Ville: St Venceslas à Zderaz, quelle histoire

Alors aujourd'hui, je m'en vais vous parler de l'église St Venceslas ("kostel sv. Václava"), juste en face de l'église St Cyrille et Méthode. "Quoi? Encore une église? Mais on en mange depuis 3 publies. T'as pas des nouilles en sauce?" Ben non, désolé, c'est le temps des cerises alors j'vous parle des zéglizes, parce comme dirait ma maman, "faut manger des fruits frais quand c'est la saison, c'est bon pour la santé."
Quand ça sera le temps du pâté en croûte, je vous parlerai d'autre chose, mais aujourd'hui donc, l'église St Venceslas, officiellement "Kostel sv. Václava na Zderaze". "Zderaz" serait selon les experts en linguistique une dérivation du nom propre "Zdiraz", qui n'était autre que le bras droit favori du roi "Vratislav II" (premier roi de Bohême, † 1092) et qui mourut ("Zdiraz") par traîtrise du fils ("Břetislav II") du roi ("Vratislav II") lors du siège de "Brno" comme on peut lire page 195 dans les "Dějiny národa českého v Čechách i v Moravě" de
"František Palacký", livre 3, chapitre 6, "Vzpoura králevice Břetislava". Puis "Zderaz" est devenu le nom du peuplement (colonie de gens) qui se trouvait sur le rocher "Břežská skála" et qui s'étendait (le rocher) de la place Charles ("Karlovo náměstí") jusqu'aux berges de la "Vltava" à une hauteur d'entre 15 à 20 m. Au XIV ème, "Václav IV" y avait fait construire un petit château fort sur ce monticule, qui devint par la suite un couvent, puis une prison, tout ça à l'emplacement de l'actuelle maison dansante qui ne doit sa naissance qu'au bombardement zétazunien de la St Valentin 1945
(c.f. ma précédente publie). Juste en dessous de ce château, sur les berges du fleuve s'installèrent au fur et à mesure des tanneurs, corroyeurs, mégissiers et peaussiers. Le coin prit ainsi les noms de "Podzderazí" (sous "Zderaz"), "V jirchářích" (genre "aux mégissiers", aujourd'hui un nom de rue à 500 m de notre église rappelle cette réalité), "Smradaře" (genre "aux empuanteurs") ou encore "V Kalábrii"
(dans "la Calabre", en référence aux origines des artisans d'Italie qui s'installèrent là bien avant que le bon roi Charles IV n'invente la nouvelle ville en 1348). Cet imposant rocher faisait partie intégrante du paysage de Prague jusqu'à l'assainissement de la ville (début du XX ème siècle), mais encore aujourd'hui le terrain accidenté et surélevé des rues du quartier rappelle cette topologie escarpée de "Zderaz". Et du coup, notre église St Venceslas "na Zderaze" se trouve à l'angle des rues "Resslova" et "Dittrichova", parce que dans la rue "na Zderaze" y a rien.
Enfin rien d'historiquement remarquable qui mériterait que je vous en parle de. Mais revenons à nos boutons.

