Coup de gueule: L'affaire de l'église St Michel
Oh pour sûr, elle n'a pas la notoriété d'une cathédrale St Guy, ni la beauté d'une église Mère de Dieu devant le Týn ("Chrám Matky boží před Týnem"), ben non, pour sûr, la petite église St Michel ("Chrám svatého Michala") est négligeable, au point qu'elle n'était presque même pas connue des praguois eux-mêmes avant qu'elle ne défraye la chronique des medias, télévisuels comme presse. Mais commençons par le début de cette triste histoire.
Officiellement, l'église se trouve dans la rue "Michalská", mais avec une telle description, vous n'avez que peu de chance de la trouver car en réalité, elle se trouve dans le fond d'une toute petite placette, bien cachée, entre les rues "Michalská" et "Melantrichova". Vous pouvez également y accéder par la petite place, en entrant dans le passage du numéro 11 (numéro postal, bleu) ou 459 (numéro de bloc, mais c'est le même passage), tout droit dedans le passage, et hop vous tournez à gauche et vous y êtes, devant l'église St Michel. Hein? Comment ça quelle petite place? Ben la petite place, à côté de la place de la vieille ville, la petite place, elle s'appelle comme ça, "petite place" c'est son nom officiel ("Malé náměstí"). Bref, donc cette pauvre petite église est tellement on ne sait pas où, à quelques pas seulement des sentiers battus par les touristes qui ne savent même pas qu'elle est là, à 10m d'eux, qu'il n'y a pas un seul guide qui s'y arrête, voire qui mentionne seulement son nom. Ben non. Bon, ok, je vous l'accord humblement, d'extérieur elle est... enfin pas moche, non, mais... inintéressante, voilà le mot: architecturalement inintéressante qu'elle est. Mais elle n'en reste pas moins un immense patrimoine culturel et historique, d'importance, vraiment, vous allez voir.
Les premières fondations de l'église datent de la moitié du XIII ème siècle selon les historiens, et elle aurait été achevée dans la seconde moitié du XIV ème. Ce qui est avéré, c'est qu'elle fut mentionnée pour la première fois en 1311, lorsque le livreur de la FedEx porta la mention "adresse inexistante" sur le colis de la Redoute par l'intermédiaire duquel le curé d'à l'époque avait commandé sa nouvelle soutane pure laine. Vers 1402, c'est "Jakoubek ze Stříbra" (Jacobellus de Misa) qui officiera en l'église, 3 fois par semaine de 11h à 12h30 et même plus aux Pâques et à la Noël. En ce temps il n'était encore qu'un prédicateur de seconde classe, il faisait son apprentissage ecclésiastique, mais il deviendra vite célèbre par son sens de la démonstration et sa capacité de persuasion. Ses oeuvres parlent d'elles-mêmes:
- "Vindiciae contra Andream Brodam pro communione plebis sub utraque specie" ou la preuve biblique d'administrer sous les 2 espèces, en réponse au théologien "Ondřej z Brodu" -Andreas de Broda-,
- "Apologia pro communione plebis sub utraque specie" en réponse à l'interdiction du Concile de Constance d'administrer sous les 2 espèces,
- ou encore "De communione spirituali integra sub duplici forma panis et vini quantitate plebem concernente" soit comment faire gaffe à planifier judicieusement la distribution du pain et du vin de messe sans chagriner les ouailles ni ruiner l'église.
Tellement compétent "Jakoubek", qu'il participa à la rédaction des 4 articles de Prague en 1420, avant de terminer sa vie comme prêcheur en la fameuse chapelle Bethléem, la Mecque du mouvement hussite.
Puis cette petite et insignifiante église St Michel verra passer une autre grande figure de l'époque entre ses 4 murs et sous son toit. En effet, à partir de 1406, elle passera sous l'autorité du curé "Křišťan z Prachatic" ("Cristannus de Prachaticz", vers 1370 - 1439). Enfin curé, "Křišťan z Prachatic" était beaucoup plus qu'un curé, il est l'auteur d'écrits de médecine ("De sanguinis minucione" sur la pratique de la saignée, à lire avec précaution, un brin obsolète), d'arithmétique ("Algorismus prosaycus" les maths à la portée du crétin), et surtout d'astronomie. Ses deux principales oeuvres sur l'astrolabe ("De composicione astrolabii" et "De utilitate astrolabii", soit comment c'est foutu, comment ça marche et à quoi ça sert) sont considérées comme remarquablement éminentes et de nombreuses bibliothèques dans l'Europe entière en conservent encore aujourd'hui des copies (et si c'est pas le cas, elles ont bien tort). Doyen du département de philosophie, et recteur de l'Universitas Carolina (l'Université Charles) où il enseigna jusqu'à la fin de sa vie, il compta parmi ses élèves un certain Jan Hus. A partir de 1414, les hussites communiaient sous les 2 espèces en cette église, et l'on pouvait y entendre les prêches du maître Jan Hus lui-même.
