Festival: EHD 2006, Part 3
Bon, pis donc après le couvent, nous devions découvrir les bas-fonds de cette belle ville de Prague sous la chapelle Bethlehem, du moins c'était en partie ce qui était marqué, et ce que j'avais assurément (mal?) compris. C'est un truc que j'adore moi, les caves, les catacombes, les cryptes, enfin tous ces trucs qui recèlent du mystérieux et du légendaire historique. Je vous ai déjà parlé du sous-sol de l'ancienne mairie de Prague, des caves de la brasserie "Prazdroj" à "Plzeň", de l'ancienne usine de retraitement des eaux usées... Ok, le sous-sol de Prague n'est pas aussi relié entre les diverses galeries que celui de Paris, mais de ci et de là, vous trouvez des tas de bazars intéressants (mais pas forcément accessibles) dont les utilisations furent diverses. Certains de ces "trous" sont historiques, ont réellement existés (ou existent toujours), d'autres sont légendaires, mais tellement ancrés dans l'histoire de Prague que l'on ne peut pas les ignorer.
Tiens, par exemple dans la série du concret mais pas visitable, lors de la seconde guerre mondiale, l'on planqua les joyaux de la couronne de Bohême dans une cache secrète sous la chapelle de tous les saints ("Kaple Všech svatých") au château de Prague. Les nazis ne les trouvèrent jamais, et la cache existe toujours, et ce depuis des centaines d'années. Dans la série historique avéré (l'évènement), la galerie de l'empereur Rudolf (II), creusée entre 1583 et 1593 qui passe sous la colline de "Letná" servait à alimenter en eau (du fleuve "Vltava") l'étang de chasse et les jets d'eau de l'actuel parc de "Stromovka". Elle est longue 1100m, large de 1,2 à 2,5m et haute de 2 à 4m, et peut apparemment se visiter (par endroit). Ou encore la fameuse crypte du couvent de "Břevnov" dont je vous ai déjà parlé et qui remonte vers la fin du X ème siècle et découverte seulement au XX ème. Dans la série historique légendaire, l'on raconte que quelque part, sous le sous sol de la vieille ville se trouvent les têtes des "popravených českých pánů" (les 27 Sieurs exécutés le 21 juin 1621 par cette ignoble gouape de Ferdinand II suite à la défenestration de Prague, et dont les têtes -pour les décapités- agrémentaient pendant une dizaine d'années la tour du pont Charles côté vieille ville). Dans la série légende pure, l'on prétend que sous la maison de Faust (le vrai, celui qui a vendu son âme au diable), des sorcières se livraient régulièrement à des orgies sataniques comme charnelles avec les suppôts de Satan sous la conduite de Méphisto en personne. Ou encore le fameux trésor de la princesse "Libuše" soigneusement planqué dans le sous-sol du château de "Vyšehrad", et d'où chaque vendredi saint (avant le dimanche de pâques, donc une fois par an) l'honnête homme peut emporter sa part à la condition d'abord de trouver l'entrée de la planque, et ensuite de ne jamais se retourner dans le dédale.
Podzemí Betlémské kaple, Betlémské nám. 4/255 (le sous-sol de la chapelle Bethlehem)
Donc forcément, quand on a lu qu'on pouvait visiter le sous-sol d'en dessous de la chapelle Bethlehem, l'on fit youpi youpi, et mîmes le site sur nos favoris à voir absolument. Sortis du couvent de Ste Agnès, nous filâmes vers la place Bethlehem à la vitesse d'un pet gras sur une toile cirée car il se faisait tard, mais arrivâmes tout de même à temps. C'est devant l'entrée que les dames de l'accueil nous informèrent que non, qu'en fait il y avait bien une exposition dans le sous-sol, mais qu'on ne visitait pas tout. Ah? Bon, ben tant pis, alors OK pour l'exposition. Et c'est de quoi que ça parle? "L'architecture moderne des églises contemporaines en Scandinavie". Vouis! Ben ça ne s'invente pas non plus ça. Du coup je vous ai pris quelques photos de la galerie, qui recèle tout de même quelques articles intéressants, puis j'ai fait quelques recherches dans les documents que j'ai à ma disposition afin de vous en dire un bout sur le sous-sol tout de même.
