Ville: L'église St Laurent à Petřín et ses historiettes
Dis-donc, maintenant que les goupillonneux vont palper des milliards en restitutions, je me demande si je ne devrais pas manifester ma prune afin d'en tâter une p'tite chique, du magot. Parce que sans dec, avec toute la pub que j'lui fais pour ses priantes praguoises, la cléricafarderie serait bienvenue de m'offrir une généreuse obole en récompense de mes humbles services. Vous n'pensez pas?
Et hop, j'enfonce le clou une fois de plus, avec cette fois-ci, une autre publie dont le sujet n'est autre qu'une autre église. Et comme à l'accoutumé, ce n'est pas n'importe quelle église. Il s'agit d'une des plus anciennes églises de Prague, qui date de... z'allez-voir plus loin. Ok, elle n'est plus d'apparence de ce qu'elle était lors de son érection originelle, mais quand même, elle reste néanmoins entourée de légendes et d'historiettes qu'il est bon de mentionner ici.
Vous souvenez-vous de ma publie intitulée "Promenade bucolique à Petřín"? Non? Ca ne m'étonne pas, elle date d'avril 2005. Bon, eh bien dans cette publie, je vous parlais de la colline de "Petřín", et de toutes les attractions qui s'y trouvaient (et s'y trouvent encore), mais je ne vous avais rien dit sur l'église, parce qu'à l'époque, j'ignorais que cela vous intéressait si tellement. Donc sur la colline de "Petřín", "Petrin mons ad Pragam, et in terris Germaniae linguae Laurenziberg appellatur", se trouve une église consacrée à St Laurent, "Vavřinec" en Tchèque. Pour ceux qui se demanderaient comment Laurent (du latin "Laurentius") est devenu "Vavřinec" en Tchèque, je signale que "Laurentius" est un dérivé du latin "laurus", laurier en Français comme en cuisine, qui se dit "Vavřín" en Tchèque. QED.
Et maintenant attention. Cette église St Laurent sur la colline de "Petřín" ne date pas de l'ère baroque comme sont architecture actuelle pourrait le suggérer. Elle ne date pas non plus de la renaissance et elle ne date pas plus du gothique ou du roman. Nan messieurs dames, cette église St Laurent sur le mont "Petřín" date de la nuit des temps, d'environ fin du X ème siècle. Stupéfiant non? Eh oui braves gens, la légende de l'érection de notre édifice remonte très exactement au règne du duc "Boleslav II" le bigot, avant que n'existe le monastère de "Břevnov", et avant même que n'existe le monastère de "Strahov".
Selon mes sources, une première mention de l'église St Laurent serait faite en des annales de 992. Et selon la légende (cf. plus loin), le saint patron de la Bohême (enfin un des) St Adalbert aurait lui même en personne goupillonné-consacré l'édifice. Je n'ai rien trouvé dans mes archives, aussi je ne puis vous en dire plus. Selon mes sources toujours, une autre mention en serait faite en 1003. Idem, rien dans mes archives, donc motus. Ensuite je vous en ai trouvé mention dans les "Fontes Rerum Austriacarum: Österreichische Geschichtsquellen", à propos de vignes et de sources d'eau (fontaines?): "Lib. civil. Prag. misc. F. 1110 -1113. Copia. Vinea Zdenkonis cum fonte supra ecclesiam S. Laurentii in monte Petrino". Mais la date n'est pas spécialement lisible dans mon grimoire, alors j'ignore à quelle époque attribuer cette mention. Selon son contenu, il pourrait s'agir de 1135 parce que justement, mes sources comme mes archives concordent sur cette date de 1135, mentionnée dans les archives du chapitre de "Vyšehrad". D'abord on trouve mention du don de l'église au chapitre "Ca. 1135 capella S. Laurentii, quam Sobeslaus I. dux obtulit ecclesiae Wissegradensi", et ensuite un retour sur le thème de la vigne "Ca. 1135. sex hospites eccl. Wyssegrad. sub monte Petrino w Traunice. In Petrin vinea duo vinitores." (vigne qui couvrait encore la colline de "Petřín" en début du XVIII ème siècle). De cette période date la première reconstruction romane en pierre, issue (la pierre) directement de la colline sur laquelle notre édifice se trouve. Auparavant, c'est à dire de la fin du X ème siècle, jusqu'en vers 1135, l'on présume que l'église aurait été en bois, au mieux en torchis crotte de bouc. Mais sous "Sobeslav I", la pierre aurait remplacé la crotte. L'on a d'ailleurs retrouvé les traces d'un mur roman lors des fouilles de 1926 (mais plus la crotte). Et parce que lors des fouilles de 1934 l'on a carrément plus mieux gratté-creusé qu'en 26, l'on a même en plus retrouvé une fenêtre romane murée dans la tour. Selon toutes ces fouilles, l'apparence de l'église aurait été alors semblable à celle de la rotonde de la Ste Croix mineure, à savoir une forme oblongue terminée par une abside à l'Est et pourvue d'une tour à l'Ouest. Tour que la rotonde de la Ste Croix mineure ne possède pas. Mais sinon pareil. Et donc certains de ces éléments romans sont aujourd'hui incrustés dans la construction baroque. En particulier la sacristie (baroque) qui ne serait autre que l'ancienne chaplette romane. Mais nous, on ne voit malheureusement rien, parce qu'on n'est pas archéologue. Ensuite l'église aurait été gothisée, sous le règne du bon roi Charles IV entre 1360 et 1362 lors de la construction du "mur de la faim" contre lequel elle est accolée.
Lors des guerres hussites, l'église aurait été endommagée, puis restaurée. Mais on manque cruellement d'information sur cette période. On manque d'ailleurs d'information jusqu'en 1590, lorsque St Laurent aurait été réparée (les glises) par des fonds octroyés par un certain Georges Henri de Frankenstein dont je n'ai pas trouvé la moindre trace dans mes archives (sinon dans "František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních: opravený r. 1590 od Jiřího Hendrycha z Frankenšteina"). Notez cependant qu'un des blasons sur la coupole intérieure de l'église porte le nom "Henricus a Frankenstein" (et ce "Henricus a Frankenstein" n'a rien à voir avec le monstre de Mary Shelley). Puis à nouveau plus rien de tangible, jusqu'en 1732. En cette année, la corporation des cuisiniers praguois (qui possédaient privilège de jouissance de l'église depuis 1650, car St Laurent est le saint patron des cuisiniers pour avoir été grillé à la broche [véridique], assaisonné aux lauriers [fort probablement]) et le père "Norbert Saazer" ("Saatzer") prirent en main la restauration de notre édifice comme la construction de plusieurs autres dans les environs (le chemin de croix, la chapelle du calvaire... cf. plus loin). Cette restauration dura jusqu'en 1780, et les sources sont assez confuses concernant l'architecte en charge de cette baroquisation. En effet, l'on parle généralement du génie "Kilián Ignác Dientzenhofer", mais l'on mentionne encore parfois "Ignác Jan Nepomuk Palliardi" (1737-1824), qui, compte tenu de sa date de naissance, aurait terminé l'oeuvre commencée par le précédent. Parenthèse. Si vous êtes amateurs de nos architectes, vous trouverez dans cette richissime base de données qu'est POI.CZ (POI = Point Of Interest en Anglais, points d'intérêt en Français) les monuments construits ou restaurés par les plus grands génies du baroque. J'ai terminé la famille "Dientzenhofer" (père et fils), et je travaille actuellement sur "Palliardi". Donc si vous disposez d'un GPS (mais pas forcément), téléchargez gratuitement ces bases de données, et vous ne louperez pas une seule oeuvre de ces grands maîtres (vous pouvez identifier les points d'intérêt par leur adresse si vous ne disposez pas d'un GPS). Fin de parenthèse.
