Visiter: L'église de St Jean-Baptiste sans tête
J'en avais entendu parler de, je l'avais sous le coude aussi depuis quelque temps, bien en dessous de tout le tas des "à visiter" que j'ai sous le coude (et croyez-moi qu'il pèse épais, le tas), alors lorsque "Lu" (Lucie) m'envoya un Email pour m'informer des portes ouvertes (plus animation) de mon sujet d'aujourd'hui, accompagné (l'Email) de la question "y vas-tu", je m'empressai de lui répondre affirmativassurément. Le sujet d'aujourd'hui s'inscrit dans la lignée des vachement vieux, du genre des "Budeč", "Roztoky" et des "Levý Hradec" dont il ne reste plus grand chose sinon de l'herbe sauvage (encore que), mais qui furent des centres de peuplement slave hyper importants, bien avant que Prague n'existe encore du tout. Donc aujourd'hui, le village de "Dolní Chabry", et surtout sa fameuse église de la décapitation de St Jean-Baptiste (à nouveau un intitulé religieux hyper positif, drôle et qui donne du goût à la vie). Alors si je devais écrire propre, je devrais parler de "la décollation de St Jean-Baptiste" (terminus technicus, décoller = trancher le cou), comme est nommée la fabuleuse toile du Caravage (la seule qu'il ait d'ailleurs signée). Sauf que "décoller", ça fait plutôt "vieille tapisserie" que "St Jean-Baptiste", donc j'utiliserai "décapitation (qui est par ailleurs synonyme de décollation) de St Jean-Baptiste" ("stětí sv. Jana Křtitele") pour plus de clarté, genre.
Alors au tout début de la bête humaine sur terre, les environs de notre patelin furent occupés par diverses civilisations. Celle de "Knovíz" (âge du bronze), de la Tène (âge du fer), par les Celtes (âge du biniou qui grince) et diverses autres cultures issues de la grande migration des peuples (de nombreuses fouilles archéologiques le prouvent). Mais la période qui nous intéresse, c'est celle des fortins (et toilettes) en bois, de vers le XI ème siècle, période d'installation durable des divers peuples en les divers territoires, et début de l'expansion du christianisme chez ces mêmes païens. La toute première mention de "Chabry" remonte à 1092, lorsque le duc de Bohême Conrad ("Konrád I. Brněnský", Conrad de "Brno", "Brünn" en Allemand et "Bruna" en Latin, il nous a fait 6 mois de règne, alors tu penses s'il est important) fait cadeau du patelin aux bénédictins du monastère de "Ostrov" (cf. "Codex diplomaticus et epistolaris Regni Bohemiae", L1, P104, "Conradus, dux Bohemiae, monasterio sancti Johannis Bapt. in Ostrov [...] et villam 'Chrabercych' in Bohemia donat."). Notez cependant la mention en bas de page, "haec villae ubi quaerendae sint, nescio", du coup il pourrait s'agir d'autre chose (mais non, c'est avant qu'on ne savait pas, maintenant on sait, il s'agit bien de notre patelin de "Chabry"). Sinon une autre source prétend que "Chabry" se dirait "Graber" en Latin, et il en serait fait mention dans une bulle papale de 1273 à propos de l'abbaye de "Strahov" ("Monasterium Strahoviense, ecclesia claustri montis Syon, quod et Strahow dicitur"). Alors gros doute, parce que "Graber" est en Allemand "Kravaře" (Latin "Cravaria"), que je n'ai pas trouvé de "Graber" en Latin dans mes sources (qui d'ailleurs se dirait plutôt "Graberium" ou "Graberis", voire même "Cravaria", pourquoi pas?), mais bon, ce n'est que mon avis (pis je n'ai pas retrouvé la bulle pontificale en question, pour confirmer ou infirmer mon opinion).
Sinon l'origine du nom de "Chabry" est incertaine même en Tchèque. Elle pourrait provenir du vieux slave "chrabr" (guerrier), "chrabrý" (aujourd'hui, vaillant, preux), comme le Polac "Bolesław I Chrobry", ou le moine "Chrabr - Naum" (alphabet glagolitique versus cyrillique, Ohrid, Macédoine... bref, une autre fois). Ce nom pourrait provenir d'un nom propre aujourd'hui disparu, dont l'origine serait identique au nom commun (brave, vaillant, preux...). Quoi qu'il en soit, la perte du premier "r" (de "chrabrý, Chrabercych" à "Chabry") serait intervenue vers le milieu du XV ème siècle. Puis "Chabry" pourrait encore provenir du mot "chabý" (bête, idiot) auquel on aurait rajouté un "r", mais curieusement cette possibilité (village de crétins) est nettement moins souvent mentionnée que la précédente (alors que dans les Alpes...). Ainsi l'origine du patelin comme de l'église est à rapprocher de ces peuplements de tribus slaves de vers le X ème siècle, à l'instar des susmentionnés "Budeč", "Roztoky", ou "Levý Hradec". D'aucuns mentionnent encore un potentiel rapprochement de "Hradiště Zámka", à seulement 3500 m au Sud-est de "Levý Hradec", mais rien de tangible n'a aujourd'hui été démontré. Maintenant passons aux églises, et je dis "aux", car ce que vous voyez aujourd'hui est l'aboutissement d'un cycle de constructions diverses des unes sur le dessus des autres.