Après la bataille de la montagne blanche, l'église fut attribuée (vers 1625) à l'ordre des Servites de Marie ("řád Servitů", "Servi Beatae Mariae Virginis" mais ne m'en demandez pas plus, j'y connais rien dans les factions religieuses) parce que cet ordre était aussi peu connu que l'adresse de l'édifice, et que ça tombait fichtrement bien parce qu'il n'y avait plus suffisamment d'habitats religieux pour caser toutes les légions d'ensoutanés évangélisateurs qui fondaient sur la Bohême vaincue comme la vérole sur le bas clergé. Pis comme le gothique n'était plus en vogue, mais alors pas du tout, moche et vieux jeu, nos curaillons démolirent l'édifice originel pour le remplacer par du baroque, à 3 vaisseaux, ordinaire mais fichtrement plus moderne. Et comme les caisses (comme le moral) de la chrétienté étaient bien plaines, les Serviettes... les Servites construirent également un couvent (ou une abbaye, je ne sais toujours pas la différence), sur la droite, en regardant St Michel. Ouais... bôf... sans plus, comme l'église, nothing to write home about. L'ensemble (église et couvent) furent à nouveau sérieusement retapés en baroque tardif vers le début de la seconde moitié du XVIII ème siècle, mais ça ne plaisait toujours pas, au point que la religiosité des lieux sera abrogée par l'Empereur Joseph II en 1786. Vendue quelques années plus tard (fin du XVIII ème siècle), l'église de par la constante fraîcheur de son intérieur servira d'entrepôt pour les filets de maquereaux en sauce venant de la baltique (jusqu'à la fin du XVIII ème siècle), pour la graisse à traire les nourrices tyroliennes (au monoï et au beurre de karité) en provenance (la graisse) des colonies de l'empire austro-hongrois (jusqu'à la chute de l'empire), pour les huiles essentielles de massage hémorroïdal post-opératoire (jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale). Et finalement elle servira encore d'entrepôt pour le stockage de denrées alimentaires pour la grande distribution après la prise du pouvoir par les con-munistes (1948). Enfin hein, on ne va pas se la raconter non plus, par "denrées alimentaires pour la grande distribution" comprenez les patates germées-sucrées, la farine et son lot de 35% de vermine, l'huile de vidange pour les fritures et la betterave en vrac, pour extraire son sucre soi-même à sa maison en rentrant de la mine. Puis vint le tournant des années 60, lorsque les frigidaires modernes remplacèrent la fraîcheur de notre négligeable église. L'on confia la gestion d'icelle à la bibliothèque nationale, puisque tant qu'à faire, hein, la vieille paperasse illisible des siècles antédiluviens, ça se conservera aussi bien là que le poiscaille pourri, l'huile frelatée, ou la patate-farine-betterave-vermine, après-tout. Inutile de vous préciser que les nombreux propriétaires-gestionnaires n'avaient pas plus de considération pour l'intérieur de l'édifice qu'un imam wahhabite pour l'andouille de Guéméné. Selon certains témoins qui ont eu l'occasion de voir l'ampleur du désastre, ce (non volé et non détruit) qui reste des statues d'"Ignác Michal Platzer", des fresques de "Jan Václav Spitzer", et de l'autel en marbre de "Josef Lauermann" n'est que désolation consternante et ruine dévastée. Bref... et le gestionnaire du lieu, la bibliothèque nationale en l'occurrence, perdurera au-delà de la révolution de velours, jusqu'à ce que... et bien jusqu'à ce que le sort de l'église St Michel ne soit scellé par un prodigieux bureaucrate dont le génie débordant n'a d'égal que son sens des responsabilités dans la fonction qu'il occupe (occupait).
Alors voilà, le cas d'école (de gestion ou d'économie) est extrêmement simple et trivial.
L'énoncé: l'Etat dispose d'une église insignifiante sur le plan architectonique (malgré qu'elle serait sous la protection de l'UNESCO, nominativement pas nécessairement, mais de par sa situation en plein centre historique de la ville certainement). Il s'en décharge souverainement en confiant sa gestion à un tiers (la bibliothèque nationale). Les quelques 2 siècles de dévastation rigoureusement systématique ont endommagé la construction au point qu'elle n'est plus rentablement réparable. Le gestionnaire (nonobstant l'absolue inutilité) n'y voit que gouffre financier alors qu'il manque de budget pour la restauration d'autres édifices (précieux ceux-là).
Le problème: bon, et maintenant on fait quoi avec ce foutu édifice?
Les solutions pourraient être apportées par la première croûte de tourte venue, qui aurait un tant soit peu entendu parler d'économie.
Solution 1: détruire, et récupérer le terrain. Ben ouais mais et l'UNESCO? Pis ça coûte cher de détruire. Et surtout comment rentabiliser le terrain, sinon le vendre au plus offrant. Bon, c'est compliqué, mais on verra, s'il n'y a rien de mieux.
Solution 2: vendre. Ben ouais, mais il y a toujours l'UNESCO. Pis surtout attends voir, c'est qui le propriétaire? Ah ouais, l'Etat, bon, ça complique.
Solution 3: louer. Ah ouais, super, c'est ni vendu, ni détruit, pis surtout la gestion onéreuse du boulet fendu est transférée sur un autre. Ouah, c'est trop top super, reste plus qu'à trouver le pigeon qui va bien, pis signez là monseigneur, et le tour est joué.
C'est là que le délire commence. A partir de 1994, des investisseurs privés reprenaient la gestion du bâtiment, et le dernier avec même engagement de sa part de le remettre en état. Oui, certes, il y fit quelques travaux, mineurs (vous allez voir plus loin), afin de pouvoir mettre le bien en gestion, accessible au public sans qu'il (le public) ne se prenne des tuiles baroques sur le caberlot. Puis vint la mise en service, laser show, techno-party, découverte de monstres et fantômes dans les catacombes, rien que des super attractions qui avaient lieu dedans, véridique, regardez les liens, avec cocktail bar et même grill (manquait plus que la piscine multiplex de Mickey dans Star Wars). Mais fort curieusement, l'affaire n'était pas financièrement convainquante, et surtout les associations culturelles comme religieuses criaient au scandale. On se demande bien pourquoi? Après tout, une église, hein, pourquoi n'y faire que des messes ou des concerts classiques, c'est bougrement réducteur et désuet comme réflexion, faut voir moderne, ambitieux, in. Puis on finit par laisser tomber l'affaire, pas rentable disait-on. "Ben ouais, mais alors on en fait quoi maintenant de cet investissement?" Le propriétaire comme le gérant se posaient la même question puisque la location de l'église St Michel courrait jusqu'en 2029 (ce qui est déjà suspect compte tenu de la durée d'un tel contrat, généralement de 3, 5 à 10 ans renouvelables au maximum). Encore mieux, si la bibliothèque nationale avait souhaité dénoncer le contrat avant terme, elle aurait été redevable au gérant de la modique somme de 300 millions de CzK (10 millions €) pour couvrir l'investissement en réparations du gérant. Ah ouais? Et pourquoi 300 millions sachant que l'église, après réparation, était estimée à 180 millions de CzK (6 millions €) par les experts de l'administration? Bref, l'église fut donc vendue au gérant (parce qu'aucune administration d'état n'en voulait) pour la somme dérisoire de 46 millions de CzK (1,5 millions €). Sachant qu'il (le gérant) avait déjà investi 28 millions de CzK (moins d'1 millions €, ce qui est quand même loin des 180 ou 300 millions de CzK précédents), l'église lui a donc été cédée en 2005 pour un total de 74 millions de CzK (2,5 millions €), avec l'accord du ministère de la culture, et sans aucun autre appel d'offre ni vente aux enchères publiques. Dis-donc, ça ne vous semble pas bizarre cette histoire?
