que vous n'avez pas le groin collé dessus. Par contre, et selon les propres paroles du fils de l'apprenti qui m'a raconté cette anecdote un soir dans une taverne honorable, "les centimètres qui manquaient étaient aussi visibles qu'une nonne faisant des génuflexions dans un champ d'aubergines".
Puis passons aux statues, toujours dans le panthéon. En taille réelle, vous en verrez normalement 6. Je dis bien normalement car les statues (comme les bustes) ne sont pas des constantes perpétuelles, et selon les saisons politiques l'on en retire et l'on en remet. D'ailleurs je vous en parlerai plus tard. Donc en temps normal disais-je, ou plutôt la dernière fois que j'y suis allé, il y en avait donc 6 de statues grandeur réelle:
Concernant les bustes, alors je ne vais pas vous les énoncer tous, il y en a plus de 40, mais au moins quelques connus, les plus mieux pour moi, vraiment ceux que je vénère comme le messie (mais non, je déconne):
Puis pour les flottants, les temporaires, les politico-saisonniers, citons entres autres, les plus flagrants:
Alors pour les retirés en 1951, ils étaient trop Tchèques pour les con-munistes d'à l'époque. Pour les retirés 40 ans plus tard, ils étaient trop con-munistes pour les Tchèques d'aujourd'hui. O tempora, o mores! Bref donc le panthéon, allez-y, c'est splendide, et c'est très très Tchèque. Surtout n'hésitez pas à laisser tomber une larme d'émotion sur la mosaïque en marbre du sol devant tant de grandeur et de sublimité nationale :-) Et encore avant de partir, remarquez la porte d'entrée principale (dans le panthéon). C'est un chef d'oeuvre de marqueterie sur bois dans un cadre de marbre rouge veiné, et regardez bien des 2 côtés de la porte, ce sont des motifs différents. De face on reconnaît la délicate castration d'un cheval de brasserie par la fille du maître brasseur, avec les dents, comme le veut la tradition, et du côté pile, une scène classique de la vie à la campagne, un fermier jetant des seaux d'eau sur le gros verrat qui profita de la positon cambrée de sa femme (au fermier) apportant la pâtée aux canards pour lui grimper sur le râble. C'est authentique et splendide.
Bon, mais une telle baraque, ben c'est de l'entretien énorme énorme. Regardez-voir "bábu Pejzlerku" combien de temps qu'elle met à faire la poussière, combien de litres de Mr Propre et de Glassex-vitre elle utilise? Et je ne vous parle pas des travaux d'entretien, des vrais, de la maçonnerie, plomberie et toiture. Je ne vous parle pas des entretiens courants comme déjà en 1901 où qu'il fallut en remettre un coup sur le crépis. Je ne vous parle même pas des travaux d'entretien exceptionnel comme en 1945 (le 7 mai, 1 jour avant la fin de la guerre), alors que les alliés bombardaient la gare centrale (à 500 m du musée) une bombe lâchée trop tôt arrachait (sans exploser) une partie du dernier étage de l'édifice (côté cour heureusement). Pis il y a eu des dégâts irréparables généralement liés à l'incommensurable connerie humaine, qui comme chacun sait est en opposition d'avec l'art et la science. Exemple, en août 1968 lors de l'invasion des armées du pacte de Varsovie, les soldats russes ont sciemment et sans motif tiré au fusil mitrailleur lourd et à la mitraillette sur l'édifice. Les impacts des balles infligèrent des dégâts considérables dans le grès de la façade, des piliers, des statues et des bas-reliefs au point qu'une réfection de 2 ans (1970 à 1972) fut nécessaire (financée par les bolcheviques responsables?) sans pour autant supprimer les traces de ce vandalisme primitif (regardez sur mes photos de façades, les impacts sont salement visibles). Puis il y a eu l'histoire de la construction du métro de Prague. En 1978, tandis que l'on creusait à ciel ouvert le hall de la station "Muzeum" juste devant la façade du bâtiment, les explosions de dynamite finirent par altérer le contrefort d'angle avant gauche du monument. De méchantes fissures apparurent dans les murs et il fallut rapidement détacher le contrefort de la base, surélever d'un doigt hydrauliquement tout le fourbi puis consolider la base à l'aide de colonnes en béton. En 1986 on masqua