Ailleurs: Budeč u Zákolan (enfin ce qu'il en reste)
Mais si, rassurez-vous, je vous en referai de la publie sur Prague, j'en ai encore plein des trucs à vous publier. Y a juste que comme le printemps-été a été particulièrement fécond en visites originales, ben je vous en parle avant le printemps-été prochain à viendre que vous sachiez où aller, si jamais vous souhaitiez sortir un peu de la capitale. Alors cette fois-ci, c'est de "Budeč u Zákolan" qu'il s'agit. Et dans la série repeat after me, "Budeč" se prononce B.O.U.D.Ê.T.C.H. And now, repeat after me... Le truc disait que c'était le plus ancien bâtiment en pierre encore debout en Tchéquie, alors forcément, je ne pouvais pas louper ça. Du coup j'ai assis ma chérie dans la voiture à ma droite du seigneur, et hop, direction nord-ouest vers "Kladno", puis sortie de l'autoroute à "Buštěhrad", pour arriver après quelques demi-tours sans lesquels les routes tchèques archi-secondaires n'auraient pas l'incomparable charme qu'elles ont... donc après quelques demi-tours, arrivée à "Kováry". Eglise du IX ème siècle à gauche que ça disait, cool, c'était bien indiqué pour une fois. Par contre ils ne prévenaient pas que la route... le chemin passait sinueusement dans la forêt profonde qu'on n'était pas sûr de ne pas être perdu. Donc si vous y allez, sachez-le, c'est une route de campagne en pleine forêt où je doute encore de la présence de l'asphalte sous la couche de terre et de feuilles mortes. Des loups oui, mais de l'asphalte non. Quelques 1,5 km de montée, et soudainement, en sortant des bois (comme le loup), apparut une jolie clairière avec ce qu'on cherchait sur la gauche. Ouah! D'ailleurs tellement ouah que c'est peint sur le blason du patelin "Zákolany".
Un peu d'histoire tout d'abord. Il y a très très longtemps, en des temps anciens où les dinosaures marchaient encore à 4 pattes vivant de la chasse au mammouth et de la cueillette aux bananes, ben déjà en cette période ils habitaient sur ces hauteurs au dessus de la rivière de "Zákolany" ("Zákolanský potok") comme en témoignent les trous qu'ils ont laissés dans la route qui mène du hameau de "Kováry" jusqu'à là que nous garâmes la voiture gratuitement (cette fois-ci). Ensuite les dinosaures furent remplacés par des singes poilus en des circonstances toujours nébuleuses pour la communauté scientifique, mais l'on a malheureusement aucune preuve tangible de leur présence à "Budeč". Par contre dès le VIII ème siècle avant J.C., la présence d'hominidés glabres... enfin moins poilus, de type "âge du bronze" est un fait avéré par la découverte de fouilles qui eurent lieu au XX ème siècle. En Tchéquie on parle de culture de "Knovíz" ("Knovízská kultura") en référence à la ville du même nom (près de "Kladno") où l'on retrouva de nombreuses tombes de ces singes dits nord-danubiens ("hornodunajský") et qui remplacèrent à l'âge du bronze les singes dits de culture campaniforme et des "tumulus du Danube". Les singes de "Knovíz" fondaient le métal pour ridiculiser ceux qui ne le fondaient pas, se bouffaient parfois entres-eux quand la Coop était fermée (cannibalisme coop-casionnel), et rotaient bruyamment sans dire pardon ce qui amena certains paléontologues à les classer parmi les tribus protoceltiques dégueulus ignominis germani-anglicae. Et si vous regardez le champ vide devant vous, puis vous vous retournez vers l'église St Pierre et St Paul, et bien c'est à eux, aux singes de "Knovíz" que l'on doit le premier peuplement et la première fortification en pierre exactement là, dans cet espace de champ vide juste devant vous jusqu'à derrière l'église. Ensuite, et comme avec les dinosaures, ils disparurent en des circonstances toujours nébuleuses pour la communauté scientifique (bien que d'aucuns prétendent qu'ils partirent occuper une île lointaine appelée "insula Albionis" par les anciens), laissant un vide de plus de 1000 ans dans l'histoire de "Budeč". Ce n'est qu'avec l'arrivée des Slaves que l'histoire de ce lieu revint au devant de la scène. Vers le VI ème siècle, les tribus Slaves commencèrent à s'installer dans la plaine de Bohême, mais juste comme ça, pour voir si ça serait sympa ou s'il valait mieux continuer la transhumance plus loin plus tard. Pis vers le VII ème et le VIII ème siècle, comme c'était sympa et qu'il semblait inutile de poursuivre le périple, ils commencèrent à construire des sites de peuplements permanents (sédentaires, contrairement à nomades) et fortifiés contre les nuisibles (bêtes comme Germains). Et justement, des sites en hauteur naturellement protégés par des parois abruptes comme "Hradsko près Kokořín" ou notre "Budeč u Zákolan" étaient particulièrement bienvenus. Et si en plus il restait sur le site des fortifications de l'âge des singes de "Knovíz", qu'il suffisait d'y remettre une couche de crépi pour en faire un nid d'amour, alors c'était encore plus mieux. Pis les tribus (sites) à proximité les unes des autres commencèrent à s'allier, s'unifier pour donner des peuplements, des régions, des royaumes de plus en plus importants (comme la Grande Moravie, ou Moravia Magna par exemple). Vers l'an 800 s'installèrent sur notre champ tout vide les premiers Slaves, comme en témoignent les fouilles qui mirent à jours des photos de fortifications en pierre comme en bois. Mais c'est apparemment sous notre premier prince de Bohême "Bořivoj I" (né entre 852 et 855, puis mort entre 888 et 891) que le site prit vraiment de l'importance comme place fortifiée protégeant Prague des invasions malveillantes venant du nord-ouest. Comme chacun sait, "Bořivoj I" était non seulement le premier prince de Bohême historiquement attesté, mais également le premier prince catholique carrément baptisé (vers 883) par Méthode en personne sur le royaume de la Grande Moravie d'où il rapporta cette foutue peste religieuse en Bohême. Tiens, parenthèse, l'histoire du baptême de "Bořivoj I" est arrivée jusqu'à nous par écrit, grâce à son arrière-petit fils dont la vie fut aussi une histoire à elle toute seule. Fils de "Boleslav I", le frère fratricide de St Venceslas, le St patron de la Bohême et oncle du chroniqueur, "Kristián Přemyslovec" est né dans la nuit du 27 au 28 septembre 935 (ou 929, peu importe), c'est à dire dans la nuit qui a précédé l'assassinat du saint patron. Aussitôt on l'affubla donc du sobriquet de "Strachkvas" (de "strašný kvas", terribile convivium en Latin, soit banquet terrible, voire repas maudit) car il est né au moment du repas donc, alors que son père allait commettre son crime odieux quelques heures seulement après. J'te dis pas l'enfance qu'il a passé avec un nom pareil... Et donc après son crime, et en signe de repentance (encore que...), le père "Boleslav" envoya son fils "Kristián" faire le moine pour étudier la religion dans le fantastique couvent de St Emmeram à Ratisbonne (à nouveau, je vous invite à y aller, c'est fantastique). Mais comme à la maternelle, les moines n'étaient pas plus empathiques ni charitables que les copains de classe vis-à-vis de son surnom, et donc pour éviter leurs perpétuels sarcasmes, Christian les évitait afin de passer son temps dans sa cellule. Et pour ne pas s'ennuyer parce que le blog n'existait pas encore, il écrivait son stupéfiant ouvrage: "Vita et passio sancti Wenceslai et sancte Ludmile ave eius" (La vie et la passion [martyr] de St Venceslas et de Ste Ludmilla, sa grand-mère) qui deviendra des siècles plus tard l'ouvrage de référence des évènements tchèques de cette époque (sous l'appellation "Legenda Christiani"), mais qui deviendra aussi la plus ancienne chronique tchèque connue, plus ancienne encore que les fameuses "Chronica Boemorum" de Cosmas Pragensis. Bon, après c'est moins intéressant, la vie du Christian, tout ça... encore que, mais bon, c'est pas le sujet. Donc passons donc à sa mort, donc. Lorsque "St Vojtěch" rendit définitivement les clés de la cathédrale de Prague pour aller catholiser les Prussiens qui ne voulaient pas l'être, l'on pressentit le Christian comme potentiel successeur ("il a une bonne tête de vainqueur" aurait dit le pape). L'on fit donc sonner de la cloche, l'on fit