Alors cette dernière restauration baroque est encore l'aspect actuel sous lequel vous voyez aujourd'hui notre édifice, aussi arrêtons-nous-y un peu dessus. Au Nord vous apercevez la façade convexe (ou concave selon d'où qu'on regarde) chapeautée par une corniche dédoublée, elle même coiffée d'un tympan en arrêtes brisées. Au centre du tympan se trouve les armoiries du prévôt du chapitre de St Guy (cf. la cathédrale homonyme cathédrale homonyme) "František Kazimír Strachovský ze Strachovic", qui, apparemment, aurait supervisé le bon déroulement des travaux (véridique, pour vous dire comme c'est important un homme d'église: il supervise puis il appose son blason pour les siècles suivants). Posées sur le sommet du tympan, 3 statues représentent de la gauche vers la droite St Jean Népomucène, une pietà particulièrement rare, et une Marie-Madeleine ou une Ste Monique. Selon François ("František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních") il s'agirait de Ste Monique, et j'aurais tendance à abonder en son sens car l'iconographie de Marie Madeleine est plutôt différente: plus libertine, plus jeune, plus dynamique, généralement les cheveux découverts (parfois les épaules aussi) compte tenu de son passé libidineux. Ste Monique, la mère de St Augustin, veuve dépressive, mélancolique et cul-pincé... enfin comme la statue. Mais bon, pas sûr de qui c'est quoi. Sinon la pietà du centre est remarquable de par le fait que petit Jésus décollé de sa croix ne repose pas sur les genoux de Marie comme dans 92,53% des cas (statistiques issues d'un échantillon représentatif de pietà provenant de ma propre collection de photographies prises à travers le monde, eh oui, rien que ça :-) mais sur les genoux de dieutouppuissant, représenté en évêque mitré. On parle alors de "Gottvaterpieta" (notez la consonance germanique). Parmi les plus célèbres, il est celle d'Albrecht Dürer, xylographie (gravure sur bois) de 1511, qui, reproduite en dizaines (centaines?) d'exemplaires inspira les plus grands, comme "Pieter Coecke" (cf. la Ste trinité), Michelangelo (cf. la pietà de Florence, notez cependant que dieu n'est pas dieu mais Nicomède), El Greco (cf. la trinité de l'autel principal de l'église du "Monasterio de Santo Domingo de Silos (el Antiguo)" dans laquelle église Le Grec reposerait toujours, sans qu'on ne sache vraiment où), jusqu'au retable de "Štětí" (patelin en Tchèque République), fabuleux triptyque de vers 1540 d'auteur inconnu, fidèlement copié sur l'Albrecht, et qui est en ce moment visible à "Litoměřice" dans le cadre d'une fantastique exposition de peinture gothique sur panneaux en bois. Fabuleuse exposition pour laquelle je ne ferai cependant aucune publicité parce qu'il y est interdit d'y photographier, parce qu'il a toujours été interdit d'y photographier, parce que fort probablement lorsque la race humaine aura été engloutie par sa propre connerie il sera encore et toujours interdit d'y photographier, et parce que malgré qu'il soit possible de photographier dans la plupart des galeries d'art du monde de cette galaxie de notre univers, à "Litoměřice" l'on ne photographie pas (d'ailleurs l'on n'a jamais pu et l'on ne pourra sans doute jamais). Primitifs fossilisés!
Bon, mais où réside la curiosité des "Gottvaterpieta"? Si vous regardez bien sur la notre, sur l'église St Laurent, vous verrez que l'évêque mitré porte une auréole en forme de triangle équilatéral. Aucun doute, le triangle représente les 3 hypostases de notre bonhomme de bondieu: le père, le fils et le St esprit. Or sachant que le mystère de dieu réside dans la consubstantialité des 3 hypostases ("Trinitate in unitate et unitate in trinitate") qui participent d'une même essence (sans plomb), comment Jésus pourrait être sur les genoux d'à bondieu, c'est à dire de lui-même (soi-même?), puisque le père et le fils (et le St esprit) sont de même substance tri-hypostatique? La réponse se nomme ubiquité. Dieu est partout (même dans vos toilettes) et sous toutes les formes, couleurs et odeurs (même dans vos toilettes aussi, et peut-être en même temps que vous). Il peut être partout à la fois, prendre n'importe qu'elle apparence, et tout ça en même temps, en une fraction de seconde et dans le monde entier. Ben maintenant, allez me représenter tout ça en sculpture ou en peinture? Vous voyez maintenant oh combien notre pietà sur l'église St Laurent est particulièrement rare? Sinon au centre de la façade, dans la niche, se trouve St Adalbert, sculpture de 1842 et de "František Dvořáček" (j'connais pas du tout!?). Cette façade, qui n'en est pas vraiment une puisqu'il s'agît du mur Nord de la nef principale, est entourée par 2 clochers de 24,5 m terminés en oignon (ou bulbe d'oignon). Puis au centre de l'édifice, est une autre tour circulaire haute de 22,7 m et terminée en lucarne et coupole.
Le dedans de l'église est particulièrement décevant. Pour un édifice quasi millénaire, il ne reste vraiment pas grand chose de notable, mais z'allez voir plus loin, le pourquoi que c'est comme ça. Sur l'autel de droite, il est une peinture de 1693 représentant le martyr de St Laurent (ou l'utilisation des feuilles de laurier dans les grillades), croûte attribuée à un peintre français ou flamand du nom de Jean-Claude Monno (j'connais pas du tout!? Cf. "František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních, R. 1695 malíř Jan Claudius Meono [Menno, Monno], rodem Hollandán nebo Francouz, od r. 1692 měšťan staroměstský, koupil dům za peníze ženiny. Od něho jest obraz sv. Vavřince na hi. oltáři na Petříně"). Sur l'autel de gauche, se trouvait une peinture de "Václav Markovský" (peintre de second rang, si je puis m'exprimer ainsi), représentant St Francois de Sales. Aujourd'hui la peinture n'est plus, remplacée par une statue moderne d'une hauteur de 50 cm représentant la vierge et l'enfant. Dans l'église se trouvait encore une statue de St Laurent (avec son grill à viande), qui, selon mes sources, était attribuée à "František Xaver Lederer". Pareil, elle n'y est plus. Par contre la remplacent un St Jean Népomucène en bois tout noir (sans doute une version sénégalaise de notre saint mondialement connu) et un relief de St Adalbert de 3/4 face (ou 1/4 profil). Malheureusement, je n'ai aucune information concernant les auteurs. En dehors de cela, l'intérieur est plutôt moderne, et d'agencement "Jiří Pelcl", auteur également du crucifié pendu dans le choeur. Ah si, le plafond de la sacristie serait décoré d'une fresque baroque montrant des scènes de la fondation de l'église St Laurent par St Adalbert en 991 (cf. l'histoire plus loin). Je ne puis confirmer, parce que je ne suis pas rentré dans la sacristie. J'ai déjà eu du bol de rentrer dans l'église et de pouvoir photographier, ce qui est suffisamment remarquable pour être signalé ici, alors la sacristie, j'ai pas osé.
Bon, mais retour à la chronologie. En 1784 l'église St Laurent fut désacralisée par les réformes de Joseph II, et mise en vente sur eBay. Heureusement (ou malheureusement) personne n'en voulut. L'édifice commença alors à prendre l'eau, le vent et la moisissure. Sans doute pour ces raisons, le chapitre de St Guy (alors propriétaire) céda en 1839 l'église à la ville de Prague qui entreprit aussitôt une totale restauration puis qui affilia l'édifice restauré à St Nicolas Petit-Côté, lequel débordait alors de bondieusards lors des messes du dimanche. En 1849, l'église prit feu des suites de l'incendie qui se déclara un peu auparavant dans les bâtiments militaires à proximité. Mais tout fut réparé vitesse grand V, au grand bonheur des bondieusards et les messes dominicales reprirent comme à l'accoutumé. Puis rien d'intéressant, ni de remarquable. En 1926 survint donc une restauration majeure, en parallèle avec des fouilles archéologiques. Rebelote en 1934, mais en moins majeur, les fouilles. Pis guerre, pis con-munistes, pis révolution de velours, et nous voilà en 1994. En 1994, la ville de Prague loua l'église St Laurent à la communauté vieille-catholique, à l'instar des rotondes Marie-Madeleine et Ste Croix mineure. Et maintenant attention messieurs dames: lors du 40 ème synode en date du 11 novembre 1995, il fut décidé de transférer l'évêché de l'église vieille-catholique tchèque depuis la ville de "Varnsdorf" en notre église St Laurent, du coup il ne s'agit plus d'une simple église, mais d'une cathédrale. Ca pousse au respect moi j'dis.