Dans le courant du XI ème siècle, l'on construisit la première église sur l'emplacement de l'actuelle, et l'on commença à y enterrer les défunts tout autour (cf. plus loin). Ensuite, entre le XI - XII ème siècle, l'édifice fut remplacé par une rotonde sur laquelle je reviendrai en détail plus loin. Et enfin vers 1180, un troisième édifice de forme rectangulaire allongée terminé en hémicycle remplaça les 2 précédents, mais je reviendrai dessus également. Alors commençons avec la toute première église: tout d'abord 'tention quand on dit église... Ce qu'on a retrouvé lors des fouilles archéologiques de 1973-1974, ce sont des restes de murs en pierres plates (cf. mes photos) posées en épis de blé (technique dite "opus spicatum") ce qui a permis de dater le mur (et donc l'édifice). Mais il eut pu s'agir d'une mini-chaplette (et non d'une église complète) destinée au repos éternel d'un notable. Parce que justement, l'on a retrouvé une tombe en plein centre de l'édifice, dans laquelle se trouvait fort probablement donc un prince, duc, baron, dentiste... car en cette époque, "Chabry" se trouvait sur les terres des Prémyslides (cf. les précédents sites de peuplement) et sur la route du Nord qui plus est (vers "Mělník", "Nový Bor", "Bautzen"...). De plus l'emplacement du trou (tombe) à l'intérieur de l'édifice rappelle les fameuses tombes K1 et K2 au château de Prague (cf. le secret des tombes K1 et K2). L'on présume donc que l'enterré fut un VIP, mais l'on ignore son identité puisqu'en cette époque l'on n'enterrait pas avec le passeport biométrique (aujourd'hui d'ailleurs toujours non plus, et c'est bien dommage pour les archéologistes de plus tard). Pis c'est tout sur ce tout premier édifice dont on ignore tout de son existence comme de sa destruction. Ah si encore. Tout autour de la tombe principale, et donc autour de l'église actuelle (mais aussi sous), on a retrouvé une deux-centaine de tombes slaves richement fournies en macchabs noblement parés de tout ce qui se portait à l'époque. Mais y en pas un pour expliquer même vaguement qui aurait pu être le fameux gentillâtre noblaillon du trou central. Sinon autour de l'église, l'on enterra jusqu'en 1904, lorsque pour des raisons d'hygiène l'on se mit à enterrer plus loin afin d'urbaniser plus près. Ensuite donc l'édifice premier fut remplacé par une rotonde, et pas n'importe laquelle, z'allez voir. Le premier détail qui fait l'exceptionnalité de cet édifice est sa taille: 13 m de diamètre, à peine moins que feu la rotonde St Guy (cf. la cathédrale tri-saintale) aujourd'hui disparue, et le double de la rotonde de la Sainte Croix, la plus grande des 3 rotondes restantes à Prague. Le second détail qui fait l'exceptionnalité de cette rotonde est son carrelage: les fouilles précédemmentionnées mirent à jour plusieurs motifs de carrelages différents, lesquels furent uniquement découverts en des sites d'exception (cf. au château de "Vyšehrad", au monastère de "Sázava"). Pareil, on ignore tout de cet édifice dont les pierres furent utilisées pour la construction du troisième édifice (les archéologues ont cependant matérialisé au sol le pourtour de la rotonde, cf. mes photos). C'est particulièrement dément que la seconde plus grande rotonde du pays d'à l'époque ne soit mentionnée dans aucun journal, aucune chronique, dans rien d'écrit, à moins qu'il ne fut volé par les Suédois? Et c'est particulièrement dément aussi qu'avec des pierres à rotonde ronde, l'on ait pu construire une église en rectangle (ceci-dit chuis pas architecte). Quant au troisième édifice, l'église de vers 1180 dont l'existence écrite remonte à 1185 (mais le document fut découvert bien plus tard par hasard, cf. plus loin) et que vous pouvez toujours voir aujourd'hui (mais un peu d'allure modifiée quand même), ben je m'en vais vous en parler de suite. Juste avant cependant précisons encore que les archéologues parlent d'un possible 4 ème édifice sur la base de découvertes récentes (un capuchon à charnière en inox sur l'amortisseur du pommeau de douche), mais pour l'instant rien de spécialement tangible.
Notre 3 ème église donc ressemble à la 1 ère, genre rectangu l'air de 13 x 8 m, terminée par une abside hémicyclique (notez qu'icelle est couverte par un toit séparément du reste du bâtiment). En 1273, le patelin comme l'église seraient passés sous la possession du monastère de "Strahov" (cf. la fameuse bulle pontificale que je n'ai pas retrouvée "Anno Domini MCCLXXIII: papa Gregorius decimus, Episcopus Romanus, suis bullis gratiosis confirmavit et ratificavit..."). Ensuite pas grand chose, sinon qu'un document de 1352 (pas retrouvé) indique que l'église est pas roissiale. Du coup l'on présume que les moines de "Strahov" l'auraient louée pour se faire du pognon, parce qu'en 1397, un privilège (pas retrouvé non plus) de l'ivrogne "Václav IV" confirme la possession du patelin par le monastère. Bref, puis ça devient compliqué. En 1420, les Praguois (hussites) vandalisent et mettent à feu "Strahov", puis confisquent les biens du monastère (et pas que de celui-là) qu'ils vandalisent à souhait également. C'était pratique courante chez les hussites et les supporters de foot, le vandalisme, et malgré qu'on n'ait pas de preuve (forcément que je n'ai rien retrouvé), il est fort à parier que "Chabry" y passèrent aussi (au vandalisme). Ce qui est sûr par contre, c'est que pendant une certaine période d'environ pas longtemps, l'on communiait sous les 2 espèces (sub utraque) en l'église de la décapitation comme le prouvent les taches de pinard gras sur le tapis devant l'autel. Une fois les guerres hussites calmées (cf. la bataille près de "Lipany"), Zikmund qui avait investi pas mal de ses propres deniers dans la guerre afin de récupérer son trône (de Bohême), mit en gage le village de "Chabry" auprès de la Vieille Ville de Prague en 1436. Trois ans plus tard, l'église fut remise en état, légèrement augmentée d'un étage afin qu'en 1469, "Jiří z Poděbrad" refourgue une partie du village cette fois à la Nouvelle Ville de Prague. Evidemment, après les "évènements" hussites, les catholiques ne faisaient pas trop de vagues, aussi les moines de "Strahov" attendirent 1515 (Marignan-gnan) afin de rappeler aux autorités compétentes qu'avant, "à l'époque" comme on dit, "Chabry" étaient leur. Le roi Polac (forcément) W ("Vladislav II. Jagellonský") entendit leur requête et leur rendit le domaine qui fut rapidement loué à divers métayers. C'est en cette période sans doute qu'on construisit contre le mur Nord de l'église la sacristie de 5 x 5 m de style renaissance. Bon, sans grand intérêt, aussi passons directement à la défaite de la Montagne Blanche. Sans grand intérêt non plus, aussi passons directement après la défaite de la Montagne Blanche.