Alors plusieurs personnes se sont quand même posées les mêmes questions que tout un chacun à la lecture d'un tel scénario, bizarre et flou. Et donc voici quelques conclusions, tirées des rapports que j'ai eu l'occasion d'avoir sous l'oeil (droit, j'suis droitier, j'y vois nettement mieux). Bien entendu et comme d'habitude, vous ne trouverez aucun nom car je me dois de respecter l'anonymat des personnes comme des fumiers. Ah si quand même, signalons les gros boulots d'investigation de la branche locale de la radio BBC, ainsi que de l'organisation non gouvernementale, non politique et à but non lucratif "Růžový panter" (Panthère rose) qui traque la corruption de l'administration tchèques (y a du boulot) et dont les documents (en Tchèque) ont été une source non négligeable d'information pour cette publie. Donc allons-y, fouillons ensemble dans la merde à mains nues. Mais je vous préviens de suite, c'est sale et ça pue.
Lors de la vente de l'édifice, la bibliothèque nationale n'a demandé aucun justificatif sur le prétendu investissement en réparation du gérant. Elle a fixé un prix final sur une base déclarative, et rapelons-le encore, sans appel d'offre ni vente aux enchères. Une lettre de protestation contre la vente du bâtiment, a bien été signée par des notoriétés de la culture, de l'éducation et de l'histoire nationale, elle fut envoyée au gouvernement, aux députés, au maire et même au président mais elle est restée sans réponse. Bon, là vous allez dire que je pinaille, mais l'un des propriétaires de la société gérante (aujourd'hui propriétaire de l'église) est le frère du propriétaire d'une firme impliquée dans un procès en Suisse avec l'ancien premier ministre d'Ukraine, aujourd'hui en prison aux Etats-Unis pour blanchiment d'argent. Ok, c'est sûrement un hasard de l'adversité, je vous l'accorde, d'autant plus qu'aujourd'hui les comptes obscurs de la gérance décennale de St Michel font apparaître de nombreux projets potentiellement lucratifs mais ayant fait curieusement faillite. Sinon certains fonctionnaires, qui dans l'appareil d'état décidaient de l'attribution de jouissance du bien (l'église), comme des offres de marchés (réparations...), se retrouvaient peu après nommés à des postes de direction desdites sociétés qui avaient obtenus ces droits. Non c'est encore une totale coïncidence, rien de probant. Puis finalement, l'Etat qui n'est que mandataire de la volonté du peuple, mais aucunement propriétaire (dans le sens moral) des biens qui lui sont confiés peut en faire ce qu'il veut. C'est normal aussi. Tiens, la chronique de Dalimil, c'est moche. On vend. Le Château de Prague, c'est cher à entretenir. On vend. L'Allemagne veut récupérer les Sudètes? On vend. Et "Karlovy Vary"? Ah bon, c'est pas déjà Russe? Ben on vend aussi... Quoi, le peuple? C'est quoi la question? On ne va quand même pas lui demander à chaque fois non? Pour que ça se termine comme en France avec le traité machin-truc-Europe, là, qu'on soit dans la merde après et montré du doigt par le reste du monde? Attends, tu rigoles. Les mecs nous ont élu, alors on fait ce qu'on veut... enfin jusqu'aux prochaines élections.
