Ailleurs: Le menhir de Klobuky

Avez-vous lu Astérix et Obélix quand vous étiez petits? Ou lisez-vous même encore maintenant, parce qu'il n'y a pas de taille (ni d'âge) pour lire Astérix et Obélix. Ben moi oui, j'ai lu, et je lis encore avant de m'endormir, quand je rentre chez ma maman. Astérix et Obélix c'est d'la bombe en boîte (enfin pas vraiment pour les derniers, plutôt faible comme lecture), et ça peut se lire sans faim et sans soif, juste comme ça pour le plaisir de grignoter, entre les repas. Bon, alors si je vous parle d'Astérix et d'Obélix, c'est parce que ma publie est à eux liée d'une certaine façon.
Ben ouais, je me suis laissé dire que les églises, les châteaux, mes lecteurs en auraient à souper, alors je me suis gratté le fond de la calebasse afin de vous trouver une publie sur quelque chose d'original, et donc voilà. Cette publie concerne donc un article rare, d'ailleurs très rare en notre République, contrairement à la Bretagne, qu'elle soit grande ou petite... enfin française, la petite (et là, j'entends déjà les Bretons [français] hurler des insanités à mon encontre). Le sujet d'aujourd'hui concerne un truc qui date même d'avant Astérix, Obélix et Jules César (de vers -50 avant Jean-Claude). Ce truc remonte même jusqu'aux Boïens, peuple celte qui aurait donné son nom à la Bohême. Il remonte carrément jusqu'au V ème siècle avant Jean-Claude, en une période où même Jésus Christ et dieutouppuissant n'avaient pas encore osé s'aventurer sur terre à l'époque. Aujourd'hui donc, je vais vous parler du plus grand menhir jamais bâti en notre pays, ou tout au moins du plus grand menhir encore vivant et debout sur notre territoire, malgré que des imbéciles s'emploient régulièrement à le défigurer (cf. mes photos).
On l'appelle le berger pétrifié ("Kamenný pastýř"), l'homme de pierre ("Kamenný muž") ou encore, rarement cependant, le menhir. Il mesure entre 3,3 et 3,5 mètres (selon l'humidité et la température de l'air sans doute), dont 70 cm sont plantés dans la terre afin qu'il n'aille pas se croûter par grand vent (ce qui est déjà arrivé, cf. plus loin). L'animal pèse quelques 5 tonnes à jeun, sa largeur est globalement de 1 m, et il se trouve à 1 km au Nord du patelin "Klobuky", soit 50 km au Nord-Ouest de Prague. Il se compose à 99% de grès calcaire ferrugineux datant de l'ère tertiaire, et à 1% de matières diverses accumulées sur sa surface depuis son érection (en particulier de la fiente de piaf champêtre, cf. mes photos). Sa forme brute et aucunement travaillée nous rappelle que l'homme celtique était tout d'abord faignant, et qu'ensuite il fallut des millénaires d'enseignement en arts-plastiques avant que le primitif ne devienne artiste.
Maintenant attention, ce menhir n'a rien d'artistique parce que sa fonction n'était pas destinée à plaire, mais à compter. En effet, selon certains archéologues, notre berger pétrifié servait de calendrier (selon d'autres de cure-dent à mammouth). Certains même (fin du XIX ème siècle) lui accordaient une origine naturelle (cf. plus loin), genre un rocher qui aurait été là depuis la création de la terre, puis qui aurait été sculpté par le vent, la pluie et les rosions. Puis il y en eut d'autres, des archéologues (toujours fin du XIX ème siècle) un peu plus fufutes, qui eurent l'idée de creuser sous le menhir pour voir s'ils n'y trouveraient pas une chape de béton. Ben non. Mais ils y trouvèrent néanmoins un socle rocheux sur lequel reposait notre berger pétrifié afin qu'il n'aille pas s'enfoncer dans la terre sous son propre poids lors des pluies automnales. Du coup pas de doute possible, c'est bien la main de l'homme qui mit le pied à l'étrier dans cette érection rocheuse. Il fallut encore attendre quelques années avant qu'on ne détermine sa datation (période des Boïens) bien qu'encore aujourd'hui on n'ait pas vraiment de certitude absolue.
