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Faut vraiment y aller?

C'était encore un de ces week-end(s?) culturellement chargés, qu'on se disait avec ma chérie d'amour qu'avec ce qu'on dépense en énergie, en temps et en oseille (quand même un peu), que la fiscalité locale pourrait nous faire quelques réductions, même chiches, histoire de marquer le coup.
En fait nous avions été invités à l'inauguration d'un vernissage de photos sur l'Inde dans le cadre d'un festival photographique, mais très honnêtement, nous ne voulions point y aller car nous n'étions pas invités directement (mais mon photographe de petite frère oui, ce boulet), puis c'était un samedi matin, à 10h, loin, dans un trou nommé "Blatná" à 100 Km au sud-sud-ouest de Prague, ce qui signifiait non seulement y être à l'heure (10h), mais également se lever tôt pour s'y rendre (à l'heure), et surtout cela impliquait de limiter l'excès de débauche habituelle du vendredi soir (pour se lever tôt le lendemain). Chienlit astreignante et casse-couillerie inutile en conclûmes-nous, et refusâmes l'invitation.
Oui mais non, parce que ce n'est pas si simple dans ma position, aussi nous fûmes d'abord sujets de sollicitations, puis d'implorations et de pressions, avant de finalement accepter sous la contrainte. Bon, ben si déjà on y va, alors on va se faire un week-end découverte, et rester dans le coin jusqu'au dimanche soir. L'doit bien y avoir d'la matière historique à visiter dans les environs du nord-ouest de la Bohême du sud?

Samedi matin nous nous levâmes suffisamment tôt, et arrivâmes à "Blatná" vers 9:50, non sans avoir acheté quelques fleurs pour la photographe, auteur(e) des fameuses photos sur l'Inde.
L'accueil fut charmant, en musique, avec des binious et des petites qui chantaient du folklore local de leurs voix stridentes de jouvencelles pré-pubères. L'on présenta nos hommages à "Kamila Berndorffová", lui plantâmes les fleurs dans la main, et la remerciâmes chaleureusement pour cette invitation dont nous étions particulièrement honorés, formidable, merci, sans dec c'est vraiment super d'avoir pensé à nous... mais nous n'étions pas les seuls, aussi nous limitâmes nos témoignages de sympathie au minimum requis par la civilité, et nous dirigeâmes vers l'exposition, puisque nous étions en partie là pour ça. Après les mondanités, la gente féminine reçu la tika qui va bien (Inde: la -le- tika, ou tilak appelée aussi bindi ou pottu, mais plus fréquemment le machin,
est une marque sur le front qui représente le troisième oeil de Shiva -Shissuis et Shireste- et souligne la dimension spirituelle de celui qui le porte) tandis que les hommes se précipitaient vers le buffet avant qu'il ne disparaisse sous la charge des pique-assiettes venus en masse.

Les photos de "Kamila" étaient sympas. Chuis pas vraiment connaisseur, mais j'ai bien aimé. Et surtout, je dois avouer que partir comme ça, en Inde, seule quand on est une femme, ça impose un brin de respect.
L'on fit un tour, l'on refit un second tour, puis arriva l'incontournable moment des discours. Le premier à prendre parole fut un ami, membre du club des photographes de "Blatná". Bon, rien de bien intéressant. Le second fut le vice ambassadeur des Indes à Prague, Mr Ramesh Chander dont l'accent anglais poilant certifiait sans le moindre doute qu'il n'avait ni grandi dans la banlieue de Manchester, ni poursuivi des études à Oxford ou Cambridge. Ma chérie et moi-même nous bidonnions doucettement, car au delà de l'accent de Mr le Ministre (chais pas pourquoi Ministre, mais tout le monde l'appelait ainsi), l'auditoire de pédzouilles locaux assurément pas coutumier des langues étrangères commençait à s'agacer d'impatience ce qui,
loin de décourager notre bougre loquace, l'exaltait dans son speech auquel il donnait de plus en plus de voix et de geste. Aussi son assistante tchèque commença à traduire pour la plèbe, une phrase sur 3 afin de faire court tout en gardant le sens (bel exercice s'il en est). Maintenant faut avouer que c'était long, très long, vous savez, le genre de bavardage politicorrect qui parle de l'amitié des peuples, de la profonde relation qui existe entre les nations, le tout lié par un immense respect des cultures et des traditions, matérialisé par la splendide exposition de Mme "Kamila Berndorffová", ami du peuple hindou dont l'habitant du trou d'ici se fout complètement puisqu'il ne sait même pas où l'Inde se trouve.
Pis après Mr le Ministre, nous entendîmes l'amie de "Kamila ", puis l'amie de l'amie de "Kamila", puis "Kamila" en personne, jusqu'à la femme de ménage qui eut le plus de succès d'avec son discours pragmatique et succin: "Kan cé k'vous z'allez m'fiche le camp k'je puisse lessiver l'par terre!". Petits fours, mises-en-bouche, mignardises et amuse-gueules, un verre d'eau gazeuse (il n'y avait pas de bière, que du vin) et hop, viens ma chérie, on s'casse pour visiter le château. Là-dessus arrive mon petit frangin (ce boulet), comme quoi nous sommes invités au buffet organisé par la ville au château justement. "Ah bon, nous aussi?" Bon ben pourquoi pas après tout, vu qu'on voulait y aller de toute façon, donc si en plus on pouvait y croûter un brin au frais de la princesse...

Dehors il faisait un temps splendide, et les happy few invités (dont nous faisions partie) s'en dirigeaient vers ce que je pensais être le château. Mais en chemin, il y eut une halte dans une cave pour déguster du vin. "Ah ben non alors, ben et ma bière?" me dis-je. Et juste à côté, je remarquais une splendide terrasse en face d'une splendide taverne, où nombre de quidams levaient le coude. " Bon, ben hop, hein, y a pas photo (d'Inde), moi j'vais là, récupérez-moi en partant." Curieusement je fus suivi par d'autres, et nous dégustâmes une très bonne "Prazdroj" sous les chauds rayons du soleil de midi. Alors tuyau, si jamais vous passez par ce trou perdu de "Blatná", arrêtez-vous à "Hospůdka u Bryndů, Na Příkopech 185", c'est vraiment très très bien, et avec le château,
c'est la seule chose qui vaille la peine dans ce bled paumé de 6500 habitants qui n'a strictement aucun autre attrait. Bon, allez, quelques mots quand même pour que vous ne disiez pas que je suis positivement négatif.