Comme déjà mentionné dans mes précédentes publies, la Bohême vaincue fut littéralement pillée jusqu'au dedans de l'os par les vainqueurs. Et parmi ceux-là (vainqueurs), ben y avait l'autre foutre de Wallenstein ("Albrecht Václav Eusebius z Valdštejna"). C'est lui qui récupéra "Chabry" en 1634. Ceci-dit, il ne dut pas en jouir longtemps puisqu'il décéda d'assassinat le 25 février de la même année. En 1639, ce sont les Suédois (fumiers) qui mirent le village à sac et l'église à feu, du coup la famille "Nostic" acquit le domaine (avec d'autres) pour pas cher en 1651. Ce qu'ils en firent, les "Nostic" du domaine, on ne sait pas dire, mais en 1662 ils décidèrent de s'en séparer au profit à nouveau de la Vieille Ville de Prague. Commencèrent alors des travaux conséquents qui prirent fin en 1667: l'on descendit la hauteur de plafond qui fut montée 200 ans plus tôt, l'on construisit une nouvelle tribune d'orgue dans laquelle l'on installa un nouvel instrument. Dans le mur Ouest l'on fit une nouvelle entrée et une nouvelle fenêtre au-dessus. Les fenêtres de l'abside et du mur Sud furent agrandies, tandis que les autres fenêtres romanes furent murées. On peinturlura également quelques autels en trompe l'oeil afin de donner un semblant d'espace à la petite église (il en reste un, cf. mes photos). Pis l'on mit les pouces derrières les bretelles, et l'on tira bien d'ssus croyant qu'on avait fait du bon boulot, cependant superficiel. Car ce n'est que plus tard que l'on se rendit compte que le nécessaire avait été oublié: "dis-donc Machin, et la grosse cloche-là, on te l'accroche où?" Aussi en 1695, l'on construisit à 10 m au sud de l'église une tour à cloche distincte (cf. mes photos), dans laquelle l'on hissa le bronze du saintier praguois "Antonín Schönfeld" (parce que vous remarquerez que notre édifice, genre son clocher rikiki, l'aurait jamais supporté une cloche de 200 Kg). En 1790, l'on remit un coup de peinture sur le vieux retable vermoulu dédié à la vierge Marie (de vers 1670), et lors de cette réfection, l'on découvrit dans le carburateur le fameux manuscrit de 1185 mentionnant l'existence de l'église de la décollation de St Jean-Baptiste. Puis plus rien de vraiment intéressant ensuite, jusqu'en 1905. En cette année, l'on se décida à retaper sérieusement l'édifice, et profiter des échafaudages pour farfouillarchéologiquer un brin. Ben c'est à ce moment que l'on mit à jour les fabuleuses fresques (cf. mes photos) dont je vous parlerai en détail plus loin. Le 1er Janvier 1968 "Chabry" furent rattachées à la ville de Prague (les "Dolní" et les "Horní" sous l'appellation unique "Dolní Chabry"), pis c'est tout pour la chronologie du bled et de son église, aussi passons aux détails.
Tout d'abord le fameux pied de colonne qui se trouve sous le faux plancher en bois de l'église, installé exprès afin que les curieux puissent l'admirer (le pied, cf. mes photos, et remarquez sur le coin droit, en bas, les "griffes"). Alors lorsque les archéologues exhumèrent l'objet, ils présupposèrent qu'il y avait là-dessus une colonne qui devait supporter une tribune en bois disposant d'une entrée distincte (tribune) pour les notables du domaine adjacent (sans doute) à l'église qui pouvaient être fortifiés (domaine + église) par une ceinture de remparts. Mais les fouilles archéologiques n'ont ni confirmé ni infirmé ces hypothèses, sur le domaine ni sur les remparts. Du coup c'est les boules de la honte, parce qu'on en sait autant après avoir creusé les trous qu'avant (tout ça pour ça). Concernant la colonne, je trouve ces conclusions balaises râblées, parce que déduire toutes ces possibilités à partir d'un pied de colonne, sans dec, c'est un vrai métier de scientifique, qu'archéologue. Et si la colonne supportait le toit de la rotonde? Et si la colonne supportait une statue de Jésus-Marie-Joseph? Et si la colonne avait été importée là d'un autre endroit pour couillonner les générations futures? Et si...