En fait, lors de la reconstruction de la chapelle (dans les années 1950), la cave a été agrandie sur la totalité de la surface du bâtiment tout en conservant les découvertes du sous-sol datant du XIII ème siècle (pour les plus anciennes). Une partie de cet emplacement (sous-sol) servait de cimetière, et l'on y enterrait jusque dans les années 1770. Ainsi lors de la reconstruction de la chapelle, et donc de l'agrandissement de la cave, l'on découvrît de nombreuses tombes en dessous de ce qui était la chaire de prêche du maître "Jan Hus" (c.f. ma publie). Ceci laisse supposer qu'il s'agirait des dépouilles de personnages importants, mais aujourd'hui on ignore tout de leur identité. D'ailleurs on a tout déplacé dans une fosse commune pour faire propre, sauf une tombe qui a été laissée en l'état telle quelle pour être admirée par les visiteurs (c.f. mes photos). Elle date de l'époque des guerres hussites (début du XV ème siècle), mais selon le conservateur, la mâchoire ne serait pas d'origine (les dents ne correspondent pas aux trous des orbites oculaires). Derrière la tombe se trouvent les fondations de 2 piliers de soutien datant du XIV ème siècle. Entre ces piliers, se trouvent 3 trous (protégés par une vitre). En fait ce sont des restes de fours de fonderie datant du XI ème siècle. Qu'est-ce que ça fiche là, si profond, me demanderez-vous? Ben n'oubliez pas qu'en cette époque, le niveau des rues se trouvait 3m en dessous du niveau actuel (rehaussement de Prague par Charles IV pour parer aux crues du fleuve " Vltava"). De cette large pièce qui rappelle un bunker de la ligne Maginot, l'on accède dans une cave plus petite à voûte en berceau, puis une autre encore plus petite, juste avant d'accéder aux escaliers en colimaçon qui vous mènent vers l'extérieur (ou l'intérieur si vous les prenez dans l'autre sens). Selon les archives, il s'agirait d'une ancienne malterie qui serait encore plus ancienne que la chapelle Bethlehem elle-même, sans doute du tout début du XIV ème siècle, et selon le conservateur, en dehors de quelques très légers aménagements des entrées, ces caves seraient entièrement d'origine. Aujourd'hui donc la grande sale-bunker sert d'espace pour expositions diverses, sale de concert (jusqu'à 3000 auditeurs), et serait même visitée par des ombres étranges entraperçues par les gardiens lorsqu'il n'y a aucun visiteur dans la pièce.
Bon, ben voilà, donc nous ressortîmes, et allâmes nous jeter quelques mousses dans un troquet plaisant non loin de là. En fait le lendemain nous attendait une autre journée pleine de culture et de découverte.
Jubilejní synagoga, Jeruzalémská 7, čp. 1310/II (la synagogue jubilaire)
Le lendemain on attaqua directement par la splendide synagogue jubilaire, appelée également de Jérusalem puisqu'elle se trouve dans la rue du même nom. Et pourquoi Jubilaire qu'elle s'appelle cette synagogue? Parce qu'elle fut construite dans le cadre du 50 ème anniversaire du règne de l'empereur François-Joseph 1er, mais comme personne ne s'en rappelle, les praguois ont plutôt tendance à la designer par "synagogue de Jérusalem". Bon, je ne vais pas vous en dire grand chose, parce qu'elle est toute récente, enfin par rapport aux autres édifices praguois, et donc en terme historique on ne peut guère remonter au-delà de 100 ans. Cette construction pseudo-mauresque (de type ornementaliste art-nouveau) est à la fois la plus grande et la plus récente des synagogues de Prague. Construite entre juin 1905 et septembre 1906, son architecture est une pure viennoiserie de l'architecte autrichien "Wilhelm Stiassny" tandis que la décoration revient à "František Fröhlich" (à ne pas confondre avec son homonyme qui est traducteur). Cette synagogue fut construite en remplacement de 3 autres ("Cikánova, ulice Bílkova", "Velkodvorská, ulice Pařížská", "Nová, ulice Široká"), détruites dans le cadre de l'assainissement du quartier de "Josefov" (fin du XIX ème et début du XX ème siècle). Elle comporte 850 places assises (et 500 debout, avec poignées et mains courantes). Elle dispose de 2 balcons de chaque côté de la nef pour la gente féminine, avec entrée indépendante de la principale (ah? Et pourquoi?). L'édifice fut restauré dans les années 90 du siècle dernier, et rouvert en 1996. Pis voilà, on ne peut pas dire grand chose de plus sur cette synagogue sinon qu'en dehors des offices, l'édifice accueille également des expositions. Et c'est justement l'une d'entres-elles que nous eûmes le plaisir d'inviter lors de notre visite, une exposition de photos intitulée "Židovské město pražské 1870-1914" (La ville juive de Prague 1870-1914). Je vous ai d'ailleurs pris quelques photos pour vous montrer.