Blatná

Selon certaines fouilles archéologiques, l'on remonte les toutes premières origines du trou... de la ville au IV ème siècle avant Jean-Claude.
Un troupeau de singes poilus venant d'Afrique équatoriale s'y serait égaré par mégarde alors qu'il tentait de rejoindre l'Angleterre pour y trouver du travail. N'ayant pu traverser la Manche après la fermeture du centre de transit de Sangatte, les bipèdes seraient alors revenus à "Blatná" où ils auraient fondé une communauté d'éleveurs de poux dans la tête, avant d'être définitivement chassés au IX ème siècle (après J.C.) par l'expansion des premières tribus slaves. Les premiers écrits mentionnant l'existence d'un trou remontent à 1235, et son développement (si l'on peut parler ainsi) commença réellement au XIV ème siècle sous les "Bavorové ze Strakonic". A partir du XV ème siècle, le château de "Blatná" devint le bastion principal des Sieurs de "Rožmitál",
mais c'est grâce à "Jaroslav Lev z Rožmitálu", grand lobbyiste mandé par le roi de Bohême "Jiří z Poděbrad" auprès des cours européennes afin de rallier les royaumes à sa vison d'une Europe unie, libre et pacifique, que la localité connaitra un essor important de par les droits qui lui seront royalement octroyés: droit de marché, droit de brassage et droit d'organiser festival de photographies. En 1601, le roi Rudolf II élèvera le statut administratif du bourg de trou moyen en trou plus grand (petite ville), car située (la ville, petite) sur une importante voie de communication entre Prague et le sud de la Bohême. "Ah bon, et alors?! me demanderez-vous. Ben rien, ne cherchez pas, Rudolf II était un excentrique notoire et la promotion administrative d'un trou comme "Blatná" n'est rien en comparaison des autres fantaisies loufoques dont notre bon roi eut le privilège de se rendre coupable durant son règne de presque 40 ans.
Et pis c'est tout concernant l'histoire, depuis plus rien, la petite ville redevint trou moyen, et trou elle resta, avant les guerres, après les guerres, sous les con-munistes et depuis la révolution de velours où elle acquit même le statut de plus grand trou du c... de Bohême du sud. Si, un fait important, vous verrez par la suite, en 1798 le château devint propriété de la famille Hildprandt-Ottenhausen (accessoirement Hildprandt aus Ottenhausen, Hildprandt von Ottenhausen, mais aussi Hildprandt von und zu Ottenhausen).

Pis finalement, les gaillards finirent leur dégustation de picrate, nous finîmes nos moussantes, et la joyeuse bande de lurons privilégiés, Mr le Ministre en tête, prit la direction du château où nous attendaient les ripailles.
Bon, ben sans plus, c'était bon, mais bon, pas de quoi écrire à la maison, donc je ne vais pas m'attarder. Par contre, et là où qu'il y en a déjà plus à dire, parce que vraiment ça vaut le coup, c'est le château. D'abord parce qu'il fait partie des rares châteaux à avoir conservé ses douves d'origine, pleines d'eau, d'algues, de grenouilles et de moustiques (je n'en connais que 2 de plus en Tchéquie, "Švihov" et "Červená Lhota"), pis ensuite parce que... enfin vous allez voir, je vous en parlerai plus loin. Mais commençons par quelques éléments historiques, afin de planter un décor nécessaire pour la suite.

Le château de Blatná

La partie la plus ancienne de l'édifice (dont pratiquement personne ne se rend compte en passant devant) est un bout de la chapelle romane datant du milieu du XIII ème siècle (cf. mes photos), démolie au début du XIX ème, puis redécouverte (enfin les bouts) en 1926. Vers la fin du XIV ème siècle, les fondations de l'actuel château prennent une forme gothique sous l'impulsion de "Zdeněk z Rožmitálu", qui fit démolir le taudis des "Bavorové ze Strakonic", parce que trop petit, trop humide et trop pas comme il voulait qu'il soit. Au fur et à mesure, l'on creusa dans les marécages pour faire de vrais fossés, l'on construisit des fortifications autour de la forteresse, et les restes (des fortifications) sont encore visibles aujourd'hui (en regardant bien cependant). Au nord-ouest, le vieux palais fut ensuite construit au début du XV ème siècle avec la fameuse tour (genre de beffroi).
"Jaroslav Lev z Rožmitálu" (1446-1485) fut l'un des principaux initiateurs des constructions baroques, et de cette époque datent les fresques découvertes dans la salle des chevaliers (dans le palais des "Bavorové ze Strakonic") ainsi que celles qui se trouvent dans la tour et dont je vous parlerai plus loin. Dans le premier quart du XVI ème siècle, le château prendra doucement une apparence renaissance, et l'architecte royal "Benedikt Ried" (parfois "Rejt") construira le palais "Riedův palác" (ou "Rejtovo..." selon que vous choisissiez l'un ou l'autre format) mélangeant harmonieusement le gothique à la renaissance. Bon, pis après il y eut pas mal de changements de propriétaires, parce que "Adam z Rožmitálu dû revendre le domaine pour cause de dettes (bêtes),
et c'est le fils ("Václav z Rozdražova") du nouveau propriétaire qui mit la touche finale à l'apparence actuelle de l'édifice en faisant construire du côté nord, contre la tour et les remparts, un palais en style renaissance. Puis il y aura à nouveau changement de propriétaire, il y aura même un incendie en 1763 qui endommagera principalement le bâtiment "Rozdražov", lequel sera reconstruit aussitôt en style baroque. En 1798, "Václav Karel Hildprandt z Ottenhausenu" rachète le domaine de "Blatná" qui restera propriété de cette famille jusqu'à aujourd'hui, avec cependant, quelques interruptions liées aux caprices de l'histoire. Tiens, anecdote, le fils de "Václav Karel ", "František",
eut vers 1815 pour précepteur en philosophie et sciences de la nature le célèbre "Jan Evangelista Purkyně". Au milieu du XIX ème siècle, le château fut transformé en palais gothique anglais, et c'est ainsi qu'il se présente à vous encore aujourd'hui. Etatisée après la seconde guerre mondiale, la propriété fut restituée à la famille "Hildprandt - Ottenhausen" en 1991.

Bon, pis une fois que je vous ai dit ça, vous v'là bien avancés non? Ben si, attendez-voir. Donc j'en reviens au moment où l'on s'en gavait grassement la bedaine...
Et tandis que nous discutions de choses et d'autres, il m'apparu indéniable que "Kamila" connaissait le château et ses propriétaires, aussi dans un contexte approprié, je lui demandai s'il était possible de visiter (la demeure), et en particulier le palais "Riedův" (ou "Rejtovo...") qui est aujourd'hui dans un état effroyablement désolant (cf. mes photos). "On va demander à Madame la baronne", me répondit-elle, car chose que j'ignorais, Madame la baronne "Hildprandt - Ottenhausen" était également invitée au festin. Et effectivement, la châtelaine apparue quelques minutes plus tard en compagnie de son mari. Elle était charmante, vraiment. Une évidente et perceptible classe, une silhouette svelte dans un ensemble en jean Dolce Gabbana
(je n'y connais rien en marque de fringues huppées, mais les initiales DG étaient tatouées sur les poches arrières du jean à l'aide de strass... ou de vrais diamants?), bref... et malgré un âge posé, Madame la baronne affichait sereinement une réelle sympathie, un intellect vif, une élégance tangible et une manifeste séduction digne de son rang, éveillant chez moi une certaine émotion, pour ne pas dire un obscur attrait. C'est ainsi que j'appris que l'on ne pouvait pas visiter la partie délabrée du château pour des raisons de sécurité, que la réfection était à l'ordre du jour mais qu'elle attendait le déblocage de certains fonds par l'administration (ce qui peut être long, très long, voire très très long),
et surtout elle nous informa qu'elle se ferait un plaisir de nous faire visiter gratuitement et en personne la partie visitable de la propriété, dès qu'elle aurait terminé de manger. Ouééé, super!