Ensuite les carrelages en céramique terràcôté. Comme dit, l'on en découvrit huit dans la rotonde disparue, en terre cuite (terracotta) les carrelages, que les moines apparemment fabriquaient eux-mêmes avant qu'ils ne découvrent que le brassage de la bière est nettement plus excitant et lucratif. Lors de la visite, l'on a pu admirer des copies, mais même rien qu'ça, on voyait bien les motifs rigolos: un sphinx (ou un griffon), un lion (ou un sphinx), un Néron (ou un Tatav Klaus), un Daniel dans la fosse aux lions, une bande dessinée avec des piafs (Shadocks?) dans des arcades et un arbre de vie (zarbi), un oiseau houlà-houlà, ou encore des motifs divers (cf. mes photos) comme sur le gros poêle en fonte de ma mémé paternelle d'à la campagne qu'elle avait quand j'étais petit. Y a juste que l'exposition était un peu confuse, car s'exposaient là des copies de "Vyšehrad", peut-être même d'ailleurs, et le seul carrelage que je puis affirmer qu'il provient de "Chabry" est le Daniel, la fosse et les lions (parce que c'est la délicieuse petite qui faisait faire la visite qui m'a dit que...) Sinon selon le catalogue salle-de-bain Villeroy & Bosch, ces carrelages-là remontent entre 1100 et 1150.
Pis y a les fresques. Alors attention, ce sont des oeuvres majeures en termes d'ancienneté et de conservation. Lorsqu'en 1905, l'on fit les travaux de restauration, l'on découvrit sous les fresques de la coupole absidiale le même motif que celui peint, mais moins beau, plus vieux genre. "Ouah eh, viens voir Machin, les gars ils ont repeint à neuf sur le vieux." Sauf que lorsque Machin mit un oeil sur le vieux, il se rendit compte du délire: les fresques d'origine remontaient à la première moitié du XIII ème siècle. Et c'est bien celles-là que vous pouvez encore voir aujourd'hui, eh oui: un Jésus pantocrator en mandorle (j'ai l'impression de parler Chinois, mais vous trouverez tous ces termes dans wiki). Dans sa main gauche, il tient sa biographie dédicacée (en vente dans toutes les bonnes librairies) portant mention "Ego sum primus et novissimus" (je suis le premier et le dernier...) dont il manque un bon bout (Apocalypse, ch.1), et que sorti du contexte, on pourrait le croire schizophrénique, le Jésus. Mais si l'on rajoute la suite: "et vivus et fui mortuus et ecce sum vivens in saecula saeculorum" (...et le vivant. J'étais mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles) on est de suite rassuré sur sa salubrité mentale. Notez que le texte est quasi illisible sur la fresque d'origine (XIII ème siècle) mais que cette mention se trouvait sur la fresque visible jusqu'en 1905. Et de sa main droite, le messie donne sa bénédiction des 2 doigts qui vont bien. La mandorle est tenue dans les cieux par 2 p'tits anges costauds comme des pieds de billard en noyer, et malgré l'ancienneté des peintures, on reconnaît à droite St Jean-Baptiste un cheeseburger dans la main, et à gauche la vierge Marie déguisée en rideau de douche. En dessous du beau tableau, enfin de la fresque, se trouvent des apôtres grandeur nature en train d'acheter des moufles au souk Mahaneh Yehuda de Jérusalem, mais ces peintures sont dans un état de conservation nettement moins conservé que les précédentes, au point qu'on se demande s'ils n'achètent pas de bretelles. Quant à la partie encore d'en-dessous, l'on peut y reconnaître des fragments de la vie de Marie, pour peu qu'on ait récemment vu le film. Ces fresques-là sont datées de la première moitié du XIV ème siècle. Et enfin, il reste un tout petit bout de fresque de la période renaissance: la tête de St Jean Baptiste avec du persil dans le groin servie sur un plateau d'argent à Salomé (tiens, ça me rappelle Judith avec la tête d'Holopherne. C'est dingue ce que les gonzesses pouvaient être vicieuses en ce temps?) Signalons encore que d'aucuns considèrent ce Christ en mandorle comme une des reliques capitales de la peinture romane en Bohême (z'ont certainement pas été en la rotonde Ste Catherine de "Znojmo" alors, parce que ça c'est fabuleux).