Alors je vous laisse vous faire votre propre opinion, voire tirer des conclusions. En ce qui me concerne, voyez-vous, ce qui me fait hurler aujourd'hui, ce n'est pas tant l'état déplorable de l'église, qui somme toute est ainsi depuis 200 ans (encore que, selon certains experts, cette dernière décennie...), ce n'est pas tant qu'on utilise un espace pieux pour des techno-party (une messe gratuite par semaine, ça ne rentabilise pas alors pourquoi pas un clandé salace, c'est meilleur pour l'homme qu'un sermon mystique), ce n'est donc même pas tant le destin de l'église St Michel qui me fait hurler (il s'en détruit tous les jours des édifices irremplaçables, supplantés aujourd'hui par des abominations qui seront adulées demain), non, ce qui me fait hurler aujourd'hui, c'est le désengagement de l'Etat vis-à-vis de son devoir (et pas que de conservation et d'entretien mobilier), c'est le niveau de corruption inimaginable des fonctionnaires de tout rang, c'est l'incompétence totale de certains organismes d'état face aux assauts d'entreprises privées soutenues par une armée de notaires et d'avocats ultra-compétents, c'est le manque de moyens financiers publiques faisant front aux déferlantes de capitaux douteux, c'est la concussion notoire de tout l'appareil politique, le clientélisme des sphères politico-économiques, l'intérêt personnel des administrateurs mandatés par les citoyens, l'enrichissement hâtif sur le compte du contribuable, l'abus de fonction, la fraude fiscale, bref... ce qu'on appelle tout simplement et vulgairement "la sale merde politiquéconomique". Et de tous les jours "la sale merde politiquéconomique", du quotidien. Je vous parle par exemple (parmi tant d'autres) de l'appartement de l'ex premier ministre (1 millions de CzK injustifiés), de la vente d'Unipetrol (150 millions € de manque à gagner et preuves filmées de versement de pots-de-vin), de l'affaire du millionnaire véreux (aux arrêts, il s'échappe lors d'une reconstitution à son domicile sous les yeux de 10 policiers, aujourd'hui il est intouchable aux Seychelles), de l'affaire TV Nova (l'Etat doit payer 10 milliards de CzK d'amende pour ne pas avoir surveillé les intérêts d'un producteur étranger, violés -les intérêts- par une chaîne privée tchèque), du ministre de la justice et de son copain pédophile du Qatar (le ministre est personnellement intervenu auprès du magistrat d'instruction dans un dossier de droit commun mettant en cause un cousin du prince du Qatar, pays dans lequel notre ministre avait passé sa lune de miel), des règlements de compte du ministre de la santé avec les laboratoires pharmaceutiques, et tout récemment de l'affaire du plus ancien député de l'assemblée tchèque, et en Français dans le texte, s'il vous plait... bref de ces dizaines de petites choses quotidiennes qui pullulent dans tous les medias tchèques et qui, à la longue, vous font douter de tout, des politicards (mais c'est pas nouveau), des dirigeants d'entreprises (mais c'est pas nouveaux non plus), de la justice et du droit (et ça c'est vachement plus grave), et finalement de la démocratie. "Eh, attends Strogoff, tu vas fichtrement loin quand même!". Ah, vous trouvez? Alors dites-moi, elle est où la morale, la déontologie, l'éthique et la probité de l'honnête père de famille? Elle est où la conscience personnelle, la foi en l'homme et le scrupule envers ses proches? Est-ce qu'ils n'ont plus honte quand ils se regardent dans la glace, est-ce qu'ils ne sentent pas l'opprobre publique lorsque les medias étalent les flagrants délits, ne voient-ils pas le dégoût de leurs familles lorsque le scandale éclate au grand jour?
Enfin je ne sais pas pourquoi je m'agace comme ça, après tout, le monde est ainsi, il n'y a plus de foi. Et ce n'est pas de religion dont je vous parle, c'est de conscience sociale, personnelle et collective, l'humble fait de se sentir petit être humain au milieu des autres, apportant consciencieusement son humble contribution au développement profitable du monde, de tout le monde. Je vous parle du sentiment de propreté de sa petite conscience personnelle à soi. Ca n'existe plus ça aujourd'hui? En tout cas rarement en République Tchèque. Permettez-moi de citer le professeur "Josef Skála" (qui vit depuis des années à Vancouver, au Canada) lors d'une interview à Radio.cz que j'essaye de traduire ici le plus fidèlement possible:
Question du modérateur: "Essayez, à partir de votre propre expérience, de trouver quelque chose à quoi vous avez été confronté au Canada ou ailleurs dans le monde, et qui nous manque manifestement en Tchéquie."
"Josef Skála": "Je me permettrais de dire, et de ce fait je simplifierais beaucoup ma réponse, qu'en tant qu'individu depuis longtemps sujet de la reine d'Angleterre, et vivant depuis au moins 40 ans dans une démocratie anglo-saxonne, que ce qui manque le plus ici, est quelque chose que j'appellerais la politesse. Mais je l'entends dans le sens large du terme, dans le sens de ce qui s'appelle "decency" en Anglais. Ce n'est pas que cette politesse, lorsque le matin vous souriez au voisin et lui souhaitez une bonne journée. C'est également la politesse de l'homme politique, la politesse du juge, et je pense que c'est pareillement la politesse du journaliste." Alors faut-il avoir habité des dizaines d'années en dehors de la République Tchèque pour se rendre compte que quelque chose ne va vraiment pas ici? C'est dément tout de même, enfin quoi.
"Eh, sans dec Strogoff, tu nous les casses menu menu. On s'en fout comme un aveugle de l'interrupteur de tes histoires. Merde, toute une publication rien que sur ça?" Ben ouais, mais moi ça me tient à coeur, j'y peux rien. Quand on bousille, quand on gaspille et quand on prévarique alors qu'on est sensé représenter le pinacle de la droiture et de l'incorruptibilité, ça me fout hors de moi. Et surtout parce que ce n'est pas UNE brebis râleuse dans tout le troupeau bancal, ce n'est pas LE vilain petit connard dans la couvée putride, non, c'est "un comme tous, et tous pourris". Voilà pourquoi ça me fait hurler. Parce que les politicailleurs tchèques accèdent au fonctionnariat comme les pauvres filles à la débauche, par sordide appât du lucre facile plutôt que par conviction citoyenne (et je ne blâme pas les pauvres filles, elles n'ont pas toujours le choix). Sacré nom di diou, un représentant de l'Etat, à quel que niveau que ce soit, ça doit être propre comme la main du gynéco avant le touché et exhaler une probité souveraine aussi nette que la vitrine du paradis. Sans quoi c'est 12 balles dans la couenne, attaché au pilori du déshonneur devant le mur de l'infamie... "Tiens ma chérie, passe-moi encore une moussante, merci." Pis j'en finis là, sinon je vais lasser. Ah... c'est déjà fait... bon, désolé, j'voulais pas.
Et sinon alors les photos, pour ceux qui me demanderaient qu'est ce que c'est, alors les photos, les premières du début, c'est donc le sujet de la publie, la petite église St Michel, avec les passages qu'il faut emprunter pour y arriver. Ensuite vous avez quelques photos de la chapelle Bethléem. Et in fine j'ai mis d'autres photos de Prague, pour meubler, pis comme c'est la période des soldes en ce moment, alors ben voilà, j'vous les livre pour pas cher. Moi je vais me coucher parce que je suis échauffé sur ce coup là.