Et maintenant retour au tout-début, lorsque Prague se composait de 3 cahutes, 5 cabanes et 1 gourbi. En ce temps de la fin du X ème siècle, la colline de "Petřín" était couverte d'une forêt touffue pleine de bois, et cette forêt s'étendait jusqu'à la Montagne Blanche (quelques 6 km vers l'Ouest). Et en toute proximité de notre église se trouvait alors un échafaud. D'aucuns présument d'ailleurs que notre église St Laurent serait à l'origine liée aux exécutions, qu'elle aurait servi de confessionnal, d'ultime occasion pour un éventuel repentir. Peu probable cependant, en cette époque où le catholicisme n'avait pas encore infesté la population indigène. Bref. Ici, l'on massacrait les condamnés jusqu'au 14 ème siècle, jusqu'à la construction du "mur de la faim", lorsque le bon roi Charles déménagea l'échafaud sur la colline de "Vítkov", parce que le sang des exécutés coulant le long du mur commençait à cracra-gadouiller la terre sur laquelle l'on faisait aussi pousser de la vigne. Et parmi ces exécutions, il en est quand même des célèbres que je ne peux pas vous passer sous silence.
La première concerne la famille des "Slavníkovci", dont était issu notre St Adalbert en personne, et n'a rien à voir avec "Petřín" (mais faut bien que je vous situe le sujet, non?). En l'an 995 post Jean-Claude, "Boleslav II" fit massacrer les "Slavníkovci" à "Libice nad Cidlinou" pour une sordide affaire de tondeuse prêtée et pas rendue (notez que "Boleslav II" avait pour surnom "le pieux", comme quoi la dévotion et le massacre ont souvent été de paire). Vous pouvez lire toute l'affaire dans "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum, Capitulum vicesimum nonum: at illi ceu lupi inmanes urbis menia irrumpentes, masculum et feminam usque ad unum interficientes, quatuor fratribus sancti Adalberti cum omni prole ante ipsum altare decollatis urbem comburunt, plateas sanguine perfundunt et cruentis spoliis ac crudeli preda onerati hylares ad proprios redeunt lares. Interfecti sunt autem in urbe Lubic quinque fratres sancti Adalberti anno dominice incarnationis DCCCCLXXXXV...". Et parmi les acteurs de la tuerie, se trouvait la famille des "Vršovci", que St Adalbert eut encore le temps de maudire depuis son exil, raison pour laquelle d'ailleurs il échappa au massacre.
Et le maudissement prit comme de la glue époxyde, et colla aux frusques de la famille "Vršovci" pendant plus d'un centenaire. Pareil, vous en trouverez des pleines pages dans la même "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum", mais aussi dans "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon". Les "Přemyslovci" tentèrent de génocider les "Vršovci" par 3 fois en 100 ans, sans jamais vraiment y parvenir. Et pourtant, cette vilaine famille méritait vraiment d'y passer. Jugez-en par vous-mêmes, sur la base des écrits de "Cosmas". Extrait d'un bon conseil du prince "Jaromír" au futur prince "Břetislav": "Ast illos, qui sunt Wrisovici iniquiorum patrum nequam filii, nostri generis hostes domestici, familiares inimici, ut cenosam rotam devites et consorcia eorum declines, quia nobis numquam fuere fideles" (Ainsi et d'autres part non plus, de qui sont les "Vršovci", ignobles pères de fils vauriens, ennemis autochtones de notre espèce, nuisibles envers notre famille, garde t'en comme d'une roue merdeuse et proscris toute relation d'avec, car jamais ils ne nous furent fidèles). Ca parle tout seul de soi-même moi j'dis.
Alors la première tentative de génocider les "Vršovci" fait suite aux évènements de 1002, lorsqu'iceux ourdirent une rébellion contre le duc de Bohême "Boleslav III" pour une sordide histoire de tondeuse prêtée et pas rendue. Ce dernier dut fuir se planquer en PLogne, mais à son retour (en 1003), il massacra tout naturellement tout c'qu'il put, en commençant par son fumier de gendre, issu de la vilaine famille (cf. "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon: Quod et ita accidit. Enimvero cum Bolizlaus Boemensis cerneret populum suum, execrando ritui deditum, in maxima securitate constitutum, impietatem suam ad confringenda foedera pacis, quam sacramentis firmaverat, in tantum armavit, ut, collectis in unam domum coram se cunctis optimatibus, primo generum suum, gladio in caput ejus merso, ipse occideret, ceterosque inermes in ipsa sancta quadragesima, vir sanguinum et dolosus, nec sibi concessos umquam dignus dimidiare dies, cum suae malitiae fautoribus interficeret").
La seconde tentative de génocider les "Vršovci" est à mettre dans le contexte de 1014, lorsque les frangins "Oldřich" et "Jaromír" se disputaient le trône de Bohême. Sans rentrer dans les détails, laissez-moi toutefois vous situer l'anecdote. Alors que "Oldřich" était au pouvoir et son frangin "Jaromír" banni en exil, il ("Oldřich") eut vent que d'aucuns, et en particulier un certain "Božej" (des "Vršovci", cf. " Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: Bosey, filium Cac, cognatum Mutine; semper enim illam nationem Wrissovici"), alors son gratte-papier, porte-serviette, lèche-bottes puis faux-jeton, épaulaient en cachette le frère déchu ("Jaromír") et préparaient accessoirement un méchant complot en vue de se débarrasser de lui ("Oldřich"). Il fit alors massacrer "Božej", et nombreux autres pour l'exemple (cf. "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon: Illud etiam adnectendum est, qualiter Othelricus, Boemiorum dux, mammona iniquitatis (Luc. XVI, 9) interpretatus, Bosionem inclitum suimet militem caeterosque complures interfici preceperit, eo quod hos fratrem adjuvare exulem a falsis murmuratoribus audierit, et omnes caute in hiis...").