Madame la baronne

Et la visite commença par la salle de souvenirs éthiopiens que la famille avait amassés (en Ethiopie), parce qu'ils y vécurent à la demande même du négus
"Haile Selassie" après que la chienlit con-muniste ait confisqué la propriété, et jeté les résidents à la rue, parce que (ils y vécurent) le père de la maman de Madame la baronne ("Ferdinand Veverka"), diplomate en poste en Ethiopie avait défendu en 1936 les intérêts du pays (Ethiopie) contre la chienlit Mussolinienne, et qu'il était lui-même (Ferdinand) parti en Ethiopie après 1948 et avait ainsi informé le négus du sort de la famille, et qu'en visite en Tchécoslovaquie en 1959, il ("Haile Selassie") avait carrément demandé au président "Antonín Novotný" (fumier!) qu'il les laisse émigrer (la famille Hildprandt), et donc ben c'est pour ça (les souvenirs éthiopiens). On avait tout juste commencé la visite, que Mr le Ministre Ramesh Chander nous quitta car d'autres devoirs l'appelaient ailleurs,
aussi il nous présenta ses respects, remercia chaleureusement Madame la baronne ainsi que "Kamila", puis disparu, ce qui somme toute arrangeait les autres puisque la visite put se poursuivre en Tchèque. Bon, je ne vais pas vous faire le détail de toutes les salles, de ce qu'il y a dedans, de tout ce que Madame la baronne nous raconta, de ses anecdotes et de ses souvenirs, bien que ce soit fort intéressant, par contre je vais vous parler de la fantastique, de la prodigieuse, de la sensationnelle salle verte. Nous pénétrâmes dans la tour par une petite porte en bois sertie de ferraille, et soudain ce fut l'émerveillement. La salle entière était peinte de fresques originelles datant de la fin du XV ème siècle (vers 1480), dans un état de conservation des plus prodigieux.
Pas un bout, pas un morceau, pas la moindre partie de la pièce n'était nue, peint, tout était peint, plein. L'on pouvait y voir un mélange de blasons de nobles familles de Bohême ("Švamberk", "Rožmberk", "Strogberk" :-))) avec des scènes pittoresques de la vie courante (un livreur de pizza sonnant à la porte du pont-levis juste avant le film du dimanche soir, le bon roi "Václav 1er" envoyant son fils "Přemysl Otakar II" en Germanie demander à son fumier de voisin bavarois de lui prêter sa tondeuse, etc...). J'étais scié. Puis n'en pouvant plus, je sollicitais Madame la baronne de me permettre de photographier ces merveilles, j'étais prêt à me trainer à genoux, à lui vendre mon âme, à être sa chose damnée jusqu'à la fin des jours...
mais je n'eus point besoin de tout cela, car je fus autorisé à photographier et Madame la baronne me prodigua de surcroît un charmant sourire adjoint d'un clin d'oeil affable et coquin dont je conserve le souvenir encore aujourd'hui. Alors voilà, je vous livre ces chefs-d'oeuvre renversants, un par un, avec la taille maximum autorisée afin que vous puissiez profiter pleinement de tous les détails. J'ai dû faire vite afin de photographier un maximum de clichés, sans flash, sur statif, en évitant au mieux les 5 happy few qui nous accompagnaient, alors forcément, ce n'est pas le plus top moumoune qu'on eût pu espérer, mais ça donne une idée.

Ensuite nous fîmes un tour dans le parc, immense, beau, bien entretiendu, mais comme je ne suis pas connaisseur en matière "nature", je ne vous en parlerai pas. Finalement nous remerciâmes nos hôtes vers 15:30, Madame "Kamila Berndorffová", l'exquise Madame la baronne "Jana Germenisová - Hildprandtová" ("Germenis" est le nom de Monsieur, et "ová" est la forme féminine des noms propres, appliquée même aux noms extra-slaves, ce qui, à mon sens est une absolue stupidité, n'est-ce pas Madame Dupontová?), nous saluâmes les autres quidams, et quittèrent les lieux pour d'autres aventures palpitantes, z'allez voir.

Lnáře

Ma chérie d'amour qui connaît un peu le coin, enfin mieux que moi de toute façon, nous avait fixé l'étape suivante au château de "Lnáře", dans le trou du même nom dont la population forte de 789 âmes n'a rien à envier à sa voisine "Blatná". On commença par se perdre en sortant de ce foutu bled de "Blatná", parce que ce foutu patelin n'est même pas fichu d'entretenir ses panneaux indicateurs,
mais au bout d'un quart d'heure nous trouvâmes enfin la route vers notre destination. En arrivant à "Lnáře", nous fûmes accueillis aux portes du château par un menu gastronomique estampillé Pilsner Urquell. "Méga trop cool" me dis-je, "je sens qu'elle va me plaire c'te gentilhommière." Ben oui mais non, parce qu'en fin Septembre, c'est plus la saison, et les lieux touristiques ferment à 16h (enfin "Lnáře" pour sûr). "Quoi, fermé à 16h? Mais c'est quoi c'te plaisanterie, il fait grand jour, le soleil brille, le thermomètre affiche 22°C et c'te funeste bande de couillons briseurs d'enthousiasme nous ferme le château à 16h? Sans dec, chuis scié, le délire complet. Z'ont pas besoin de touristes, z'ont trop de pognon, z'ont atteint leurs objectifs commerciaux de l'année ou quoi? Allez, on s'casse." Et nous quittâmes le lieu dépités et frustrés.

Písek

La suite, selon les bons plans de ma tendre louloutte, était la ville de "Písek". "Tu verras, c'est très belle ville avec très ancien pont, plus encore ancien que pont Charles à Prague". Ah ouais? Ben flûte alors! On commença par se garer, puis rue par rue, doucettement, nous arrivâmes devant le fameux pont. Bon. Et si on commençait par s'en jeter une, histoire de ne pas s'écrouler d'inanition, les voyages en voiture ça déshydrate, c'est bien connu. Nous primes place sur une terrasse, juste en face du pont, et je commençais à faire quelques photos, tandis que ma chérie polissonne lisait les commentaires d'un guide.

