Ville: Le pont des Légions en 3 couleurs
Alors il est 2 raisons pour lesquelles je souhaite vous parler aujourd'hui du pont des Légions. Tout d'abord, parce qu'il s'agit d'un monument historique et culturel praguois, de par quel fait il s'inscrit parfaitement dans le contexte de mes publies. Ensuite, parce que récemment, l'on vient de terminer la restauration des cabanes à péage, et que sans dec, ça mérite quelques lignes, z'allez voir. Troisièmement, parce qu'il est une anecdote rigolote liée à l'inauguration du pont par l'empereur Francois-Joseph 1er. Et quatrièmement, parce qu'évidement, avec le mot "pont" je ne pouvais pas me priver de quelques contrepèteries salaces (CTPT), alors forcément... Quoi 2 raisons? Ben oui, y en a 4, et alors? Attends, comme disent les Grecs depuis quelques semaines, il existe 3 catégories de gens, ceux qui savent compter en Euro, et ceux qui ne savent pas. Moi je fais partie de la quatrième catégorie.
Alors le pont des Légions, vous êtes pratiquement sûr de l'emprunter à pied, en voiture ou en tram si vous passez à Prague. Il relie la Vieille-Ville (à partir du Théâtre National) avec la circonscription de "Újezd" du Petit-Côté ("Malá Strana") en passant par l'île du champ de tir ("Střelecký ostrov") sur laquelle (île) reposent 3 piliers de notre pont. Parenthèse. L'île du champ de tir porte son nom depuis le XV ème siècle, lorsque les arquebusiers des villes de Prague vinrent s'entraîner céans pour des raisons de sécurité comme de pollution sonore. Parenthèse bis. Prague n'est une ville unique que depuis le 12 février 1784, et suite à une ordonnance de Joseph II. Auparavant, il existait 4 villes de Prague: la Vielle-Ville, la Nouvelle-Ville, le Petit-Côté ("Malá Strana") et le quartier du château ("Hradčany"). Fin des parenthèses. Selon mes sources, le pont des Légions est le 7 ème pont de Prague (dans le sens du courant), le 5 ème plus ancien, et le 1er à remplacer un pont existant. Et là, je me marre, parce que mes sources se mettent le coude dans l'oeil. Elles oublient bien évidemment (mais fort fâcheusement) le pont Judith, ancêtre du fameux pont Charles. Le pont Judith s'effondra en 1342 des suites d'inondations, et fut remplacé 15 ans plus tard par le fameux pont Charles. Du coup notre pont des Légions est le second, et non le premier, à remplacer un pont existant. Nan!
Auparavant, se trouvait au même emplacement le pont de chaînes appelé François 1er, curieusement semblable à celui de Budapest (cf. mes photos). Je vous ai trouvé une fantastique photo de 1866, prise depuis la colline de "Petřín", et sur laquelle on distingue parfaitement non seulement notre pont François 1er, mais également la porte de "Oujezd" ("Újezdská brána") comme la caserne du même nom ("Újezdská kasárna"), où naquit en 1834 "Jan Neruda" (et non pas aux 2 soleils ["U Dvou slunců"] comme le clame bêtement "Wikipédia". Jean vécut 19 ans aux 2 soleils, entre 1845 et 1859, mais il n'y naquit aucunement) et qui fut rasée en 1932.
Le pont de chaînes fut construit entre 1839 et 1841, bien que l'idée d'un autre pont en plus du pont Charles datait du tout début du XIX ème siècle (mais les coûts de la guerre contre Napoléon eurent alors raison de l'investissement jugé inopportun). Le nouveau pont eut un effet immédiat sur le développement du quartier de "Smíchov" (rive gauche, en amont du Petit-Côté ["Malá Strana"]), en particulier sur les usines "Ringhoffer" dont je vous avais fait un rappel historique dans une précédente publie à propos des 600 ans du pont Charles (je vous parlerai à nouveau des "Ringhoffer" dans le cadre de la brasserie "Velkopopovický Kozel" de "Velké Popovice"). Donc développement du quartier... Sauf que le pont fut construit pour les piétons, les carrioles qui grincent et les canassons qui puent, aussi lorsque les industries lourdes de l'usine susmentionnée ("Ringhoffer") firent traverser le fleuve à un de leurs chargements top-lourds (wagon, locomotive, pudding de Barry White à cheval sur Demis Roussos?), le pont fit gravement la gueule (ce pont méritaient le déclassement - CTPT). Non seulement qu'il courba l'échine, mais il se mit à tanguer si dangereusement, que les autorités interdirent aux camions de plus de 7,5t de rouler sur le pont, et détournèrent les poids lourds vers le pont Charles qui lui, dès la mi XIV ème siècle, avait été conçu pour les transports exceptionnels (pour vous dire que la baisse de la qualité en Europe ne date pas de la production asiatique d'il y a 20 ou 30 ans). Plus tard, l'industrie lourde des "Ringhoffer" transitait par chemin de fer, sur le pont ferroviaire de "Vyšehrad" construit entre 1871 et 1872.