cramer de l'encens, l'on fit porter de la mitre aux ensoutanés et le cirque de l'investiture pouvait commencer. Ben croyez-le ou non, c'est ce moment précis que choisit le Christian pour nous faire une attaque, là, en 996 et en plein milieu de la cathédrale, comme l'écrit Cosmas Pragensis dans ses "Chronica Boemorum", (Lib. I, p.55) "[...] heu dira condicio, arripitur atroci demonio" ([...] il fut choppé par d'atroces démons = crise cardiaque, épilepsie, transe, diarrhée...). Dingue! Alors de cette histoire concernant la vie et le destin du Christian-banquet-maudit, vous en lirez des pleines pelletées car historiquement tous les doutes sont permis, et tout le monde y alla de son avis, mais comme ce n'est pas le sujet, je ne vais pas vous développer tout cela davantage. Bon, et donc cet âne bâté de "Bořivoj I" s'en revint de la Grande Moravie avec son catholicisme comme un légionnaire avec sa vérole, et s'empressa de propager cette affection avec la déplorable verve et le nuisible prosélytisme que les moines intégristes lui avaient enseignés. Il construisit donc la première église sous la forme d'une rotonde à "Levý Hradec" (aujourd'hui "Roztoky", au nord de Prague) qui est distant de quelques 10 km (à vol d'oiseau) de "Budeč". Cette rotonde de St Clément ("Sv. Kliment") fut la toute première église catholique sur le sol de Bohême. Malheureusement, il n'en reste plus rien, sinon les fondations car elle fut entièrement détruite en 1684. A la mort de "Bořivoj", son fils "Spytihněv I" récupéra le royaume, comme la maladie génétique, et c'est lui qui fit construire vers la fin du IX ème siècle la fameuse rotonde de "Budeč" consacrée à St Pierre (St Paul est venu squatter seulement au XVI ème siècle) et dont je vais vous parler par la suite. Tiens, dans "Passio s. Vencezlai incpiens verbis Crescente fide christiana, Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878" ("Josef Emler" était historien, archiviste, philosophe et slaviste. Il étudia, tria, analysa les manuscrits du royaume avec les plus grands littéraires de son temps) on peut lire: "In diebus illis crescente fide Christiana dei nutu et ammonitione sponte dux Poenorum nomine Zputigneus una cum exercitu necnon et omni populo suo sordes idolorum abiciens baptisatus est. Isque moenibus condidit ecclesiam sancte Dei genitricis Marie et aliam quoque in honorem sancti Petri, principis apostolorum." (En ces temps de propagation du christianisme, [...] nommé "Spytihněv" [...]. De même il fit construire une église à la sainte génitrice divine Marie et une autre aussi en l'honneur de St Pierre, chef des apôtres). Attention, cette église de la vierge Marie n'a rien à voir avec celle de "Budeč" dont je vous parlerai plus loin aussi. Ainsi donc "Budeč" et son église devinrent l'un des foyers, des ferments originels et fondateurs de la dynastie des Prémyslides et du royaume de Bohême. Vous rendez-vous compte, il y a plus de 1000 ans, en cet endroit où je foulais le sol de mes gros pieds avaient sans aucun doute marché des princes de Bohême, jusqu'au plus célèbre, au plus glorieux, carrément saint, le St Venceslas en personne. Eh ouais, et c'est prouvécrit que notre "Svatý Václav" séjourna durablement à "Budeč" puisqu'il y étudia. Tiens, toujours dans les "Passio s. Vencezlai incpiens verbis Crescente fide christiana, Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878": "Et optans pater eius desiderium animi ipsius perficere, misit eum in civitatem nuncupatam Budceam, ut ibi disceret psalterium a quodam presbytero nomine Uenno." (Et son père souhaitant exaucer les aspirations de son coeur [du coeur de son fils "Sv. Václav"], l'envoya dans la ville nommée "Budeč", afin qu'il soit enseigné par un certain prêtre appelé "Učen"). Ou encore, une autre source écrite par la plume de "Gumpold", l'évêque de Mantoue ("Gumpoldi Mantuani episcopi Passio sancti Vencezlai martyris": "[...] ad litterarum disponi exercitia desiderans, paternumque crebro flagitamine deflectens animum, ejus transmissu in civitate Bunsza litteris addiscendis est positus." ([...] désirant être instruit des lettres [...] il fut avec son accord [du père] envoyé dans la ville de "Budeč" afin qu'il se perfectionne es lettres [écritures]). Alors les historiens vous diront qu'il existe moult versions des raisons du pourquoi que donc par qui le "Sv. Václav" fut envoyé à "Budeč": selon certains c'était sa propre volonté, selon d'autres c'était celle du père, d'aucuns prétendent qu'il reçut une éducation exclusivement slave de sa grand-mère Ste Ludmila et qu'il devait donc apprendre le Latin, certains encore estiment qu'il connaissait le Latin, mais devait se perfectionner en Stes écritures avec le moine "Učen" disciple de Méthode, jusqu'à ceux qui pensent que St Venceslas était asthmatique et ses parents l'envoyèrent à la campagne pour soigner ses bronches... mais ce qui est sûr, c'est son passage en ces terres, dans cette église St Pierre toujours debout depuis plus de 1000 ans. Stupéfiant. A partir de la seconde moitié du X ème siècle, les Prémyslides firent de Prague leur capitale, et s'y s'installèrent définitivement. Les autres sites commencèrent alors à perdre en importance, et "Budeč u Zákolan" fit partie du lot. Plus rien d'écrit, ni par Cosmas (Pragensis), ni par "Dalimil", ni par les chroniqueurs du bon roi Charles IV. La dernière mention écrite de notre site remonte au XIII ème siècle lorsque la reine "Kunhuta Uherská" (Cunégonde de Hongrie, épouse du roi "Přemysl Otakar II") en fit cadeau au chapitre de "Vyšehrad". Les moines conservèrent les églises St Pierre et Ste Marie de la nativité, mais le reste du domaine fut peu à peu envahi par la végétation, les champs et les bestiaux qui vont bien dessus.
A quoi ressemblait donc notre site en sa grande époque de flamboyant prestige? Alors imaginez déjà que tout le bataclan se trouvait sur un plateau à 260 m au dessus du niveau de la mer, et quelques 60 m au dessus du niveau des 2 ruisseaux ("Zákolanský" et "Týnecký") qui coulent presque tout autour du contrebas, formant ainsi une barrière naturelle contre les belliqueux. Le site entier se composait en fait de 2 parties principales, et peut être même de sous petites parties indépendamment fortifiées. Une première partie principale dite "l'acropole ovale" se trouvait au plus haut. D'une surface d'environ 3 ha, ils s'y trouvaient l'église St Pierre, le palais princier, et la cahute en bois qui pue dedans percée d'un coeur sur la porte. Rappelons qu'un hectare représente 100 ares ou 10.000 m² soit un carré de 100 x 100 m, ce qui nous donne pour notre acropole quelques 700 m de circonférence ovale, ou ramenée à un carré, 4 x 173 m de périmètre. La seconde partie (incluant la première) dite "avant cour extérieure" ressemblait à un triangle de 19 ha (22 selon d'autres sources, mais restons à 19 pour faire simple), soit 190.000 m² ou 4 x 436 m de périmètre si notre triangle est un carré, ce qu'il n'est pas. Certains archéologues seraient enclins à inclure l'église de la nativité de la vierge Marie (c.f. plus loin) dans l'acropole ovale, d'autres non, puisqu'ils l'incluraient dans l'avant cour extérieure. Bon, on s'en fout en fait, mais c'est curieux parce que bien qu'il n'existe plus rien des fortifications, en regardant attentivement le terrain, alors on voit encore les talus d'origine qui soutenaient les remparts de cette place forte. Donc un archéologue, un gars qui creuse la terre comme une taupe toute sa vie pour analyser les strates et en conclure qu'un singe poilu avait marché dans la crotte d'un diplodocus 100.000 ans plus tard devrait être capable de déterminer les limites des 2 places fortes d'il y a 1000 ans. Bref... les fouilles et les strates de terre ont clairement démontré la présence de civilisations pré-slaves de l'époque du singe poilu d'il y a longtemps, la présence de civilisations slaves du IX et X ème siècle, ensuite de civilisation Prémyslides jusqu'au XIII ème siècle, et puis plus rien du tout au-delà. Sans aucun doute que les 2 églises devaient constituer les constructions majeures de ce site, alors passons les en revue de détail.