Alors sur la ville, quelques éléments historiques. L'origine de la ville remonterait au XIII ème siècle, lorsqu'une tribu de singes poilus... euh non, ça c'est "Blatná"... bon, donc XIII ème siècle, lorsque "Přemysl Otakar II" fit de "Písek" une ville royale avec un château, un couvent, une église, un pont (en pierre), un hôtel de la monnaie (déménagé par la suite à "Kutná Hora") et un rond point (en bois, le premier de la République). Sous le bon roi Charles IV, la ville aura en plus sa propre salinière, et le plus grand entrepôt de blé du royaume d'à l'époque (ben tiens, ça en impose grave). Pendant la guerre de 30 ans, les troupes de Charles Bonaventure (Buquoy) se livreront à un ravissant massacre dans les règles de l'art sur la population de la ville, et en fin de seconde guerre mondiale, les Ricains et les Ruskofs se rejoindront
(symboliquement) sur cette ligne de démarcation entre l'ouest et l'est. Bon, pis en gros c'est tout ce qu'il y a de vraiment intéressant et notable à dire. Pas de quoi courir au plafond avec des palmes en fibre de carbone.

Le pont de Písek

Par contre, le pont gothique mérite vraiment un paragraphe. Il enjambe la rivière "Otava" sur quelques 110 m de longueur, c'est le plus vieux pont de pierre de Tchéquie, et le second (plus vieux) au nord des Alpes (après celui de "Regensburg").
Pour l'anecdote, le pont Charles à Prague est le 3 ème plus vieux (au nord des Alpes), mais aurait été le second s'il n'avait pas remplacé le pont Judith. La date exacte de sa construction (du pont de "Písek") reste inconnue, et son nom est des plus banals: le pont de pierre. L'on présume que son origine remonterait au 3 ème quart du XIII ème siècle, sous le roi "Přemysl Otakar II", et aurait été construit dans le cadre du sentier... du chantier du sentier d'or ("Zlatá stezka", de Passau -Allemagne- à Prague, en passant par Linz -Autriche-, "Prachatice", puis "Dobříš"), mais rien n'est vraiment sûr, en dehors de la première mention écrite, sous le bon roi Charles IV (100 ans plus tard), qui suggérait d'utiliser le montant des amandes pour stationnement à son entretien (du pont).
Avant, il y avait une tour à chacune de ses extrémités, mais "l'extérieure" (à la ville) fut emportée par l'inondation de 1768, et "l'intérieure" fut démolie en 1825 pour entrave à la circulation. Ceci dit, vous pouvez toujours voir les tours sur le blason de la ville. De 1996 à 1998, il fut entièrement restauré (grâce aux amandes) ce qui lui permit de résister aux inondations de 2002. Les 4 statues qui se trouvent sur le pont depuis le XVIII ème siècle représentent (à droite) un calvaire (de Jésus), et un St Jean (de Népomucène), puis en face (à gauche), St Antoine (de Padoue) et une trinité mariale (Ste Anne, sa fille vierge, Marie, et son enfant Jésus). Alors sur mes photos, derrière le pont,
le complexe de maisons bariolées de bon goût qui se fondent dans le paysage de l'édifice gothique avec le plus grand bonheur, se nomme "Titanik" (je n'ai pas plus de détail, il semblerait que personne ne se soit donné la peine de développer ce sujet!?). Mais en dehors de cet étalage de couleurs, que personnellement je n'apprécie que modérément, "Písek" est une jolie petite ville de province. Nous fîmes un tour rapide, et ma chérie nous fixait un nouvel objectif: "Strakonice". "Tu verras, c'est très belle ville avec très bon hôtel possiblement, beaucoup encore moins cher que Prague" me dit-elle. Alors comment refuser, surtout si l'hôtel est si bon marché? Y a juste le "possiblement" qui me chagrinait, parce que ma chérie d'amour l'emploie à bon escient, et malheureusement dans ce cas précis il augurait une probabilité potentiellement faible voir sérieusement incertaine. Bon, ben on verra, hein!

Strakonice

il commençait à se faire raisonnablement tard, et nous convînmes (passé simple du verbe convenir, ça ne se voit pas souvent hein?) ... et nous convînmes (je vous le remet encore une fois, c'est si beau) ...que nous nous trouverions... essayerions de nous trouver un petit hôtel sympaticoromantique pour y passer la nuit. Cool, j'adore l'aventure. Et c'est en arrivant dans la ville qu'arriva la surprise. Une abondante populace grouillait dans les rues comme un jour de révolution (ou de grève en France), et nous dûmes contourner plusieurs rues fermées pour nous rendre au centre, où finalement nous comprimes la raison de toute cette grouillante agitation: jour de foire.
Ah ben tiens, forcément, 1 fois par an et faut qu'ça tombe aujourd'hui qu'on est là, sans dec on est verni des glandes sur ce coup. Nous réussîmes quand même à garer la voiture, puis nous partîmes en ville à la recherche d'un hôtel. Eh bien croyez-le ou non, trouver un hôtel en plein centre ville de "Strakonice", c'est comme trouver une anguille dans une botte de moins. Sans dec, une ville de quelques 25.000 pedzouilles... âmes, et dans tout le centre ville, il n'y a qu'un seul et unique hôtel attenant à un restaurant chinois tenu par des Vietnamiens. Chuis scié.

Bon, ben du coup nous nous enquîmes sur l'éventuelle disponibilité d'une chambre pour la nuit. "Impossib' hôtel complet, parce que foire, ville toute complète une semaine déjà, pas chance trouver lit ici, aller plus loin, Písek ou Blatná." Ben oui mais non, on en vient, c'est quoi c'te histoire insensée? Ma tendresse nous trouva le bon plan, elle suggéra d'abord une mousse, locale, pis un tour à la foire, et ensuite retour vers l'un des 2 trous que le bon monsieur vietnamien nous avait suggéré. L'on trouva une 'tite auberge, sympa, et je m'envoyai donc le breuvage brassicole local, la bière "Dudák". Oui, bon, bôf, enfin si, disons qu'elle se laisse boire, sans problème, mais elle ne laisse pas un sentiment de ouah dis-donc, ben alors. Puis nous continuâmes par la foire. Et comme dans toutes les foires, ils y vendent de tout et de rien, enfin des trucs dont on n'a surtout pas besoin, vraiment rien d'attractif et surtout du, qui fait camelote, pacotille, toc "cheap'n nasty".
Soudain j'aperçus mon bonheur sous la forme de "bramboráky" (ou "Grumbeerekiechle", voire râpés en Français). "Ouah, regarde-moi ça, des bramboráky bien grillés qui baignent dans la friture bien grasse, ouah dis-donc, et 16 CzK (0,57 €) qu'ils les vendent, chuis scié. J'en veux! T'en veux aussi?" Z'avaient l'air trop appétissants ces machins que j'adore, alors évidemment lorsque le bougre d'escroc me demanda lequel que je voulais, je choisis le plus gros, ben tiens. "Quoi? 53 CzK (1,90 €)? Mais c'est marqué 16 CzK là?" tout en montrant l'étiquette du doigt. Ah oui, bien sûr, je n'avais pas lu la toute petite mention en dessous du 16 CzK qui stipulait les 100gr. Et donc je me retrouvais avec une galette de quelques 325gr dans les mains, débordant largement du carton rectangulaire adapté aux saucisses, ne sachant pas par quel bout attaquer l'extrêmement chaud délice.
La seconde surprise arriva moins d'une minute plus tard, lorsque l'huile brûlante traversa le support, et commença à me bruler les doigts. "Di diou d'nom di Diou... chaud... sacré nom de d'là d'crénom di Diou, mais qu'est-ce que j'en fais de ce bazar encombrant?" Je finis par trouver un bout de table plein de convives hilares qui m'autorisèrent à déposer dessus mon fourbi. Pliés de rire par mon embarras qu'ils étaient, les andouilles. Bref... je pris une bière au stand, je bus, je mangeai, puis nous repartîmes, ma chérie au volant, à la recherche d'un asile pour la nuit. Du coup, ben je ne vous parlerai pas de "Strakonice", parce que pour le peu que nous y sommes restés, et du fait de l'absence totale de la moindre petite photo, donc ben voilà, keud sur cette ville.