Bon, mais entre-temps le pont François 1er ne faisait tellement pas l'affaire, que même les omnibus hippomobiles ne pouvaient pas l'emprunter (notez qu'il n'y a pas de rail sur les photos d'époque). Le souci ne venait plus cette fois-ci d'une surcharge, mais du fait que le tablier en planches de bois ne permettait pas d'y insérer les railles du tramàbourrins. Aussi la mairie de Prague prit le problème à gras le porc en 1898, et lança un appel d'offre pour un nouveau pont en dur, capable d'accueillir les omnibus comme de supporter les camions de 38t, pont qui allait devenir notre pont des Légions.
L'appel d'offre fut gagné par, et le projet fut confié aux, architectes "Antonín Balšánek" (1865-1921), "Jiří Soukup" (1855-1938), et "Josef Jan" qui mourût si vite, qu'il n'eut même pas le temps de laisser son nom dans l'histoire (du pont comme de l'architecture). "Jiří Soukup", un peu plus connu, était quant à lui, spécialiste des ponts (et chaussées, mais plus des ponts quand même). Il fut en charge du projet "Svatopluk Čech", de la remise sur pied du pont Charles après les inondations de 1890, et publia même un ouvrage ("Obrazy z pražských břehů a vod") qui traite de... de pont, eh non... enfin oui. Bon, et "Antonín Balšánek", ce n'est par contre clairement pas un inconnu (dans Prague tout du moins): on lui doit entres-autres la Maison Municipale, ou le musée de la ville de Prague. Alors pour l'anecdote, nos bougres prirent pour modèle le pont de l'Alma pour dessiner notre pont des Légions. Aujourd'hui vous ne verrez aucune ressemblance, parce que le pont parisien a été entièrement retrituré entre 1970 et 1974 (sans compter que la princesse de Galles est allée encore plus l'endommager en 1997 avec la voiture de Mr Paul), mais si vous voulez savoir à quoi ressemblait le pont de l'Alma avant son lifting, venez à Prague admirer le pont des Légions, et vous aurez une idée précise.
La construction fut assurée par la société hongroise "Georg Gregersen & Söhne", une des (sinon la) plus grosses sociétés hongroises de l'empire austro-hongrois, spécialisée dans la construction ferroviaire, gares, barrages, tunnels, boîtes (les fameuses boîtes de Hongrie - CTPT), et ponts bien évidemment (la société avait un bureau à Prague et prouva son efficacité lors de la reconstruction des 2 piliers du pont Charles effondrés lors des inondations de 1890). Tout d'abord les Hongrois construisirent un pont provisoire en bois, afin de palier au futur démontage du pont de chaînes. Mais attention, quand je dis provisoire, la qualité était telle, qu'une fois le pont des Légions construit, le pont en bois fut recyclé entre les quartiers de "Holešovice" et de "Libeň", et servit entre 1903 jusqu'en 1928, lorsque le pont définitif ("Libeňský most") fut enfin construit. En 1898, "Gregersen" et fils bousilla donc l'ancien pont de chaînes (le pont fut cassé - CTPT), et se mit à construire le nouveau. Et comme déjà en cette époque il n'y avait pas de petites économies, l'on utilisa les fondations du pont suspendu bousillé (François 1er) afin d'y poser dessus les piliers du pont (à piliers) en construction. Et c'est ce qui donne à l'édifice cette curieuse apparence de bancalasymétrique.
Le pont repose sur 10 piliers, dont 7 en eau et 3 en bas, sur l'île du champ de tir, formant 9 arcs. Les 2 arcs de l'île sont de forme circulaire de portée (écartement entre les piliers) égale: 27 m. Les 7 autres arcs sont de forme bizarroïdellipsoïdale de portées respectives (de la Vieille-Ville vers le Petit-Côté) 26, 34, 38, 42, 32, 28 et 25 m (je les ai mesurées la semaine dernière, lorsqu'il pleuvait pendant le week-end et que je n'avais rien, mais alors vraiment rien d'autre à faire). La longueur totale est de 343,5 m et la largeur de 16 m, dont 10,5 m pour la voie carrossable et 5,5 m pour les trottoirs de part et d'autre. Dès sa conception, transitaient sous les pavés des canalisations d'eau, de gaz, des câbles téléphoniques, électriques, jusqu'au pneumatique utilisé à Prague encore aujourd'hui. Parenthèse. Prague peut se vanter d'être (apparemment) la dernière ville au monde à utiliser un tel système de transport d'information. Et malgré que les inondations catastrophiques de 2002 mirent à (très) mal certains tronçons des quelques 55 km du réseau, le fait que la compagnie de téléphone qui en a la charge répara les dégâts, prouve qu'à l'heure du numérique, le pneumatique a encore de l'avenir. Et c'est beau moi j'dis.
Fort de l'expérience "poids-lourd Ringhoffer", les Hongrois décidèrent de faire costaud. Le matériau employé pour la construction fut le granit, et même mieux, le granit rustiqué de couleur variée (naturelle la couleur, pas du chimiqué en Inde). En fait, à l'instar du pont "Palackého", "Gregersen" utilisa des pierres rouges, blanches et bleues (naturelles), représentant les 3 couleurs nationales tchèques. Mort de rire, avant la naissance de la Tchécoslovaquie (1918), les couleurs nationales étaient le rouge et le blanc seulement, comme le drapeau de la PLogne. Ce n'est qu'en 1920, qu'on rajouta un triangle bleu afin de contenter les Slovaques qui faisaient quand même malgré tout partie du nouveau même pays, né du morcèlement de l'empire habsbourgeois, même s'ils ne voulaient pas, les Slovaques, en faire partie du pays au départ (genre les Brits et l'Union européenne, pareil). Bref... aujourd'hui, grâce à la pollution et merci la crise, le pont est tout noir-moche, et on ne voit plus bien les couleurs (par contre les ponts de Cologne sont magnifiques - CTPT).