Officiellement, l'église se trouve dans la rue "Michalská", mais avec une telle description, vous n'avez que peu de chance de la trouver car en réalité, elle se trouve dans le fond d'une toute petite placette, bien cachée, entre les rues "Michalská" et "Melantrichova". Vous pouvez également y accéder par la petite place, en entrant dans le passage du numéro 11 (numéro postal, bleu) ou 459 (numéro de bloc, mais c'est le même passage), tout droit dedans le passage, et hop vous tournez à gauche et vous y êtes, devant l'église St Michel. Hein? Comment ça quelle petite place? Ben la petite place, à côté de la place de la vieille ville, la petite place, elle s'appelle comme ça, "petite place" c'est son nom officiel ("Malé náměstí"). Bref, donc cette pauvre petite église est tellement on ne sait pas où, à quelques pas seulement des sentiers battus par les touristes qui ne savent même pas qu'elle est là, à 10m d'eux, qu'il n'y a pas un seul guide qui s'y arrête, voire qui mentionne seulement son nom. Ben non. Bon, ok, je vous l'accord humblement, d'extérieur elle est... enfin pas moche, non, mais... inintéressante, voilà le mot: architecturalement inintéressante qu'elle est. Mais elle n'en reste pas moins un immense patrimoine culturel et historique, d'importance, vraiment, vous allez voir.
Les premières fondations de l'église datent de la moitié du XIII ème siècle selon les historiens, et elle aurait été achevée dans la seconde moitié du XIV ème. Ce qui est avéré, c'est qu'elle fut mentionnée pour la première fois en 1311, lorsque le livreur de la FedEx porta la mention "adresse inexistante" sur le colis de la Redoute par l'intermédiaire duquel le curé d'à l'époque avait commandé sa nouvelle soutane pure laine. Vers 1402, c'est "Jakoubek ze Stříbra" (Jacobellus de Misa) qui officiera en l'église, 3 fois par semaine de 11h à 12h30 et même plus aux Pâques et à la Noël. En ce temps il n'était encore qu'un prédicateur de seconde classe, il faisait son apprentissage ecclésiastique, mais il deviendra vite célèbre par son sens de la démonstration et sa capacité de persuasion. Ses oeuvres parlent d'elles-mêmes:
- "Vindiciae contra Andream Brodam pro communione plebis sub utraque specie" ou la preuve biblique d'administrer sous les 2 espèces, en réponse au théologien "Ondřej z Brodu" -Andreas de Broda-,
- "Apologia pro communione plebis sub utraque specie" en réponse à l'interdiction du Concile de Constance d'administrer sous les 2 espèces,
- ou encore "De communione spirituali integra sub duplici forma panis et vini quantitate plebem concernente" soit comment faire gaffe à planifier judicieusement la distribution du pain et du vin de messe sans chagriner les ouailles ni ruiner l'église.
Tellement compétent "Jakoubek", qu'il participa à la rédaction des 4 articles de Prague en 1420, avant de terminer sa vie comme prêcheur en la fameuse chapelle Bethléem, la Mecque du mouvement hussite.
Puis cette petite et insignifiante église St Michel verra passer une autre grande figure de l'époque entre ses 4 murs et sous son toit. En effet, à partir de 1406, elle passera sous l'autorité du curé "Křišťan z Prachatic" ("Cristannus de Prachaticz", vers 1370 - 1439). Enfin curé, "Křišťan z Prachatic" était beaucoup plus qu'un curé, il est l'auteur d'écrits de médecine ("De sanguinis minucione" sur la pratique de la saignée, à lire avec précaution, un brin obsolète), d'arithmétique ("Algorismus prosaycus" les maths à la portée du crétin), et surtout d'astronomie. Ses deux principales oeuvres sur l'astrolabe ("De composicione astrolabii" et "De utilitate astrolabii", soit comment c'est foutu, comment ça marche et à quoi ça sert) sont considérées comme remarquablement éminentes et de nombreuses bibliothèques dans l'Europe entière en conservent encore aujourd'hui des copies (et si c'est pas le cas, elles ont bien tort). Doyen du département de philosophie, et recteur de l'Universitas Carolina (l'Université Charles) où il enseigna jusqu'à la fin de sa vie, il compta parmi ses élèves un certain Jan Hus. A partir de 1414, les hussites communiaient sous les 2 espèces en cette église, et l'on pouvait y entendre les prêches du maître Jan Hus lui-même.