Pis il est une anecdote que je ne peux vous passer sous silence. En 1034, et afin que ces 2 couillons cessent de se disputer le pouvoir, l'empereur du St Empire romain-germanique Conrad II divisa le trône de bohême entre "Oldřich" et "Jaromír". Ces 2 boug' se devaient de régner en corégence. Mais voilà, "Oldřich" était assoiffé de pouvoir comme une bête sauvage de sang. Aussi afin de prendre complètement le dessus de l'autre, il fit emprisonner son frère "Jaromír", puis il le fit châtrer et aveugler afin d'avoir la paix pour toujours. Bon, c'est très mal, mais c'est pas ça le sujet de la rigolade. A force de se faire massacrer, les "Vršovci" décidèrent de se venger, et un certain "Kohan" (le barbare), le plus grand scélérat de tous (cf. "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: quorum primus et quasi caput tocius iniquitatis erat Kohan vir sceleratissimus et omnium malorum hominum pessimus"), prit entre ses mains le glaive de la vengeance qui s'abattit sans pitié sur le pauv' "Jaromír" ("Oldřich" était alors déjà décédé, et remplacé sur le trône par son fils "Břetislav"). Je vous traduis exactement la scène de l'assassina de "Jaromír", telle que décrite par "Cosmas": "et au bout de peu de temps, Kohan, dont nous vous eûmes parlé précédemment, envoya son bourreau (exécuteur, assassin), et lorsqu'icelui aveugle ("Jaromír"), assis sur les aisances par heure tardive s'en purgeai la bedaine, il (le bourreau) lui perfora par derrière les viscères abdominales à l'aide d'un javelot acéré" ("Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: Nec post multos dies Kohan de quo supra retulimus, misso lictore suo dum ille cecus purgat ventrem in necessario noctis in hora, auctissima sica perforat eum in posteriora usque ad ventris interiora. Sicque iustus vir, velut Dei martyr, dux Iaromir obiit anno dominice incarnationis MXXXVIII"). Mort de rire, on dirait du Rabelais :-)
Et tout ça pour en arriver à la troisième (et dernière) tentative de génocider les "Vršovci" en 1108, tentative qui s'inscrit dans le contexte de ma publie actuelle (enfin! Diront certains). Elle est à mettre au compte cette fois-ci du duc "Svatopluk Olomoucký". Lorsqu'icelui partit mettre une raclée aux Hongrois, il confia la garde de sa tondeuse à un certain "Mutina" (famille "Vršovci"). A son retour, "Svatopluk" trouva l'engin dans un tel état, que sans dec, ça méritait bien une correction. Du coup paf, coup de sang ("Svatopluk" était plus enflammé qu'un poêle qui aurait 7 fois flambé: cf. "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: sic Zuatopluk intrans stubam sedit in medio super truncum fornacis plus succensus ira quam fornax, qui septies succenditur flamma..."), et massacre des "Vršovci" comme de leurs partisans. Mais cette fois-ci en grand, le massacre. Plus de 3000 personnes selon "Cosmas". La boucherie dura même plusieurs jours. D'aucuns y perdirent la vie ("alii namque in forum ducti ceu bruta animalia sunt mactati, multi in tectis sive in plateis sunt trucidati"), d'autres furent mutilés (aveuglement et coupage de zgeg "qui ilico captus oculis et mentula est privatus"), à Prague ils furent menés "comme bête sauvage" sur notre colline de "Petřín" et occis sans pitié, là où se trouvait l'échafaud, à quelques mètres de notre église ("alii in monte Petrin decollati"), jusqu'aux gosses choppés par le bourreau sanguinaire sous ses aisselles puis égorgés comme cochons ("cum cruentus carnifex ambos ceu porcellos sub ascella interficeret cultello"). Sympa la vie en ces temps du moyen-âge moi j'dis. Et maintenant ironie du sort, les "Vršovci" furent également massacrés à "Libice nad Cidlinou", là où 100 ans plus tôt ils massacrèrent les "Slavníkovci" dont ils récupérèrent les biens. Et ironie du sort toujors, "Svatopluk" fut transpercé par une lance 1 an plus tard (en 1109) fort probablement par un "Vršovec" qui aurait survécu.
Maintenant un autre qui perdit sa tête près de l'église St Laurent sur la colline de "Petřín" était un certain "Ctibor", dit tête savante (cf. La Chronique de Dalimil: "Ctibor múdrá hlava [...]Toho rady v zemi poslušno bieše, a však často nemúdřě mluvieše řka: "Já mohu i bohu radu dáti a mohl by mne každý rád v svú radu pojímati." Opět řka: "Musil by bóh mnoho mysliti, by mě mohl chuda učiniti", si savant qu'il aurait pu conseiller dieutouppuissant en personne). Dans les années 1247-1248, le roi "Václav I" perdit tellement de points dans les sondages que sa côte de popularité chuta au plus bas. Tu m'étonnes, aller imposer les très riches à 75% était non seulement une mesure démagogique accouchée par un esprit dérangé, mais surtout une initiative nuisible et hasardeuse. En effet, les très riches (la noblesse) se mirent alors rapidement à comploter afin de renverser le roi. Et afin de ne pas laisser croire aux média qu'il se fomentait un coup d'état putschiste ou une révolution des classes, ils voulurent asseoir sur le trône de Bohême le descendant du despote, le jeune fils de "Václav I", le futur roi "Přemysl Otakar II", lequel était totalement opposé à un tel impôt qu'il jugeait personnellement inique, dommageable et infondé (cf. La Chronique de Dalimil: "Pro to sě někteří páni proti králi vzdrastichu, a syna jeho Přěmysla proti jemu vzbudichu"). L'affaire alla si loin, que le père et le fils se firent la guerre pendant pratiquement 1 an. Les victoires des uns succédaient aux défaites des autres, jusqu'en août 1249, lorsque les 2 partis firent la paix. "Václav I" mit cependant son morveux au gnouf pendant quelques jours, histoire de lui apprendre les bonnes manières plutôt qu'à balancer des tomates sur la police. Puis réalisant que "Přemysl" était son unique fils et donc seul successeur, que sa femme Cunégonde fertilisait les pissenlits depuis 1 an et que ses figues (à "Václav I") n'étaient plus des fruits de printemps, il refit ami-ami avec son boug' de rejeton pour le bien du pays. Il passa cependant sa colère sur les autres conspirateurs, les plus riches, ceux qui étaient du côté de son fils, et tout particulièrement sur "Ctibor" tête savante, meneur des insurgés, et sur son fils "Jaroš", descendant malencontreux et potentiel emmerdeur si vivant. Le 29 décembre 1250, la tête savante du père "Ctibor" fut décollée de son corps à "Petřín", tandis que son fils fut roué en dehors des murs de la ville (cf. La Chronique de Dalimil pour les vers et la rime: "Král káza Čstiborovi na Petříně hlavu sstrčiti, a jeho syna Jarošě na kolo vzbíti. Ten, jenž dieše, by uměl i bohu radu dáti, neumě sebe ni syna smrti zbaviti", cf. "Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878: Eodem anno Cztibor iudez IV Kal. Januarii in Petrzin monte gladio decollatus est, et filius eius Jaros extra muros civitatis rotatus est" pour la date et les faits).
Et puisqu'on parle d'exécution et de brigands... Vers la fin de la guerre de 30 ans, la colline de "Petřín" abrita la plus belle brochette de coupe-gorges et de malandrins que Prague ait connue. Initialement pauv' boug' sans famille, sans logis et sans ressources qui traînaillaient leurs guêtres dans la forêt touffue, ils enfilèrent tout naturellement l'habit du forban malfaiteur afin de se livrer à la rapine d'ampleur industrielle. Rapidement ils s'organisèrent bien propre, formant une troupe nombreuse, et se donnèrent des noms d'actualité de la StarAc comme "Königsmark" ("Hans Kristofer"), "Piccolomini" ("Ottavio"), "Montecúccoli" ("Raimondo"), "Thurn" ("Jindřich Matyáš"), "Colloredo-Waldsee" ("Rudolf"), "Wrangel" ("Carl Gustaf")... mélangeant joyeusement les grades et les nationalités. On les appelait les "Petrovští", du nom de la colline de "Petřín" sur laquelle ils sévissaient. Sortes de Robin des bois baroques, nos forbans s'en prenaient aux riches (commerçants, nobles, bourgeois...), mais contrairement au bougre Brit originel, les "Petrovští" ne distribuaient rien aux pauvres. Sur le principe de "qui donne aux pauvres prête à rire" (Francis Blanche), les canailles gardaient tout le butin pour eux, et rien que pour eux (ce n'est pas en rendant les riches moins riches que l'on rend les pauvres moins pauvres). Alors un jour quand même, les riches (surtout les "très" riches qui ne voulaient pas devenir "simples" riches) en eurent assez. Ils firent ratisser les bois par l'armée, ce qui s'avéra être d'une totale inefficacité. Aussi afin d'en finir radicalement avec cette pègre "Petřínienne", la diète des Etats (de Bohême) accoucha le 7 août 1650 d'une patente unique en désaccord total d'avec les principes des Droits de l'homme:
- de un, complètement désarmer les vilains (nous étions à la fin de la guerre de 30 ans, et les armes traînaient de partout)
- de deux, déboiser sur 150 m de part et d'autre les routes à risque
- de trois, autoriser les tribunaux de débarrasser séance tenante de cette terre tout membre du gang arrêté, ou tout simplement suspect
- de quatre, offrir récompense pour tout membre du gang arrêté, tué ou dénoncé
- de cinq, instaurer un visa de circulation pour toute personne amenée à voyager
- de six, assener amende velue à tout propriétaire de terrain sur lequel un brigand aurait séjourné plus de 2 jours
- de sept, faire surveiller les gardes-chasse par les seigneurs afin qu'ils ne se livrent pas à des débordements envers la plèbe
- de huit, suspendre l'activité des pourvoyeurs-porteurs-livreurs suspectés d'approvisionner les malandrins
- de neuf, que les vignerons ne doivent en aucun cas tolérer la présence de vagabonds dans leurs cahutes ou leurs pressoirs
- de dix, faire surveiller attentivement par les seigneurs toutes les auberges, tavernes, et maisons isolées, et les raser si besoin est
Ceci-dit, il fallut plus de 50 ans afin que les "Petrovští" cessent de figurer en premières pages des dossiers criminels, autrement dit, c'est plus par manque de vocation des jeunes générations et par extinction des générations anciennes que ces brigands disparurent, plutôt que par la législation ou l'activité des forces de l'ordre.