les fissures dedans la pierre avec de la résine, donc aujourd'hui vous ne voyez plus rien du dehors, mais en dedans, la structure fondamentale est atteinte. Mais attendez voir, parce que le délire constructiviste mélangé à l'incompétence urbanistique saupoudré d'idéologie marxiste-léniniste allaient accoucher de la plus immonde hydre stupido-polluo-dégradationnesque qu'une agglomération puisse imaginer: une autoroute traversant le centre ville. Eh oui, tenez-vous bien, en 1978 un sinistre collectif d'ineptes imbéciles bolcheviques inaugurait la nouvelle double-voie traversant le coeur de la ville en plein devant le musée dans un sens, et en plein derrière le musée dans l'autre (sens). Et comble de l'ironie, l'affligeante inauguration eut lieu dans le panthéon, appréciez au passage le sens de l'humour singulièrement développé. Ah pour ça, ils étaient extrêmement créatifs et lucides à l'époque, nos "lider maximo" issues de l'agriculture ou de l'armée. Puis assistés par des génies civils des ponts et chaussées dont les compétences techniques reposaient sur la parfaite connaissance des théories marxistes plutôt que sur la lecture des idées judicieuses et pertinente du Corbusier (Propos d'urbanisme) ou de Camillo Sitte (l'Art de bâtir les villes), il va sans dire qu'on pouvait difficilement s'attendre à autre chose qu'à la décrite monstruosité. Et encore on a de la chance, eussent-ils un peu plus duré qu'on aurait aujourd'hui un aéroport sur la place Venceslas. Et donc pour en revenir à notre édifice, les vibrations et la monstrueuse pollution depuis plus de 20 ans ont causé et causent toujours de considérables dévastations au bâtiment comme aux collections (ben ouais, il est pas étanche le musée). Le crépis de la façade agonise, certaines statues au sommet doivent être démontées car les morceaux qui s'en détachent risquent de blesser les passants, l'électricité et la plomberie sont dans un état déplorable car non modernisées depuis des dizaines d'années, le système anti-incendie en panne depuis 25 ans est suppléé par des extincteurs classiques... bref on estime aujourd'hui les travaux à quelques 4,5 milliards de CzK (150 millions €, eh oui, rien que ça) et quelques 3 à 4 ans rien que pour préparer l'édifice à la restauration. Alors dépêchez-vous, d'y aller avant qu'il ne s'effondre :-(
"Y aller, y aller, ben ouais mais pour voir quoi?" Ah, l'excellente question que j'attendais, alors pour voir quoi? Ben pour voir les quelques 200.000 objets exceptionnels qui y sont exposés. En fait la collection complète se compose de 100 fois plus de pièces (20 millions), mais les 99% non exposées servent à recherche scientifique des scientifiques et non à la contemplation béate des amateurs comme nous. Alors le musée se compose de 5 départements:
Mais revenons au premier département au deuxième étage de notre bâtiment, celui des sciences naturelles, car c'est vraiment là que vous trouverez de quoi vous enthousiasmer, vous et vos gnafrons. Alors d'abord les piafs... "Ouais papa, tu comprends, les emplumés... maman nous fait des nuggets de poulet 1 fois par semaine, alors les piafs, nous on voudrait plutôt voir des frites, à quoi ça ressemble avant d'être surgelées...". Et là, vous sortez les anecdotes magiques du chapeau (magique aussi), et si avec de telles historiettes vos moutards ne sont pas emballés comme des joujoux à Noël, alors je ne sais plus quoi vous dire. Tiens, commencez par les bêtes rarissimes qu'on ne trouve même plus dans la nature. Le squelette du dodo (ou dronte, scientifiquement Raphus Cucullatus), communément appelé l'idiot de l'île Maurice (dodo viendrait du Portugais "doido", fou) est une rareté unique dans le monde. Cette espèce de grosse dinde endémique de l'île (Maurice) a été exterminée vers la fin du XVII ème siècle, et seuls 4 musées dans le monde (dont celui de Prague) en conservent des reliques. C'est quasiment plus rare que du Jésus, ça vous en trouvez une tranche dans n'importe quelle bonne basilique. Et tenez-vous bien, anecdote, hop... savez d’où proviennent les bouts de dodo de notre musée, hein? Et bien du roi Rudolf II. Eh ouais, notre