Bon, mais par contre ce que l'on voit bien (si l'on se donne la peine de regarder) c'est la déco (ce pont ne manque pas de classe - CTPT). C'est marrant, parce qu'en dehors du pont Charles, parler de la déco d'un pont, c'est comme parler de la beauté d'une autoroute, ou du sex-appeal d'un tracteur. Genre ce n'est pas l'élément ostentatoire qui va vous péter aux mirettes d'entrée de jeu, et pourtant... Tout d'abord notez les 18 lampadaires art-nouveau qui allient les sthétismes et les ficacités. Le mat principal haut de 10 m et terminé par l'emblème du pays (et surtout de la Bohême), le lion à 2 queues, supporte la branche-lampe à icelui (mat) fixée par de multiples volutes. Ces splendides lampadaires furent conçus par "Vilém Amort", réalisés par "Josef Palouš", électrifiés par "František Křižík" et décorés de reliefs représentant les métiers de la navigation fluviale par "Gustav Zoula". "Vilém Amort" n'est pas spécialement connu, on lui doit les statues d'un "vodnik" et d'une "rusalka" (de 1899) dans le parc de "Petřín", mais aux dernières nouvelles icelles statues furent volées. "Josef Palouš", c'est encore moins une vedette, au point que je n'ai aucune référence le concernant. "Gustav Zoula", lui, est nettement plus connu. Il sculpta le buste de "Karolina Světlá" (de 1910) sur la place Charles ("Karlovo nám."). Il est également le co-auteur (avec "Čeněk Vosmík") de la statue de "Benedikt Roesl", le plus fanatique collectionneur d'orchidées du monde, toujours sur la place Charles ("Karlovo nám."), en face de la maison de Faust. Quand à l'ingénieurtournesol mondialement connu, "František Křižík", il implanta dans ces lampadaires ses fameuses lampes à arc régulé, que les ponts du monde entier lui enviaient.
Une fois construit et décoré, il ne restait plus qu'à nommer le pont. Et là, faut dire que nos ingénieurs furent pris de court. "Ah ouais dis-donc, et on va l'appeler comment ce pont?" se demandèrent-ils tous après 3 ans de travaux pendant lesquels l'idée d'un nom ne leur vint même pas de s'en gratter la tête. L'originalité ne leur vint d'ailleurs pas plus de s'en gratter la tête que l'idée d'auparavant, aussi afin de ne pas retarder la queue à l'office de l'état civil, le pont prit le patronyme de son ancêtre: François 1er. Ce n'est qu'après la naissance de la première République Tchécoslovaque, en 1918, que notre édifice fut rebaptisé "des Légions", en référence aux Légions non pas romaines, mais tchécoslovaques, qui prirent part à la première guerre mondiale aux côtés des alliés. Pendant la période du protectorat nazi (fumiers), le pont fut renommé en "Smetanův", mais reprit son nom "des Légions" dès 1945. En 1960, les camarades con-munistes (fumiers aussi) le baptisèrent "du 1er mai", en commémoration du changement de constitution et du nom du pays (de République Tchécoslovaque, le pays devint République socialiste Tchécoslovaque. Et n'rigolez pas, ça vous attend début mai 2012: République socialiste Française. Mort de rire). Pis en 1990, après la révolution de velours, le pont reprit le nom qu'il avait auparavant et qu'il conserve encore aujourd'hui, le pont des Légions.
Alors s'il est un truc que vous ne pouvez pas louper sur le pont, ce sont les 4 cahutes à péage de part et d'autre de chaque côté. Prague avait besoin d'un pont solide, carrossable, mais pas forcément gratuit, eh oui (enfin non). Bon, et donc elles furent construites comme le pont, de pierres à 3 couleurs différentes, ce qui, depuis la restauration, est bien visible. Y a juste que personnellement, j'ai du mal à y voir du rouge et du bleu. Du blanc plutôt beige oui, no souci, mais le rouge et le bleu, mon n'veu... Notez la splendide déco: coupoles en cuivre ornées de mascarons et de festons, fenêtres rehaussées des armoiries de la ville (enfin avant, aujourd'hui elles sont vides, les armoiries). Les portes sont également décorées d'allégories des arts du métier (mais je ne sais plus duquel), par "Gustav Zoula". Alors en Avril 2009, les cahutes furent recouvertes de filets anti-poussière magnifiquement décorés d'une publicité ostensiblement voyante, à la limite du vulgaire, vantant une compagnie française, leader mondial des services publics, en particulier de la distribution d'eau potable du robinet de chez soi. Ces filets (anti-poussière) devaient couvrir financièrement les travaux de rénovation des cahutes (certaines portaient encore les impacts des balles datant de l'insurrection praguoise lors de la seconde guerre mondiale), pour un montant de 370.000 € et une durée de 1 an 4 mois (jusqu'en juillet 2010). Les travaux durèrent en fait 2 ans et demi (soit le double de ce qui était prévu), et seules les 2 cahutes du Petit-Côté sont aujourd'hui offertes à la vue du public, les 2 autres (côté Vieille-Ville) arborant encore et toujours l'immonde publicité. Les raisons d'un tel retard? C'est simple, l'entreprise de services publics avait une publicité criante en plein centre ville, et n'avait donc aucun intérêt à retirer rapidement cette propagande (qu'elle aurait apparemment payée, mais personnellement j'ai un doute). La seconde raison est nettement plus triviale. En une nuit sombre et froide de février 2010, une brochette de fumiers éhontés déroba les cuivres des coupoles des 4 cahutes, ainsi que les gouttières, laissant fort heureusement en place les mascarons et les festons. Alors on peut légitimement se poser la question, du comment est-ce arrivé? Ben tiens, imaginez un peu. Il faut au moins plusieurs fumiers équipés d'ustensiles adéquats, et il faut sans doute aussi quelques autres fumiers de garde postés aux divers coins du pont. Ensuite il faut au moins un camion, et il faut sans doute même une grue pour décrocher et charger les toitures. Et je ne vous parle pas du bruit et de la discrétion d'un tel cirque sur une artère de la ville fréquentée à toute heure de la nuit et de l'année par les passants, les taxis, les forces de l'ordre... Sans dec, ça dépasse l'entendement (le mien en tout cas), qu'on ait pu voler ces cuivres. Quoi qu'il en soit, il fallut restaurer les toitures dans l'atelier des restaurateurs, ce qui retarda le projet de plus d'un an, au grand contentement de notre leader mondial de la distribution d'eau.