L'église St Pierre (et Paul) est donc LE plus ancien édifice encore debout (en partie) de toute la République Tchèque. Bien qu'on ignore la date exacte de sa construction, les experts la situent après 895 (indépendance de la Bohême versus la Grande Moravie), mais avant 905 (lorsque "Spytihněv" perdit au poker plusieurs troupeaux de chèvres en faveur de "Hatto I", archevêque de Mayence, et dû repousser à plus tard les constructions en cours). Au départ, c'était une rotonde d'une seule nef ovale pas vraiment symétrique de quelques 8 m de diamètre. Les fouilles archéologiques menées dans les années 80 du XX ème siècle ont démontré que cette partie de l'édifice (les murs à partir des fondations jusqu'au plafond) sont d'origine, y compris la voûte voûtée, ce qui est rare pour l'époque, et tout ça donc date de "Spytihněv I". C'est délire. Contre la neuf se trouvait l'abside qui n'est plus (et on ignore encore aujourd'hui quand exactement elle fut détruite), mais les fondations ont été matérialisées au sol dans le choeur par le carrelage en forme de fer à cheval comme un oeuf. Fin du XI ème siècle, on rajouta une petite chapelle circulaire contre la rotonde ovale mais qui fut remplacée par une tour carrée dans la seconde moitié du XII ème siècle. Selon certaines sources, c'est vers cette époque que l'on aurait commencé à parler de St Pierre ET St Paul, selon d'autres sources non. Bon. On rajouta encore une sacristie en 1663, puis une restauration baroque qui fut rapidement remplacée par l'incendie du 2 août 1876, et du coup, ben la presque totalité de la garniture intérieure est moderne. L'autel datait de 1926-27, oeuvre de "František Vavřich" (connais pas) sur une idée de "Štěpán Zálešák" (assez prolixe en la cathédrale de Prague) mais il a été remplacé (l'autel) en 1994 par un modèle en pierre de "Petr Váňa" (connais pas). Le crucifié sur le mur du fond est une oeuvre de la toute jeune Michaela Absolonová de 1995.
L'un des éléments des plus anciens du dedans, est la chaire renaissance en pierre, portant la date de 1585. Elle se compose de 4 pans, dont 2 d'entres-eux présentent des bas-reliefs: le Christ en bon pasteur rapportant sur ses épaules la brebis égarée (l'andouille), et le St Pierre et St Paul. Enfin on présume que ce sont les 2 saints, parce qu'on n'est pas sûr. Selon certaines sources, c'est vers cette époque que l'on aurait commencé à parler de St Pierre ET St Paul, selon d'autres sources non. Bon. Pour la petite histoire du bon pasteur et de sa symbolique, je vous invite à lire ce fantastique article qui se termine par "et les brebis à leur tour doivent se donner à lui comme il se donne à elles". Ca fout les boules, sans dec, à se demander si on parle religion ou Légion Etrangère. Et après tout cet amour de la délicate brebis, de son bon élevage, de son attentionnée protection, de la parfaite compréhension des instances de sa personnalité profonde selon les principes psychanalytiques freudiens, eh bien après tout ça, relisez la bible au chapitre "à la montagne de l'Éternel il sera pourvu", celle qui traite de l'holocauste et du sacrifice. Sentez pas comme une ambigüité et qui voque à propos de la brebis? Fin de la petite histoire du bon pasteur. Ah et encore sur la chaire de 1585, en haut de la stèle à 2 saints, il y la signature de "Šimon Lomnický z Budče" datée de 1595. Ca ne vous dira peut-être rien ce nom là, car le bougre poète et crivain ne fut pas spécialement traduit en français, mais il fut un des grands classiques de son époque, parfois considéré comme un génie. Le grand "Josef Jungmann" écrivit à son propos: "Největší síla v komickém a satiře" (la plus grande force dans le comique et le satirique), aussi je vous invite à lire (en Tchèque, malheureusement pour les que francophones) une de ces oeuvres remarquables: "Krátké naučení mladému hospodáři, kterak by netoliko sám sebe, manželku svou a čeládku, i své všecko hospodářství užitečně spravovati a živnosti svou vésti : ale také jaký by býti, v moudrosti a jiných ctnostech prospívati a čeho se kdy varovati měl". Ah oui, et que fait sa signature sur la chaire de l'église St Pierre et St Paul de "Budeč u Zákolan", et d'ailleurs pourquoi l'attribution de cette particule totalement incohérente avec les origines et la vie de notre sujet? Pas la moindre idée. Son titre de noblesse lui fut attribué en 1594 par le fantasque Rudolf II, mais bien que les archives d'attribution de ce titre aient été conservées à Prague, la raison de la particule "de Budeč" n'y figure aucunement. L'on peut donc présumer que Rudolf aurait attribué cette noblesse-ci sous l'influence du Goncourt Tchèque de l'époque ("Kronika česká", je développerai dans quelques lignes), que Simon y serait allé (à "Budeč") faire un saut pour voir à quoi le bourg ressemblait (vu qu'il en avait la particule), et que pendant que le curé avait le dos tourné, il aurait griffonné subrepticement son passage dans la pierre (d'ailleurs on n'a aucune preuve que c'est bien lui qui a signé, ne serait-ce pas un canular?). Enfin si quelqu'un a des détails sur les circonstances, chuis preneur. Autre truc intéressant, c'est le petit relief baroque en terre cuite (malheureusement dans un sale état) appelé "Panna Maria Bolestná" (la vierge douloureuse) à côté de la sacristie. C'est apparemment le seul élément qui résista à l'incendie de 1876 (et la chaire?), et qui se trouvait encore au début du XX ème siècle dans la tour quadrangulaire. Dans les années 1990, l'église fut passée à la restauration et à l'aménagement de son intérieur. On y mit également une nouvelle cloche, l'originelle ayant été liquidée lors de la seconde guerre mondiale. Bien, ben passons à la suite, à la seconde église dont on peut voir une maquette des fondations.
Eh ouais, on dirait du vrai, mais non, c'est du faux. Les fondations de l'église "Narození Panny Marie" (la vierge de la nativité) sont fausses, enfin pas d'origine. Il s'agissait d'une église d'environ 10 x 5 m, construite dans la seconde partie du X ème siècle sans doute sous "Vratislav II". Dans le courant du XIII ème siècle, on y aurait construit une tour attenante sur le modèle de celle de l'église d'en face, qu'on trouvait vachement pratique pour regarder la voisine à la jumelle, et pis c'est tout jusqu'au XVI ème siècle. Alors tout ceci est au conditionnel car contrairement à St Pierre (et St Paul), on n'a pas (plus?) de document relatant la construction de cette église, et très peu mentionnent son existence. Il fallut attendre donc le XVI ème pour que l'on parle de cette église par écrit, sous la plume du très contesté "Václav Hájek z Libočan" (encore quelques lignes, et j'y reviens). Lors des reformes de Joseph II en 1786, l'église fut désacralisée, et contrairement à d'autres plus chanceuses, en partie détruite (sans dec les Habsbourg, entre ce fumier de Ferdinand II qui décapitait son monde sur la place de la vieille ville, entre ce couillon de Ferdinand III qui bousillait les châteaux, entre cet illuminé de Joseph II qui esquintait nos églises, z'avez pas l'impression qu'un excès de consanguinité vous aurait bouffé la lucidité de l'encéphale?) Au siècle suivant (XVIII ème) l'on utilisa les pierres de l'édifice en ruine pour construire un mur autour du cimetière, et donc aujourd'hui la seule chose qui reste de cette église, c'est une stèle tombale en marbre de 1625, adossée contre le mur du presbytère de l'église St Pierre (et St Paul) d'en face (c.f. mes photos).