En conclusion, j'aimerais encore rajouter que cette église est malheureusement en piteux état par manque de finance, parce que forcément, en temps de crise (mais même sans, la crise), y a plus de pognon pour rien, sinon pour des conneries (cf. la visite du pape, les élections avortées...) ou de l'escroquerie d'ampleurs interstellaires (nos fumiers locaux ne font jamais rien à moitié, c'est une vraie carrière, l'investissement personnel de toute une vie). Alors un petit comité de bénévoles s'emploie à la maintenance, voire à la restauration (quand y a du pognon) de cette église (comme d'autres édifices du patrimoine local) dont l'importance semble aujourd'hui négligeable, mais qui, il y a quelques 800 à 1000 ans de cela, représentait fort certainement le pinacle de l'architecture et de l'art pictural d'alors. Malheureusement l'édifice n'est ouvert au public de façon permanente ni régulière, aussi vous devrez guetter le moment opportun si vous souhaitez vous offrir une visite. Et justement, icelle nous fut gratifiée ce printemps par une délicieuse guide, membre de l'association, et fort érudite en la matière historique (et de visage fabuleusement gracieux). Nous eûmes la chance d'entendre de sa bouche la plupart des éléments relatés ci-dessus, et "Lu" (Lucie) fut tellement enthousiasmée, qu'elle en organisa cet automne un concert de bienfaisance d'avec son groupe. C'est bien moi j'dis, d'ailleurs nous y étions ('vec ma tendresse d'amour). Quant à moi, j'ai promis de préparer gratuitement et vendre sur place pour la prochaine kermesse un clafouti aux cornichons confits, une crème fouettée à l'ail d'ours et moutarde d'échalote, des brochettes de baklavas au saindoux de phoque barbu, un börek farci aux mamelles de blaireau de Palawan, et d'autres recettes exotiques que j'ai glanées dans le monde lors de mes excitants voyages aux confins extrêmes de notre ronde planète (eh ouais Dano, ça change du foie-gras cru, mariné 2 jours dans le porto et le cognac, puis une heure au four à 100 degrés accompagné de marmelade de figues chaudes et de compote d'oignons rouges :-) La recette (financière) de cette vente permettra d'acheter le pot de colle cyanoacrylate pour les joins de fenêtre. C'est peu, certes, mais faut commencer humblement... L'église de la décollation de la tête à St Jean-Baptiste se trouve là: 50°8'57.39"N, 14°26'31.99"E
Alors au tout début de la bête humaine sur terre, les environs de notre patelin furent occupés par diverses civilisations. Celle de "Knovíz" (âge du bronze), de la Tène (âge du fer), par les Celtes (âge du biniou qui grince) et diverses autres cultures issues de la grande migration des peuples (de nombreuses fouilles archéologiques le prouvent). Mais la période qui nous intéresse, c'est celle des fortins (et toilettes) en bois, de vers le XI ème siècle, période d'installation durable des divers peuples en les divers territoires, et début de l'expansion du christianisme chez ces mêmes païens. La toute première mention de "Chabry" remonte à 1092, lorsque le duc de Bohême Conrad ("Konrád I. Brněnský", Conrad de "Brno", "Brünn" en Allemand et "Bruna" en Latin, il nous a fait 6 mois de règne, alors tu penses s'il est important) fait cadeau du patelin aux bénédictins du monastère de "Ostrov" (cf. "Codex diplomaticus et epistolaris Regni Bohemiae", L1, P104, "Conradus, dux Bohemiae, monasterio sancti Johannis Bapt. in Ostrov [...] et villam 'Chrabercych' in Bohemia donat."). Notez cependant la mention en bas de page, "haec villae ubi quaerendae sint, nescio", du coup il pourrait s'agir d'autre chose (mais non, c'est avant qu'on ne savait pas, maintenant on sait, il s'agit bien de notre patelin de "Chabry"). Sinon une autre source prétend que "Chabry" se dirait "Graber" en Latin, et il en serait fait mention dans une bulle papale de 1273 à propos de l'abbaye de "Strahov" ("Monasterium Strahoviense, ecclesia claustri montis Syon, quod et Strahow dicitur"). Alors gros doute, parce que "Graber" est en Allemand "Kravaře" (Latin "Cravaria"), que je n'ai pas trouvé de "Graber" en Latin dans mes sources (qui d'ailleurs se dirait plutôt "Graberium" ou "Graberis", voire même "Cravaria", pourquoi pas?), mais bon, ce n'est que mon avis (pis je n'ai pas retrouvé la bulle pontificale en question, pour confirmer ou infirmer mon opinion).
Sinon l'origine du nom de "Chabry" est incertaine même en Tchèque. Elle pourrait provenir du vieux slave "chrabr" (guerrier), "chrabrý" (aujourd'hui, vaillant, preux), comme le Polac "Bolesław I Chrobry", ou le moine "Chrabr - Naum" (alphabet glagolitique versus cyrillique, Ohrid, Macédoine... bref, une autre fois). Ce nom pourrait provenir d'un nom propre aujourd'hui disparu, dont l'origine serait identique au nom commun (brave, vaillant, preux...). Quoi qu'il en soit, la perte du premier "r" (de "chrabrý, Chrabercych" à "Chabry") serait intervenue vers le milieu du XV ème siècle. Puis "Chabry" pourrait encore provenir du mot "chabý" (bête, idiot) auquel on aurait rajouté un "r", mais curieusement cette possibilité (village de crétins) est nettement moins souvent mentionnée que la précédente (alors que dans les Alpes...). Ainsi l'origine du patelin comme de l'église est à rapprocher de ces peuplements de tribus slaves de vers le X ème siècle, à l'instar des susmentionnés "Budeč", "Roztoky", ou "Levý Hradec". D'aucuns mentionnent encore un potentiel rapprochement de "Hradiště Zámka", à seulement 3500 m au Sud-est de "Levý Hradec", mais rien de tangible n'a aujourd'hui été démontré. Maintenant passons aux églises, et je dis "aux", car ce que vous voyez aujourd'hui est l'aboutissement d'un cycle de constructions diverses des unes sur le dessus des autres.