Après la bataille de la montagne blanche, l'église fut attribuée (vers 1625) à l'ordre des Servites de Marie ("řád Servitů", "Servi Beatae Mariae Virginis" mais ne m'en demandez pas plus, j'y connais rien dans les factions religieuses) parce que cet ordre était aussi peu connu que l'adresse de l'édifice, et que ça tombait fichtrement bien parce qu'il n'y avait plus suffisamment d'habitats religieux pour caser toutes les légions d'ensoutanés évangélisateurs qui fondaient sur la Bohême vaincue comme la vérole sur le bas clergé. Pis comme le gothique n'était plus en vogue, mais alors pas du tout, moche et vieux jeu, nos curaillons démolirent l'édifice originel pour le remplacer par du baroque, à 3 vaisseaux, ordinaire mais fichtrement plus moderne. Et comme les caisses (comme le moral) de la chrétienté étaient bien plaines, les Serviettes... les Servites construirent également un couvent (ou une abbaye, je ne sais toujours pas la différence), sur la droite, en regardant St Michel. Ouais... bôf... sans plus, comme l'église, nothing to write home about. L'ensemble (église et couvent) furent à nouveau sérieusement retapés en baroque tardif vers le début de la seconde moitié du XVIII ème siècle, mais ça ne plaisait toujours pas, au point que la religiosité des lieux sera abrogée par l'Empereur Joseph II en 1786. Vendue quelques années plus tard (fin du XVIII ème siècle), l'église de par la constante fraîcheur de son intérieur servira d'entrepôt pour les filets de maquereaux en sauce venant de la baltique (jusqu'à la fin du XVIII ème siècle), pour la graisse à traire les nourrices tyroliennes (au monoï et au beurre de karité) en provenance (la graisse) des colonies de l'empire austro-hongrois (jusqu'à la chute de l'empire), pour les huiles essentielles de massage hémorroïdal post-opératoire (jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale). Et finalement elle servira encore d'entrepôt pour le stockage de denrées alimentaires pour la grande distribution après la prise du pouvoir par les con-munistes (1948). Enfin hein, on ne va pas se la raconter non plus, par "denrées alimentaires pour la grande distribution" comprenez les patates germées-sucrées, la farine et son lot de 35% de vermine, l'huile de vidange pour les fritures et la betterave en vrac, pour extraire son sucre soi-même à sa maison en rentrant de la mine. Puis vint le tournant des années 60, lorsque les frigidaires modernes remplacèrent la fraîcheur de notre négligeable église. L'on confia la gestion d'icelle à la bibliothèque nationale, puisque tant qu'à faire, hein, la vieille paperasse illisible des siècles antédiluviens, ça se conservera aussi bien là que le poiscaille pourri, l'huile frelatée, ou la patate-farine-betterave-vermine, après-tout. Inutile de vous préciser que les nombreux propriétaires-gestionnaires n'avaient pas plus de considération pour l'intérieur de l'édifice qu'un imam wahhabite pour l'andouille de Guéméné. Selon certains témoins qui ont eu l'occasion de voir l'ampleur du désastre, ce (non volé et non détruit) qui reste des statues d'"Ignác Michal Platzer", des fresques de "Jan Václav Spitzer", et de l'autel en marbre de "Josef Lauermann" n'est que désolation consternante et ruine dévastée. Bref... et le gestionnaire du lieu, la bibliothèque nationale en l'occurrence, perdurera au-delà de la révolution de velours, jusqu'à ce que... et bien jusqu'à ce que le sort de l'église St Michel ne soit scellé par un prodigieux bureaucrate dont le génie débordant n'a d'égal que son sens des responsabilités dans la fonction qu'il occupe (occupait).
Alors voilà, le cas d'école (de gestion ou d'économie) est extrêmement simple et trivial.
L'énoncé: l'Etat dispose d'une église insignifiante sur le plan architectonique (malgré qu'elle serait sous la protection de l'UNESCO, nominativement pas nécessairement, mais de par sa situation en plein centre historique de la ville certainement). Il s'en décharge souverainement en confiant sa gestion à un tiers (la bibliothèque nationale). Les quelques 2 siècles de dévastation rigoureusement systématique ont endommagé la construction au point qu'elle n'est plus rentablement réparable. Le gestionnaire (nonobstant l'absolue inutilité) n'y voit que gouffre financier alors qu'il manque de budget pour la restauration d'autres édifices (précieux ceux-là).
Le problème: bon, et maintenant on fait quoi avec ce foutu édifice?
Les solutions pourraient être apportées par la première croûte de tourte venue, qui aurait un tant soit peu entendu parler d'économie.
Solution 1: détruire, et récupérer le terrain. Ben ouais mais et l'UNESCO? Pis ça coûte cher de détruire. Et surtout comment rentabiliser le terrain, sinon le vendre au plus offrant. Bon, c'est compliqué, mais on verra, s'il n'y a rien de mieux.
Solution 2: vendre. Ben ouais, mais il y a toujours l'UNESCO. Pis surtout attends voir, c'est qui le propriétaire? Ah ouais, l'Etat, bon, ça complique.
Solution 3: louer. Ah ouais, super, c'est ni vendu, ni détruit, pis surtout la gestion onéreuse du boulet fendu est transférée sur un autre. Ouah, c'est trop top super, reste plus qu'à trouver le pigeon qui va bien, pis signez là monseigneur, et le tour est joué.
C'est là que le délire commence. A partir de 1994, des investisseurs privés reprenaient la gestion du bâtiment, et le dernier avec même engagement de sa part de le remettre en état. Oui, certes, il y fit quelques travaux, mineurs (vous allez voir plus loin), afin de pouvoir mettre le bien en gestion, accessible au public sans qu'il (le public) ne se prenne des tuiles baroques sur le caberlot. Puis vint la mise en service, laser show, techno-party, découverte de monstres et fantômes dans les catacombes, rien que des super attractions qui avaient lieu dedans, véridique, regardez les liens, avec cocktail bar et même grill (manquait plus que la piscine multiplex de Mickey dans Star Wars). Mais fort curieusement, l'affaire n'était pas financièrement convainquante, et surtout les associations culturelles comme religieuses criaient au scandale. On se demande bien pourquoi? Après tout, une église, hein, pourquoi n'y faire que des messes ou des concerts classiques, c'est bougrement réducteur et désuet comme réflexion, faut voir moderne, ambitieux, in. Puis on finit par laisser tomber l'affaire, pas rentable disait-on. "Ben ouais, mais alors on en fait quoi maintenant de cet investissement?" Le propriétaire comme le gérant se posaient la même question puisque la location de l'église St Michel courrait jusqu'en 2029 (ce qui est déjà suspect compte tenu de la durée d'un tel contrat, généralement de 3, 5 à 10 ans renouvelables au maximum). Encore mieux, si la bibliothèque nationale avait souhaité dénoncer le contrat avant terme, elle aurait été redevable au gérant de la modique somme de 300 millions de CzK (10 millions €) pour couvrir l'investissement en réparations du gérant. Ah ouais? Et pourquoi 300 millions sachant que l'église, après réparation, était estimée à 180 millions de CzK (6 millions €) par les experts de l'administration? Bref, l'église fut donc vendue au gérant (parce qu'aucune administration d'état n'en voulait) pour la somme dérisoire de 46 millions de CzK (1,5 millions €). Sachant qu'il (le gérant) avait déjà investi 28 millions de CzK (moins d'1 millions €, ce qui est quand même loin des 180 ou 300 millions de CzK précédents), l'église lui a donc été cédée en 2005 pour un total de 74 millions de CzK (2,5 millions €), avec l'accord du ministère de la culture, et sans aucun autre appel d'offre ni vente aux enchères publiques. Dis-donc, ça ne vous semble pas bizarre cette histoire?