Bien, et maintenant revenons sur "Václav Hájek z Libočan" et sa Chronique tchèque ("Kronika česká") de 1541. Malgré qu'il soit classé parmi les chroniqueurs tchèques, ses écrits sont des plus controversés et des moins fiables qui soient. Personnage équivoque, pour ainsi dire malsain, ses relations parmi les prélats de l'état, de la noblesse comme des églises lui ont permis d'occuper de nombreuses fonctions religieuses, parfois plusieurs en même temps. D'abord curé utraquiste, ensuite prêtre catholique, il laissa moult fois son nom dans les livres de la justice pour défaillance dans sa fonction, manquement à l'ordre, acte de mauvaise foi, forfaiture, concussion, trafic d'influence et autres malversations. Il nous a donc laissé plusieurs ouvrages dont les fameuses chroniques tchèques qui commencent avec l'arrivée de l'ancêtre "Čech" en Bohême, pour se terminer en l'an de grâce 1527. L'ouvrage est historiquement partial et subjectif, mais splendidement dramatique et romancé. Dommage pour le factuel, d'autant plus dommage que ce couillon avait en partie basé cette chronique sur les "cadastres" ("desky zemské") du château de Prague (auxquels il avait accès) et dont la quasi-totalité fut détruite dans l'effroyable incendie de 1541 qui brûla la quasi-totalité de "Malá Strana" et une bonne partie du château (de Prague). Parenthèse. Les "desky zemské" sont les ancêtres du cadastres tel qu'on le connait. Ces archives écrites recensaient simplement et factuellement les possessions foncières, immobilières, banqueroutières, bijoutières, céréalières, pétrolières, singulières, bétaillères (et autres) de toute famille non assujettie à l'impôt, mais contenaient également les textes de loi, les décisions de justice (condamnation), les décisions des entités administratives (bourgs, villes, régions...), bref, l'histoire chronologique de la bohême à partir de l'an 1260. Et tout cela est parti en fumée en 1541, sauf les volumes entre 1316 et 1324 qu'un fonctionnaire avait empruntés avant l'incendie pour les étudier chez lui au bistrot. Fin de parenthèse. Et donc cette chronique tchèque romancée influença tellement les historiens, chroniqueurs, annalistes (et Rudolf II) que jusqu'au milieu du XIX ème siècle, certains événements décrits étaient considérés comme véridiques et avérés. Tiens, selon la chronique, l'origine du site de "Budeč" remonterait jusqu'à l'ancêtre mythique "Krok" (c.f. la guerre des donzelles, vers 470) où il habita pour de vrai (mais c'est faux), et par extrapolation sur les légendes de l'éducation de St Venceslas en cet endroit, "Václav Hájek z Libočan" en conclut la présence d'une grande et renommée école "litteris latinae linguae" en une époque où le reste des nations européennes de singes poilues chassait les termites dans le taillis. Et tant qu'à breloquer du mou gris, l'un des plus importants historécrivainjésuite tchèque "Bohuslav Ludvík Balbín" compléta le portrait de Jackson Pollock (dans ses "Historia de ducibus, ac regibus Bohemiae") en affirmant que cette école était carrément fréquentée par la princesse "Libuše", et que son futur paysan de mari "Přemysl" jouait aux billes avec elle pendant la recrée (et au docteur après l'école). Surprenant que notre jésuite nous y ait point collé du p'tit Jésus et de la vierge Marie... Et hop, la chose fut acquise (mais fausse). Il exista ainsi et pour sûr une fantastique école à "Budeč", et tous considéraient cette affirmation avec la plus absolue certitude, des "Jan Amos Komenský" comme des "Karel Amerling" qui créa carrément une école pilote basée sur ses nouvelles théories pédagogiques et qu'il nomma "Budeč" en souvenir de la plus ancienne école de Bohême (en fait il en créa même plusieurs des écoles nommées "Budeč", le gars). A sa mort, il émit le souhait d'être enterré dans le petit cimetière à coté de l'église St Pierre (et St Paul). Son souhait fut exaucé, et à défaut de reposer sur le sol de la plus ancienne école du pays, il repose à proximité du plus ancien édifice (c.f. mes photos).
Et puisqu'on parle cimetière... Depuis le X ème siècle (parfois IX ème), on enterrait les macchabs autour des 2 églises (avant on brulait les corps, l'enterrement est un rite chrétien). L'on a découvert tout autour de St Pierre (et St Paul) 56 tombes dont certaines contenaient des artefacts (boucles d'oreilles, bracelets, téléphones mobiles...), et d'autres pas. Selon les archéologues, ces tombes (sans artefact) avaient déjà un caractère chrétien car aucune ne contenait des offrandes de type païen. En fouillant bien profond, les archéologues découvrirent même du côté dit "Na Týnici" une tombe commune contenant une soixantaine (parfois seulement une cinquantaine) de squelettes totalement bousillés en petits morceaux. On en ignore la raison, sinon qu'il pourrait s'agir d'un rituel anti-vampire, à l'instar de la dizaine de tombes orientées à l'opposé (tête à l'est) de ce que l'on faisait d'habitude (tête à l'ouest). Lorsqu'on démolit l'église de la vierge de la nativité, on créa en 1836 un nouveau cimetière près de l'église restante (celui qui existe toujours aujourd'hui). On eut même envisagé un moment d'en faire le "Slavín" qui existe aujourd'hui à "Vyšehrad", mais l'idée fut abandonnée lorsqu'un sagace membre de la commission de décision du si oui ou du si non fit remarquer qu'il n'y avait pas de tram jusqu'ici, et que ça risquait de fichtrement limiter le tourisme (ce en quoi il eut entièrement raison, tiens, regardez-voir l'infime fréquentation aujourd'hui). Ceci dit, certaines notoriétés ont quand même leur sépulture au cimetière de "Budeč". En plus donc du renommé pédagogue "Amerling", repose ici le sculpteur "František Hnátek" (statue de St Venceslas rue "Musílkova" à Prague 5) accessoirement écrivain et critique architectural sous le pseudonyme de "Pavel z Budče", les historiens "Otto Urban" et "Václav Davídek", ou encore le fondateur des sucreries de "Zákolany", archéologue amateur averti et féru collectionneur de porte-jarretelles amovibles en tulle brodé avec double élastique pour chinchilla ouzbek, l'ingénieur "Jan Felcman". Et après les morts célèbres, signalons encore ceux qui n'ont pas eu de bol. Sont également enterrés ici certains des 14 pauv' bougres qui décédèrent dans l'accident ferroviaire du 25 janvier 1964, lorsqu'un train de marchandises percuta un train de passagers à l'arrêt dans la gare de "Zákolany" alors qu'il se trouvait sur le mauvais quai.
Restons les doigts dans la terre, et après l'enterrement, parlons d'archéologie. Inutile de vous dire que ce site a attiré les archéologues comme le poil les séminaristes, et l'un des tout premiers était justement membre de la soutane: "Václav Krolmus" qui cherchait là comme ailleurs mi XIX ème siècle des preuves tangibles de l'existence des légendes tchèques, et tout particulièrement la tombe du mythique ancêtre "Čech". Les vraies fouilles sérieuses commencèrent dans les années 70 du XX ème siècle avec "Miloš Šolle" et "Zdeněk Váňa" qui publièrent leurs conclusions en 1983 dans un ouvrage commun: "Budeč-památník Českého dávnověku". Plusieurs années plus tard, "Andrea Bartošková" fit une révision complète des artefacts trouvés par les précédents gaillards. Ainsi, tout ce que je vous ai raconté au dessus découle en partie de ces fouilles, venues confirmer (ou infirmer) les écrits médiévaux. Voilà. Dis-donc, j'ai fait gras une fois de plus sans vouloir. C'est dingue ça, le nombre de truc qu'on peut dire sur un fourbi pareil où il ne reste pratiquement plus rien à voir, sans dec. Donc pour conclure, "Budeč u Zákolan" est énorme d'un point de vue historique, c'est vraiment ENORME. Malheureusement, à voir il ne reste guère plus que l'église St Pierre (et St Paul), car tout le reste n'est plus, y compris la buvette ce qui est extrêmement regrettable, aussi prévoyez vos propres rafraichissements si vous visitez en pleine chaleur. Mention spéciale à la délicieuse petite qui nous fit faire le tour, qui me permit de prendre des photos dedans l'église, qui me fit monter par des escaliers branlants d'époque jusqu'au balcon où se trouve l'orgue afin de voir par moi-même qu'il n'y avait effectivement rien à voir comme elle avait dit (mais ça m'a fait plaisir d'y aller quand même, pour les photos)... rien à voir sinon le vieille orgue qui lui sert d'accompagnement lorsqu'elle chante dans la chorale qui répète en ce lieu, parce qu'elle chante l'affable petite. Dernier conseil, selon la légende, si vous faites le tour de l'église, alors en passant devant la tour vous devriez sentir une force, une énergie, une vigueur régénérente (et hydratante) qui devrait vous faire sentir bien, relax et cool. Personnellement je n'ai pas essayé parce que je suis trop réaliste (et faignant de la marche à pied), et que si je devais sentir quelque chose, ça serait la matière fécale qu'un clébard aurait sournoisement démoulée juste sous mes pas, afin que je marche dedans (j'ai un réel succès en cette matière -fécale-). Cependant aux dire de certains, la sensation (perception) de la force est assurée. Maintenant est-ce que ça raffermit les nichons, élimine la peau d'orange et efface les rides sous les yeux? Pire, ça se trouve c'est peut être même "dangêrrrê pourrr la santê" comme dirait ma maman. Alors faites gaffe quand même, ne tournez qu'une seule fois autour. Pis encore bonne année à tous, genre parce que c'est ma première publie de l'année, donc après la cuite, vive 2008!