Dans le courant du XI ème siècle, l'on construisit la première église sur l'emplacement de l'actuelle, et l'on commença à y enterrer les défunts tout autour (cf. plus loin). Ensuite, entre le XI - XII ème siècle, l'édifice fut remplacé par une rotonde sur laquelle je reviendrai en détail plus loin. Et enfin vers 1180, un troisième édifice de forme rectangulaire allongée terminé en hémicycle remplaça les 2 précédents, mais je reviendrai dessus également. Alors commençons avec la toute première église: tout d'abord 'tention quand on dit église... Ce qu'on a retrouvé lors des fouilles archéologiques de 1973-1974, ce sont des restes de murs en pierres plates (cf. mes photos) posées en épis de blé (technique dite "opus spicatum") ce qui a permis de dater le mur (et donc l'édifice). Mais il eut pu s'agir d'une mini-chaplette (et non d'une église complète) destinée au repos éternel d'un notable. Parce que justement, l'on a retrouvé une tombe en plein centre de l'édifice, dans laquelle se trouvait fort probablement donc un prince, duc, baron, dentiste... car en cette époque, "Chabry" se trouvait sur les terres des Prémyslides (cf. les précédents sites de peuplement) et sur la route du Nord qui plus est (vers "Mělník", "Nový Bor", "Bautzen"...). De plus l'emplacement du trou (tombe) à l'intérieur de l'édifice rappelle les fameuses tombes K1 et K2 au château de Prague (cf. le secret des tombes K1 et K2). L'on présume donc que l'enterré fut un VIP, mais l'on ignore son identité puisqu'en cette époque l'on n'enterrait pas avec le passeport biométrique (aujourd'hui d'ailleurs toujours non plus, et c'est bien dommage pour les archéologistes de plus tard). Pis c'est tout sur ce tout premier édifice dont on ignore tout de son existence comme de sa destruction. Ah si encore. Tout autour de la tombe principale, et donc autour de l'église actuelle (mais aussi sous), on a retrouvé une deux-centaine de tombes slaves richement fournies en macchabs noblement parés de tout ce qui se portait à l'époque. Mais y en pas un pour expliquer même vaguement qui aurait pu être le fameux gentillâtre noblaillon du trou central. Sinon autour de l'église, l'on enterra jusqu'en 1904, lorsque pour des raisons d'hygiène l'on se mit à enterrer plus loin afin d'urbaniser plus près. Ensuite donc l'édifice premier fut remplacé par une rotonde, et pas n'importe laquelle, z'allez voir. Le premier détail qui fait l'exceptionnalité de cet édifice est sa taille: 13 m de diamètre, à peine moins que feu la rotonde St Guy (cf. la cathédrale tri-saintale) aujourd'hui disparue, et le double de la rotonde de la Sainte Croix, la plus grande des 3 rotondes restantes à Prague. Le second détail qui fait l'exceptionnalité de cette rotonde est son carrelage: les fouilles précédemmentionnées mirent à jour plusieurs motifs de carrelages différents, lesquels furent uniquement découverts en des sites d'exception (cf. au château de "Vyšehrad", au monastère de "Sázava"). Pareil, on ignore tout de cet édifice dont les pierres furent utilisées pour la construction du troisième édifice (les archéologues ont cependant matérialisé au sol le pourtour de la rotonde, cf. mes photos). C'est particulièrement dément que la seconde plus grande rotonde du pays d'à l'époque ne soit mentionnée dans aucun journal, aucune chronique, dans rien d'écrit, à moins qu'il ne fut volé par les Suédois? Et c'est particulièrement dément aussi qu'avec des pierres à rotonde ronde, l'on ait pu construire une église en rectangle (ceci-dit chuis pas architecte). Quant au troisième édifice, l'église de vers 1180 dont l'existence écrite remonte à 1185 (mais le document fut découvert bien plus tard par hasard, cf. plus loin) et que vous pouvez toujours voir aujourd'hui (mais un peu d'allure modifiée quand même), ben je m'en vais vous en parler de suite. Juste avant cependant précisons encore que les archéologues parlent d'un possible 4 ème édifice sur la base de découvertes récentes (un capuchon à charnière en inox sur l'amortisseur du pommeau de douche), mais pour l'instant rien de spécialement tangible.
Notre 3 ème église donc ressemble à la 1 ère, genre rectangu l'air de 13 x 8 m, terminée par une abside hémicyclique (notez qu'icelle est couverte par un toit séparément du reste du bâtiment). En 1273, le patelin comme l'église seraient passés sous la possession du monastère de "Strahov" (cf. la fameuse bulle pontificale que je n'ai pas retrouvée "Anno Domini MCCLXXIII: papa Gregorius decimus, Episcopus Romanus, suis bullis gratiosis confirmavit et ratificavit..."). Ensuite pas grand chose, sinon qu'un document de 1352 (pas retrouvé) indique que l'église est pas roissiale. Du coup l'on présume que les moines de "Strahov" l'auraient louée pour se faire du pognon, parce qu'en 1397, un privilège (pas retrouvé non plus) de l'ivrogne "Václav IV" confirme la possession du patelin par le monastère. Bref, puis ça devient compliqué. En 1420, les Praguois (hussites) vandalisent et mettent à feu "Strahov", puis confisquent les biens du monastère (et pas que de celui-là) qu'ils vandalisent à souhait également. C'était pratique courante chez les hussites et les supporters de foot, le vandalisme, et malgré qu'on n'ait pas de preuve (forcément que je n'ai rien retrouvé), il est fort à parier que "Chabry" y passèrent aussi (au vandalisme). Ce qui est sûr par contre, c'est que pendant une certaine période d'environ pas longtemps, l'on communiait sous les 2 espèces (sub utraque) en l'église de la décapitation comme le prouvent les taches de pinard gras sur le tapis devant l'autel. Une fois les guerres hussites calmées (cf. la bataille près de "Lipany"), Zikmund qui avait investi pas mal de ses propres deniers dans la guerre afin de récupérer son trône (de Bohême), mit en gage le village de "Chabry" auprès de la Vieille Ville de Prague en 1436. Trois ans plus tard, l'église fut remise en état, légèrement augmentée d'un étage afin qu'en 1469, "Jiří z Poděbrad" refourgue une partie du village cette fois à la Nouvelle Ville de Prague. Evidemment, après les "évènements" hussites, les catholiques ne faisaient pas trop de vagues, aussi les moines de "Strahov" attendirent 1515 (Marignan-gnan) afin de rappeler aux autorités compétentes qu'avant, "à l'époque" comme on dit, "Chabry" étaient leur. Le roi Polac (forcément) W ("Vladislav II. Jagellonský") entendit leur requête et leur rendit le domaine qui fut rapidement loué à divers métayers. C'est en cette période sans doute qu'on construisit contre le mur Nord de l'église la sacristie de 5 x 5 m de style renaissance. Bon, sans grand intérêt, aussi passons directement à la défaite de la Montagne Blanche. Sans grand intérêt non plus, aussi passons directement après la défaite de la Montagne Blanche.