En 1115, l'on mentionna déjà une églisette St Pierre en la colonie de "Zderaz". Mais la vraie construction romane se passa entre 1170 et 1181 lorsqu'on construisit un édifice à vaisseau unique, que l'on consacra en cette même année (1181, le 26 novembre) à St Pierre et Paul. C'était une petite construction à 1 vaisseau classiquement fermée à l'Est par une abside et à l'Ouest par une tour quadrilatérale. Aujourd'hui il n'en reste que 2 fenêtres géminées (jumelles) typiquement romanes sur la façade Ouest, en haut, lorsque vous regardez depuis la rue "Dittrichova"
(c.f. mes photos). Notez l'emplacement curieux de ces 2 fenêtres par rapport à l'édifice actuel (dans le haut du coin gauche), à se demander quelle est la courge d'architecte qui est allée te me les fourrer là? Aux alentours de 1380, l'on transforma la bâtisse en gothique et l'on en profita pour rallonger sensiblement le choeur, dans lequel l'on peut encore voir des restes de la tour romane d'origine (mais vraiment des restes, genre des bouts de caillasse qu'il faut vraiment savoir qu'ils sont romans), mais également des restes de peintures gothiques datées d'environ 1400. En 1420 et par conséquence des guerres hussites, l'église leur passa dans les mains (aux hussites) et ce pour une durée d'environ 2 centenaires.
Vers la fin du XIV ème siècle, le duc "Jan Zhořelecký" possédait et habitait dans la maison voisine de notre église. Il était le dernier fils du bon roi Charles IV (et d'Elisabeth de Pomme-et-radis), frère (indirect) du roi "Václav IV" et de l'autre fripouille de "Zikmund" (futur roi). En 1396, Jean mourut dans son sommeil de circonstances curieuses à l'âge de même pas 26 ans (compte tenu du contexte politique et de ses relations familiales tendues, les historiens n'écartent pas l'hypothèse d'un empoisonnement bien qu'ils n'aient pas de preuve), et ses biens revinrent tout naturellement à son frère et roi "Václav IV". Celui-ci fit fortifier le fief à fond,
au foin... au point que certains historiens avancent l'idée même d'une complète destruction avant neuve construction. On en arrive aux guerres hussites, et paf, tiens, c'est le légat du concile de Bâle qui prend ses quartiers au château, Philibert de Montjeu l'évêque de Coutances (province rouennaise, "Philibertus Constantiensis episcopus provinciae Rotomagensis"), celui qui traita la pucelle d'Orléans d'hérétique opiniâtre lors de son procès (à Jeanne). A la mort de l'évêque par la peste en 1439, personne ne voulut plus occuper le castel (pestilentiel), aussi on le transforma en cabane range-fourbi pour les camions-poubelles de la ville nouvelle.
Pendant une paire de siècles, le château se délabrait au point que les augustins (ordo sancti Augustini [eremitarum]) finirent par l'acheter en 1627 (parfois 1623), avec le domaine et notre église St Venceslas, se disant que finalement, compte tenu de la surface du terrain c'était un bon investissement pour l'avenir. Ils se mirent à la tâche parce qu'il y avait du boulot comme qui dirait, et jusqu'en 1641, ils construisirent un complexe abbatial englobant jusqu'à notre église. Ils égalisèrent les tours du château d'origine à la hauteur des murs, repeignirent l'église en baroque entre 1643 et 1644, plantèrent 2 jardins dans les cours intérieures, et avant même que nos augustins aient posé les rideaux, Joseph II leur sécularisa tout le complexe fin du XVIII ème siècle (eh ouais, encore, les boules).
L'abbaye reprit un temps les fonctions précédentes du castel: cabane range-fourbi, mais pour les besoins de l'armée cette fois-ci. Puis à l'instar de l'abbaye de Broumov, l'abbaye de St Venceslas servit un temps de taule pour bagnards entre 1809 et 1893, comme vous pouvez voir sur une carte de 1858 de la fameuse "John Murray publishing house" d'à Londres sous le numéro 16 et libellée "House of correction".
Certaines sources mentionnent le bagne jusqu'en 1899, d'autres encore 1884. Sans dec, on rêve debout, d'autant plus que d'autres encore (de sources) écrivent que les bâtiments du bagne (comme de l'abbaye) furent rasés entre 1891 et 1895 lors du grand assainissement, tandis que les premiers bagnards furent déménagés dans leur nouveau foyer en 1889. Parenthèse, avant la taule de St Venceslas, les bagnards se trouvaient à "Terezín", tristement célèbre pour son camp de concentration.
Après la taule de St Venceslas, les bagnards se trouvaient à "Pankrác", tristement célèbre pour ses détentions et exécutions de dissidents sous le régime con-muniste. Et pour info, cette dernière taule est toujours en activité. Allez savoir pour les dates, mais revenons donc à notre abbaye fermée fin du XIX ème siècle parce que les bagnards y décédaient en trop grand nombre, et que ça faisait mal propre dans les statistiques human-rights de l'empire habsbourgeois. Aujourd'hui, ben il n'en reste plus rien, même pas une trace, puisqu'après le rasage l'on construisit sur l'emplacement des immeubles de rapport.
Ah bon? Et l'église alors me demanderez-vous? Ben l'église en fait fut détachée du complexe bagne-range-fourbi, et en 1827 (sous François II) elle fut re-consacrée. En 1909 elle fut même retapée en néogothique mais ce n'est qu'en 1926 qu'elle prit son apparence finale et actuelle après avoir été rachetée par l'église hussite (dans un état désolant semblerait-il). Celle-ci l'utilise toujours et ce depuis 1927, exception faite des tristes années de dictature nazi et con-muniste.