Pis maintenant, une gentille légende bien catholique qui va vous expliquer comment est née l'église St Laurent. Vous en trouverez l'histoire complète dans la Chronique tchèque ("Kronika česká", 1541) recueil de bonnes farces écrit par le saugrenu "Wáczlaw Hayek z Libočan" ("Václav Hájek z Libočan" en Tchèque moderne). D'un point de vue factuel et historique, cette chronique est à proscrire totalement. Maintenant pour s'endormir la nuit sur des historiettes rigolotes... Ceci-dit la légende que je m'en vais vous raconter est bien réelle. Elle date de Mathusalem qui la racontait déjà à Hérode (ou l'inverse), et plusieurs sources antérieures à "Wáczlaw Hayek" l'abordent également (mais en moins drôle). Et donc il était une fois, en 991 après Jean-Claude, des carriéristes qui arrachaient la pierre aux carrières de la colline de "Petřín" afin de construire cette splendide ville de Prague. En hiver, et pour de se réchauffer la couenne lorsque la tempiotte tombait aussi bas que la côte de popularité du p'tit Nicolas, les carriéristes... quoi? Ah bon? Le travailleur dans une carrière est un carriéreux et pas un carriériste? Bon, alors par temps froid, les carriéreux faisaient un feu. Et un jour, ils virent comme des farfadets dansant dans les flammes, tout plein de partout qu'il y en avait, du farfadet. Pris d'une trouille bleue caca-falzar, les carriéreux s'enfuirent à toutes jambes, et en quelques jours, le bruit que la colline abriterait des dieux païens courait dans les 4 rues du village de Prague (à l'époque). Aussitôt, et sous l'effet de l'opium populaire, la plèbe crédule accourut idolâtrer les dieux sur notre colline, près d'un grand chêne multi centenaire pour faire plus vrai, et de bruler encens, sorcières, feux rouges et autres sacrifices afin d'exaucer les prétendus homoncules. Et tout ceci dans un ahurissant pétard de boucan, accompagné de chants barbares, d'alcool et de débauche inhérente, que c'en était techno-rave-party au lupanar de Méphisto organisée par Alighieri. Au bout d'un moment quand même, "Boleslav II" le bigot en eut assez, parce que si vous regardez bien sur une carte, le château de Prague n'est pas si éloigné de "Petřín" (quand même), et pour ceux qui n'auraient jamais été en contact avec une techno-party (rave hardcore house), j'peux vous dire qu'un tel chambard vous décroche la lune de son orbite pour peu qu'elle passe juste au dessus. Il fit donc mettre un terme à la joyeuse nouba: éteindre les feux, déraciner le chêne, et disperser la foule au gaz qui pique. Bon, ça le fit pour un moment, mais au bout de quelques semaines, les feux, les nains et les fêtards étaient de retour. Ben tiens, le croyant, même païen, a de la suite dans les idées. "N'di diou" se dit "Boleslav", "et j'fais quoi maintenant?" Puis de passer un coup de fil à son pote l'évêque (alors en voyage chez les Ritals), et de lui expliquer la situation tendue. Genre si l'Adalbert n'aurait pas comme une bonne idée afin de régler la situation une fois pour toute. Ben comme l'évêque conseilla, le duc oeuvra. Tout d'abord il fit raser la surface du site hérétique. Ensuite il inonda la terre avec des hectolitres d'eau bénite. Et une fois bien asséchée, la terre, il fit ériger céans une église consacrée à St Laurent, parce que depuis que le martyrisé eut grillé à la broche (véridique), il est non seulement ignifuge mais empêche de surcroît le feu de reprendre. Bon, mais il fallut quand même encore attendre une bonne paire de semaines avant que le peuple ne se mette à fréquenter notre église, parce qu'on ne va pas se la raconter non plus, hein, la religion catholique, c'est d'un chiant...
Et tiens, vu qu'on parle de catholique... Alors c'est une histoire assez longue, mais vous me connaissez, je vais faire succinct concis sinon vous allez louper le film du dimanche soir (et ma maman la météo). En fait, je vous en parle parce que c'est bien entendu lié à notre église St Laurent, mais surtout parce que c'est extrêmement intéressant de voir comment tout se combine tout autour, z'allez voir. Il était une fois donc, un certain "Heřman Černín (z Chudenic)" (1576 - 1651), sans grand intérêt dans les premiers temps de sa vie. En 1589, il hérita involontairement d'un beau-frère en la personne de "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" (1564 - 1621) dont la vie fut si mouvementée qu'il en faudrait rédiger une publie complète. Du coup je ne vous dis rien, et peut-être qu'un jour... quand j'aurai le temps... Ah si, son nom rigolo. "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" se dit en Latin "Christofer Nothus Postcochlearensis Sinesatellitensisque", soit en Français "Christophe Bâtard d'Aprècuillères et Sansatellites". Et c'est pas une blague, véridique bien réel. Mort de rire. Mais retour à l'histoire.
En 1597, la soeur de "Kryštof Harant" et la femme de "Heřman" décéda. Ce dernier prit aussitôt son téléphone, et appela son beauf. "Dis-donc Kryštof, tu sais ce qui m'arrive? Ah bon, tu sais? Bon, et tu fais quoi dans les prochaines années?" Et comme dans les prochaines années il ne faisait rien, "Heřman" partit en 1598 avec son ex-beauf "Kryštof Harant" en terre sainte. Partis pour partis, ils en profitèrent aussi pour visiter d'autres coins, Venise, Rome... Bon, mais c'est pas important. En 1599, nos bougres furent de retour en Europe, et tandis que "Kryštof Harant" s'en retourna immédiatement en Bohême afin d'entreprendre une carrière professionnelle dans la fonction publique, "Heřman" s'en alla vadrouiller en Espagne, d'où qu'il ouït que les femmes seraient particulièrement belles (et poilues). De retour en son pays en 1603, "Heřman" entra également dans la fonction publique, en tant que sous-officier de bouche auprès de la chambre impériale, alors que son ex-beauf "Kryštof Harant" occupait alors la position d'officier de bouche maître, et était de ce fait son supérieur. "Heřman" commença alors à développer une antipathie viscérale envers "Kryštof Harant", antipathie inversement proportionnelle à l'évolution de sa carrière professionnelle. Ambitieux et arriviste cependant, l'envieux restait dans l'ombre de son brillant (ex) beau-frère, malgré ses nombreuses tentatives de lui grimper ne serait-ce qu'à la cheville.
Mais en 1616, la chance sourit à "Heřman" sous la forme d'une mission officielle pour le compte de l'empereur "Matthias" auprès du sultan ottoman "Ahmet". Il fut de retour à Prague un an plus tard, juste à temps pour assister à la fameuse défenestration de Prague (23 mai 1618). Et justement, suite à cet évènement, les catholiques n'en menaient pas large dans le pays. Aussi lorsqu'assistant à la messe en notre église St Laurent sur la colline de "Petřín", "Heřman Černín (z Chudenic)" eut vent qu'il semblerait qu'il serait sur le point de se faire arrêter afin d'expliquer le montant de ses notes de frais (et tout particulièrement de petit-déjeuner) lorsqu'il se trouvait en mission à Constantinople, ce dernier quitta brusquement la messe encore chaude et franchit la frontière d'avec la Saxe avant même que le curé n'ait eu prononcé l'"ite, missa est".