Tiens, remontons dans le temps. Ce qu'on a retrouvé de plus ancien autours du bled "Klobuky" remonte au-delà du V ème millénaire avant Jean-Claude. Il s'agit de morceaux de céramique à motifs tordus (ondulés) qui sont encore plus anciens que les morceaux de céramique à motifs linéaires, puisqu'il fallut attendre l'invention de la règle et du centimètre pour passer de l'un à l'autre (notez que malgré que les Britanniques connaissent la règle depuis qu'ils l'ont récemment importée de leurs colonies, ils n'ont toujours pas inventé le centimètre). Ensuite l'on a trouvé de la céramique d'Unétice, de la céramique de La Tène, et enfin des tombes celtes avec des bijoux en bronze faisant croire aux archéologues que la condition féminine eut soudain prit un élan émancipatoire sans précédent.
Puis l'on construisit le menhir, entre -500 et -400 ans, puis plus grand chose jusqu'en 1226 (après JC), lorsque "Klobuky" sont mentionnés dans un Email de donation du roi "Přemysl Otakar I" au monastère de "Doksany" (cf. "Codex diplomaticus Bohemiae II, n. 286, p. 282, Přemysl Otakarus I., rex Bohemiae, monasterio in Doxany omnes possessiones, quarum nomina recenset, confirmat eique libertates largissime concedit. [...] Contituimus eciam omnium memorie commendandum, qui Nazblaz dedimus iam dicte domui et heredes manentes in Clobuch et terram ad aratrum duorum hospitum in Bussowic. Preterea donavimus congregacioni domus Doczanensis, [...]"). Mais rien sur le menhir, parce qu'en cette époque obscure, l'on était aveuglé par dieutouppuissant pourtant invisible, plutôt que par un caillou flagrant et manifestement forgé par l'homme (même primitif). En 1841, le menhir est pour la première fois porté sur une carte. Sans doute une carte militaire, afin d'éviter que les armées en marche n'aillent se prendre les pieds dedans le caillou.
En 1852, la chronique du village mentionne que le menhir se croûta par grand vent, que les villageois décidèrent alors de le remettre sur pied (avec grand' peine), et qu'une fois érigé à nouveau, ce fut grand' fête et tralala dans le bled. En 1864, l'historien en herbe et professeur à temps partiel "Vojtěch Krupka" (1840 - 1897) écrit quelques lignes sur notre menhir dans la revue "Beseda". Je n'ai malheureusement pas retrouvé la trace de cet article. En 1877, le paléontologue géologue et menhirologue "Antonín Frič" (1832 - 1913) écrit quelques lignes sur notre menhir dans la revue "Vesmír" (notez que la revue existe toujours et continue à publier des articles de vulgarisation scientifique des plus intéressants, pour les petits comme pour les grands). Je n'ai malheureusement pas retrouvé la trace de cet article non plus. Ce que je sais par contre, c'est de quoi que les articles qu'il s'agissait de. Je vous en parlerai plus en détail plus loin, z'allez-voir.
Puis en 1893 eut lieu la première fouille archéologique digne de ce nom. Elle est à mettre sur le compte de 2 farfelus hurluberlus, le directeur de la sucrerie locale "Bohumil Zap" et son comptable "Václav Sajbic" qui, lassés par la betterave et l'ennui, fouinaient dans les environs à la recherche de rebuts historiques qu'ils déposaient ensuite fièrement par brouettes entières chez Mr le maire dont le bureau finit par déborder de "bric-à-brac inutiles". Ces bric-à-brac font aujourd'hui la fierté des musées régionaux. Bref, en 1893, les 2 bougres mirent à jour à quelques 250 m au Nord du menhir 2 rochers de même matière, puis encore un autre rocher à seulement 28 enjambées au Nord-Ouest. Le tout fut proprement déposé à la mairie, mais la fournée de cette brouette-ci fit déborder le vase. Aussitôt, Mr le maire passa un coup de fil à son pote paléonto-archéologue "Jan Nepomuk Woldřich" afin qu'il vienne calmer les ardeurs des 2 excités. Le scientifique jeta un oeil à travers ses lunettes sur les caillasses, et en conclut une origine naturelle sans intérêt. Mais en 1898, "Josef Ladislav Píč" (le co-inventeur de l'archéologie en Bohême) eut une tout autre théorie après avoir creusé sous le menhir (cf. auparavant). Origine artificielle fut la conclusion de ce dernier.