Bon, alors dedans, y a quand même des trésors. Déjà dans le choeur, vous pouvez apercevoir des restes de peinture gothique du XV ème siècle représentant la maternité de la vierge Marie (lisez l'article en Québécois, j'adore) et l'annonciation aux pieds de l'arbre de vie, eh oui. Dans la nef, la voûte en étoile est l'oeuvre de "Karel Mělnický" (l'architecte fut anobli en "Karel Mělnický z Karlsperka" par le loufoque empereur Rudolf II après qu'il eut construit le château d'eau de la nouvelle ville ["Novoměstská vodárenská věž"]) et date des années 80 du XVI ème siècle.
Quant aux peintures représentant les légendes de St Venceslas, elles sont l'oeuvre de "Josef Hager" (fresques en la chapelle St Anne à "Kašperské Hory", Ste Cécile en l'église St Nicolas de "Malá Strana", ou encore en la splendide église St Adalbert de "Vejprnice", construction du fabuleux "František Maxmilián Kaňka") de la seconde moitié du XVIII ème siècle. La sacristie (pas photographiée) comporte de splendides stucatures bas-baroques ainsi que des peintures (vers 1670) représentant le couronnement de la vierge et les légendes de St Venceslas, eh oui, encore, ben tiens, l'église lui est consacrée.
Alors j'ai pas de photos de la sacristie, parce qu'en arrivant dans l'église, la petite de l'accueil me demanda si je comptais faire des photos, ce qui me sembla aussi évident que de demander à un chien s'il allait fouetter de la queue (quand il en a une). Elle m'invita alors à bien vouloir porter mon nom, ma qualité et mon adresse sur un bout de calepin, parce que comme l'église est classée monument historique, ben Madame la curé souhaitait conserver trace des impudents qui prenaient photos!? Parenthèse: bien que l'église hussite soit de rite chrétien, elle n'en accepte pas moins du personnel de sexe faible (terminus technicus, n'y voyez point outrage) ce qui est preuve d'une certaine ouverture cruellement absente au sein de l'église romaine.
Sinon j'écris volontairement Madame la curé sans "e" malgré que le peu d'exemples féminins dans ce ministère furent écrits avec un "e" (c.f. Marianne coïtée par le curé patriote dans "le Palais Royal" de Nicolas Edme Restif de La Bretonne: "Je serai donc Madame la curée?"). Le substantif féminin avec "e" (curée donc) me rappelle trop la bidoche encore chaude et sanguinolente que l'on jette aux clébards valeureux après l'hallali, tandis que le participe passé me rappelle trop le frotti de la bidoche encore chaude et sanguinolente que pratique le gynéco valeureux après la maladie, et du coup "Madame la curé" me semble mieux que "Madame la curée". Fin de parenthèse. Ah ouais donc, Madame la curé souhaitait posséder mon pédigrée? Et pour en faire quoi, de toute façon comment pourrait-elle retrouver dans toute cette liste qui a fait quoi des photos qu'il a prises? J'écrivis donc malproprement (j'écris particulièrement mal de la mimine, "à la toubib") mais honnêtement mes références et partis à la chasse aux images.
En arrivant près de la sacristie, j'aperçus par la porte ouverte LA Madame la curé occupée à une besogne indéterminée, aussi je jetai un rapide coup d'oeil dans la pièce et disparus discrètement avant qu'elle ne m'aborde sur la question délicate de la photo. Du coup, ben j'ai pas de photos de la sacristie. Sapristi! J'ai par contre des photos de l'autel et de la haute croix en bois créés en 1930 par le fabuleux "František Bílek" (encore que cette sculpture là n'est pas totalement à mon goût, genre il n'est pas beau monsieur Jésus, j'en connais des autrement plus mieux). Pis surtout, j'ai des photos des fantastiques peintures renaissance tardive (première moitié du XVII ème siècle) sur le plafond à caissons juste en dessous de la tribune d'orgue. Les thèmes sont les actes de charités et la glorification de dieu par les psaumes, un programme aussi chiant que l'élection de miss-rillette à la téloche un dimanche de pluie en Bretagne, mais la réalisation est splendide (c.f. mes photos). Dans la série charité, notez l'extrait de la 1ere épître de St Paul aux Corinthiens, chapitre 13.3 "Et, si distribuero in cibos pauperum omnes facultates meas, et, si tradidero corpus meum, ita ut ardeam, caritatem autem non habuero, nihil mihi prodest" ("et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert à rien".
La traduction en Français me semble boiteuse, mais c'est la fidèle transcription de Louis Second, citoyen Suisse, ça explique sans doute...) Et ce n'est point hasard que cette phrase se trouve là, puisque c'est un des arguments sur lesquelles se basait "John Wycliffe" en 1376 pour s'en prendre à la richesse et à la corruption du clergé dans son "Tractatus de civili dominio" (c.f. le second argument). Et lorsqu'on sait que "John Wycliffe" était l'un des plus importants instigateurs de la pensée de "Jan Hus", et que notre église est hussite depuis les guerres (hussites)... eh! Tout se tient, ben tiens.