Comme déjà mentionné dans mes précédentes publies, la Bohême vaincue fut littéralement pillée jusqu'au dedans de l'os par les vainqueurs. Et parmi ceux-là (vainqueurs), ben y avait l'autre foutre de Wallenstein ("Albrecht Václav Eusebius z Valdštejna"). C'est lui qui récupéra "Chabry" en 1634. Ceci-dit, il ne dut pas en jouir longtemps puisqu'il décéda d'assassinat le 25 février de la même année. En 1639, ce sont les Suédois (fumiers) qui mirent le village à sac et l'église à feu, du coup la famille "Nostic" acquit le domaine (avec d'autres) pour pas cher en 1651. Ce qu'ils en firent, les "Nostic" du domaine, on ne sait pas dire, mais en 1662 ils décidèrent de s'en séparer au profit à nouveau de la Vieille Ville de Prague. Commencèrent alors des travaux conséquents qui prirent fin en 1667: l'on descendit la hauteur de plafond qui fut montée 200 ans plus tôt, l'on construisit une nouvelle tribune d'orgue dans laquelle l'on installa un nouvel instrument. Dans le mur Ouest l'on fit une nouvelle entrée et une nouvelle fenêtre au-dessus. Les fenêtres de l'abside et du mur Sud furent agrandies, tandis que les autres fenêtres romanes furent murées. On peinturlura également quelques autels en trompe l'oeil afin de donner un semblant d'espace à la petite église (il en reste un, cf. mes photos). Pis l'on mit les pouces derrières les bretelles, et l'on tira bien d'ssus croyant qu'on avait fait du bon boulot, cependant superficiel. Car ce n'est que plus tard que l'on se rendit compte que le nécessaire avait été oublié: "dis-donc Machin, et la grosse cloche-là, on te l'accroche où?" Aussi en 1695, l'on construisit à 10 m au sud de l'église une tour à cloche distincte (cf. mes photos), dans laquelle l'on hissa le bronze du saintier praguois "Antonín Schönfeld" (parce que vous remarquerez que notre édifice, genre son clocher rikiki, l'aurait jamais supporté une cloche de 200 Kg). En 1790, l'on remit un coup de peinture sur le vieux retable vermoulu dédié à la vierge Marie (de vers 1670), et lors de cette réfection, l'on découvrit dans le carburateur le fameux manuscrit de 1185 mentionnant l'existence de l'église de la décollation de St Jean-Baptiste. Puis plus rien de vraiment intéressant ensuite, jusqu'en 1905. En cette année, l'on se décida à retaper sérieusement l'édifice, et profiter des échafaudages pour farfouillarchéologiquer un brin. Ben c'est à ce moment que l'on mit à jour les fabuleuses fresques (cf. mes photos) dont je vous parlerai en détail plus loin. Le 1er Janvier 1968 "Chabry" furent rattachées à la ville de Prague (les "Dolní" et les "Horní" sous l'appellation unique "Dolní Chabry"), pis c'est tout pour la chronologie du bled et de son église, aussi passons aux détails.
Tout d'abord le fameux pied de colonne qui se trouve sous le faux plancher en bois de l'église, installé exprès afin que les curieux puissent l'admirer (le pied, cf. mes photos, et remarquez sur le coin droit, en bas, les "griffes"). Alors lorsque les archéologues exhumèrent l'objet, ils présupposèrent qu'il y avait là-dessus une colonne qui devait supporter une tribune en bois disposant d'une entrée distincte (tribune) pour les notables du domaine adjacent (sans doute) à l'église qui pouvaient être fortifiés (domaine + église) par une ceinture de remparts. Mais les fouilles archéologiques n'ont ni confirmé ni infirmé ces hypothèses, sur le domaine ni sur les remparts. Du coup c'est les boules de la honte, parce qu'on en sait autant après avoir creusé les trous qu'avant (tout ça pour ça). Concernant la colonne, je trouve ces conclusions balaises râblées, parce que déduire toutes ces possibilités à partir d'un pied de colonne, sans dec, c'est un vrai métier de scientifique, qu'archéologue. Et si la colonne supportait le toit de la rotonde? Et si la colonne supportait une statue de Jésus-Marie-Joseph? Et si la colonne avait été importée là d'un autre endroit pour couillonner les générations futures? Et si...
Ensuite les carrelages en céramique terràcôté. Comme dit, l'on en découvrit huit dans la rotonde disparue, en terre cuite (terracotta) les carrelages, que les moines apparemment fabriquaient eux-mêmes avant qu'ils ne découvrent que le brassage de la bière est nettement plus excitant et lucratif. Lors de la visite, l'on a pu admirer des copies, mais même rien qu'ça, on voyait bien les motifs rigolos: un sphinx (ou un griffon), un lion (ou un sphinx), un Néron (ou un Tatav Klaus), un Daniel dans la fosse aux lions, une bande dessinée avec des piafs (Shadocks?) dans des arcades et un arbre de vie (zarbi), un oiseau houlà-houlà, ou encore des motifs divers (cf. mes photos) comme sur le gros poêle en fonte de ma mémé paternelle d'à la campagne qu'elle avait quand j'étais petit. Y a juste que l'exposition était un peu confuse, car s'exposaient là des copies de "Vyšehrad", peut-être même d'ailleurs, et le seul carrelage que je puis affirmer qu'il provient de "Chabry" est le Daniel, la fosse et les lions (parce que c'est la délicieuse petite qui faisait faire la visite qui m'a dit que...) Sinon selon le catalogue salle-de-bain Villeroy & Bosch, ces carrelages-là remontent entre 1100 et 1150.