Pis une historiette pour terminer. Lors de l'inauguration de l'édifice en 1901, l'empereur Francois-Joseph 1er en personne fit le déplacement vers Prague (mais sans Sissi, parce que lors de la dernière inauguration, elle avait glissé sur un pan et s'était cassé la main sur le pont - double CTPT. Cette fois-ci, Francois-Joseph 1er était accompagné d'une clique de prélats, ce qui fit dire à certains que le pont était plein de curés - CTPT. Il était cependant interdit de quêter sur le pont - CTPT). Il fut pris en photo alors qu'il s'en trottinait gaillardement sur l'ouvrage d'art, et un journal de l'époque titra alors "Promenade sur le pont" ("Spaziergang auf der Brücke"). Depuis, le bon peuple de Bohême appelait son altesse mirobolante "le vieux Promenade", parce qu'en Tchèque, "promenade" se dit "procházka", et que c'est un nom propre aussi courant en pays nostre que Martin ou Dupont en vostre pays.
Alors cette histoire de promenade ne serait pas vraiment vraie. L'historien "Otto Urban" avance une autre théorie dans son ouvrage biographique sur le Kaiser. N'ayant trouvé aucun article avec un tel intitulé dans les journaux d'époque, et s'étant aperçu que ce sobriquet était nettement plus ancien que l'inauguration de notre pont, il découvrit que dans les années 70 du XIX ème siècle, officiait à Prague un employé municipal, veilleur de nuit et accessoirement aboyeur de cortège, répondant au nom de "Procházka" (promenade). Celui-ci, monté sur un vieux roussin, précédait l'escorte impériale de quelques minutes et aboyait au peuple dans les rues "il approche brave gens, oyez oyez, son époustouflance l'empereur Franzeppy est en approche". Ceux qui le connaissaient criaient: "ça y est, le vieux Procházka arrive". Ceux qui ne le connaissaient pas...
Et l'histoire fit le tour de Prague, de la Bohême, de l'empire entier jusqu'à arriver aux zimpériales zoreilles du concerné à Vienne, sous la forme "der alte Spaziergang". "Was ist das Procházka Himmel Hergott Sakrament?". Et 2 semaines seulement plus tard, l'agent de la police secrète "Hans-Dieter Helmut Bretschneider" parcourait les rues et les bistrots de Prague à la recherche de l'origine du diffamant sobriquet. Son sens aigu de l'analyse et son flair aiguisé de fin limier le conduisirent tout droit chez un regrattier "na Újezdě" du nom de "Havlasa", qui avait bêtement inscrit sur son ardoise "prodáváme hole na procházku". Bon, là ça devient carrément coton gratiné en terme de traduction. C'est du genre "vendons cannes pour la promenade" au sens littéral, mais également "vendons cannes pour bastonner Promenade [Franz-Joseph]" au figuré (et c'est pas cool d'attraper des coups sur le pont - CTPT). Le regrattier "Havlasa" fut condamné à perpétuité pour insulte et incitation à la violence sur personne dépositaire de l'autorité publique, mais fut libéré en 1918, à la naissance de l'Etat tchécoslovaque. Et pour l'anecdote, de 1914 à 1918 "Havlasa" partagea sa cellule avec un gargotier du nom de "Palivec" ("hostinský Palivec, z hostince U kalicha"), qui fut condamné à mort après l'attenta de Sarajevo pour haute trahison envers l'empereur suite à un coup monté connu sous l'appellation "die Fliegenscheisse affaire" et machiavellement manigancé par ce même "Bretschneider" (cf. le Brave Soldat Chvéïk).
Bref, peu importe l'origine du sobriquet, mais ce qui est sûr, c'est que Franzeppy en fut affublé, et encore aujourd'hui, lorsque vous demandez aux habitants du pays (un peu culturés quand même, le zabitant) qui se cache sous "le vieux Promenade", no souci afin d'obtenir la bonne réponse (du reste la photo de l'intéressé est toujours clouée au mur de mon caboulot préféré, 95 ans après sa mort. Souvenir, nostalgie, hommage?).