loufoque de roi qui n'en n'était plus à une excentricité près, avait un dodo vivant dans sa fameuse ménagerie. Et pour preuve, il (le dodo à Rudolf) a même été peint par l'artiste hollandais "Roelandt Savery". Autres raretés du musée, le grand pingouin (Alca impennis ou Pinguinus impennis) disparu (dernier couple assassiné) en 1844, le canard du Labrador (ou eider du Labrador, Camptorhynchus labradorius) aperçu vivant pour la dernière fois en 1878 (à Elmira, dans l'état de New York), l'extraordinaire pigeon migrateur (ou colombe voyageuse, Ectopistes migratorius) qui, selon certains experts, aurait été en son temps l'espèce d'oiseau la plus nombreuse sur terre alors que le dernier spécimen mourut en septembre 1914 dans le zoo de Cincinnati aux Etats-Unis, ou encore la conure de Caroline (Conuropsis carolinensis) sorte de perruche nord-américaine dont le dernier spécimen s'éteignit (dans le même zoo) en 1918. Autre rareté mais pas totalement éteinte, enfin si, dans la nature il n'y en a plus, juste en captivité, le lion de barbarie (ou de l'Atlas, Panthera leo leo). C'était le plus gros bestiau de la famille des lions (jusqu'à 250kg pour le mâle). Il vivait dans les montagnes de l'Atlas entre l'Egypte et le Maroc. Le dernier spécimen vivant dans la nature a été assassiné en 1922, et le musée national de Prague en conserve un crâne. Par contre tiens, je vous file un tuyau... si vous voulez en voir des vivantes (comme les frites :-) de ces bestioles, allez au zoo (safari) de "Dvur Králové", il semblerait qu'ils en ont quelques spécimens. Puis en empaillés, grandeur nature, vous y verrez (dans le musée) encore l'aye-aye (Daubentonia madagascariensis), lémurien endémique de Madagascar extrêmement rare qui ressemble à un croisement de chauve-souris et d'écureuil. Il a un troisième doigt démesuré qui lui sert à attraper les larves dans les trous des troncs d'arbres (doigt de la main droite) et se gratter les fesses (doigt de la main gauche). Pis il y a aussi le maki (Varecia variegata), comme l'autre, lémurien endémique de Madagascar dont la population diminue énormément parce que la pauvre bête à la malchance d'avoir une viande particulièrement savoureuse (avec des frites). Et dans la série c'est énorme, le tigre de l'Altaï (ou tigre de Sibérie, Panthera tigris altaica). C'est le plus gros tigre du monde, mais il a surtout la particularité de forniquer dans l'eau parce que madame prétend être dérangée par les mouches. Ouah l'autre eh, sans dec, quelle chochotte madame Altaï, chuis scié... et un lit à baldaquin, non? Et hop, de quoi scier vos gnafrons férus d'informatique. Le navigateur Web Firefox, sa mascotte, ben Firefox vient du chinois "hǔo hú" et signifie renard de feu. Or il ne s'agit là aucunement d'un renard, mais d'un petit panda (panda fuligineux, Ailurus fulgens) vivant dans l'Himalaya et gravement menacé par la bêtise des hommes (comme toujours). Pareil, vous en trouverez un modèle empaillé dans notre musée. Mais attention, il n'y a pas que des bêtes en voie de disparition, il y a aussi des trucs tout simples mais fichtrement rares. Genre tiens, si je vous dis Helix pomatia, le truc le plus ordinaire qui puisse être, le rudimentaire escargot de Bourgogne que tout le monde a déjà goûté au moins une fois avec du schneckebutter et une baguette bien fraîche. Ben chais pas si vous le savez, ou si tout simplement vous vous êtes jamais posé la question, mais les coquilles, elles tournent toutes dans le sens des aiguilles d'une montre, vers la droite. Ben au musée national de Prague, ils ont une coquille qui tourne dans le sens inverse, vers la gauche. C'est énorme, il paraîtrait que statistiquement parlant, ça n'arriverait qu'une fois sur 1 million dans la vraie nature sauvage. Dingue. Surtout si on compare ce rapport (1 / 1.000.000) à l'Helix Tchernobylix dont la coquille fluorescente toute l'année clignote chaque 26 avril. Rareté il y a encore 20 ans (1 / 5.000.000.000.000), il prolifère depuis comme de la mauvaise herbe de l'autre côté des Carpates (1 / 2) au point que le musée national de Prague a retiré son unique exemplaire de l'exposition.