Un peu d'histoire tout d'abord. Il y a très très longtemps, en des temps anciens où les dinosaures marchaient encore à 4 pattes vivant de la chasse au mammouth et de la cueillette aux bananes, ben déjà en cette période ils habitaient sur ces hauteurs au dessus de la rivière de "Zákolany" ("Zákolanský potok") comme en témoignent les trous qu'ils ont laissés dans la route qui mène du hameau de "Kováry" jusqu'à là que nous garâmes la voiture gratuitement (cette fois-ci). Ensuite les dinosaures furent remplacés par des singes poilus en des circonstances toujours nébuleuses pour la communauté scientifique, mais l'on a malheureusement aucune preuve tangible de leur présence à "Budeč". Par contre dès le VIII ème siècle avant J.C., la présence d'hominidés glabres... enfin moins poilus, de type "âge du bronze" est un fait avéré par la découverte de fouilles qui eurent lieu au XX ème siècle. En Tchéquie on parle de culture de "Knovíz" ("Knovízská kultura") en référence à la ville du même nom (près de "Kladno") où l'on retrouva de nombreuses tombes de ces singes dits nord-danubiens ("hornodunajský") et qui remplacèrent à l'âge du bronze les singes dits de culture campaniforme et des "tumulus du Danube". Les singes de "Knovíz" fondaient le métal pour ridiculiser ceux qui ne le fondaient pas, se bouffaient parfois entres-eux quand la Coop était fermée (cannibalisme coop-casionnel), et rotaient bruyamment sans dire pardon ce qui amena certains paléontologues à les classer parmi les tribus protoceltiques dégueulus ignominis germani-anglicae. Et si vous regardez le champ vide devant vous, puis vous vous retournez vers l'église St Pierre et St Paul, et bien c'est à eux, aux singes de "Knovíz" que l'on doit le premier peuplement et la première fortification en pierre exactement là, dans cet espace de champ vide juste devant vous jusqu'à derrière l'église. Ensuite, et comme avec les dinosaures, ils disparurent en des circonstances toujours nébuleuses pour la communauté scientifique (bien que d'aucuns prétendent qu'ils partirent occuper une île lointaine appelée "insula Albionis" par les anciens), laissant un vide de plus de 1000 ans dans l'histoire de "Budeč". Ce n'est qu'avec l'arrivée des Slaves que l'histoire de ce lieu revint au devant de la scène. Vers le VI ème siècle, les tribus Slaves commencèrent à s'installer dans la plaine de Bohême, mais juste comme ça, pour voir si ça serait sympa ou s'il valait mieux continuer la transhumance plus loin plus tard. Pis vers le VII ème et le VIII ème siècle, comme c'était sympa et qu'il semblait inutile de poursuivre le périple, ils commencèrent à construire des sites de peuplements permanents (sédentaires, contrairement à nomades) et fortifiés contre les nuisibles (bêtes comme Germains). Et justement, des sites en hauteur naturellement protégés par des parois abruptes comme "Hradsko près Kokořín" ou notre "Budeč u Zákolan" étaient particulièrement bienvenus. Et si en plus il restait sur le site des fortifications de l'âge des singes de "Knovíz", qu'il suffisait d'y remettre une couche de crépi pour en faire un nid d'amour, alors c'était encore plus mieux. Pis les tribus (sites) à proximité les unes des autres commencèrent à s'allier, s'unifier pour donner des peuplements, des régions, des royaumes de plus en plus importants (comme la Grande Moravie, ou Moravia Magna par exemple). Vers l'an 800 s'installèrent sur notre champ tout vide les premiers Slaves, comme en témoignent les fouilles qui mirent à jours des photos de fortifications en pierre comme en bois. Mais c'est apparemment sous notre premier prince de Bohême "Bořivoj I" (né entre 852 et 855, puis mort entre 888 et 891) que le site prit vraiment de l'importance comme place fortifiée protégeant Prague des invasions malveillantes venant du nord-ouest. Comme chacun sait, "Bořivoj I" était non seulement le premier prince de Bohême historiquement attesté, mais également le premier prince catholique carrément baptisé (vers 883) par Méthode en personne sur le royaume de la Grande Moravie d'où il rapporta cette foutue peste religieuse en Bohême. Tiens, parenthèse, l'histoire du baptême de "Bořivoj I" est arrivée jusqu'à nous par écrit, grâce à son arrière-petit fils dont la vie fut aussi une histoire à elle toute seule. Fils de "Boleslav I", le frère fratricide de St Venceslas, le St patron de la Bohême et oncle du chroniqueur, "Kristián Přemyslovec" est né dans la nuit du 27 au 28 septembre 935 (ou 929, peu importe), c'est à dire dans la nuit qui a précédé l'assassinat du saint patron. Aussitôt on l'affubla donc du sobriquet de "Strachkvas" (de "strašný kvas", terribile convivium en Latin, soit banquet terrible, voire repas maudit) car il est né au moment du repas donc, alors que son père allait commettre son crime odieux quelques heures seulement après. J'te dis pas l'enfance qu'il a passé avec un nom pareil... Et donc après son crime, et en signe de repentance (encore que...), le père "Boleslav" envoya son fils "Kristián" faire le moine pour étudier la religion dans le fantastique couvent de St Emmeram à Ratisbonne (à nouveau, je vous invite à y aller, c'est fantastique). Mais comme à la maternelle, les moines n'étaient pas plus empathiques ni charitables que les copains de classe vis-à-vis de son surnom, et donc pour éviter leurs perpétuels sarcasmes, Christian les évitait afin de passer son temps dans sa cellule. Et pour ne pas s'ennuyer parce que le blog n'existait pas encore, il écrivait son stupéfiant ouvrage: "Vita et passio sancti Wenceslai et sancte Ludmile ave eius" (La vie et la passion [martyr] de St Venceslas et de Ste Ludmilla, sa grand-mère) qui deviendra des siècles plus tard l'ouvrage de référence des évènements tchèques de cette époque (sous l'appellation "Legenda Christiani"), mais qui deviendra aussi la plus ancienne chronique tchèque connue, plus ancienne encore que les fameuses "Chronica Boemorum" de Cosmas Pragensis. Bon, après c'est moins intéressant, la vie du Christian, tout ça... encore que, mais bon, c'est pas le sujet. Donc passons donc à sa mort, donc. Lorsque "St Vojtěch" rendit définitivement les clés de la cathédrale de Prague pour aller catholiser les Prussiens qui ne voulaient pas l'être, l'on pressentit le Christian comme potentiel successeur ("il a une bonne tête de vainqueur" aurait dit le pape). L'on fit donc sonner de la cloche, l'on fit cramer de l'encens, l'on fit porter de la mitre aux ensoutanés et le cirque de l'investiture pouvait commencer. Ben croyez-le ou non, c'est ce moment précis que choisit le Christian pour nous faire une attaque, là, en 996 et en plein milieu de la cathédrale, comme l'écrit Cosmas Pragensis dans ses "Chronica Boemorum", (Lib. I, p.55) "[...] heu dira condicio, arripitur atroci demonio" ([...] il fut choppé par d'atroces démons = crise cardiaque, épilepsie, transe, diarrhée...). Dingue! Alors de cette histoire concernant la vie et le destin du Christian-banquet-maudit, vous en lirez des pleines pelletées car historiquement tous les doutes sont permis, et tout le monde y alla de son avis, mais comme ce n'est pas le sujet, je ne vais pas vous développer tout cela davantage. Bon, et donc cet âne bâté de "Bořivoj I" s'en revint de la Grande Moravie avec son