Dans la série "psaumes", vous pouvez noter "Laudate Eum in sono tubae, laudate Eum in timpano e choro, laudate Eum in cordis e organo..." (Louez-le [dieu] au son de la trompette, louez-le avec tambourin et choeur, louez-le avec cordes [instruments à] et orgue...). Il s'agit d'un extrait du psaume 150 de la Vulgate qui fut également repris par Igor Stravinsky en 1930 dans sa symphonie des Psaumes pour choeur et orchestre.
Il y en d'autres encore, des extraits de psaumes, mais passons à celui qui est sans doute le plus intéressant: "Qui potest capere" (généralement "Qui potest capere capiat", comprenne qui pourra... c'est la traduc) qui s'inscrit dans "Sunt enim eunuchi qui de matris utero sic nati sunt et sunt eunuchi qui facti sunt ab hominibus et sunt eunuchi qui se ipsos castraverunt propter regnum caelorum qui potest capere capiat" (Mathieu 19:12, car il y a des eunuques, qui sont ainsi nés du ventre de leur mère, et il y a des eunuques qui ont été faits eunuques par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le Royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre ceci, le comprenne). Pour les détails, je vous laisse lire les Critiques philosophiques et littéraires, tome 3, de Antoine-Vincent Arnault qui traite des eunuques, et qui aborde notre chapitre 19 de St Mathieu en page 445. Alors pourquoi justement ce passage?
N'y aurait-il pas comme un lien avec les castrats et le chant des psaumes dont l'église était particulièrement friande, comme le souligne Antoine-Vincent Arnault: "Rome n'en pas a été pourtant moins grande consommatrice d'eunuques que Constantinople. Frappée de la mélodie de la voix de ces infortunés, l'église romaine les a employés longtemps à chanter les louanges de Dieu, comme si ces voix pouvaient lui plaire, et elle a ainsi contribué à perpétuer cette infâme fabrication. Si c'est parce qu'il y avait des eunuques qu'elle les a employés, bientôt on a fait des eunuques parce qu'elle les employait." Mais c'est ignoble, une horreur Thérèse! Mais après tout, "qui habet aures audiendi, audiat".

Ben voilà tout ce qu'on pourrait dire sur notre église, en gros, genre. Si jamais vous passez par Prague en voiture, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez coincés dans l'inévitable bouchon de la rue "Resslova", et ce dans les 2 sens car c'est un important carrefour de communication, donc n'oubliez pas d'admirer le bel édifice. Et même si vous avez quelques minutes, garez votre carrosse à proximité, et allez vous restaurer dans la taverne "Aux parachutistes" ("U Parašutistů") juste en face.
La Prazdroj y est bonne, la cuisine goûteuse, et les prix des plus raisonnables. Une vraie bonne taverne tchèque comme je les aime, avec ses "štamgast" locaux bien entamés, son brouhaha constant et son odeur de cigarettes froides. Mieux, les passionnés d'histoire (et tout particulièrement d'histoire de la seconde guerre mondiale) pourront y trouver des photos, des documents, des reliques et autres fourbis concernant l'opération Anthropoïde (d'où le nom de la taverne, "Aux parachutistes"). Il ne me reste plus qu'à vous mettre les coordonnées: 50°4'31.981"N, 14°24'58.245"E, mais si vous n'avez pas de GPS, suivez les bouchons et vous tomberez droit dessus, sur notre église.

Commentaires

Anonyme a dit…
Bonjour, je recherche cette femme de Prague : http://fr.netlog.com/RechercheInconnue est-ce que tu l'as déjà croisée? merci :)
Strogoff a dit…
Ah ben tiens, ça tombe bien, elle sortait justement de l'église avec son chien Fifounette et sa grand tante Amélie avec lesquels elle se fut rendue auprès du bon pasteur Blaise afin qu’ils prient (tous) pour la paix de l’âme du pépé Raoul décédé il y a 1 ans, justement. Bon, sur la photo on voit mal, mais je crois bien que c'est elle parce que justement (à nouveau), elle m'a demandé si je ne connaissais pas l'anonyme qui allait poser la question sur mon blog de si je la connaissais, elle, que lui il la cherche, genre, parmi 1,2 millions d’habitants de Prague, sachant qu’avec un peu de chance elle ne serait qu’une des 10 millions de touristes qui visitent la capitale chaque année, genre. Sans dec gars, t’as du bol de m’avoir! Où c’est que je t’envoie les coordonnées de ta princesse ?

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