Et puis tiens, à propos des exemplaires auparavant uniques devenus banalement ordinaires, les coquillages, hop anecdote... Si je vous dis la porcelaine or (couleur or) Cypraea (Lyncina) aurantium? Bon, moi-même je ne la connaissais pas avant d'en entendre parler par l'un des conservateurs du musée national lors d'une rencontre fortuite "U Zlatého Tygra". "Alors attention" me dit-il d'une voix grave, "je te parle d'à l'époque où ce coquillage avait une valeur inestimable. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, cette porcelaine ne se trouvait qu'extrêmement rarement aux alentours des îles Fidji, et seuls les rois autochtones de ces îles avaient le droit d'en posséder. D'ailleurs toute personne qui en trouvait une (porcelaine) se devait, sous peine de mort, de la remettre au roi dans les plus brefs délais. Et plus le roi avait de ces porcelaines, et plus son pouvoir était grand aux yeux des autres rois des autres îles. Aujourd'hui, tu en trouves de partout, pour quelques 50 à 100€, en provenance des Philippines, de Chine... bref ça n'a plus la même valeur qu'il y a 100 ans..." Il alluma une cigarette, prit une gorgée de bière et poursuivit. "Alors que j'étais encore étudiant (fin des années 1960) et que je travaillais au musée sur un sujet de conchyliologie, je m'enthousiasmais devant le docteur "Karel Táborský" (alors directeur du département de zoologie) des superbes porcelaines or de l'institut. Et c'est ainsi qu'il me raconta comment il les obtint. Dans les années d'entre deux guerres, alors que le docteur était dans son bureau on lui annonça une visite fortuite. Il vit alors entrer un gaillard sympathique d'une cinquantaine d'années, lui affirmant être né en Bohême sous l'Empire austro-hongrois, avoir immigré aux Etats-Unis et fait fortune. Avec cette fortune, il se serait offert une île en périphérie des Fidji, avec titre, rang et diplôme de roi (de l'île). Puis à la suite des nombreuses années d'absence du pays, il serait revenu mettre un oeil curieux sur sa terre natale et apportait en l'occasion un cadeau royal au musée national. C'est alors que sous les yeux avides d'impatience, de curiosité et d'excitation du docteur "Táborský", il ouvrit une petite boîte pleine de coquillages sans la moindre valeur certainement ramassés sur les plages du Pacifique par un mouflet fouineur." Mon narrateur rigola un grand coup, prit une longue lampée de bière et poursuivit. "Mais le docteur avait de l'élevage (de l'éducation), et malgré sa déception, il remercia chaleureusement le bougre, l'emmena contempler quelques exemplaires rares de coquillages du Pacifique réunis au musée, et après avoir respectueusement pris congé du fâcheux, oublia rapidement cet épisode. Mais le bougre revint plusieurs années plus tard. Vieux, fatigué et fourbu par le règne sur son île lointaine, il l'aurait vendue avant de s'en retourner mourir sur la terre qui l'avait vu naître. Cependant avant de s'en retirer de ce monde, et fort de la leçon de tact et de civilité dont avait fait preuve le docteur "Táborský" à l'époque, il avait apporté au musée un autre cadeau royal cette fois-ci d'une autre envergure. Il découvrit, emballées dans un tissu de soie, 6 magnifiques Cypraea (Lyncina) aurantium, qui en leur temps faisaient la fierté du musée national." Alors je ne sais pas si elles y sont toujours exposées au musée, car notre visite a été écourtée avant même d'avoir pu accéder au département "kikoyages", mais l'histoire est plaisante et m'a fait beaucoup rire sur le moment.