Bon, ben voilà tout ce que l'on peut dire sur le pont des Légions. Il est beau, il est costaud, et il est fonctionnel (d'ailleurs il servit même de modèle pour l'élevage des volailles, car les fermières étaient bien contentes d'avoir des nichoirs en forme de pont - CTPT). Et il se trouve là: 50.08131N, 14.41014E
Alors le pont des Légions, vous êtes pratiquement sûr de l'emprunter à pied, en voiture ou en tram si vous passez à Prague. Il relie la Vieille-Ville (à partir du Théâtre National) avec la circonscription de "Újezd" du Petit-Côté ("Malá Strana") en passant par l'île du champ de tir ("Střelecký ostrov") sur laquelle (île) reposent 3 piliers de notre pont. Parenthèse. L'île du champ de tir porte son nom depuis le XV ème siècle, lorsque les arquebusiers des villes de Prague vinrent s'entraîner céans pour des raisons de sécurité comme de pollution sonore. Parenthèse bis. Prague n'est une ville unique que depuis le 12 février 1784, et suite à une ordonnance de Joseph II. Auparavant, il existait 4 villes de Prague: la Vielle-Ville, la Nouvelle-Ville, le Petit-Côté ("Malá Strana") et le quartier du château ("Hradčany"). Fin des parenthèses. Selon mes sources, le pont des Légions est le 7 ème pont de Prague (dans le sens du courant), le 5 ème plus ancien, et le 1er à remplacer un pont existant. Et là, je me marre, parce que mes sources se mettent le coude dans l'oeil. Elles oublient bien évidemment (mais fort fâcheusement) le pont Judith, ancêtre du fameux pont Charles. Le pont Judith s'effondra en 1342 des suites d'inondations, et fut remplacé 15 ans plus tard par le fameux pont Charles. Du coup notre pont des Légions est le second, et non le premier, à remplacer un pont existant. Nan!
Auparavant, se trouvait au même emplacement le pont de chaînes appelé François 1er, curieusement semblable à celui de Budapest (cf. mes photos). Je vous ai trouvé une fantastique photo de 1866, prise depuis la colline de "Petřín", et sur laquelle on distingue parfaitement non seulement notre pont François 1er, mais également la porte de "Oujezd" ("Újezdská brána") comme la caserne du même nom ("Újezdská kasárna"), où naquit en 1834 "Jan Neruda" (et non pas aux 2 soleils ["U Dvou slunců"] comme le clame bêtement "Wikipédia". Jean vécut 19 ans aux 2 soleils, entre 1845 et 1859, mais il n'y naquit aucunement) et qui fut rasée en 1932.
Le pont de chaînes fut construit entre 1839 et 1841, bien que l'idée d'un autre pont en plus du pont Charles datait du tout début du XIX ème siècle (mais les coûts de la guerre contre Napoléon eurent alors raison de l'investissement jugé inopportun). Le nouveau pont eut un effet immédiat sur le développement du quartier de "Smíchov" (rive gauche, en amont du Petit-Côté ["Malá Strana"]), en particulier sur les usines "Ringhoffer" dont je vous avais fait un rappel historique dans une précédente publie à propos des 600 ans du pont Charles (je vous parlerai à nouveau des "Ringhoffer" dans le cadre de la brasserie "Velkopopovický Kozel" de "Velké Popovice"). Donc développement du quartier... Sauf que le pont fut construit pour les piétons, les carrioles qui grincent et les canassons qui puent, aussi lorsque les industries lourdes de l'usine susmentionnée ("Ringhoffer") firent traverser le fleuve à un de leurs chargements top-lourds (wagon, locomotive, pudding de Barry White à cheval sur Demis Roussos?), le pont fit gravement la gueule (ce pont méritaient le déclassement - CTPT). Non seulement qu'il courba l'échine, mais il se mit à tanguer si dangereusement, que les autorités interdirent aux camions de plus de 7,5t de rouler sur le pont, et détournèrent les poids lourds vers le pont Charles qui lui, dès la mi XIV ème siècle, avait été conçu pour les transports exceptionnels (pour vous dire que la baisse de la qualité en Europe ne date pas de la production asiatique d'il y a 20 ou 30 ans). Plus tard, l'industrie lourde des "Ringhoffer" transitait par chemin de fer, sur le pont ferroviaire de "Vyšehrad" construit entre 1871 et 1872.
Bon, mais entre-temps le pont François 1er ne faisait tellement pas l'affaire, que même les omnibus hippomobiles ne pouvaient pas l'emprunter (notez qu'il n'y a pas de rail sur les photos d'époque). Le souci ne venait plus cette fois-ci d'une surcharge, mais du fait que le tablier en planches de bois ne permettait pas d'y insérer les railles du tramàbourrins. Aussi la mairie de Prague prit le problème à gras le porc en 1898, et lança un appel d'offre pour un nouveau pont en dur, capable d'accueillir les omnibus comme de supporter les camions de 38t, pont qui allait devenir notre pont des Légions.