Entre-temps, "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" avait parcouru un sacré bout de chemin. D'officier de bouche maître auprès de l'empereur, il devint le commandant en chef de l'artillerie de l'armée des Etats de Bohême sous le commandement du comte "Jindřich Matyáš Thurn". Devenu carrément proche pote de ce dernier, "Kryštof Harant" se convertit même au protestantisme. Le 6 juin 1619, l'armée des Etats de Bohême se présenta devant la capitale de l'empire, Vienne, afin de faire valoir par la force ce que ce bon bougre de Rudolf II avait offert à la Bohême et que ce fumier de Ferdinand II s'apprêtait à reprendre: la liberté de culte. Maigrement équipé d'une petite dizaine de pièces d'artillerie de campagne, "Kryštof Harant" fit cependant péter quelques boulets savamment dirigés sur le palais impérial, et l'un d'entres-eux atterrit directement dans la soupe de Ferdinand, après avoir traversé la fenêtre PVC double vitrage de la salle-à-manger, fenêtre que l'empereur venait récemment de faire installer dans un souci d'économie financière comme d'isolation phonique. Selon les mémoires de son majordome parues en 1657 sous le titre "Moi qui ai servi l'empereur d'Autriche", Ferdinand se fit dessus (enfin dedans, dans ses collants) en plein milieu du banquet et des invités de marque (italienne). Il n'oublia jamais. Ferdinand n'oublia jamais cette honte, cette infâme humiliation occasionnée par un insignifiant Bohémien du nom ridicule de "Christophe Bâtard d'Aprècuillères et Sansatellites", humiliation occasionnée devant la cour impériale et les invités de son altesse sérénissime l'empereur d'Autriche et du St Empire romain-gerbatique. Le siège de Vienne prit fin très rapidement, car en faible nombre, mal équipée, l'armée des Etats de Bohême ne put pénétrer dans la ville et battit en retraite dès l'arrivée des premiers renforts impériaux. De retour à Prague, "Kryštof Harant" occupa le poste de président de la diète des Etats, genre président de la chambre des députés.
Le 8 novembre 1620 eut lieu la triste bataille de la Montagne Blanche. Les Etats de Bohême prirent une cinglante raclée, Ferdinand II reprit le contrôle du pays, et se mit à régler ses comptes avec les insurgés protestants. Lorsque "Heřman Černín (z Chudenic)" apprit la nouvelle de la victoire des Habsbourg sur les Etats de Bohême, il se dépêcha de rentrer au pays, puis de s'impliquer intensément dans la politique afin de faire son trou parmi les opportunistes catholiques. En 1620, il devint maire de la vieille ville de Prague (je rappelle qu'en cette époque il n'existait pas 1 ville de Prague mais 4), puis c'est au titre de juge d'exception qu'il assista à l'exécution des 27 notables qu'il avait en partie jugés et condamnés (sous la direction de Charles Ier de Liechtenstein). Le 21 juin 1621, les acteurs de la défenestration de Prague furent rattrapés par la vengeance impériale comme catholique, et 27 notables montèrent alors sur l'échafaud tout spécialement installé sur la place de la vieille ville afin que la populace s'imprime bien dans sa tête que tout était fini, que dorénavant ce seraient les Habsbourg et le catholicisme qui règneraient sur la Bohême, un point c'est tout. Bien entendu, parmi les 27 se trouvait "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic", que le Ferdinand n'avait pas oublié. Mais parmi les 27 se trouvait également le frère de "Heřman Černín (z Chudenic)", "Diviš Černín (z Chudenic)", capitaine de la garde du château au moment de la défenestration en 1618, et qui fut condamné pour avoir laissé entrer dans l'enceinte le peuple en furie. Il fut le seul catholique parmi les 27 à être condamné, mais il en fallait bien un afin que l'opinion internationale n'aille pas croire en une rancoeur religieuse. Une fois décapité, la tête et le corps de "Diviš" furent rendus à sa famille afin qu'il puisse être inhumé "catholiquement". D'autres n'eurent pas cette chance (si l'on peut dire, parce qu'une fois mort, hein...). Leurs corps furent morcelés, et à l'instar de leurs têtes, ils furent exposés en divers endroits de la capitale (en particulier sur le ponts Charles). Ce n'est qu'à l'invasion des armées saxonnes en novembre 1631 que les "fameuses 11 têtes" furent dépendues, et depuis, l'on a complètement perdu leur trace. C'est d'ailleurs encore et toujours la quête du graal des archéologuistoriens en herbe: retrouver les 11 têtes des exécutés de la place de la vieille ville. Aujourd'hui, lorsque vous vous promenez sur cette place, vous pouvez apercevoir 27 croix sur le pavé, parfois 28 :-) juste au coin de l'horloge astronomique, en souvenir de cette exécution inique.
Mais retour à cette bourrique de "Heřman Černín (z Chudenic)". Une fois l'ordre restauré dans Prague, après 1621, notre larron se mit à commercer avec les biens confisqués aux protestants (cf. une précédente publie sur le pillage de la Bohême après la défaite de la Montagne Blanche). Il devint rapidement riche, énormément riche, et pour ainsi dire l'un des plus riches du royaume. Son trou parmi les opportunistes catholiques s'agrandit également. En 1625, il devint le chef de l'intendance des armées impériales, alors sous-traitées à cette vile gouape de Wallenstein avec lequel il devint pote, puis il fut fait comte par l'empereur en personne en 1627, avec lequel il devint pote aussi. Bon, mais attendez la meilleure. Après avoir perdu sa première épouse en 1597, "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" perdit encore la seconde (ce maladroit), et se maria pour la 3 ème fois en 1609 avec "Anna Salomena Hradišťská z Hořovic a na Vildštejně". Devenue veuve en 1621, après que son mari "Kryštof Harant" eut perdu (encore?!) sa tête sur le billot, elle se convertit au catholicisme, mit les gosses chez les jésuites, son honneur au clou, et en 1625, elle épousa l'ex-beauf de son défunt mari: "Heřman Černín (z Chudenic)", le premier mari de la soeur de son ex-mari devenu nouveau mari ("Heřman"). C'est énorme moi j'dis. "Heřman" et "Anna" vécurent apparemment heureux, jusqu'en 1632 lorsqu'icelle décéda. Notre bougre se remaria une dernière fois avec un tendron de 30 ans plus jeune, et vécu avec elle (apparemment heureux également) jusqu'en 1651, lorsqu'à l'âge de 75 ans il expira (enfin) à son tour. Il fut inhumé en notre cathédrale tri-saintale, puis fut rejoint sous terre par sa dernière femme en 1664 lorsqu'elle-même décéda. "Heřman Černín (z Chudenic)" passa toute sa vie à amasser une fortune, à acheter des domaines et investir dans le foncier. Il eut 3 femmes, servit 4 empereurs, mais n'eut pas le moindre rejeton, même pas une fille. Aussi il légua en 1651 sa fortune à son arrière-neuve, "Humprecht Jan Černín z Chudenic", qui, grâce à tout ce pognon, mit en chantier le palais "Černín" ("Černínský palác"), l'un des (sinon le) plus vaste palais de notre capitale, et siège aujourd'hui du ministère des affaires étrangères. Ben c'est en ce palais "Černín", qu'en mars 1948 eut lieu la troisième défenestration de Prague. N'est-ce pas énorme comme tout est lié et comme tout se combine d'avec truc et machin?