Et le bonhomme de conservateur de poursuivre "et la baleine, tu l'as vue la baleine, tu sais comment elle est arrivée au musée?" Et hop, anecdote. "En 1885, un bestiau long de quelques 22 m de la marque Balaenoptera Physalus est allé bêtement s'échouer sur la plage de la petite île de "Lyngöy Molo", à côté de Bergen en Norvège. Les pêcheurs (de baleines) du coin avaient de suite reniflé la juteuse opportunité, aussi sous l'oeil expert d'un naturaliste local, ils commencèrent par dépecer la bête comme il faut, travailler la viande et la graisse comme il se doit et faire quelques porte-monnaie avec la peau, puis proposèrent le squelette proprement charcuté à divers musées du monde. Cette offre est ainsi arrivée aux oreilles du conservateur de paléontologie, le docteur "Antonín Frič" qui voyait là une occasion unique de procurer au musée national une pièce remarquablement exceptionnelle. Mais comme toujours, derrière l'idée grandiose se cachait le vil frein financier. Le musée était incapable de rassembler la somme demandée par les vautours norvégiens. Mais qu'à cela ne tienne, car "Antonín Frič" avait un frère, "Václav", qui faisait partie d'un cercle de "štamgast" (habitués) s'attroupant régulièrement dans une taverne notoire pour débattre de tout et de rien, généralement des deux à la fois. Or le précédemment cité mécène "Vojtěch Náprstek" était de ces "štamgast". Un jour "Václav Frič" présenta à dessein son frère "Antonín" à l'assemblée, et après que ce dernier eût exposé cette histoire de baleine et qu'il eût proprement imbibé l'auditoire du breuvage national, l'assistance conclut à l'unanimité qu'un tel spécimen se devait de figurer en bonne place dans le nouveau bâtiment en construction, future fierté nationale. Et pour que la petite histoire soit complète, c'est "Vojtěch Náprstek" qui décida d'acquérir le tas d'os puants pour en boucher un coin à la compagnie d'ivrognes. Ainsi en l'an 1887, l'on commença à empaqueter les quelques 4 tonnes du monstre marin et à les transporter vers cette magnifique capitale de la Bohême qu'est Prague. Ben ouais, mais le musée national n'était pas encore construit. Aussi les restes de l'animal finirent temporairement et naturellement dans le musée du mécène, au "Náprstkovo muzeum". En 1892, l'on décida de placer la baleine dans le lieu auquel elle était originellement destinée et l'on démonta soigneusement le puzzle. Puis profitant de l'occasion (du démontage), l'on décida de traiter les os toujours suintants de graisse. A cet effet l'on mit à contribution l'usine de construction de machines à vapeurs, trams, et autres locomotives "Ringhofferova továrna" à "Smíchov" (devenue ensuite "ČKD Tatra Smíchov", puis centre commercial "Carrefour"), la seule à disposer de bacs suffisamment grands pour traiter certains morceaux du squelette à la vapeur. Une odeur infecte de poiscaille se dégageait de l'usine pendant plusieurs jours et envahissait tout le quartier. On finit par remonter le squelette sur son socle d'acier posé à même le sol, et le morceau de choix resta ainsi jusqu'en 1967, date de la grande restauration des pièces du musée. Non seulement on repassa à la vapeur le squelette qui s'entêtait encore et toujours à goutter comme un saint Nicolas myrrhoblyte, mais une fois re-nettoyé, re-vapeurisé, on le re-fixa définitivement au plafond à l'endroit et dans la position que vous pouvez contempler encore aujourd'hui."