catholicisme comme un légionnaire avec sa vérole, et s'empressa de propager cette affection avec la déplorable verve et le nuisible prosélytisme que les moines intégristes lui avaient enseignés. Il construisit donc la première église sous la forme d'une rotonde à "Levý Hradec" (aujourd'hui "Roztoky", au nord de Prague) qui est distant de quelques 10 km (à vol d'oiseau) de "Budeč". Cette rotonde de St Clément ("Sv. Kliment") fut la toute première église catholique sur le sol de Bohême. Malheureusement, il n'en reste plus rien, sinon les fondations car elle fut entièrement détruite en 1684. A la mort de "Bořivoj", son fils "Spytihněv I" récupéra le royaume, comme la maladie génétique, et c'est lui qui fit construire vers la fin du IX ème siècle la fameuse rotonde de "Budeč" consacrée à St Pierre (St Paul est venu squatter seulement au XVI ème siècle) et dont je vais vous parler par la suite. Tiens, dans "Passio s. Vencezlai incpiens verbis Crescente fide christiana, Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878" ("Josef Emler" était historien, archiviste, philosophe et slaviste. Il étudia, tria, analysa les manuscrits du royaume avec les plus grands littéraires de son temps) on peut lire: "In diebus illis crescente fide Christiana dei nutu et ammonitione sponte dux Poenorum nomine Zputigneus una cum exercitu necnon et omni populo suo sordes idolorum abiciens baptisatus est. Isque moenibus condidit ecclesiam sancte Dei genitricis Marie et aliam quoque in honorem sancti Petri, principis apostolorum." (En ces temps de propagation du christianisme, [...] nommé "Spytihněv" [...]. De même il fit construire une église à la sainte génitrice divine Marie et une autre aussi en l'honneur de St Pierre, chef des apôtres). Attention, cette église de la vierge Marie n'a rien à voir avec celle de "Budeč" dont je vous parlerai plus loin aussi. Ainsi donc "Budeč" et son église devinrent l'un des foyers, des ferments originels et fondateurs de la dynastie des Prémyslides et du royaume de Bohême. Vous rendez-vous compte, il y a plus de 1000 ans, en cet endroit où je foulais le sol de mes gros pieds avaient sans aucun doute marché des princes de Bohême, jusqu'au plus célèbre, au plus glorieux, carrément saint, le St Venceslas en personne. Eh ouais, et c'est prouvécrit que notre "Svatý Václav" séjourna durablement à "Budeč" puisqu'il y étudia. Tiens, toujours dans les "Passio s. Vencezlai incpiens verbis Crescente fide christiana, Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878": "Et optans pater eius desiderium animi ipsius perficere, misit eum in civitatem nuncupatam Budceam, ut ibi disceret psalterium a quodam presbytero nomine Uenno." (Et son père souhaitant exaucer les aspirations de son coeur [du coeur de son fils "Sv. Václav"], l'envoya dans la ville nommée "Budeč", afin qu'il soit enseigné par un certain prêtre appelé "Učen"). Ou encore, une autre source écrite par la plume de "Gumpold", l'évêque de Mantoue ("Gumpoldi Mantuani episcopi Passio sancti Vencezlai martyris": "[...] ad litterarum disponi exercitia desiderans, paternumque crebro flagitamine deflectens animum, ejus transmissu in civitate Bunsza litteris addiscendis est positus." ([...] désirant être instruit des lettres [...] il fut avec son accord [du père] envoyé dans la ville de "Budeč" afin qu'il se perfectionne es lettres [écritures]). Alors les historiens vous diront qu'il existe moult versions des raisons du pourquoi que donc par qui le "Sv. Václav" fut envoyé à "Budeč": selon certains c'était sa propre volonté, selon d'autres c'était celle du père, d'aucuns prétendent qu'il reçut une éducation exclusivement slave de sa grand-mère Ste Ludmila et qu'il devait donc apprendre le Latin, certains encore estiment qu'il connaissait le Latin, mais devait se perfectionner en Stes écritures avec le moine "Učen" disciple de Méthode, jusqu'à ceux qui pensent que St Venceslas était asthmatique et ses parents l'envoyèrent à la campagne pour soigner ses bronches... mais ce qui est sûr, c'est son passage en ces terres, dans cette église St Pierre toujours debout depuis plus de 1000 ans. Stupéfiant. A partir de la seconde moitié du X ème siècle, les Prémyslides firent de Prague leur capitale, et s'y s'installèrent définitivement. Les autres sites commencèrent alors à perdre en importance, et "Budeč u Zákolan" fit partie du lot. Plus rien d'écrit, ni par Cosmas (Pragensis), ni par "Dalimil", ni par les chroniqueurs du bon roi Charles IV. La dernière mention écrite de notre site remonte au XIII ème siècle lorsque la reine "Kunhuta Uherská" (Cunégonde de Hongrie, épouse du roi "Přemysl Otakar II") en fit cadeau au chapitre de "Vyšehrad". Les moines conservèrent les églises St Pierre et Ste Marie de la nativité, mais le reste du domaine fut peu à peu envahi par la végétation, les champs et les bestiaux qui vont bien dessus.
A quoi ressemblait donc notre site en sa grande époque de flamboyant prestige? Alors imaginez déjà que tout le bataclan se trouvait sur un plateau à 260 m au dessus du niveau de la mer, et quelques 60 m au dessus du niveau des 2 ruisseaux ("Zákolanský" et "Týnecký") qui coulent presque tout autour du contrebas, formant ainsi une barrière naturelle contre les belliqueux. Le site entier se composait en fait de 2 parties principales, et peut être même de sous petites parties indépendamment fortifiées. Une première partie principale dite "l'acropole ovale" se trouvait au plus haut. D'une surface d'environ 3 ha, ils s'y trouvaient l'église St Pierre, le palais princier, et la cahute en bois qui pue dedans percée d'un coeur sur la porte. Rappelons qu'un hectare représente 100 ares ou 10.000 m² soit un carré de 100 x 100 m, ce qui nous donne pour notre acropole quelques 700 m de circonférence ovale, ou ramenée à un carré, 4 x 173 m de périmètre. La seconde partie (incluant la première) dite "avant cour extérieure" ressemblait à un triangle de 19 ha (22 selon d'autres sources, mais restons à 19 pour faire simple), soit 190.000 m² ou 4 x 436 m de périmètre si notre triangle est un carré, ce qu'il n'est pas. Certains archéologues seraient enclins à inclure l'église de la nativité de la vierge Marie (c.f. plus loin) dans l'acropole ovale, d'autres non, puisqu'ils l'incluraient dans l'avant cour extérieure. Bon, on s'en fout en fait, mais c'est curieux parce que bien qu'il n'existe plus rien des fortifications, en regardant attentivement le terrain, alors on voit encore les talus d'origine qui soutenaient les remparts de cette place forte. Donc un archéologue, un gars qui creuse la terre comme une taupe toute sa vie pour analyser les strates et en conclure qu'un singe poilu avait marché dans la crotte d'un diplodocus 100.000 ans plus tard devrait être capable de déterminer les limites des 2 places fortes d'il y a 1000 ans. Bref... les fouilles et les strates de terre ont clairement démontré la présence de civilisations pré-slaves de l'époque du singe poilu d'il y a longtemps, la présence de civilisations slaves du IX et X ème siècle, ensuite de civilisation Prémyslides jusqu'au XIII ème siècle, et puis plus rien du tout au-delà. Sans aucun doute que les 2 églises devaient constituer les constructions majeures de ce site, alors passons les en revue de détail.