Ces deux derniers archéologues là se prirent encore la tête longtemps, à propos par exemple du cercle de "Cehnice". Mais retour à notre menhir de "Klobuky". Sur la foi des cailloux retrouvés par nos zigues de la sucrerie, comme sur la foi de témoins oculaires aujourd'hui disparus, il semblerait que notre menhir était entouré de cailloux plus petits, formant un cercle tout autour. Ces cailloux furent écartés vers la mi XIX ème siècle afin de céder la place à la griculture. Combien étaient-ils et à quoi servaient-ils? Nul ne sait. Nul ne sait d'ailleurs à quoi servait le menhir non plus. L'hypothèse la plus communément proposée, est qu'il pourrait s'agir d'un calendrier, parce que les 30 avril et 13 août (dates sujettes à changement selon que l'on utilise le calendrier Celte, Julien, Grégorien...), qui sont respectivement les fêtes celtes de Beltaine et de Lugnasad, le soleil vu depuis le menhir de "Klobuky" monte au ciel directement depuis derrière la colline "Říp", visible depuis notre caillou puisque distante de seulement 25 km, et elle même liée aux Celtes depuis qu'ils y auraient séjourné avant l'arrivée de l'ancêtre "Čech".
Bon, mais scientifiquement ce n'est pas particulièrement convaincant. Une autre théorie pense que le menhir (et ses cailloux) aurait un pouvoir énergique protecteur, voire guérisseur. Ben tient, aujourd'hui les propriétés semi-conductrices du silicium (se trouvant dans notre menhir à l'état brut) sont fondamentales dans la réalisation de circuits intégrés. Alors pourquoi n'aurait-il pas des propriétés énergétiques à l'état naturel, dans la pierre? Bon, mais scientifiquement ce n'est pas particulièrement convaincant non plus. Encore moins convaincante est l'hypothèse selon laquelle le menhir serait un accumulateur d'énergie terrestre comme cosmique, énergie transformée puis retransmise sous forme d'ondes sur Terre comme au delà (cf. les lignes de Ley). D'aucuns affirment même que notre menhir émettrait des ultrasons, en particulier lors des équinoxes. Alors je ne puis ni affirmer ni infirmer, parce que je n'ai fait que prendre des photos, aucunement mesurer l'activité paranormale de notre caillou.
Selon la légende, le menhir se déplacerait d'un grain de sable à chaque son de cloche de l'église St Laurent dans le bled de "Klobuky", et lorsqu'il attendrait l'église, soit quelques 1000 m à parcourir, ce serait le jour du jugement dernier. Selon la légende toujours, à chaque son de cloche dans l'autre bled de "Kokovice" le menhir reprendrait sa place d'origine. Sans dec, c'est quoi ces légendes à la mords-moi l'menhir? Cette caillasse est posée là depuis des millénaires, sans qu'on ne sache par qui ni pourquoi, mais depuis que l'petit Jésus est tombé sur terre afin de nous casser les roupettes, l'objet serait soudainement devenu un compteur de jour dernier? Ca sent la mystification catholique vous n'trouvez pas? Ceci-dit, c'est cette légende là que "Vojtěch Krupka" et "Antonín Frič" racontèrent dans leurs revues respectives. Y a pas de quoi écrire un article moi j'dis. Sinon depuis 2007, la municipalité a terrassé et pavé l'accès au menhir, du coup ça fait nettement plus "attraction touristique" qu'auparavant.
L'énorme avantage cependant est que vous ne vous salopez pas les godillots dans la gadoue du champ par temps pluvieux. L'inconvénient, c'est que la municipalité n'a pas pensé à délimiter un parking, aussi par grande affluence que vous ne pouvez d'ailleurs pas prévoir, c'est coton-tordu pour garer son carrosse sur le bord de la route archi-encombré (le bord de la route). Bon, alors si vous souhaitez vous remémorer Astérix et Obélix grâce au menhir de "Klobuky", rendez-vous là: 50.3012381N, 13.9844367E. Sinon vous pouvez aussi acheter du poisson pas frais, ou chanter faux en vous accompagnant à la lyre, mais l'option menhir me semble encore la moins douloureuse.

Commentaires

Hana de Prague a dit…
Bravo pour ton post! J'y ai fait presque les mêmes photo... mais comme toujours, tu as plus d'informations que moi et je perds l'envie d'en écrire... :-)
Strogoff a dit…
Nan Hana, faut pas, surtout pas, faut pas arrêter d'écrire. Tes publies sont plus nombreuses, et tes découvertes sont des trésors d'investigation.
Hana de Prague a dit…
J´ai rigolé. Bien sûr j´aime trop mon blog :-) Et merci pour tes gentils mots.
Strogoff a dit…
Je me disais aussi... :-) Alors bonne continuation, et vive Prague. Hourra youpi alléluia...

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