Allez, encore une anecdote pour les gnafrons, "Mission Impossible", le film avec Tom Cruise, vous l'avez vu? Bon mais eux oui, forcément, alors pour eux, les scènes qui au début sont sensées se passer à l'ambassade des Etats-Unis se déroulent en fait dans le hall du musée national. Ils ne savent plus comment faire grand, énorme, et pompeux ces bourricots pour que les réceptions de l'ambassadeur soient toujours réussies :-) Sinon côté pratique, le prix d'entrée est absolument dérisoire au regard de la qualité, de la diversité et de la quantité de pièces exposées. Tenez jugez vous-même 120 CzK (4€) pour toute la famille (2 adultes et 2 loupiots), sinon 100 CzK (3,33€) plein pot pour une personne (c'est le prix d'un demi à CDG). Il y a un vestiaire, gratuit, eh oui, où officient des dames charmantes donc n'hésitez pas à y laisser vos effets personnels encombrants (belle-mère?). Les photos sont permises moyennant la classique contribution de 50 CzK (1,67€) mais pareil, sans statif, sans flash, avec peu de lumière et beaucoup de vitrines pour des reflets inopportuns magnifiques (donc photographiage réservé à de vrais professionnels spécialistes de la photo parfaite et du reportage extraordinaire comme moi je sais faire :-) Le temps de visite? Alors là, hein, chais pas dire, parce que vraiment, ça va dépendre de vous, de vos gnafrons et des bêlements de la belle-mère dans le vestiaire. Mais en gros, si vous le faite au pas de course le musée, sans rien lire de ce qu'il se dit sur les petits plaquettes blanches explicatives, alors comptez 2 heures. Puis si vous êtes assidus, curieux, et enthousiastes, et de surcroît vous ne comprenez rien au Tchèque (pour les petits plaquettes blanches explicatives), alors vous pouvez qu'on té la journée qu'on plète, voire plus. Ah oui, et nous, on a été les victimes infortunées d'une effroyable fumisterie déplaisante au possible. Tandis que nous nous promenions au milieu des primates empaillés, les hauts parleurs soudainement retentirent d'avec la fameuse phrase en plusieurs langues "Mesdames et messieurs, chers visiteurs, le musée va bientôt fermer ses portes..." quoi? Mais c'est pas possible! "...aussi nous vous demandons de bien vouloir vous diriger vers les sorties." Attends, il est quelle heure? "Nous espérons que votre visite a été agréable..." mais c'est seulement 15:45!!! "...et en attendant de vous revoir..." Qu'est-ce que c'est que cette blague? "...nous vous souhaitons une excellente fin de journée." Il doit y avoir une erreur à coup sûr "Ladies and gentlemen, dear visitors, the museum is about to close…", ça ferme jamais à 16h les musées "… wish you an excellent end of the day." Attends je vais demander... "Meine Dammen und Herren, sehr geehrte Besucher…" ah ben flûte alors, il n'y a plus personne "…Türen schließen…" mais c'est dingue, les gens s'en vont vraiment "…Richtung der Ausgange…" ah ben tiens, en v'là un de gardien [...] Et pourtant il fermait bien, exceptionnellement à 16h à cause d'une réception à la con qui faisait qu'on n'avait surtout pas été prévenus et qu'on ne savait donc pas et qu'à cause justement donc, ben j'ai pas pu tout photographier. Donc faites gaffe aux horaires, parce que même normale, la fermeture du bâtiment sera toujours trop tôt, beaucoup trop tôt. Alors voilà, j'espère vous avoir donné l'envie d'y aller car je le répète, ça vaut la peine, et hâtez-vous parce que parti comme c'est commencé avec cet édifice, on ne sait pas s'il va nous faire le prochain hiver.
Commentaires
Et quel blog, merci pourtes infos, c'est tres sympa, passe que justement on est allé au musee national la semaine derniere (bon 2eme fois pour moi) mais alors je savais pas tout ça!
a+
Et donc ben merci pour ton message, ça flatte et ça fait du bien d'être apprécié.