L'église St Pierre (et Paul) est donc LE plus ancien édifice encore debout (en partie) de toute la République Tchèque. Bien qu'on ignore la date exacte de sa construction, les experts la situent après 895 (indépendance de la Bohême versus la Grande Moravie), mais avant 905 (lorsque "Spytihněv" perdit au poker plusieurs troupeaux de chèvres en faveur de "Hatto I", archevêque de Mayence, et dû repousser à plus tard les constructions en cours). Au départ, c'était une rotonde d'une seule nef ovale pas vraiment symétrique de quelques 8 m de diamètre. Les fouilles archéologiques menées dans les années 80 du XX ème siècle ont démontré que cette partie de l'édifice (les murs à partir des fondations jusqu'au plafond) sont d'origine, y compris la voûte voûtée, ce qui est rare pour l'époque, et tout ça donc date de "Spytihněv I". C'est délire. Contre la neuf se trouvait l'abside qui n'est plus (et on ignore encore aujourd'hui quand exactement elle fut détruite), mais les fondations ont été matérialisées au sol dans le choeur par le carrelage en forme de fer à cheval comme un oeuf. Fin du XI ème siècle, on rajouta une petite chapelle circulaire contre la rotonde ovale mais qui fut remplacée par une tour carrée dans la seconde moitié du XII ème siècle. Selon certaines sources, c'est vers cette époque que l'on aurait commencé à parler de St Pierre ET St Paul, selon d'autres sources non. Bon. On rajouta encore une sacristie en 1663, puis une restauration baroque qui fut rapidement remplacée par l'incendie du 2 août 1876, et du coup, ben la presque totalité de la garniture intérieure est moderne. L'autel datait de 1926-27, oeuvre de "František Vavřich" (connais pas) sur une idée de "Štěpán Zálešák" (assez prolixe en la cathédrale de Prague) mais il a été remplacé (l'autel) en 1994 par un modèle en pierre de "Petr Váňa" (connais pas). Le crucifié sur le mur du fond est une oeuvre de la toute jeune Michaela Absolonová de 1995.
L'un des éléments des plus anciens du dedans, est la chaire renaissance en pierre, portant la date de 1585. Elle se compose de 4 pans, dont 2 d'entres-eux présentent des bas-reliefs: le Christ en bon pasteur rapportant sur ses épaules la brebis égarée (l'andouille), et le St Pierre et St Paul. Enfin on présume que ce sont les 2 saints, parce qu'on n'est pas sûr. Selon certaines sources, c'est vers cette époque que l'on aurait commencé à parler de St Pierre ET St Paul, selon d'autres sources non. Bon. Pour la petite histoire du bon pasteur et de sa symbolique, je vous invite à lire ce fantastique article qui se termine par "et les brebis à leur tour doivent se donner à lui comme il se donne à elles". Ca fout les boules, sans dec, à se demander si on parle religion ou Légion Etrangère. Et après tout cet amour de la délicate brebis, de son bon élevage, de son attentionnée protection, de la parfaite compréhension des instances de sa personnalité profonde selon les principes psychanalytiques freudiens, eh bien après tout ça, relisez la bible au chapitre "à la montagne de l'Éternel il sera pourvu", celle qui traite de l'holocauste et du sacrifice. Sentez pas comme une ambigüité et qui voque à propos de la brebis? Fin de la petite histoire du bon pasteur. Ah et encore sur la chaire de 1585, en haut de la stèle à 2 saints, il y la signature de "Šimon Lomnický z Budče" datée de 1595. Ca ne vous dira peut-être rien ce nom là, car le bougre poète et crivain ne fut pas spécialement traduit en français, mais il fut un des grands classiques de son époque, parfois considéré comme un génie. Le grand "Josef Jungmann" écrivit à son propos: "Největší síla v komickém a satiře" (la plus grande force dans le comique et le satirique), aussi je vous invite à lire (en Tchèque, malheureusement pour les que francophones) une de ces oeuvres remarquables: "Krátké naučení mladému hospodáři, kterak by netoliko sám sebe, manželku svou a čeládku, i své všecko hospodářství užitečně spravovati a živnosti svou vésti : ale také jaký by býti, v moudrosti a jiných ctnostech prospívati a čeho se kdy varovati měl". Ah oui, et que fait sa signature sur la chaire de l'église St Pierre et St Paul de "Budeč u Zákolan", et d'ailleurs pourquoi l'attribution de cette particule totalement incohérente avec les origines et la vie de notre sujet? Pas la moindre idée. Son titre de noblesse lui fut attribué en 1594 par le fantasque Rudolf II, mais bien que les archives d'attribution de ce titre aient été conservées à Prague, la raison de la particule "de Budeč" n'y figure aucunement. L'on peut donc présumer que Rudolf aurait attribué cette noblesse-ci sous l'influence du Goncourt Tchèque de l'époque ("Kronika česká", je développerai dans quelques lignes), que Simon y serait allé (à "Budeč") faire un saut pour voir à quoi le bourg ressemblait (vu qu'il en avait la particule), et que pendant que le curé avait le dos tourné, il aurait griffonné subrepticement son passage dans la pierre (d'ailleurs on n'a aucune preuve que c'est bien lui qui a signé, ne serait-ce pas un canular?). Enfin si quelqu'un a des détails sur les circonstances, chuis preneur. Autre truc intéressant, c'est le petit relief baroque en terre cuite (malheureusement dans un sale état) appelé "Panna Maria Bolestná" (la vierge douloureuse) à côté de la sacristie. C'est apparemment le seul élément qui résista à l'incendie de 1876 (et la chaire?), et qui se trouvait encore au début du XX ème siècle dans la tour quadrangulaire. Dans les années 1990, l'église fut passée à la restauration et à l'aménagement de son intérieur. On y mit également une nouvelle cloche, l'originelle ayant été liquidée lors de la seconde guerre mondiale. Bien, ben passons à la suite, à la seconde église dont on peut voir une maquette des fondations.
Eh ouais, on dirait du vrai, mais non, c'est du faux. Les fondations de l'église "Narození Panny Marie" (la vierge de la nativité) sont fausses, enfin pas d'origine. Il s'agissait d'une église d'environ 10 x 5 m, construite dans la seconde partie du X ème siècle sans doute sous "Vratislav II". Dans le courant du XIII ème siècle, on y aurait construit une tour attenante sur le modèle de celle de l'église d'en face, qu'on trouvait vachement pratique pour regarder la voisine à la jumelle, et pis c'est tout jusqu'au XVI ème siècle. Alors tout ceci est au conditionnel car contrairement à St Pierre (et St Paul), on n'a pas (plus?) de document relatant la construction de cette église, et très peu mentionnent son existence. Il fallut attendre donc le XVI ème pour que l'on parle de cette église par écrit, sous la plume du très contesté "Václav Hájek z Libočan" (encore quelques lignes, et j'y reviens). Lors des reformes de Joseph II en 1786, l'église fut désacralisée, et contrairement à d'autres plus chanceuses, en partie détruite (sans dec les Habsbourg, entre ce fumier de Ferdinand II qui décapitait son monde sur la place de la vieille ville, entre ce couillon de Ferdinand III qui bousillait les châteaux, entre cet illuminé de Joseph II qui esquintait nos églises, z'avez pas l'impression qu'un excès de consanguinité vous aurait bouffé la lucidité de l'encéphale?) Au siècle suivant (XVIII ème) l'on utilisa les pierres de l'édifice en ruine pour construire un mur autour du cimetière, et donc aujourd'hui la seule chose qui reste de cette église, c'est une stèle tombale en marbre de 1625, adossée contre le mur du presbytère de l'église St Pierre (et St Paul) d'en face (c.f. mes photos).