Et pour terminer, je vous signale encore quelques édifices à proximité de l'église St Laurent. Tout d'abord une chapelle de 1735, dite "calvaire", décorée bien plus tard de sgraffites du génie "Mikoláš Aleš", représentant la résurrection (de Jésus). Et tiens, si vous êtes amateurs de notre artiste, j'ai recensé dans cette même base de données POI.CZ tous les lieux où vous pouvez voir des oeuvres de "Mikoláš". Il s'agit principalement de fresques sur des maisons, visibles de l'extérieur, donc si vous disposez d'un GPS (ou non), téléchargez gratuitement cette base de données, et laissez-vous guider vers ces fabuleuse peintures éparpillées dans toute la République. Au Sud de l'église se trouve une autre chapelle de 1737, dite "du St Sépulcre", et qui est la copie conforme de l'Edicule de Jérusalem. Elle est percée d'une petite fenêtre volontairement positionnée de telle façon qu'à Pâques, à 3 heures de l'après-midi très exactement (Pâques = 3 jours, 3 nuits, 3 heures, 3 mousquetaires... c'est tout dans la bib'...), un rayon de soleil illumine la pierre sacrificielle au centre de la chapelle. Et depuis cette chapelle du St Sépulcre jusqu'au monastère de "Strahov" (enfin en sens inverse) mène un chemin de croix, originellement nanti de 6 étapes, et d'une longueur de 500 m correspondant plus ou moins à la vraie distance d'entre le gnouf de la vieille ville de Jérusalem et le Calvaire. En fait, et contrairement au Marathon qui est de longueur fixe au mètre près (42195 m très exactement) et sans étape, l'épreuve du chemin de croix est de longueur variable, généralement d'entre 500 et 600 m, mais parfois même plusieurs kilomètres, avec pour particularité le port d'une croix d'un poids d'environ 20 à 60 Kg selon que l'on considère l'épreuve féminine, c'est à dire simplement d'avec la poutre transversale, ou d'un poids d'environ 100 à 140 Kg si l'on considère l'épreuve masculine, c'est à dire la croix complète avec les clous, le marteau, la tenaille... enfin l'équipement intégral des outils de la passion (cf. Mr Bricolage). Aujourd'hui, les athlètes faignants parcourent l'épreuve sans croix (à de rares exceptions près qui tiennent plus de la démence que du sport). De même les étapes, originellement au nombre de 14, peuvent être de nombre quelconque mais supérieur à zéro, auquel cas le chemin de croix s'intitule "visitation chez la belle-doche". Les étapes rappellent le parcours du tout premier crucifixien, et permettent aux athlètes actuels de se souvenir du sacrifice de Jésus, d'éveiller un sentiment de compassion et de gratitude pour celui qui n'a pas hésité à donner sa vie pour participer à l'épreuve.
Bref, notre épreuve praguoise du chemin de croix partait donc du monastère de "Strahov", longeait le mur protégeant la ville sur 500 m et en 6 étapes, puis se terminait devant le St Sépulcre à "Petřín". Elle fut la toute première épreuve de ce type en Bohême, et dès le milieu du XVIII ème siècle elle rencontra un succès énorme auprès de la population bigote, particulièrement à Pâques. En cette saison, non seulement les pèlerins se précipitaient pour tenter l'épreuve, mais même mieux, le père "Norbert Saazer" vendait à l'arrivée des saucisses grillées, des frites, des glaces, des Coca-Schweppes-Orangina, des parapluies, des boules à neige avec l'église St Laurent... Un vrai business du tonnerre de d'là à prix obscènes, qu'il se monta le goupillonneux. Et ce bougre mercantile n'était clairement pas en manque d'idée pour faire du grisbi. Cependant lorsqu'il se mit à carambouiller des grâces, des privilèges, et des indulgences, sa hiérarchie, qui jusqu'alors fermait les yeux, se sentit comme concurrencée, voire dépassée, et elle y mit le holà aussitôt. "Norbert Saazer" fut accusé de déprédation, de prévarication, puis déclaré coupable, il fut exilé en dehors de la Bohême où il décéda pour toujours. Une fois l'église St Laurent désacralisée par les reformes joséphiennes (en 1784), les édifices environnants perdirent en intérêt aux yeux des bondieusards, et le site se mit à pourrir.
Au bout d'un certain bout d'temps, certains Praguois en manque d'épreuve physique se mirent alors dans l'idée de rétablir l'épreuve du chemin de croix. Et sous l'impulsion du jardinier "Jiří Breu", de la grenouille de bénitier "Blažena Müllerová" et du plus haut burgrave du royaume de Bohême, le comte "Karel Chotek z Chotkova", l'on mit en chantier la réfection du parcours de santé entre 1836 et 1838. Parenthèse. "Karel Chotek z Chotkova" fut un personnage clé pour Prague comme pour le royaume de Bohême. Il fut le dernier burgrave tchèque administrant sur place le pays (après lui, le royaume était dirigé depuis Vienne par des fonctionnaires autrichiens), et Prague lui doit en particulier les premiers égouts et canalisations, le pavement des rues et des places, l'urbanisation verte de la ville (création de vergers et d'allées boisées). La rue serpentant depuis la station "Malostranská" empruntée par chaque touriste qui se rend au château de Prague par tram plutôt qu'à pied se nomme "Chotkova", et la station suivante "Chotkovy sady" (les vergers de ...). "Karel Chotek z Chotkova" est présent avec sa famille sur l'une des plus anciennes photos-portrait de type Daguerre. Le daguerréotype fut annoncé au monde en août 1839, et cette photo fut prise à Munich seulement 2 mois plus tard, fin octobre 1839. Et finalement "Karel Chotek z Chotkova" fut le grand-père de "Žofie Chotková", épouse de François-Ferdinand, assassinés en 1914 à Sarajevo ("Tak nám zabili Ferdinanda [...] toho z Konopiště, toho tlustýho, nábožnýho"). Bon, mais retour au chemin de croix. Aux 6 étapes originelles de 1738-40, furent rajoutées 8 autres (en 1836-38), afin de convenir aux standards de l'épreuve. La direction du chantier (restauration/construction des 14 étapes) fut confiée à "Josef Kranner", architecte peu connu mais qui pourtant est à l'origine de la restauration puis du projet de finition de la cathédrale tri-saintale (mais décédé trop tôt, l'édifice monumental ne comporte aujourd'hui pratiquement rien de son projet). Quand à la décoration, elle fut confiée à "Josef Führich", peintre également peu connu et spécialisé dans les thèmes à caractère religieux. Malheureusement, victimes d'une trop grande dévotion, les fresques s'effritèrent rapidement (baisement, touchement, recueillement, extasiement, allumement [de bougies]... tout ça vous bousille une fresque en moins d'deux) et durent être repeintes en 1884. Cette fois-ci c'est "Jakub Schikaneder" qui fut en charge. Pareil, il s'agit d'un peintre peu connu, mais bourré-plein de bonnes idées bien pertinentes: "ben tiens, si les fresques s'effritent, j'peux vous les peindre sur fer, genre émaillées. Et avec une bonne couche de verni d'ssus, même les Martiens pourront s'agenouiller d'vant le p'tit Jésus dans 10.000 ans". Ben oui mais non. L'idée bonarde retenue fut celle du maire d'alors (ah ben ouais, ça faisait longtemps que je ne vous l'avais pas faite celle-là, le maire d'alors), parce que comme tout le monde sait, les meilleurs idées viennent toujours du chef. Et selon l'idée du maire (d'alors) donc, les 14 étapes du chemin de croix furent munies de volets qu'un employé municipal ouvrait le matin et fermait le soir. Bien entendu, cela n'empêchait aucunement le baisement, touchement, recueillement, extasiement, allumement [de bougies]... en journée, mais cette fois-ci, les fresques tinrent le coup (vive les volets) car mes sources ne mentionnent plus aucune restauration depuis 1884, ce dont je doute fort, compte tenu de leur excellente apparence. Vous pouvez les admirer en cliquant ici. Notez sur les photos les gonds pour les volets.
Bon, eh bien il ne me reste plus qu'à vous informer encore que sur la façade de l'église, se trouve une plaque en laiton signalant que l'édifice se trouve à 327 et quelques mètres au dessus du niveau de la mer, et hop, ma publie est complète. Je m'en vais donc éteindre mon ordinateur, fout' à la porte mon pote le chat de la voisine qui dormait sur mes cuisses, et aller coucher ma viande dans le torchon parce qu'avec l'heure tardive qu'il se fait, j'te vous dis pas les valises oculaires qui vont me pendre à la hure demain au réveil. L'église St Laurent se trouve ici: 50°4'59.052"N, 14°23'46.010"E.