Si, encore un truc, lorsque nous arrivâmes dans la synagogue, leconcierge... huissier... portier... conservateur... ah puis flûte, le monsieur devant l'entrée (c'était pas un rabbin, ça j'en suis sûr) me demanda de mettre une kipa jetable (véridique) sur la tête ou de garder mon habituel bob, alors que je me suis jusqu'à présent toujours fait avoiner par le curé lorsque je le (mon bob) conservais dans une église. Décidément, les diverses religions pourraient se mettre d'accord sur les moeurs, us et coutumes afin de simplifier la vie des athées (et fier de l'être, en ce qui me concerne). C'est vrai quoi, non seulement on se fout de la symbolique du chapeau par rapport au respect envers dieu vu qu'on n'y croit pas (en dieu, en chapeau si), mais en plus si on est athée, ce n'est tout de même pas pour apprendre la liste des protocoles des diverses religions pour le peu de fois qu'on se rend dans une église, synagogue, mosquée... Puis tiens, comment il fait le gars qui a plusieurs nationalités... religions, hein? Tiens, comment qu'il fait par exemple le petit polonais juif dont le papa serbe orthodoxe a épousé une maman albanaise musulmane lorsqu'il (le petite polonais) veut se marier avec une allemande néo évangéliste dans un sanctuaire bouddhiste en Croatie? Bon, allez, on s'en fout, parce qu'on n'est pas prêt non plus de résoudre ce souci-là.
Hlahol, Masarykovo nábřeží, č.p. 248
Puis ma chérie voulait voir le "Hlahol". Moi je n'en avais jamais entendu parler parce que c'est un peu en désuétude aujourd'hui, mais comme il s'agit d'un édifice art-nouveau, je ne pus évidemment pas résister, pas plus d'ailleurs qu'à ses souhaits (à ma chérie). Bon, pis tant qu'on y est, je vais vous dire quelques mots sur le "Hlahol", puisque déjà on en parle, parce qu'avant d'être un bâtiment c'est... C'est donc un ensemble vocal (coeur) masculin qui est né en 1861 (la version féminine naîtra en 1879) lors de la grande prise de conscience nationale (langue, culture, arts tchèques et non austro-hongrois) sous l'impulsion de "Jan Ludevít Lukes". La première représentation eut lieu en Janvier de cette même année (1861) à l'occasion de l'enterrement de l'écrivain-poète-réformateur-linguiste "Václav Hanka" au château de "Vyšehrad". Dès 1862, le célèbre peintre romantique "Josef Mánes" va leur (aux membres) dessiner un drapeau avec lequel ils paraderont à chacune de leur représentation. Leur devise: "Zpěvem k srdci, srdcem k vlasti", en gros, avec le chant vers le coeur, avec le coeur vers la patrie. Mais c'est beaucoup plus profond en Tchèque, vous ne pouvez pas aussi bien sentir l'élan patriotique, l'engouement national, le séparatisme anti-impérial. Puis en 1863, l'un des chefs de coeur (conducteur) devint le fantastique compositeur "Bedřich Smetana". Alors attention, il ne s'agissait pas d'une chorale zizi panpan à la "les p'tits chanteurs d'à la croix d'bois", non, c'était réellement un ensemble vocal d'envergure, qui interprétait des oeuvres nationales (ex: le Stabat mater Op. 58 d'Antonín Dvořák) comme étrangères (ex: le Requiem Op. 5 d'Hector Berlioz). La renommée du "Hlahol" était énorme fin XIX ème siècle. Il participait aux inaugurations, aux poses des premières pierres, aux enterrements, aux fêtes à Neuneu à la praguoise. Pis des succursales commencèrent à se créer dans les grandes villes du pays. Pis il y eut les guerres, les con-munistes, la révolution, et aujourd'hui l'organisation compte moins de 100 membres, alors qu'elle en comptait plus de 1000 en 1925. Bon, mais il reste encore l'édifice.
La maison du "Hlahol" n'attire pas l'attention de l'oeil comme la maison municipale par exemple. Peu de gens d'ailleurs la remarquent sur cette route fréquentée le long de la "Vltava" à quelques 150m seulement de la maison dansante (Ginger and Fred). Mais la maison du "Hlahol" n'en reste pas moins un pur chef-d'oeuvre art-nouveau, et pour cause: elle fut décorée à partir de 1903 par un exceptionnel architecte (et membre du coeur) dont je vous ai déjà parlé dans l'EHD part 2, "Josef Fanta". Ce génie est le concepteur-réalisateur de la plupart des décorations, en dehors des splendides stucatures extérieures qui sont de "Josef Pekárek" (le médaillon du président Wilson à la gare centrale) et des mosaïques qui sont de "Karel Ladislav Klusáček". Bon, mais n'oublions pas non plus l'architecte "František Schlaffer" qui se partagea le boulot avec le Joseph (plus particulièrement le gros-oeuvre), et chose des plus remarquables, gratuitement. A l'intérieur de l'édifice, dans la salle principale se trouve une peinture en demi-cercle intitulée la chanson tchèque. C'est un original Alfons Mucha (je ne vous le présente pas?) de 1921 (installé en 1934), et semblerait-il, sa dernière oeuvre d'envergure. Signalons que la totalité des luminaires, des portes, des encadrements, et des ferronneries sont d'origine. La première répétition du "Hlahol" dans ce nouvel édifice eut lieu le 18 septembre 1905. Voilà, rien de plus.