L'hôtel Beránek de Blatná

Il se faisait dans les 20h, la nuit tombait, nous commencions à être raisonnablement fatigués après cette active journée, et espérions trouver rapidement une auberge pour manger et dormir. Alors je ne sais pas comment, mais de façon tout à fait involontaire et fort tuite, nous primes la route vers "Blatná". Rien sur la route, pas une auberge, pas un village, pas une pension privée, même pas une indication de la moindre hostellerie, rien, le désert total parmi la plus grande désolation. Décidemment, on n'était pas habitué à ça, mais alors du tout du tout.
A croire que personne ne visite le nord-ouest de la Bohême du sud, dingue, quand je pense aux innombrables hébergements qui foisonnent dans le sud de cette même région, "Český Krumlov", "České Budějovice"... OK, c'est pas la même chose, certes, mais quand même. Nous finîmes par arriver dans ce foutu trou perdu qui semble apparemment être le bled vivant de la région: "Blatná". Tour de la ville, rien, tour du centre ville, rien, rien de rien, pas le moindre hôtel ni la moindre indication d'un bout de (hôtel), genre Mr Vincent à la campagne: "cette ville étrange venue d’une autre planète. Strogoff l'a vue. Pour lui tout a commencé par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de campagne, alors qu’il cherchait un hôtel que jamais il ne trouva..." Sans dec, ça fout les boules dis-donc. Et tandis que je commençais à recevoir la pétoche, j'aperçus une enseigne moribonde sur la façade d'un immeuble miteux: "Hotel Beránek" que ça disait.
Ah ouais? Bon, ben j'vais aller voir, hein, vu qu'il n'y a rien d'autre, sinon l'embarras du pas d'choix. Je poussai la porte typiquement con-muniste de la bâtisse itou (typiquement con-muniste), traversai un hall, entrai dans un nuage de fumée et me trouvai dans une pièce de gargote malfamée où 2 paires d'adolescents buvaient bière et fumaient cibiche (ou chichon?). "Hum, ça s'présente zarbi cette histoire là" me fis-je remarquer. Je trouvai le tenancier dans une pièce attenante au zinc, visiblement indifférent à la clientèle, et pianotant sur le clavier jaune d'un ordinateur séculaire. Il avait l'air bonhomme, une moustache touffue sous le nez, une calvitie (aussi) bien avancée sur le haut du carafon et de longs poils gris de poitrine lui sortaient du col de la chemise.
Moi: "Bien l'bonsoir mon brâve, dites-moi, auriez-vous une chambre double disponible pour une nuit, icelle en l'occurrence (de nuit)?"
Lui, me dévisageant de haut en bas: "Z'êtes de la bande des photographes de l'exposition d'la ville?"
Moi, parce que c'était un peu vrai, et pour éviter d'autres explications : "Oui c'est cela, oui, les photographes..."
Lui: "Il me reste la chambre 9, c'est 200 CzK (7,14 €) par personne. Pas le grand luxe, mais pour une nuit ça peut l'faire. Vous voulez aller voir d'abord?"
Moi: "Non non, on va la prendre." De toute façon on n'avait pas trop le choix vu qu'y avait rien d'autre. On était claqué, il se faisait tard, j'avais soif, elle voulait faire caca... Et c'est arrivant dans la chambre avec le sac de voyage dans une main et celle de ma chérie dans l'autre que nous découvrîmes la surprise, la raison pour laquelle le tenancier prudent m'avait demandé si je voulais jeter un oeil avant de prendre le taudis.

Donc je ne sais que dire, car en toute honnêteté, je n'ai encore jamais été confronté à ça (ou alors je ne m'en souviens plus). Que dire donc, sinon de regarder les photos, elles parlent d'elles-mêmes. Rien n'a été modifié, ni les câbles qui trainent, ni la mouche et les poils d'araignée sur le bord de fenêtre, ni le bordel (pas à nous) dans l'armoire, ni la glace du lavabo accrochée aux clous par une ficelle en plastique résistant pour paquets lourds et volumineux, et j'en passe, et j'en passe... les aisances sur le palier et la porte des chiottes en verre poli permettant d'assister au théâtre d'ombres chinoises, l'eau du lavabo de couleur ocre, les draps troués, la poubelle rouillée et j'en passe et j'en passe. Sérieusement, ça, au XXI ème siècle, dans l'Union Européenne, l'absolu délire, c'était Emile Zola dans les corons de St Petersbourg, c'était Dostoïevski à la cour des miracles chez les Thénardier,
c'était Rodion Raskolnikov chez les usuriers mandarins: "Sur les murs des taudis, plus sombres encore et plus humides que ceux de Lisbonne... Blatná, et grouillants d'enfants nus, on avait apposé des écriteaux: «Insalubre. Défense d'habiter ici»" (Simone). Le délire vous dis-je. Aussi vous comprenez maintenant pourquoi je n'ai aucune sympathie pour cette ville pourrie, parce que LE seul hôtel, en plein centre ville qui plus est, l'hôtel "Beránek" place de la paix ("Nám. Míru"), est la plus immonde turne, le plus insalubre bouge, la plus répugnante tanière à porcs crottés que j'eus l'occasion de visiter. Bravo Mr le maire "Josef Hospergr", sans dec, c'est une splendide carte de visite que vous nous offrez là, bien vue la pub, ça donne envie de viendre en votre contrée.
Et ne me parlez surtout pas de l'argument financier, parce qu'à 400 CzK la nuit, je connais des palaces en des lieux autrement plus accueillants. Ceci dit, 3 mois après, nous n'avons pas encore constaté de maladie dermatologique, ainsi vous échappez de justesse à la plainte circonstanciée auprès des services d'hygiène et de salubrité publique. Sans dec, chuis scié. Et pour termine Mr le maire, ci-joint la pensée de ma chérie: "Blatná je nám prd platná", puis la mienne, de pensée: "Blatná je příliš trapná".