Pis y a les fresques. Alors attention, ce sont des oeuvres majeures en termes d'ancienneté et de conservation. Lorsqu'en 1905, l'on fit les travaux de restauration, l'on découvrit sous les fresques de la coupole absidiale le même motif que celui peint, mais moins beau, plus vieux genre. "Ouah eh, viens voir Machin, les gars ils ont repeint à neuf sur le vieux." Sauf que lorsque Machin mit un oeil sur le vieux, il se rendit compte du délire: les fresques d'origine remontaient à la première moitié du XIII ème siècle. Et c'est bien celles-là que vous pouvez encore voir aujourd'hui, eh oui: un Jésus pantocrator en mandorle (j'ai l'impression de parler Chinois, mais vous trouverez tous ces termes dans wiki). Dans sa main gauche, il tient sa biographie dédicacée (en vente dans toutes les bonnes librairies) portant mention "Ego sum primus et novissimus" (je suis le premier et le dernier...) dont il manque un bon bout (Apocalypse, ch.1), et que sorti du contexte, on pourrait le croire schizophrénique, le Jésus. Mais si l'on rajoute la suite: "et vivus et fui mortuus et ecce sum vivens in saecula saeculorum" (...et le vivant. J'étais mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles) on est de suite rassuré sur sa salubrité mentale. Notez que le texte est quasi illisible sur la fresque d'origine (XIII ème siècle) mais que cette mention se trouvait sur la fresque visible jusqu'en 1905. Et de sa main droite, le messie donne sa bénédiction des 2 doigts qui vont bien. La mandorle est tenue dans les cieux par 2 p'tits anges costauds comme des pieds de billard en noyer, et malgré l'ancienneté des peintures, on reconnaît à droite St Jean-Baptiste un cheeseburger dans la main, et à gauche la vierge Marie déguisée en rideau de douche. En dessous du beau tableau, enfin de la fresque, se trouvent des apôtres grandeur nature en train d'acheter des moufles au souk Mahaneh Yehuda de Jérusalem, mais ces peintures sont dans un état de conservation nettement moins conservé que les précédentes, au point qu'on se demande s'ils n'achètent pas de bretelles. Quant à la partie encore d'en-dessous, l'on peut y reconnaître des fragments de la vie de Marie, pour peu qu'on ait récemment vu le film. Ces fresques-là sont datées de la première moitié du XIV ème siècle. Et enfin, il reste un tout petit bout de fresque de la période renaissance: la tête de St Jean Baptiste avec du persil dans le groin servie sur un plateau d'argent à Salomé (tiens, ça me rappelle Judith avec la tête d'Holopherne. C'est dingue ce que les gonzesses pouvaient être vicieuses en ce temps?) Signalons encore que d'aucuns considèrent ce Christ en mandorle comme une des reliques capitales de la peinture romane en Bohême (z'ont certainement pas été en la rotonde Ste Catherine de "Znojmo" alors, parce que ça c'est fabuleux).
En conclusion, j'aimerais encore rajouter que cette église est malheureusement en piteux état par manque de finance, parce que forcément, en temps de crise (mais même sans, la crise), y a plus de pognon pour rien, sinon pour des conneries (cf. la visite du pape, les élections avortées...) ou de l'escroquerie d'ampleurs interstellaires (nos fumiers locaux ne font jamais rien à moitié, c'est une vraie carrière, l'investissement personnel de toute une vie). Alors un petit comité de bénévoles s'emploie à la maintenance, voire à la restauration (quand y a du pognon) de cette église (comme d'autres édifices du patrimoine local) dont l'importance semble aujourd'hui négligeable, mais qui, il y a quelques 800 à 1000 ans de cela, représentait fort certainement le pinacle de l'architecture et de l'art pictural d'alors. Malheureusement l'édifice n'est ouvert au public de façon permanente ni régulière, aussi vous devrez guetter le moment opportun si vous souhaitez vous offrir une visite. Et justement, icelle nous fut gratifiée ce printemps par une délicieuse guide, membre de l'association, et fort érudite en la matière historique (et de visage fabuleusement gracieux). Nous eûmes la chance d'entendre de sa bouche la plupart des éléments relatés ci-dessus, et "Lu" (Lucie) fut tellement enthousiasmée, qu'elle en organisa cet automne un concert de bienfaisance d'avec son groupe. C'est bien moi j'dis, d'ailleurs nous y étions ('vec ma tendresse d'amour). Quant à moi, j'ai promis de préparer gratuitement et vendre sur place pour la prochaine kermesse un clafouti aux cornichons confits, une crème fouettée à l'ail d'ours et moutarde d'échalote, des brochettes de baklavas au saindoux de phoque barbu, un börek farci aux mamelles de blaireau de Palawan, et d'autres recettes exotiques que j'ai glanées dans le monde lors de mes excitants voyages aux confins extrêmes de notre ronde planète (eh ouais Dano, ça change du foie-gras cru, mariné 2 jours dans le porto et le cognac, puis une heure au four à 100 degrés accompagné de marmelade de figues chaudes et de compote d'oignons rouges :-) La recette (financière) de cette vente permettra d'acheter le pot de colle cyanoacrylate pour les joins de fenêtre. C'est peu, certes, mais faut commencer humblement... L'église de la décollation de la tête à St Jean-Baptiste se trouve là: 50°8'57.39"N, 14°26'31.99"E
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