Kostel sv. Vojtěcha, Vojtěšská (l'église de St Adalbert)
Bon, et comme on était à côté, je me suis dit que j'allais faire une photo ou deux de l'église de St Adalbert ("sv. Vojtěch") rue St Adalbert ("ulice Vojtěšská"). Ce n'est pas une église des plus courues, et elle n'a d'ailleurs même pas une importance significative ni pour la ville de Prague, ni pour ses habitants, mais bon, hein, c'est tout de même un édifice historique, et en ce sens il mérite au moins quelques lignes. Il s'agit d'un bâtiment asymétrique à 2 vaisseaux, déjà mentionné au début du XIV ème siècle. En cette époque il jouxtait un cimetière aujourd'hui disparu. La construction fut menée en plusieurs étapes, celle du début du XIV ème siècle, gothique, puis mise au goût du jour baroque entre 1690 et 1695, et encore en 1745. Elle sera à nouveau et en partie re-gothisée entre 1875 et 1877. Les vaisseaux supportent une voûte en croix, latéralement se trouvent des galléries baroques, et au nord repose la chapelle de la Ste Croix (1693) arrangée en 1740. La voûte de la nef principale est décorée de motifs gothiques tardifs, s'y trouve également une madone en bois fin XV ème siècle et un font baptismal de la même période. Pour l'anecdote, signalons que... Puis non, tiens parenthèse.
L'Académie reprouve l'emploi du singulier pour "font" (Ac. 1694-1932. Dupré 1972) et seule la version plurielle serait correcte ("Déruchette n'était pas seulement sa nièce. Elle était sa filleule. C'était lui qui l'avait tenue sur les fonts de baptême." Victor Hugo, Les travailleurs de la mer). Bon, mais Gustave Flaubert utilisa à 2 reprises la version au singulier dans Bouvard et Pécuchet ("Ils arrachèrent quelques orties, et découvrirent une cuvette en grès, un font baptismal où des plantes poussaient." Puis plus loin "L’ecclésiastique les arrêta, jugeant l’exhibition indécente. Il venait réclamer son font baptismal.") Alors si Gustave il peut, moi aussi non? D'autant plus qu'il n'y en a qu'un dans notre église, de font, ou une, parce que tiens, poussons le bouchon dans les orties. Dans l'ancienne langue, en vieux François, "font" est souvent employé pour "fontaine", de fait il est d'ordinaire féminin et c'est pour cela qu'on trouve en noms de lieux, Bellefont (parfois Bellefond), Froidefont, Fontfrède, etc... et dans "fonts baptismaux", il pourrait, d'après la règle de l'ancienne grammaire, être féminin, comme "lettres" l'est dans "lettres royaux" (Lettres royaux pour compeller le diocésain à bailler collation, ou lettres royaux ne peuvent être batues de surreption obreption & incivilité).
Encore mieux, prenez le fantastique "Thresor de la langue françoyse" (1606) de Jean Villemain, seigneur de Nicot, introducteur du tabac à la cour du roi de France afin de soigner les migraines de la Catherine (de mes 10 six), et qui donna son nom au plant de tabac (Nicotiana tabacum) ainsi qu'à la nicotine... Donc prenez son remarquable ouvrage à la page 133, et regardez la définition de "committimus". "Ce mot est pur Latin, dont neantmoins le François use par corruption d'accent: Car il fait le mot aigu. Selon ce il dit, Un Committimus, où (et plus proprement) unes lettres royaux de Committimus, qui sont une espece de lettres royaux de bien-fait gracieux, octroy, et dispense du Prince, commettant par ses lettres patentes seellées à simple queuë de cire jaune, et signées de l'un de ses secretaires, les causes d'aucun, soit en demandant ou defendant à un juge extraordinaire, et sont lesdites lettres appelées Committimus, de ce mot Latin, Committimus, dont les Rois usoient lors que les despeches des chancelleries estoient mises en Latin. Telles lettres en France sont octroyées aux officiers ordinaires et domestiques du Roy, de la Roine, des enfans de France couchez en l'estat d'iceux, et à certains privilegiez, et sont addressans aux requestes, et ne sont generales pour toutes causes, Ius fori eximium, extranei fori concessio." Je vous ai laissé volontairement la (longue) fin du texte pour la splendide beauté de la langue (Françoise), mais mon objectif était de vous mettre le doigt sur l'emploi surprenant de "unes lettres royaux". Dans ce stupéfiant exemple, l'article indéfini (un) prend la marque en genre (une) et en nombre (unes) alors qu'en Français moderne il n'a plus de pluriel morphologique (s) remplacé par une contraction sémiologique et épicène de la préposition "de" (des). Donc si l'on en revient à notre bassin dans lequel se trouve l'eau bénite dont on se sert pour baptiser, l'on pourrait dans l'absolu utiliser "un font", comme "une font", mais également "unes fonts baptismales" comme "uns fonts baptismaux", et même "unes fonts baptismaux" (selon "les lettres royaux"). Chuis scié. Fin de parenthèse.