Březnice

Le lendemain matin, nous limitâmes la toilette à sa plus stricte nécessité, et c'est suivis d'un bataillon de mouches vertes, rouges, et bleues que nous quittâmes définitivement cet infâme localité. A nouveau, je me laissais guider par ma chérie, tandis que nous mettions le cap sur "Březnice" où nous attendait peut être la visite de la brasserie, sans aucun doute celle du château. L'un se trouvant à côté de l'autre, et à eux deux représentant 50% des constructions du hameau, nous n'eûmes point de difficulté à les localiser (c'est pas comme avec l'hôtel...). Nous nous garâmes sur le parking commun brasserie-château, et décidâmes de commencer par la brasserie. Le portail étant entrouvert, nous nous approchâmes de la cahute du gardien qui était en grande conversation avec quelques 2 autres individus. Et ma chérie, le sourire aux lèvres de demander: "Bonjour Messieurs, excusez-moi de vous déranger, savez-vous s'il est possible de visiter la brasserie?
La réponse fut claire et le faciès acariâtre: "faut v'nir lundi, aujourd'hui c'est fermé. Et NON, on ne visite pas la brasserie. Et tandis que nous repartions par le portail, le gardien nous suivit pour le fermer derrière nous afin d'éviter que d'autres andouilles ne viennent lui casser les claouis un dimanche matin. "Tu vois ma chérie, il est des gens qui, dés leur naissance, sont prédisposés à devenir concierge ou con tout court pour le restant de leur chétive existence. Mais il en est des, particulièrement nantis des bienfaits de la nature, qui cumulent les vertus et parviennent, après de longues années d'apprentissage, à être petit-concierge-multi-con, aboutissement suprême de l'évolution des espèces selon la théorie darwinienne, puisque au-delà n'existe plus que le néant, le vide sidéral et le dépassement de la raison humaine." Sans dec, mais dans quel monde vit-on? De toute façon chuis sûr que leur bière
"Herold" est à ièche la mort, il suffit de regarder leur site mégapourave de daube avariée. L'est même pas en Tchèque (et je n'en ai vraiment pas trouvé en Tchèque, de leur site), pis si vous allez sur leur cool stuff, vous n'y trouverez que d'la peau de zébie pelé, un grand keud plein d'rien du tout dedans, c'te honte les bouffons! Allez, on s'casse au château, ils ne méritent même pas qu'on leur pète à l'arrêt... à la raie des cacahuètes salées.

Alors ça, c'était pour vous donner une idée de l'état d'esprit hyper-serein dans lequel je me trouvais vers 11h du matin, après la nuit d'angoisse de choper un psoriasis génital érythrodermique ichtyosiforme sur le testicule gauche, et après l'accueil matinal que nous avait réservé l'autre frustré des extases de la vie. Maintenant, et en toute franchise, j'en sais rien de ce qu'elle vaut leur bière, je ne l'ai même pas goûtée (bien fait, na!), donc considérez mes précédents propos comme non avenus, formulés sous l'emprise de la colère et si vous en avez l'occasion, goûtez-la, la "Herold", il semblerait qu'elle en vaille la peine.

Le château de Březnice

On passa au château. "Oui c'est cela, pour une visite, à 2... Combien? Ah bon, par personne? Bon... et la photo? Non plus, bon... et avec un supplément? Ah oui, vraiment pas... Chérie, passe-moi la hache et la tronçonneuse, je sens que je vais devenir célèbre sous peu... mais non, ne t'inquiète pas, j'ai vu faire ça à la télé." Alors un peu d'histoire. Au tout début, il n'y avait rien, puis au XIII ème siècle il y eut une tour, en bois au début, qui appartenait aux Sieurs de "Březnice", vassaux de la famille "Buzici", noblesse d'à la cour du bon roi "Václav I". "Ah je ris, ha ha ha, ah je ris, tour en bois" pouvait-on entendre en 1238 dans les couloirs du château de Prague lorsque les "Buzici" passaient dans le coin (c'est consigné dans un recueil de consignes daté du 18 octobre 1238). Evidemment, ça ne plaisait pas, aussi dès le XIV siècle, on construisit une tour en bonne pierre, on attribua droit de marché au bled,
mais également de marcher puisque "Březnice" se trouve sur le tracé du fameux sentier d'or ("Zlatá stezka"). La tour, même en pierre, ne suffisant plus, l'on fit construire un château gothique. Mais c'était moche, alors au milieu du XVI ème siècle, le propriétaire "Jiří z Lokšan" en fera du renaissance (ah pour sûr, c'était vachement plus beau). En 1557, il s'y passa un mariage en cachette entre "Filipina Welser" (Philippine Welser), nièce de "Kateřina z Lokšan", veuve depuis 1551 de "Jiří", et (le mariage) l'archiduc Ferdinand (du Tyrol) successeur au trône du Saint Empire puisque fils de l'empereur Ferdinand 1er (d'Autriche), qui perdit ainsi (Ferdinand du Tyrol) toute possibilité d'être empereur parce qu'il épousa une roturière (famille de banquiers, certes, bourgeois nantis, mais pas nobles, eh non)
dont il était tombé fou amoureux, au point de lui faire construire le pavillon en étoile ("Letohrádek Hvezda") pour pouvoir la culbuter discrèto-sereinement (Philippine), et dont je vous parlerai sans doute un jour (du pavillon). Après la révolte des états, le château reçu un sacré coup de bambou derrière les oreilles puisqu'il fut pillé, saccagé, vandalisé et mis à sac autant par les habitants de "Březnice" que par les armées impériales. En 1623, c'est le procureur du roi "Přibík Jeníšek z Újezda" qui récupère le domaine après avoir fichtrement et consciencieusement oeuvré dans la rédaction des actes d'accusation à l'encontre des 27 insurgés praguois qui seront exécutés le 21 juin 1621. Fervent bondieusard au cul-bénit, il fondera une école jésuite et fera construire sur la place du village entre 1642 et 1650, l'église St Ignace et St François Xavier ("chrám sv. Ignáce a sv. Františka Xaverského",
c'en est qu'une d'église, plus de pognon pour en faire 2, donc c'en est qu'une, mais dédiée à une paire de saints) par le phénoménal Carlo Lurago (1615 - 1684) à qui l'on doit à Prague des chefs-d'oeuvre comme "Velkopřevorský palác", "Lobkowiczký palác (Hradčany)", "Chrám sv. Salvátora", "Chrám sv. Ignáce", "Klementinum", "Nostický palác", "Schönbornský palác", et j'en passe, et j'en passe... (bon, ok, parfois en coopération avec d'autres génies, la construction, mais quand même). Puis le "Přibík Jeníšek z Újezda" décèdera en 1651, sans descendance, et le domaine passera aux mains des "Krakovský z Kolovrat", puis en 1872 aux mains de la famille d'origine hongroise "Pálffy z Erdödu" (avec la brasserie d'ailleurs, et l'ancêtre de l'autre grand couillon de portier-con-cierge).
Cette dernière famille conservera le château jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, et y apportera quelques modifications fâcheuses mélangeant mauvais goût, kitch, et incongruité (des Hongrois, que voulez-vous, d'ailleurs rien que le nom imprononçable...) que vous pourrez encore voir en visitant l'édifice (a pas d'photos). Donc allez-y en famille, c'est un beau château (mais pas mon préféré), et le coin est magnifique.