Alors plusieurs personnes se sont quand même posées les mêmes questions que tout un chacun à la lecture d'un tel scénario, bizarre et flou. Et donc voici quelques conclusions, tirées des rapports que j'ai eu l'occasion d'avoir sous l'oeil (droit, j'suis droitier, j'y vois nettement mieux). Bien entendu et comme d'habitude, vous ne trouverez aucun nom car je me dois de respecter l'anonymat des personnes comme des fumiers. Ah si quand même, signalons les gros boulots d'investigation de la branche locale de la radio BBC, ainsi que de l'organisation non gouvernementale, non politique et à but non lucratif "Růžový panter" (Panthère rose) qui traque la corruption de l'administration tchèques (y a du boulot) et dont les documents (en Tchèque) ont été une source non négligeable d'information pour cette publie. Donc allons-y, fouillons ensemble dans la merde à mains nues. Mais je vous préviens de suite, c'est sale et ça pue.
Lors de la vente de l'édifice, la bibliothèque nationale n'a demandé aucun justificatif sur le prétendu investissement en réparation du gérant. Elle a fixé un prix final sur une base déclarative, et rapelons-le encore, sans appel d'offre ni vente aux enchères. Une lettre de protestation contre la vente du bâtiment, a bien été signée par des notoriétés de la culture, de l'éducation et de l'histoire nationale, elle fut envoyée au gouvernement, aux députés, au maire et même au président mais elle est restée sans réponse. Bon, là vous allez dire que je pinaille, mais l'un des propriétaires de la société gérante (aujourd'hui propriétaire de l'église) est le frère du propriétaire d'une firme impliquée dans un procès en Suisse avec l'ancien premier ministre d'Ukraine, aujourd'hui en prison aux Etats-Unis pour blanchiment d'argent. Ok, c'est sûrement un hasard de l'adversité, je vous l'accorde, d'autant plus qu'aujourd'hui les comptes obscurs de la gérance décennale de St Michel font apparaître de nombreux projets potentiellement lucratifs mais ayant fait curieusement faillite. Sinon certains fonctionnaires, qui dans l'appareil d'état décidaient de l'attribution de jouissance du bien (l'église), comme des offres de marchés (réparations...), se retrouvaient peu après nommés à des postes de direction desdites sociétés qui avaient obtenus ces droits. Non c'est encore une totale coïncidence, rien de probant. Puis finalement, l'Etat qui n'est que mandataire de la volonté du peuple, mais aucunement propriétaire (dans le sens moral) des biens qui lui sont confiés peut en faire ce qu'il veut. C'est normal aussi. Tiens, la chronique de Dalimil, c'est moche. On vend. Le Château de Prague, c'est cher à entretenir. On vend. L'Allemagne veut récupérer les Sudètes? On vend. Et "Karlovy Vary"? Ah bon, c'est pas déjà Russe? Ben on vend aussi... Quoi, le peuple? C'est quoi la question? On ne va quand même pas lui demander à chaque fois non? Pour que ça se termine comme en France avec le traité machin-truc-Europe, là, qu'on soit dans la merde après et montré du doigt par le reste du monde? Attends, tu rigoles. Les mecs nous ont élu, alors on fait ce qu'on veut... enfin jusqu'aux prochaines élections.