C'est ainsi que je referme donc mes publies sur les journées du patrimoine européen 2006. Ce fut un cru... enfin pas mauvais, mais je m'attendais à mieux, chais pas vraiment à quoi, mais à mieux. Bon, ben on verra l'année prochaine.
Tiens, par exemple dans la série du concret mais pas visitable, lors de la seconde guerre mondiale, l'on planqua les joyaux de la couronne de Bohême dans une cache secrète sous la chapelle de tous les saints ("Kaple Všech svatých") au château de Prague. Les nazis ne les trouvèrent jamais, et la cache existe toujours, et ce depuis des centaines d'années. Dans la série historique avéré (l'évènement), la galerie de l'empereur Rudolf (II), creusée entre 1583 et 1593 qui passe sous la colline de "Letná" servait à alimenter en eau (du fleuve "Vltava") l'étang de chasse et les jets d'eau de l'actuel parc de "Stromovka". Elle est longue 1100m, large de 1,2 à 2,5m et haute de 2 à 4m, et peut apparemment se visiter (par endroit). Ou encore la fameuse crypte du couvent de "Břevnov" dont je vous ai déjà parlé et qui remonte vers la fin du X ème siècle et découverte seulement au XX ème. Dans la série historique légendaire, l'on raconte que quelque part, sous le sous sol de la vieille ville se trouvent les têtes des "popravených českých pánů" (les 27 Sieurs exécutés le 21 juin 1621 par cette ignoble gouape de Ferdinand II suite à la défenestration de Prague, et dont les têtes -pour les décapités- agrémentaient pendant une dizaine d'années la tour du pont Charles côté vieille ville). Dans la série légende pure, l'on prétend que sous la maison de Faust (le vrai, celui qui a vendu son âme au diable), des sorcières se livraient régulièrement à des orgies sataniques comme charnelles avec les suppôts de Satan sous la conduite de Méphisto en personne. Ou encore le fameux trésor de la princesse "Libuše" soigneusement planqué dans le sous-sol du château de "Vyšehrad", et d'où chaque vendredi saint (avant le dimanche de pâques, donc une fois par an) l'honnête homme peut emporter sa part à la condition d'abord de trouver l'entrée de la planque, et ensuite de ne jamais se retourner dans le dédale.
Podzemí Betlémské kaple, Betlémské nám. 4/255 (le sous-sol de la chapelle Bethlehem)
Donc forcément, quand on a lu qu'on pouvait visiter le sous-sol d'en dessous de la chapelle Bethlehem, l'on fit youpi youpi, et mîmes le site sur nos favoris à voir absolument. Sortis du couvent de Ste Agnès, nous filâmes vers la place Bethlehem à la vitesse d'un pet gras sur une toile cirée car il se faisait tard, mais arrivâmes tout de même à temps. C'est devant l'entrée que les dames de l'accueil nous informèrent que non, qu'en fait il y avait bien une exposition dans le sous-sol, mais qu'on ne visitait pas tout. Ah? Bon, ben tant pis, alors OK pour l'exposition. Et c'est de quoi que ça parle? "L'architecture moderne des églises contemporaines en Scandinavie". Vouis! Ben ça ne s'invente pas non plus ça. Du coup je vous ai pris quelques photos de la galerie, qui recèle tout de même quelques articles intéressants, puis j'ai fait quelques recherches dans les documents que j'ai à ma disposition afin de vous en dire un bout sur le sous-sol tout de même.