Bien, et maintenant revenons sur "Václav Hájek z Libočan" et sa Chronique tchèque ("Kronika česká") de 1541. Malgré qu'il soit classé parmi les chroniqueurs tchèques, ses écrits sont des plus controversés et des moins fiables qui soient. Personnage équivoque, pour ainsi dire malsain, ses relations parmi les prélats de l'état, de la noblesse comme des églises lui ont permis d'occuper de nombreuses fonctions religieuses, parfois plusieurs en même temps. D'abord curé utraquiste, ensuite prêtre catholique, il laissa moult fois son nom dans les livres de la justice pour défaillance dans sa fonction, manquement à l'ordre, acte de mauvaise foi, forfaiture, concussion, trafic d'influence et autres malversations. Il nous a donc laissé plusieurs ouvrages dont les fameuses chroniques tchèques qui commencent avec l'arrivée de l'ancêtre "Čech" en Bohême, pour se terminer en l'an de grâce 1527. L'ouvrage est historiquement partial et subjectif, mais splendidement dramatique et romancé. Dommage pour le factuel, d'autant plus dommage que ce couillon avait en partie basé cette chronique sur les "cadastres" ("desky zemské") du château de Prague (auxquels il avait accès) et dont la quasi-totalité fut détruite dans l'effroyable incendie de 1541 qui brûla la quasi-totalité de "Malá Strana" et une bonne partie du château (de Prague). Parenthèse. Les "desky zemské" sont les ancêtres du cadastres tel qu'on le connait. Ces archives écrites recensaient simplement et factuellement les possessions foncières, immobilières, banqueroutières, bijoutières, céréalières, pétrolières, singulières, bétaillères (et autres) de toute famille non assujettie à l'impôt, mais contenaient également les textes de loi, les décisions de justice (condamnation), les décisions des entités administratives (bourgs, villes, régions...), bref, l'histoire chronologique de la bohême à partir de l'an 1260. Et tout cela est parti en fumée en 1541, sauf les volumes entre 1316 et 1324 qu'un fonctionnaire avait empruntés avant l'incendie pour les étudier chez lui au bistrot. Fin de parenthèse. Et donc cette chronique tchèque romancée influença tellement les historiens, chroniqueurs, annalistes (et Rudolf II) que jusqu'au milieu du XIX ème siècle, certains événements décrits étaient considérés comme véridiques et avérés. Tiens, selon la chronique, l'origine du site de "Budeč" remonterait jusqu'à l'ancêtre mythique "Krok" (c.f. la guerre des donzelles, vers 470) où il habita pour de vrai (mais c'est faux), et par extrapolation sur les légendes de l'éducation de St Venceslas en cet endroit, "Václav Hájek z Libočan" en conclut la présence d'une grande et renommée école "litteris latinae linguae" en une époque où le reste des nations européennes de singes poilues chassait les termites dans le taillis. Et tant qu'à breloquer du mou gris, l'un des plus importants historécrivainjésuite tchèque "Bohuslav Ludvík Balbín" compléta le portrait de Jackson Pollock (dans ses "Historia de ducibus, ac regibus Bohemiae") en affirmant que cette école était carrément fréquentée par la princesse "Libuše", et que son futur paysan de mari "Přemysl" jouait aux billes avec elle pendant la recrée (et au docteur après l'école). Surprenant que notre jésuite nous y ait point collé du p'tit Jésus et de la vierge Marie... Et hop, la chose fut acquise (mais fausse). Il exista ainsi et pour sûr une fantastique école à "Budeč", et tous considéraient cette affirmation avec la plus absolue certitude, des "Jan Amos Komenský" comme des "Karel Amerling" qui créa carrément une école pilote basée sur ses nouvelles théories pédagogiques et qu'il nomma "Budeč" en souvenir de la plus ancienne école de Bohême (en fait il en créa même plusieurs des écoles nommées "Budeč", le gars). A sa mort, il émit le souhait d'être enterré dans le petit cimetière à coté de l'église St Pierre (et St Paul). Son souhait fut exaucé, et à défaut de reposer sur le sol de la plus ancienne école du pays, il repose à proximité du plus ancien édifice (c.f. mes photos).
Et puisqu'on parle cimetière... Depuis le X ème siècle (parfois IX ème), on enterrait les macchabs autour des 2 églises (avant on brulait les corps, l'enterrement est un rite chrétien). L'on a découvert tout autour de St Pierre (et St Paul) 56 tombes dont certaines contenaient des artefacts (boucles d'oreilles, bracelets, téléphones mobiles...), et d'autres pas. Selon les archéologues, ces tombes (sans artefact) avaient déjà un caractère chrétien car aucune ne contenait des offrandes de type païen. En fouillant bien profond, les archéologues découvrirent même du côté dit "Na Týnici" une tombe commune contenant une soixantaine (parfois seulement une cinquantaine) de squelettes totalement bousillés en petits morceaux. On en ignore la raison, sinon qu'il pourrait s'agir d'un rituel anti-vampire, à l'instar de la dizaine de tombes orientées à l'opposé (tête à l'est) de ce que l'on faisait d'habitude (tête à l'ouest). Lorsqu'on démolit l'église de la vierge de la nativité, on créa en 1836 un nouveau cimetière près de l'église restante (celui qui existe toujours aujourd'hui). On eut même envisagé un moment d'en faire le "Slavín" qui existe aujourd'hui à "Vyšehrad", mais l'idée fut abandonnée lorsqu'un sagace membre de la commission de décision du si oui ou du si non fit remarquer qu'il n'y avait pas de tram jusqu'ici, et que ça risquait de fichtrement limiter le tourisme (ce en quoi il eut entièrement raison, tiens, regardez-voir l'infime fréquentation aujourd'hui). Ceci dit, certaines notoriétés ont quand même leur sépulture au cimetière de "Budeč". En plus donc du renommé pédagogue "Amerling", repose ici le sculpteur "František Hnátek" (statue de St Venceslas rue "Musílkova" à Prague 5) accessoirement écrivain et critique architectural sous le pseudonyme de "Pavel z Budče", les historiens "Otto Urban" et "Václav Davídek", ou encore le fondateur des sucreries de "Zákolany", archéologue amateur averti et féru collectionneur de porte-jarretelles amovibles en tulle brodé avec double élastique pour chinchilla ouzbek, l'ingénieur "Jan Felcman". Et après les morts célèbres, signalons encore ceux qui n'ont pas eu de bol. Sont également enterrés ici certains des 14 pauv' bougres qui décédèrent dans l'accident ferroviaire du 25 janvier 1964, lorsqu'un train de marchandises percuta un train de passagers à l'arrêt dans la gare de "Zákolany" alors qu'il se trouvait sur le mauvais quai.
Restons les doigts dans la terre, et après l'enterrement, parlons d'archéologie. Inutile de vous dire que ce site a attiré les archéologues comme le poil les séminaristes, et l'un des tout premiers était justement membre de la soutane: "Václav Krolmus" qui cherchait là comme ailleurs mi XIX ème siècle des preuves tangibles de l'existence des légendes tchèques, et tout particulièrement la tombe du mythique ancêtre "Čech". Les vraies fouilles sérieuses commencèrent dans les années 70 du XX ème siècle avec "Miloš Šolle" et "Zdeněk Váňa" qui publièrent leurs conclusions en 1983 dans un ouvrage commun: "Budeč-památník Českého dávnověku". Plusieurs années plus tard, "Andrea Bartošková" fit une révision complète des artefacts trouvés par les précédents gaillards. Ainsi, tout ce que je vous ai raconté au dessus découle en partie de ces fouilles, venues confirmer (ou infirmer) les écrits médiévaux. Voilà. Dis-donc, j'ai fait gras une fois de plus sans vouloir. C'est dingue ça, le nombre de truc qu'on peut dire sur un fourbi pareil où il ne reste pratiquement plus rien à voir, sans dec. Donc pour conclure, "Budeč u Zákolan" est énorme d'un point de vue historique, c'est vraiment ENORME. Malheureusement, à voir il ne reste guère plus que l'église St Pierre (et St Paul), car tout le reste n'est plus, y compris la buvette ce qui est extrêmement regrettable, aussi prévoyez vos propres rafraichissements si vous visitez en pleine chaleur. Mention spéciale à la délicieuse petite qui nous fit faire le tour, qui me permit de prendre des photos dedans l'église, qui me fit monter par des escaliers branlants d'époque jusqu'au balcon où se trouve l'orgue afin de voir par moi-même qu'il n'y avait effectivement rien à voir comme elle avait dit (mais ça m'a fait plaisir d'y aller quand même, pour les photos)... rien à voir sinon le vieille orgue qui lui sert d'accompagnement lorsqu'elle chante dans la chorale qui répète en ce lieu, parce qu'elle chante l'affable petite. Dernier conseil, selon la légende, si vous faites le tour de l'église, alors en passant devant la tour vous devriez sentir une force, une énergie, une vigueur régénérente (et hydratante) qui devrait vous faire sentir bien, relax et cool. Personnellement je n'ai pas essayé parce que je suis trop réaliste (et faignant de la marche à pied), et que si je devais sentir quelque chose, ça serait la matière fécale qu'un clébard aurait sournoisement démoulée juste sous mes pas, afin que je marche dedans (j'ai un réel succès en cette matière -fécale-). Cependant aux dire de certains, la sensation (perception) de la force est assurée. Maintenant est-ce que ça raffermit les nichons, élimine la peau d'orange et efface les rides sous les yeux? Pire, ça se trouve c'est peut être même "dangêrrrê pourrr la santê" comme dirait ma maman. Alors faites gaffe quand même, ne tournez qu'une seule fois autour. Pis encore bonne année à tous, genre parce que c'est ma première publie de l'année, donc après la cuite, vive 2008!
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