L'appel d'offre fut gagné par, et le projet fut confié aux, architectes "Antonín Balšánek" (1865-1921), "Jiří Soukup" (1855-1938), et "Josef Jan" qui mourût si vite, qu'il n'eut même pas le temps de laisser son nom dans l'histoire (du pont comme de l'architecture). "Jiří Soukup", un peu plus connu, était quant à lui, spécialiste des ponts (et chaussées, mais plus des ponts quand même). Il fut en charge du projet "Svatopluk Čech", de la remise sur pied du pont Charles après les inondations de 1890, et publia même un ouvrage ("Obrazy z pražských břehů a vod") qui traite de... de pont, eh non... enfin oui. Bon, et "Antonín Balšánek", ce n'est par contre clairement pas un inconnu (dans Prague tout du moins): on lui doit entres-autres la Maison Municipale, ou le musée de la ville de Prague. Alors pour l'anecdote, nos bougres prirent pour modèle le pont de l'Alma pour dessiner notre pont des Légions. Aujourd'hui vous ne verrez aucune ressemblance, parce que le pont parisien a été entièrement retrituré entre 1970 et 1974 (sans compter que la princesse de Galles est allée encore plus l'endommager en 1997 avec la voiture de Mr Paul), mais si vous voulez savoir à quoi ressemblait le pont de l'Alma avant son lifting, venez à Prague admirer le pont des Légions, et vous aurez une idée précise.
La construction fut assurée par la société hongroise "Georg Gregersen & Söhne", une des (sinon la) plus grosses sociétés hongroises de l'empire austro-hongrois, spécialisée dans la construction ferroviaire, gares, barrages, tunnels, boîtes (les fameuses boîtes de Hongrie - CTPT), et ponts bien évidemment (la société avait un bureau à Prague et prouva son efficacité lors de la reconstruction des 2 piliers du pont Charles effondrés lors des inondations de 1890). Tout d'abord les Hongrois construisirent un pont provisoire en bois, afin de palier au futur démontage du pont de chaînes. Mais attention, quand je dis provisoire, la qualité était telle, qu'une fois le pont des Légions construit, le pont en bois fut recyclé entre les quartiers de "Holešovice" et de "Libeň", et servit entre 1903 jusqu'en 1928, lorsque le pont définitif ("Libeňský most") fut enfin construit. En 1898, "Gregersen" et fils bousilla donc l'ancien pont de chaînes (le pont fut cassé - CTPT), et se mit à construire le nouveau. Et comme déjà en cette époque il n'y avait pas de petites économies, l'on utilisa les fondations du pont suspendu bousillé (François 1er) afin d'y poser dessus les piliers du pont (à piliers) en construction. Et c'est ce qui donne à l'édifice cette curieuse apparence de bancalasymétrique.
Le pont repose sur 10 piliers, dont 7 en eau et 3 en bas, sur l'île du champ de tir, formant 9 arcs. Les 2 arcs de l'île sont de forme circulaire de portée (écartement entre les piliers) égale: 27 m. Les 7 autres arcs sont de forme bizarroïdellipsoïdale de portées respectives (de la Vieille-Ville vers le Petit-Côté) 26, 34, 38, 42, 32, 28 et 25 m (je les ai mesurées la semaine dernière, lorsqu'il pleuvait pendant le week-end et que je n'avais rien, mais alors vraiment rien d'autre à faire). La longueur totale est de 343,5 m et la largeur de 16 m, dont 10,5 m pour la voie carrossable et 5,5 m pour les trottoirs de part et d'autre. Dès sa conception, transitaient sous les pavés des canalisations d'eau, de gaz, des câbles téléphoniques, électriques, jusqu'au pneumatique utilisé à Prague encore aujourd'hui. Parenthèse. Prague peut se vanter d'être (apparemment) la dernière ville au monde à utiliser un tel système de transport d'information. Et malgré que les inondations catastrophiques de 2002 mirent à (très) mal certains tronçons des quelques 55 km du réseau, le fait que la compagnie de téléphone qui en a la charge répara les dégâts, prouve qu'à l'heure du numérique, le pneumatique a encore de l'avenir. Et c'est beau moi j'dis.
Fort de l'expérience "poids-lourd Ringhoffer", les Hongrois décidèrent de faire costaud. Le matériau employé pour la construction fut le granit, et même mieux, le granit rustiqué de couleur variée (naturelle la couleur, pas du chimiqué en Inde). En fait, à l'instar du pont "Palackého", "Gregersen" utilisa des pierres rouges, blanches et bleues (naturelles), représentant les 3 couleurs nationales tchèques. Mort de rire, avant la naissance de la Tchécoslovaquie (1918), les couleurs nationales étaient le rouge et le blanc seulement, comme le drapeau de la PLogne. Ce n'est qu'en 1920, qu'on rajouta un triangle bleu afin de contenter les Slovaques qui faisaient quand même malgré tout partie du nouveau même pays, né du morcèlement de l'empire habsbourgeois, même s'ils ne voulaient pas, les Slovaques, en faire partie du pays au départ (genre les Brits et l'Union européenne, pareil). Bref... aujourd'hui, grâce à la pollution et merci la crise, le pont est tout noir-moche, et on ne voit plus bien les couleurs (par contre les ponts de Cologne sont magnifiques - CTPT).