En fait, lors de la reconstruction de la chapelle (dans les années 1950), la cave a été agrandie sur la totalité de la surface du bâtiment tout en conservant les découvertes du sous-sol datant du XIII ème siècle (pour les plus anciennes). Une partie de cet emplacement (sous-sol) servait de cimetière, et l'on y enterrait jusque dans les années 1770. Ainsi lors de la reconstruction de la chapelle, et donc de l'agrandissement de la cave, l'on découvrît de nombreuses tombes en dessous de ce qui était la chaire de prêche du maître "Jan Hus" (c.f. ma publie). Ceci laisse supposer qu'il s'agirait des dépouilles de personnages importants, mais aujourd'hui on ignore tout de leur identité. D'ailleurs on a tout déplacé dans une fosse commune pour faire propre, sauf une tombe qui a été laissée en l'état telle quelle pour être admirée par les visiteurs (c.f. mes photos). Elle date de l'époque des guerres hussites (début du XV ème siècle), mais selon le conservateur, la mâchoire ne serait pas d'origine (les dents ne correspondent pas aux trous des orbites oculaires). Derrière la tombe se trouvent les fondations de 2 piliers de soutien datant du XIV ème siècle. Entre ces piliers, se trouvent 3 trous (protégés par une vitre). En fait ce sont des restes de fours de fonderie datant du XI ème siècle. Qu'est-ce que ça fiche là, si profond, me demanderez-vous? Ben n'oubliez pas qu'en cette époque, le niveau des rues se trouvait 3m en dessous du niveau actuel (rehaussement de Prague par Charles IV pour parer aux crues du fleuve " Vltava"). De cette large pièce qui rappelle un bunker de la ligne Maginot, l'on accède dans une cave plus petite à voûte en berceau, puis une autre encore plus petite, juste avant d'accéder aux escaliers en colimaçon qui vous mènent vers l'extérieur (ou l'intérieur si vous les prenez dans l'autre sens). Selon les archives, il s'agirait d'une ancienne malterie qui serait encore plus ancienne que la chapelle Bethlehem elle-même, sans doute du tout début du XIV ème siècle, et selon le conservateur, en dehors de quelques très légers aménagements des entrées, ces caves seraient entièrement d'origine. Aujourd'hui donc la grande sale-bunker sert d'espace pour expositions diverses, sale de concert (jusqu'à 3000 auditeurs), et serait même visitée par des ombres étranges entraperçues par les gardiens lorsqu'il n'y a aucun visiteur dans la pièce.
Bon, ben voilà, donc nous ressortîmes, et allâmes nous jeter quelques mousses dans un troquet plaisant non loin de là. En fait le lendemain nous attendait une autre journée pleine de culture et de découverte.
Jubilejní synagoga, Jeruzalémská 7, čp. 1310/II (la synagogue jubilaire)
Le lendemain on attaqua directement par la splendide synagogue jubilaire, appelée également de Jérusalem puisqu'elle se trouve dans la rue du même nom. Et pourquoi Jubilaire qu'elle s'appelle cette synagogue? Parce qu'elle fut construite dans le cadre du 50 ème anniversaire du règne de l'empereur François-Joseph 1er, mais comme personne ne s'en rappelle, les praguois ont plutôt tendance à la designer par "synagogue de Jérusalem". Bon, je ne vais pas vous en dire grand chose, parce qu'elle est toute récente, enfin par rapport aux autres édifices praguois, et donc en terme historique on ne peut guère remonter au-delà de 100 ans. Cette construction pseudo-mauresque (de type ornementaliste art-nouveau) est à la fois la plus grande et la plus récente des synagogues de Prague. Construite entre juin 1905 et septembre 1906, son architecture est une pure viennoiserie de l'architecte autrichien "Wilhelm Stiassny" tandis que la décoration revient à "František Fröhlich" (à ne pas confondre avec son homonyme qui est traducteur). Cette synagogue fut construite en remplacement de 3 autres ("Cikánova, ulice Bílkova", "Velkodvorská, ulice Pařížská", "Nová, ulice Široká"), détruites dans le cadre de l'assainissement du quartier de "Josefov" (fin du XIX ème et début du XX ème siècle). Elle comporte 850 places assises (et 500 debout, avec poignées et mains courantes). Elle dispose de 2 balcons de chaque côté de la nef pour la gente féminine, avec entrée indépendante de la principale (ah? Et pourquoi?). L'édifice fut restauré dans les années 90 du siècle dernier, et rouvert en 1996. Pis voilà, on ne peut pas dire grand chose de plus sur cette synagogue sinon qu'en dehors des offices, l'édifice accueille également des expositions. Et c'est justement l'une d'entres-elles que nous eûmes le plaisir d'inviter lors de notre visite, une exposition de photos intitulée "Židovské město pražské 1870-1914" (La ville juive de Prague 1870-1914). Je vous ai d'ailleurs pris quelques photos pour vous montrer.