Alors je vous laisse vous faire votre propre opinion, voire tirer des conclusions. En ce qui me concerne, voyez-vous, ce qui me fait hurler aujourd'hui, ce n'est pas tant l'état déplorable de l'église, qui somme toute est ainsi depuis 200 ans (encore que, selon certains experts, cette dernière décennie...), ce n'est pas tant qu'on utilise un espace pieux pour des techno-party (une messe gratuite par semaine, ça ne rentabilise pas alors pourquoi pas un clandé salace, c'est meilleur pour l'homme qu'un sermon mystique), ce n'est donc même pas tant le destin de l'église St Michel qui me fait hurler (il s'en détruit tous les jours des édifices irremplaçables, supplantés aujourd'hui par des abominations qui seront adulées demain), non, ce qui me fait hurler aujourd'hui, c'est le désengagement de l'Etat vis-à-vis de son devoir (et pas que de conservation et d'entretien mobilier), c'est le niveau de corruption inimaginable des fonctionnaires de tout rang, c'est l'incompétence totale de certains organismes d'état face aux assauts d'entreprises privées soutenues par une armée de notaires et d'avocats ultra-compétents, c'est le manque de moyens financiers publiques faisant front aux déferlantes de capitaux douteux, c'est la concussion notoire de tout l'appareil politique, le clientélisme des sphères politico-économiques, l'intérêt personnel des administrateurs mandatés par les citoyens, l'enrichissement hâtif sur le compte du contribuable, l'abus de fonction, la fraude fiscale, bref... ce qu'on appelle tout simplement et vulgairement "la sale merde politiquéconomique". Et de tous les jours "la sale merde politiquéconomique", du quotidien. Je vous parle par exemple (parmi tant d'autres) de l'appartement de l'ex premier ministre (1 millions de CzK injustifiés), de la vente d'Unipetrol (150 millions € de manque à gagner et preuves filmées de versement de pots-de-vin), de l'affaire du millionnaire véreux (aux arrêts, il s'échappe lors d'une reconstitution à son domicile sous les yeux de 10 policiers, aujourd'hui il est intouchable aux Seychelles), de l'affaire TV Nova (l'Etat doit payer 10 milliards de CzK d'amende pour ne pas avoir surveillé les intérêts d'un producteur étranger, violés -les intérêts- par une chaîne privée tchèque), du ministre de la justice et de son copain pédophile du Qatar (le ministre est personnellement intervenu auprès du magistrat d'instruction dans un dossier de droit commun mettant en cause un cousin du prince du Qatar, pays dans lequel notre ministre avait passé sa lune de miel), des règlements de compte du ministre de la santé avec les laboratoires pharmaceutiques, et tout récemment de l'affaire du plus ancien député de l'assemblée tchèque, et en Français dans le texte, s'il vous plait... bref de ces dizaines de petites choses quotidiennes qui pullulent dans tous les medias tchèques et qui, à la longue, vous font douter de tout, des politicards (mais c'est pas nouveau), des dirigeants d'entreprises (mais c'est pas nouveaux non plus), de la justice et du droit (et ça c'est vachement plus grave), et finalement de la démocratie. "Eh, attends Strogoff, tu vas fichtrement loin quand même!". Ah, vous trouvez? Alors dites-moi, elle est où la morale, la déontologie, l'éthique et la probité de l'honnête père de famille? Elle est où la conscience personnelle, la foi en l'homme et le scrupule envers ses proches? Est-ce qu'ils n'ont plus honte quand ils se regardent dans la glace, est-ce qu'ils ne sentent pas l'opprobre publique lorsque les medias étalent les flagrants délits, ne voient-ils pas le dégoût de leurs familles lorsque le scandale éclate au grand jour?
Enfin je ne sais pas pourquoi je m'agace comme ça, après tout, le monde est ainsi, il n'y a plus de foi. Et ce n'est pas de religion dont je vous parle, c'est de conscience sociale, personnelle et collective, l'humble fait de se sentir petit être humain au milieu des autres, apportant consciencieusement son humble contribution au développement profitable du monde, de tout le monde. Je vous parle du sentiment de propreté de sa petite conscience personnelle à soi. Ca n'existe plus ça aujourd'hui? En tout cas rarement en République Tchèque. Permettez-moi de citer le professeur "Josef Skála" (qui vit depuis des années à Vancouver, au Canada) lors d'une interview à Radio.cz que j'essaye de traduire ici le plus fidèlement possible:
Question du modérateur: "Essayez, à partir de votre propre expérience, de trouver quelque chose à quoi vous avez été confronté au Canada ou ailleurs dans le monde, et qui nous manque manifestement en Tchéquie."
"Josef Skála": "Je me permettrais de dire, et de ce fait je simplifierais beaucoup ma réponse, qu'en tant qu'individu depuis longtemps sujet de la reine d'Angleterre, et vivant depuis au moins 40 ans dans une démocratie anglo-saxonne, que ce qui manque le plus ici, est quelque chose que j'appellerais la politesse. Mais je l'entends dans le sens large du terme, dans le sens de ce qui s'appelle "decency" en Anglais. Ce n'est pas que cette politesse, lorsque le matin vous souriez au voisin et lui souhaitez une bonne journée. C'est également la politesse de l'homme politique, la politesse du juge, et je pense que c'est pareillement la politesse du journaliste." Alors faut-il avoir habité des dizaines d'années en dehors de la République Tchèque pour se rendre compte que quelque chose ne va vraiment pas ici? C'est dément tout de même, enfin quoi.
"Eh, sans dec Strogoff, tu nous les casses menu menu. On s'en fout comme un aveugle de l'interrupteur de tes histoires. Merde, toute une publication rien que sur ça?" Ben ouais, mais moi ça me tient à coeur, j'y peux rien. Quand on bousille, quand on gaspille et quand on prévarique alors qu'on est sensé représenter le pinacle de la droiture et de l'incorruptibilité, ça me fout hors de moi. Et surtout parce que ce n'est pas UNE brebis râleuse dans tout le troupeau bancal, ce n'est pas LE vilain petit connard dans la couvée putride, non, c'est "un comme tous, et tous pourris". Voilà pourquoi ça me fait hurler. Parce que les politicailleurs tchèques accèdent au fonctionnariat comme les pauvres filles à la débauche, par sordide appât du lucre facile plutôt que par conviction citoyenne (et je ne blâme pas les pauvres filles, elles n'ont pas toujours le choix). Sacré nom di diou, un représentant de l'Etat, à quel que niveau que ce soit, ça doit être propre comme la main du gynéco avant le touché et exhaler une probité souveraine aussi nette que la vitrine du paradis. Sans quoi c'est 12 balles dans la couenne, attaché au pilori du déshonneur devant le mur de l'infamie... "Tiens ma chérie, passe-moi encore une moussante, merci." Pis j'en finis là, sinon je vais lasser. Ah... c'est déjà fait... bon, désolé, j'voulais pas.
Et sinon alors les photos, pour ceux qui me demanderaient qu'est ce que c'est, alors les photos, les premières du début, c'est donc le sujet de la publie, la petite église St Michel, avec les passages qu'il faut emprunter pour y arriver. Ensuite vous avez quelques photos de la chapelle Bethléem. Et in fine j'ai mis d'autres photos de Prague, pour meubler, pis comme c'est la période des soldes en ce moment, alors ben voilà, j'vous les livre pour pas cher. Moi je vais me coucher parce que je suis échauffé sur ce coup là.
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