Bon, mais par contre ce que l'on voit bien (si l'on se donne la peine de regarder) c'est la déco (ce pont ne manque pas de classe - CTPT). C'est marrant, parce qu'en dehors du pont Charles, parler de la déco d'un pont, c'est comme parler de la beauté d'une autoroute, ou du sex-appeal d'un tracteur. Genre ce n'est pas l'élément ostentatoire qui va vous péter aux mirettes d'entrée de jeu, et pourtant... Tout d'abord notez les 18 lampadaires art-nouveau qui allient les sthétismes et les ficacités. Le mat principal haut de 10 m et terminé par l'emblème du pays (et surtout de la Bohême), le lion à 2 queues, supporte la branche-lampe à icelui (mat) fixée par de multiples volutes. Ces splendides lampadaires furent conçus par "Vilém Amort", réalisés par "Josef Palouš", électrifiés par "František Křižík" et décorés de reliefs représentant les métiers de la navigation fluviale par "Gustav Zoula". "Vilém Amort" n'est pas spécialement connu, on lui doit les statues d'un "vodnik" et d'une "rusalka" (de 1899) dans le parc de "Petřín", mais aux dernières nouvelles icelles statues furent volées. "Josef Palouš", c'est encore moins une vedette, au point que je n'ai aucune référence le concernant. "Gustav Zoula", lui, est nettement plus connu. Il sculpta le buste de "Karolina Světlá" (de 1910) sur la place Charles ("Karlovo nám."). Il est également le co-auteur (avec "Čeněk Vosmík") de la statue de "Benedikt Roesl", le plus fanatique collectionneur d'orchidées du monde, toujours sur la place Charles ("Karlovo nám."), en face de la maison de Faust. Quand à l'ingénieurtournesol mondialement connu, "František Křižík", il implanta dans ces lampadaires ses fameuses lampes à arc régulé, que les ponts du monde entier lui enviaient.
Une fois construit et décoré, il ne restait plus qu'à nommer le pont. Et là, faut dire que nos ingénieurs furent pris de court. "Ah ouais dis-donc, et on va l'appeler comment ce pont?" se demandèrent-ils tous après 3 ans de travaux pendant lesquels l'idée d'un nom ne leur vint même pas de s'en gratter la tête. L'originalité ne leur vint d'ailleurs pas plus de s'en gratter la tête que l'idée d'auparavant, aussi afin de ne pas retarder la queue à l'office de l'état civil, le pont prit le patronyme de son ancêtre: François 1er. Ce n'est qu'après la naissance de la première République Tchécoslovaque, en 1918, que notre édifice fut rebaptisé "des Légions", en référence aux Légions non pas romaines, mais tchécoslovaques, qui prirent part à la première guerre mondiale aux côtés des alliés. Pendant la période du protectorat nazi (fumiers), le pont fut renommé en "Smetanův", mais reprit son nom "des Légions" dès 1945. En 1960, les camarades con-munistes (fumiers aussi) le baptisèrent "du 1er mai", en commémoration du changement de constitution et du nom du pays (de République Tchécoslovaque, le pays devint République socialiste Tchécoslovaque. Et n'rigolez pas, ça vous attend début mai 2012: République socialiste Française. Mort de rire). Pis en 1990, après la révolution de velours, le pont reprit le nom qu'il avait auparavant et qu'il conserve encore aujourd'hui, le pont des Légions.
Alors s'il est un truc que vous ne pouvez pas louper sur le pont, ce sont les 4 cahutes à péage de part et d'autre de chaque côté. Prague avait besoin d'un pont solide, carrossable, mais pas forcément gratuit, eh oui (enfin non). Bon, et donc elles furent construites comme le pont, de pierres à 3 couleurs différentes, ce qui, depuis la restauration, est bien visible. Y a juste que personnellement, j'ai du mal à y voir du rouge et du bleu. Du blanc plutôt beige oui, no souci, mais le rouge et le bleu, mon n'veu... Notez la splendide déco: coupoles en cuivre ornées de mascarons et de festons, fenêtres rehaussées des armoiries de la ville (enfin avant, aujourd'hui elles sont vides, les armoiries). Les portes sont également décorées d'allégories des arts du métier (mais je ne sais plus duquel), par "Gustav Zoula". Alors en Avril 2009, les cahutes furent recouvertes de filets anti-poussière magnifiquement décorés d'une publicité ostensiblement voyante, à la limite du vulgaire, vantant une compagnie française, leader mondial des services publics, en particulier de la distribution d'eau potable du robinet de chez soi. Ces filets (anti-poussière) devaient couvrir financièrement les travaux de rénovation des cahutes (certaines portaient encore les impacts des balles datant de l'insurrection praguoise lors de la seconde guerre mondiale), pour un montant de 370.000 € et une durée de 1 an 4 mois (jusqu'en juillet 2010). Les travaux durèrent en fait 2 ans et demi (soit le double de ce qui était prévu), et seules les 2 cahutes du Petit-Côté sont aujourd'hui offertes à la vue du public, les 2 autres (côté Vieille-Ville) arborant encore et toujours l'immonde publicité. Les raisons d'un tel retard? C'est simple, l'entreprise de services publics avait une publicité criante en plein centre ville, et n'avait donc aucun intérêt à retirer rapidement cette propagande (qu'elle aurait apparemment payée, mais personnellement j'ai un doute). La seconde raison est nettement plus triviale. En une nuit sombre et froide de février 2010, une brochette de fumiers éhontés déroba les cuivres des coupoles des 4 cahutes, ainsi que les gouttières, laissant fort heureusement en place les mascarons et les festons. Alors on peut légitimement se poser la question, du comment est-ce arrivé? Ben tiens, imaginez un peu. Il faut au moins plusieurs fumiers équipés d'ustensiles adéquats, et il faut sans doute aussi quelques autres fumiers de garde postés aux divers coins du pont. Ensuite il faut au moins un camion, et il faut sans doute même une grue pour décrocher et charger les toitures. Et je ne vous parle pas du bruit et de la discrétion d'un tel cirque sur une artère de la ville fréquentée à toute heure de la nuit et de l'année par les passants, les taxis, les forces de l'ordre... Sans dec, ça dépasse l'entendement (le mien en tout cas), qu'on ait pu voler ces cuivres. Quoi qu'il en soit, il fallut restaurer les toitures dans l'atelier des restaurateurs, ce qui retarda le projet de plus d'un an, au grand contentement de notre leader mondial de la distribution d'eau.