Si, encore un truc, lorsque nous arrivâmes dans la synagogue, le
Hlahol, Masarykovo nábřeží, č.p. 248
Puis ma chérie voulait voir le "Hlahol". Moi je n'en avais jamais entendu parler parce que c'est un peu en désuétude aujourd'hui, mais comme il s'agit d'un édifice art-nouveau, je ne pus évidemment pas résister, pas plus d'ailleurs qu'à ses souhaits (à ma chérie). Bon, pis tant qu'on y est, je vais vous dire quelques mots sur le "Hlahol", puisque déjà on en parle, parce qu'avant d'être un bâtiment c'est... C'est donc un ensemble vocal (coeur) masculin qui est né en 1861 (la version féminine naîtra en 1879) lors de la grande prise de conscience nationale (langue, culture, arts tchèques et non austro-hongrois) sous l'impulsion de "Jan Ludevít Lukes". La première représentation eut lieu en Janvier de cette même année (1861) à l'occasion de l'enterrement de l'écrivain-poète-réformateur-linguiste "Václav Hanka" au château de "Vyšehrad". Dès 1862, le célèbre peintre romantique "Josef Mánes" va leur (aux membres) dessiner un drapeau avec lequel ils paraderont à chacune de leur représentation. Leur devise: "Zpěvem k srdci, srdcem k vlasti", en gros, avec le chant vers le coeur, avec le coeur vers la patrie. Mais c'est beaucoup plus profond en Tchèque, vous ne pouvez pas aussi bien sentir l'élan patriotique, l'engouement national, le séparatisme anti-impérial. Puis en 1863, l'un des chefs de coeur (conducteur) devint le fantastique compositeur "Bedřich Smetana". Alors attention, il ne s'agissait pas d'une chorale zizi panpan à la "les p'tits chanteurs d'à la croix d'bois", non, c'était réellement un ensemble vocal d'envergure, qui interprétait des oeuvres nationales (ex: le Stabat mater Op. 58 d'Antonín Dvořák) comme étrangères (ex: le Requiem Op. 5 d'Hector Berlioz). La renommée du "Hlahol" était énorme fin XIX ème siècle. Il participait aux inaugurations, aux poses des premières pierres, aux enterrements, aux fêtes à Neuneu à la praguoise. Pis des succursales commencèrent à se créer dans les grandes villes du pays. Pis il y eut les guerres, les con-munistes, la révolution, et aujourd'hui l'organisation compte moins de 100 membres, alors qu'elle en comptait plus de 1000 en 1925. Bon, mais il reste encore l'édifice.
La maison du "Hlahol" n'attire pas l'attention de l'oeil comme la maison municipale par exemple. Peu de gens d'ailleurs la remarquent sur cette route fréquentée le long de la "Vltava" à quelques 150m seulement de la maison dansante (Ginger and Fred). Mais la maison du "Hlahol" n'en reste pas moins un pur chef-d'oeuvre art-nouveau, et pour cause: elle fut décorée à partir de 1903 par un exceptionnel architecte (et membre du coeur) dont je vous ai déjà parlé dans l'EHD part 2, "Josef Fanta". Ce génie est le concepteur-réalisateur de la plupart des décorations, en dehors des splendides stucatures extérieures qui sont de "Josef Pekárek" (le médaillon du président Wilson à la gare centrale) et des mosaïques qui sont de "Karel Ladislav Klusáček". Bon, mais n'oublions pas non plus l'architecte "František Schlaffer" qui se partagea le boulot avec le Joseph (plus particulièrement le gros-oeuvre), et chose des plus remarquables, gratuitement. A l'intérieur de l'édifice, dans la salle principale se trouve une peinture en demi-cercle intitulée la chanson tchèque. C'est un original Alfons Mucha (je ne vous le présente pas?) de 1921 (installé en 1934), et semblerait-il, sa dernière oeuvre d'envergure. Signalons que la totalité des luminaires, des portes, des encadrements, et des ferronneries sont d'origine. La première répétition du "Hlahol" dans ce nouvel édifice eut lieu le 18 septembre 1905. Voilà, rien de plus.