Orlík nad Vltavou

La suite de l'excursion dominicale passait par "Orlík nad Vltavou", à côté du barrage du même nom, où, au début des années 90, avait éclaté une affaire de policiers véreux extorquant et assassinant des entrepreneurs fortunés dont ils jetaient dans le barrage les corps soigneusement et hermétiquement enfermés dans des barils de tôle (genre bidons de produits chimiques). Les assassins de velours qu'on les appelait par ici, parce que l'action se passa juste après la révolution du même nom (de velours). Ouais, bôf, j'ai vu le film, mais vraiment bôf... pis surtout que des policiers véreux, ici, à des grades quand même élevés, genre... enfin c'est pas le sujet de ma publie d'aujourd'hui. Donc en dehors du barrage et des assassins, "Orlík nad Vltavou" est aussi et surtout connu pour son château. Eh ouais, encore, j'en entends des qui râlent dans l'fond. Ben quoi? C'était l'objectif de notre visite weekendale, la visite des châteaux du coin, bon, alors que voulez-vous?
Je reprends. Partis de "Březnice", nous prîmes donc la direction qui va bien, nous disant que si l'on trouvait sur la route une auberge, on casserait une petite croûte bienvenue. Evidemment, les auberges sur l'bord de route, c'est comme les hôtels, les châteaux-photo et les gardiens de brasserie affables, ça doit bien exister quelque part, mais faut faire preuve d'une obstination persévérante hors du commun pour en trouver. Du coup on arriva dans le bled où, oh miracle, il y avait des gargotes ouvertes. On déjeuna sous la tour ("Pod Věží") raisonnablement bien, et hop, au castel.

Le châteaux d'Orlík nad Vltavou

"Photo? Non? Bon, super, merci." Alors comme pour tous les autres châteaux, la première mention date du XIII ème siècle, d'à l'époque du règne de "Václav II".
Il s'agissait d'un castelet royal de forme gothique, et dont la principale fonction consistait à rappeler et affirmer la présence du roi de Bohème sur les terres des seigneurs locaux dont la ténacité à vouloir être calife à la place du calife n'avait d'égal que leur acharnement à oublier la présence royale. La fonction secondaire consistait à prélever les impôts sur les embarcations qui empruntaient le fleuve "Vltava", mais comme tout le monde s'était passé le mot (qu'on y prélevait l'impôt), il y avait de moins en moins d'embarcation sur le fleuve et de plus en plus de relâchement au château.
Pour occuper son monde, Charles IV fit construire une tour, ronde, comme un rouleau à tapisserie, fit agrandir l'espace habitable et confia le tout à la noblesse afin qu'elle défende les intérêts du bon roi. Tiens, pour l'anecdote, en 1422 "Jan Žižka" fut l'hôte de "Petr Zmrzlík", seigneur d'à l'époque. Mais c'est tout ce que l'on sait, parce que l'un comme l'autre refusèrent une interview aux journaleux après le dîner.

En 1508 il y eut un incendie, pis comme ça sentait toujours le brûlé 6 ans plus tard, les propriétaires décidèrent de vendre la demeure à "Kryštof ze Švamberka" que l'odeur ne dérangeait pas puisqu'il souffrait depuis sa tendre enfance de rhinite chronique. Mais bien que souffrant de l'odorat, il n'en était pas pour autant aveugle, aussi il s'empressa de transformer son castel gothique en style renaissance, histoire d'épater les voisins. Puis arriva la révolte des états, la bataille de la montagne blanche, cette vile gouape de Ferdinand II (de Habsbourg) sur le trône de Bohême, et ce sont les "Eggenberg" qui récupéreront le domaine en 1623, puis qui le lègueront aux "Schwarzenberg" en 1717 (à cause des odeurs de brûlé).
Et brûlé pour brûlé, l'on en remettra une couche (de brûlé) en 1802 avec un nouvel incendie. Mais cette fois, ça commençait à bien suffire, alors l'on installa dans chaque pièce des extincteurs à bretelles élastiques, et fort de cette garantie, l'on construisit un troisième étage au logis de Monseigneur. Au milieu du XIX ème siècle, et parce que c'était la mode, on transformera la demeure en gothique romantique, et c'est toujours dans ce style que vous pouvez admirer le château de "Orlík" aujourd'hui. Les salons d'apparat, principalement ceux du second étage comme le petit salon des (grands) chevaliers, le salon bleu ou le grand salon Empire, sont richement fournis en mobilier, en tableaux, en statues, en porcelaine,
en tapisserie, en armes de guerre comme de chasse, en vaisselle en étain (la lumière en partant), en poêle en faïence, en trophées de chasse, en lustres de Hollande, en verrerie de Venise, en poignées de porte, et en majolique. Parenthèse pour ceux qui ne savent pas ce qu'est la majolique: faïence italienne, notamment de l'époque de la renaissance, dont la glaçure stannifère ou plombifère a été empruntée aux potiers espagnols. Le nom vient du latin médiéval Majolica, altération de Majorica, nom de l'île de Majorque. L'Italie centrale (plus spécialement la Romagne) importa la technique de la majolique de Majorque, où les autochtones l'avaient reçue des Arabes,
qui l'avaient reçue des Chinois, qui l'avaient reçue des Esquimaux, qui l'avaient reçue des singes poilus d'Afrique équatoriale qui s'étaient perdus à "Blatná" alors qu'ils cherchaient un hôtel que jamais ils ne trouvèrent... Fin de parenthèse pour ceux qui ne savaient pas ce qu'est la majolique et qui le savent maintenant. En 1960, les con-munistes terminèrent la construction du fameux barrage, et la hauteur du fleuve monta de 60 mètres, ce qui eut pour conséquence une modification radicale du paysage.
Le château qui auparavant était perché haut sur la montagne, se retrouva soudainement au bord de l'eau, comme une bête cahute de pêcheur. Ceci dit, il mérite encore le coup d'oeil, donc allez-y, vous ne perdrez pas votre temps. Ah oui, et quand on y était, nous, il y avait une espèce de dindon bariolé échappé de la gay-pride qui se promenait pompeusement comme un prélat boursouflé,
alors je vous l'ai pris en photo pour vous montrer à quel point il avait l'air couillon, déguisé en vitrine de la Samaritaine des fêtes de Noël. Selon ma chérie d'amour, il s'agirait d'un paon bleu (pavo cristatus). Bon, ouais, peut-être, mais c'est quand même un gars linacé (gallinacé) comme les poules, les pintades, les cailles, les faisans (autant) et les dindons. Don j'avais raison, et toc!