Pis une historiette pour terminer. Lors de l'inauguration de l'édifice en 1901, l'empereur Francois-Joseph 1er en personne fit le déplacement vers Prague (mais sans Sissi, parce que lors de la dernière inauguration, elle avait glissé sur un pan et s'était cassé la main sur le pont - double CTPT. Cette fois-ci, Francois-Joseph 1er était accompagné d'une clique de prélats, ce qui fit dire à certains que le pont était plein de curés - CTPT. Il était cependant interdit de quêter sur le pont - CTPT). Il fut pris en photo alors qu'il s'en trottinait gaillardement sur l'ouvrage d'art, et un journal de l'époque titra alors "Promenade sur le pont" ("Spaziergang auf der Brücke"). Depuis, le bon peuple de Bohême appelait son altesse mirobolante "le vieux Promenade", parce qu'en Tchèque, "promenade" se dit "procházka", et que c'est un nom propre aussi courant en pays nostre que Martin ou Dupont en vostre pays.
Alors cette histoire de promenade ne serait pas vraiment vraie. L'historien "Otto Urban" avance une autre théorie dans son ouvrage biographique sur le Kaiser. N'ayant trouvé aucun article avec un tel intitulé dans les journaux d'époque, et s'étant aperçu que ce sobriquet était nettement plus ancien que l'inauguration de notre pont, il découvrit que dans les années 70 du XIX ème siècle, officiait à Prague un employé municipal, veilleur de nuit et accessoirement aboyeur de cortège, répondant au nom de "Procházka" (promenade). Celui-ci, monté sur un vieux roussin, précédait l'escorte impériale de quelques minutes et aboyait au peuple dans les rues "il approche brave gens, oyez oyez, son époustouflance l'empereur Franzeppy est en approche". Ceux qui le connaissaient criaient: "ça y est, le vieux Procházka arrive". Ceux qui ne le connaissaient pas...
Et l'histoire fit le tour de Prague, de la Bohême, de l'empire entier jusqu'à arriver aux zimpériales zoreilles du concerné à Vienne, sous la forme "der alte Spaziergang". "Was ist das Procházka Himmel Hergott Sakrament?". Et 2 semaines seulement plus tard, l'agent de la police secrète "Hans-Dieter Helmut Bretschneider" parcourait les rues et les bistrots de Prague à la recherche de l'origine du diffamant sobriquet. Son sens aigu de l'analyse et son flair aiguisé de fin limier le conduisirent tout droit chez un regrattier "na Újezdě" du nom de "Havlasa", qui avait bêtement inscrit sur son ardoise "prodáváme hole na procházku". Bon, là ça devient carrément coton gratiné en terme de traduction. C'est du genre "vendons cannes pour la promenade" au sens littéral, mais également "vendons cannes pour bastonner Promenade [Franz-Joseph]" au figuré (et c'est pas cool d'attraper des coups sur le pont - CTPT). Le regrattier "Havlasa" fut condamné à perpétuité pour insulte et incitation à la violence sur personne dépositaire de l'autorité publique, mais fut libéré en 1918, à la naissance de l'Etat tchécoslovaque. Et pour l'anecdote, de 1914 à 1918 "Havlasa" partagea sa cellule avec un gargotier du nom de "Palivec" ("hostinský Palivec, z hostince U kalicha"), qui fut condamné à mort après l'attenta de Sarajevo pour haute trahison envers l'empereur suite à un coup monté connu sous l'appellation "die Fliegenscheisse affaire" et machiavellement manigancé par ce même "Bretschneider" (cf. le Brave Soldat Chvéïk).
Bref, peu importe l'origine du sobriquet, mais ce qui est sûr, c'est que Franzeppy en fut affublé, et encore aujourd'hui, lorsque vous demandez aux habitants du pays (un peu culturés quand même, le zabitant) qui se cache sous "le vieux Promenade", no souci afin d'obtenir la bonne réponse (du reste la photo de l'intéressé est toujours clouée au mur de mon caboulot préféré, 95 ans après sa mort. Souvenir, nostalgie, hommage?).
Bon, ben voilà tout ce que l'on peut dire sur le pont des Légions. Il est beau, il est costaud, et il est fonctionnel (d'ailleurs il servit même de modèle pour l'élevage des volailles, car les fermières étaient bien contentes d'avoir des nichoirs en forme de pont - CTPT). Et il se trouve là: 50.08131N, 14.41014E
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