Kostel sv. Vojtěcha, Vojtěšská (l'église de St Adalbert)
Bon, et comme on était à côté, je me suis dit que j'allais faire une photo ou deux de l'église de St Adalbert ("sv. Vojtěch") rue St Adalbert ("ulice Vojtěšská"). Ce n'est pas une église des plus courues, et elle n'a d'ailleurs même pas une importance significative ni pour la ville de Prague, ni pour ses habitants, mais bon, hein, c'est tout de même un édifice historique, et en ce sens il mérite au moins quelques lignes. Il s'agit d'un bâtiment asymétrique à 2 vaisseaux, déjà mentionné au début du XIV ème siècle. En cette époque il jouxtait un cimetière aujourd'hui disparu. La construction fut menée en plusieurs étapes, celle du début du XIV ème siècle, gothique, puis mise au goût du jour baroque entre 1690 et 1695, et encore en 1745. Elle sera à nouveau et en partie re-gothisée entre 1875 et 1877. Les vaisseaux supportent une voûte en croix, latéralement se trouvent des galléries baroques, et au nord repose la chapelle de la Ste Croix (1693) arrangée en 1740. La voûte de la nef principale est décorée de motifs gothiques tardifs, s'y trouve également une madone en bois fin XV ème siècle et un font baptismal de la même période. Pour l'anecdote, signalons que... Puis non, tiens parenthèse.
L'Académie reprouve l'emploi du singulier pour "font" (Ac. 1694-1932. Dupré 1972) et seule la version plurielle serait correcte ("Déruchette n'était pas seulement sa nièce. Elle était sa filleule. C'était lui qui l'avait tenue sur les fonts de baptême." Victor Hugo, Les travailleurs de la mer). Bon, mais Gustave Flaubert utilisa à 2 reprises la version au singulier dans Bouvard et Pécuchet ("Ils arrachèrent quelques orties, et découvrirent une cuvette en grès, un font baptismal où des plantes poussaient." Puis plus loin "L’ecclésiastique les arrêta, jugeant l’exhibition indécente. Il venait réclamer son font baptismal.") Alors si Gustave il peut, moi aussi non? D'autant plus qu'il n'y en a qu'un dans notre église, de font, ou une, parce que tiens, poussons le bouchon dans les orties. Dans l'ancienne langue, en vieux François, "font" est souvent employé pour "fontaine", de fait il est d'ordinaire féminin et c'est pour cela qu'on trouve en noms de lieux, Bellefont (parfois Bellefond), Froidefont, Fontfrède, etc... et dans "fonts baptismaux", il pourrait, d'après la règle de l'ancienne grammaire, être féminin, comme "lettres" l'est dans "lettres royaux" (Lettres royaux pour compeller le diocésain à bailler collation, ou lettres royaux ne peuvent être batues de surreption obreption & incivilité).
Encore mieux, prenez le fantastique "Thresor de la langue françoyse" (1606) de Jean Villemain, seigneur de Nicot, introducteur du tabac à la cour du roi de France afin de soigner les migraines de la Catherine (de mes 10 six), et qui donna son nom au plant de tabac (Nicotiana tabacum) ainsi qu'à la nicotine... Donc prenez son remarquable ouvrage à la page 133, et regardez la définition de "committimus". "Ce mot est pur Latin, dont neantmoins le François use par corruption d'accent: Car il fait le mot aigu. Selon ce il dit, Un Committimus, où (et plus proprement) unes lettres royaux de Committimus, qui sont une espece de lettres royaux de bien-fait gracieux, octroy, et dispense du Prince, commettant par ses lettres patentes seellées à simple queuë de cire jaune, et signées de l'un de ses secretaires, les causes d'aucun, soit en demandant ou defendant à un juge extraordinaire, et sont lesdites lettres appelées Committimus, de ce mot Latin, Committimus, dont les Rois usoient lors que les despeches des chancelleries estoient mises en Latin. Telles lettres en France sont octroyées aux officiers ordinaires et domestiques du Roy, de la Roine, des enfans de France couchez en l'estat d'iceux, et à certains privilegiez, et sont addressans aux requestes, et ne sont generales pour toutes causes, Ius fori eximium, extranei fori concessio." Je vous ai laissé volontairement la (longue) fin du texte pour la splendide beauté de la langue (Françoise), mais mon objectif était de vous mettre le doigt sur l'emploi surprenant de "unes lettres royaux". Dans ce stupéfiant exemple, l'article indéfini (un) prend la marque en genre (une) et en nombre (unes) alors qu'en Français moderne il n'a plus de pluriel morphologique (s) remplacé par une contraction sémiologique et épicène de la préposition "de" (des). Donc si l'on en revient à notre bassin dans lequel se trouve l'eau bénite dont on se sert pour baptiser, l'on pourrait dans l'absolu utiliser "un font", comme "une font", mais également "unes fonts baptismales" comme "uns fonts baptismaux", et même "unes fonts baptismaux" (selon "les lettres royaux"). Chuis scié. Fin de parenthèse.
C'est ainsi que je referme donc mes publies sur les journées du patrimoine européen 2006. Ce fut un cru... enfin pas mauvais, mais je m'attendais à mieux, chais pas vraiment à quoi, mais à mieux. Bon, ben on verra l'année prochaine.
Commentaires