Mníšek pod Brdy

"Et sur route de retour, maintenant il y a château Mníšek pod Brdy..." m'annonça sereinement ma délicieuse chérie. Ah ben alors forcément, s'il y a le château de "Mníšek pod Brdy" sur la route du retour, on ne peut pas faire l'impasse, parti comme c'est parti.
Et l'on arriva donc dans le joli petit village, et hop, tous au château. "Photo? Non? toujours pas? Bon, super, vraiment merci." Ah ce qu'elle était bonne, la délicieuse baronne. Alors cette fois-ci, et pour changer, l'on ne mentionne l'existence du village qu'en 1352, tandis que la plus ancienne photographie date de 1622 (vue du sud). Selon les fouilles archéologiques A, il y aurait eu à l'emplacement exact de l'actuel édifice, un vrai fortin (et pas un beffroi tout bête) d'avant l'époque des guerres hussites.
Selon les fouilles archéologiques B, il y aurait eu à l'emplacement exact de l'actuel édifice, un bête beffroi qui protégeait les caravanes empruntant le sentier d'or ("Zlatá stezka"), beffroi qui aurait été transformé sous les derniers "Přemyslides" (princes de Bohême du IX ème au début du XIV ème siècle) en château de chasse. Z'ont pas dû creuser au même endroit les archéologues A et B. Là où ils sont quand même d'accord, c'est qu'ils ont retrouvé des restes de débris de fondations de fortification tout autour de l'actuel château, exception faite cependant de l'aile sud (sans doute la porte d'entrée).
Pis tiens, autre incongruité, en 1503 on mentionne la ville de "Mníšek" et son beffroi dans le cadastre royal. Alors château, forteresse, beffroi ou un savant mélange d'un peu des trois? En 1487, le Sieur de "Mitrovice" devient propriétaire du domaine et entreprend de conséquents travaux. Lesquels? Les archéologues A et B travaillent de concert sur le sujet. En 1639, les troupes du général suédois "Johan Banér" mettront le château à sac puis à feux (comme une bonne partie de l'Europe d'ailleurs) dans le cadre du projet ambitieux de la guerre de 30 ans (font rien pour simplifier la tâche des archéologues A et B ces bestiaux là non plus). Il sera reconstruit, et revendu en 1655 à un tanneur praguois dont le nom hilarant divulgue sans le moindre doute ses origines flamandes: "Servác Engel z Engelsflussu" ("flus" en Tchèque signifie glaviot, en gros son nom c'est glaviot d'Engels).
Celui-ci s'impliquera consciencieusement dans la restauration et l'agrandissement du domaine, en faisant construire à partir de l'année suivante une briqueterie, une tuilerie, une grange, une porcherie, une vacherie (étable), une chevalerie écurie, une bergerie, et un moulin toujours debout, près de l'étang. Tout sera terminé en 1672, sous sa forme actuelle (sauf les prises électriques). Remarquez bien qu'il avait du pognon et des pelles à ne plus savoir par quelle fenêtre les jeter, parce que ce bougre de coquin avait été fournisseur exclusif de l'armée de bandits de cette fripouille de "Valdštejn". Bon, mais c'est une autre histoire.

Le bâtiment est un parallélogramme presque carré d'environ 40 x 42 mètres, sur 2 étages, comprenant 65 chambres selon le guide A, 80 selon le guide B, mais curieusement que 3 tourelles (au lieu de 4) selon le guide A comme le guide B. Et là, hop, arrive la légende qui va bien concernant cette 4 ème tour. Comme "Servác Engel" était pété de flouze et que les travaux avançaient à grande vitesse, les habitants du bled commençaient à ragoter des médisances, genre qu'il aurait vendu son âme au diable en échange d'un sérieux coup de main dans la reconstruction baroque de sa demeure. Le deal aurait consisté pour le malin à construire les 4 tourelles en une nuit, et la deadline aurait été le cri matinal du coq. Mais notre coquin de "Servác Engel" en avait vu d'autres, et fort de ses expériences de magouilleur véreux, il aurait planqué le coq sous son manteau, se serait caché dans les environs et aurait épié Satan suant comme un pauvre diable alors qu'il transportait par les airs les tourelles entre la Chine et le château (ben quoi? Bien sûr qu'elles étaient fabriquées en Chine, déjà à l'époque, ben tiens).
Puis au moment où Méphistoléphès... Méphistophélès arrivait avec la 4 ème et dernière tourelle, notre fripouille aurait sorti son coq de d'sous son manteau, et lui aurait vigoureusement tiré la queue (au coq) provoquant un tonitruant cocorico bien avant l'heure habituelle. Le diable aurait ainsi perdu son pari, et dans l'affolement, également sa charge. Le contrat non rempli, prit instantanément feu libérant jure et facto "Servác Engel" de son engagement (ça se serait passé tout autrement si ce couillon de Méphistophélès avait eu une montre). Décidément, si même le malin doit faire le maçon portugais pour gagner sa croûte, c'est que le métier va rudement mal. Faites donner du pape que diable, histoire de réveiller les vocations de pécheur.

Bon, pis après c'est plus trop intéressant, quelques nouveaux propriétaires se sont succédés, "Pachtové z Rájova", "Schirndingové", "Kastové z Ebelsbergu"... que du bourgeois inconnu, mais pas d'la noblesse notoire. En 1945 le château sera à nouveau pillé, puis confisqué, et passera en 1946 sous gérance du ministère de l'intérieur qui y entreposera des documents sensibles et secrets (du coup je ne vous en parle pas). Ce n'est qu'en l'an 2000 que l'institut des monuments d'état de Bohême centrale récupère l'édifice, le vide du fourbi restant, et entreprend une conséquente et coûteuse rénovation à neuf, afin que des chéries d'amour comme la mienne puissent y emmener des andouilles de curieux comme moi.

Et pis l'ogue

Et voilà, c'était un week-end légèrement plus voyageux et mouvementé qu'à l'accoutumé, et je ne vous cache pas que j'étais rudement content de rentrer à ma maison, poser mes fesses dans mon confortable fauteuil, puis rouler ma viande dans mon lit le soir venu. Ceci dit, ni elle ni moi ne regrettions notre odyssée dans le nord-ouest de la Bohême du sud, et malgré les quelques soucis que j'étais à des années lumières d'imaginer, ce fut un excellent week-end. Je vous conseille vivement la visite de tous les châteaux mentionnés dans cette publie, mais vérifiez auparavant les dates et les horaires d'ouverture particulièrement hétérogènes. Bon, pis du coup je me rends compte que je vous en ai servi gras velu sur l'assiette, alors mâchez-bien, parce que c'est fort probablement tout ce que vous aurez avant Noël et Sylvestre, compte tenu de la pagaille que vient fiche cette foutue période dans mon emploi du temps. Donc je vous souhaite à tous de joyeuses fêtes de fin d'année, amour, bonheur et santé, que tout vous soit super chouette, et qu'on se retrouve en 2007 (vouis, je sais, les rimes... bon... allez, à bientôt)

Commentaires

Anonyme a dit…
Husty! Bru.

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