Et hop, j'enfonce le clou une fois de plus, avec cette fois-ci, une autre publie dont le sujet n'est autre qu'une autre église. Et comme à l'accoutumé, ce n'est pas n'importe quelle église. Il s'agit d'une des plus anciennes églises de Prague, qui date de... z'allez-voir plus loin. Ok, elle n'est plus d'apparence de ce qu'elle était lors de son érection originelle, mais quand même, elle reste néanmoins entourée de légendes et d'historiettes qu'il est bon de mentionner ici.
Vous souvenez-vous de ma publie intitulée "Promenade bucolique à Petřín"? Non? Ca ne m'étonne pas, elle date d'avril 2005. Bon, eh bien dans cette publie, je vous parlais de la colline de "Petřín", et de toutes les attractions qui s'y trouvaient (et s'y trouvent encore), mais je ne vous avais rien dit sur l'église, parce qu'à l'époque, j'ignorais que cela vous intéressait si tellement. Donc sur la colline de "Petřín", "Petrin mons ad Pragam, et in terris Germaniae linguae Laurenziberg appellatur", se trouve une église consacrée à St Laurent, "Vavřinec" en Tchèque. Pour ceux qui se demanderaient comment Laurent (du latin "Laurentius") est devenu "Vavřinec" en Tchèque, je signale que "Laurentius" est un dérivé du latin "laurus", laurier en Français comme en cuisine, qui se dit "Vavřín" en Tchèque. QED.
Et maintenant attention. Cette église St Laurent sur la colline de "Petřín" ne date pas de l'ère baroque comme sont architecture actuelle pourrait le suggérer. Elle ne date pas non plus de la renaissance et elle ne date pas plus du gothique ou du roman. Nan messieurs dames, cette église St Laurent sur le mont "Petřín" date de la nuit des temps, d'environ fin du X ème siècle. Stupéfiant non? Eh oui braves gens, la légende de l'érection de notre édifice remonte très exactement au règne du duc "Boleslav II" le bigot, avant que n'existe le monastère de "Břevnov", et avant même que n'existe le monastère de "Strahov".
Selon mes sources, une première mention de l'église St Laurent serait faite en des annales de 992. Et selon la légende (cf. plus loin), le saint patron de la Bohême (enfin un des) St Adalbert aurait lui même en personne goupillonné-consacré l'édifice. Je n'ai rien trouvé dans mes archives, aussi je ne puis vous en dire plus. Selon mes sources toujours, une autre mention en serait faite en 1003. Idem, rien dans mes archives, donc motus. Ensuite je vous en ai trouvé mention dans les "Fontes Rerum Austriacarum: Österreichische Geschichtsquellen", à propos de vignes et de sources d'eau (fontaines?): "Lib. civil. Prag. misc. F. 1110 -1113. Copia. Vinea Zdenkonis cum fonte supra ecclesiam S. Laurentii in monte Petrino". Mais la date n'est pas spécialement lisible dans mon grimoire, alors j'ignore à quelle époque attribuer cette mention. Selon son contenu, il pourrait s'agir de 1135 parce que justement, mes sources comme mes archives concordent sur cette date de 1135, mentionnée dans les archives du chapitre de "Vyšehrad". D'abord on trouve mention du don de l'église au chapitre "Ca. 1135 capella S. Laurentii, quam Sobeslaus I. dux obtulit ecclesiae Wissegradensi", et ensuite un retour sur le thème de la vigne "Ca. 1135. sex hospites eccl. Wyssegrad. sub monte Petrino w Traunice. In Petrin vinea duo vinitores." (vigne qui couvrait encore la colline de "Petřín" en début du XVIII ème siècle). De cette période date la première reconstruction romane en pierre, issue (la pierre) directement de la colline sur laquelle notre édifice se trouve. Auparavant, c'est à dire de la fin du X ème siècle, jusqu'en vers 1135, l'on présume que l'église aurait été en bois, au mieux en torchis crotte de bouc. Mais sous "Sobeslav I", la pierre aurait remplacé la crotte. L'on a d'ailleurs retrouvé les traces d'un mur roman lors des fouilles de 1926 (mais plus la crotte). Et parce que lors des fouilles de 1934 l'on a carrément plus mieux gratté-creusé qu'en 26, l'on a même en plus retrouvé une fenêtre romane murée dans la tour. Selon toutes ces fouilles, l'apparence de l'église aurait été alors semblable à celle de la rotonde de la Ste Croix mineure, à savoir une forme oblongue terminée par une abside à l'Est et pourvue d'une tour à l'Ouest. Tour que la rotonde de la Ste Croix mineure ne possède pas. Mais sinon pareil. Et donc certains de ces éléments romans sont aujourd'hui incrustés dans la construction baroque. En particulier la sacristie (baroque) qui ne serait autre que l'ancienne chaplette romane. Mais nous, on ne voit malheureusement rien, parce qu'on n'est pas archéologue. Ensuite l'église aurait été gothisée, sous le règne du bon roi Charles IV entre 1360 et 1362 lors de la construction du "mur de la faim" contre lequel elle est accolée.
Lors des guerres hussites, l'église aurait été endommagée, puis restaurée. Mais on manque cruellement d'information sur cette période. On manque d'ailleurs d'information jusqu'en 1590, lorsque St Laurent aurait été réparée (les glises) par des fonds octroyés par un certain Georges Henri de Frankenstein dont je n'ai pas trouvé la moindre trace dans mes archives (sinon dans "František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních: opravený r. 1590 od Jiřího Hendrycha z Frankenšteina"). Notez cependant qu'un des blasons sur la coupole intérieure de l'église porte le nom "Henricus a Frankenstein" (et ce "Henricus a Frankenstein" n'a rien à voir avec le monstre de Mary Shelley). Puis à nouveau plus rien de tangible, jusqu'en 1732. En cette année, la corporation des cuisiniers praguois (qui possédaient privilège de jouissance de l'église depuis 1650, car St Laurent est le saint patron des cuisiniers pour avoir été grillé à la broche [véridique], assaisonné aux lauriers [fort probablement]) et le père "Norbert Saazer" ("Saatzer") prirent en main la restauration de notre édifice comme la construction de plusieurs autres dans les environs (le chemin de croix, la chapelle du calvaire... cf. plus loin). Cette restauration dura jusqu'en 1780, et les sources sont assez confuses concernant l'architecte en charge de cette baroquisation. En effet, l'on parle généralement du génie "Kilián Ignác Dientzenhofer", mais l'on mentionne encore parfois "Ignác Jan Nepomuk Palliardi" (1737-1824), qui, compte tenu de sa date de naissance, aurait terminé l'oeuvre commencée par le précédent. Parenthèse. Si vous êtes amateurs de nos architectes, vous trouverez dans cette richissime base de données qu'est POI.CZ (POI = Point Of Interest en Anglais, points d'intérêt en Français) les monuments construits ou restaurés par les plus grands génies du baroque. J'ai terminé la famille "Dientzenhofer" (père et fils), et je travaille actuellement sur "Palliardi". Donc si vous disposez d'un GPS (mais pas forcément), téléchargez gratuitement ces bases de données, et vous ne louperez pas une seule oeuvre de ces grands maîtres (vous pouvez identifier les points d'intérêt par leur adresse si vous ne disposez pas d'un GPS). Fin de parenthèse.
Alors cette dernière restauration baroque est encore l'aspect actuel sous lequel vous voyez aujourd'hui notre édifice, aussi arrêtons-nous-y un peu dessus. Au Nord vous apercevez la façade convexe (ou concave selon d'où qu'on regarde) chapeautée par une corniche dédoublée, elle même coiffée d'un tympan en arrêtes brisées. Au centre du tympan se trouve les armoiries du prévôt du chapitre de St Guy (cf. la cathédrale homonyme cathédrale homonyme) "František Kazimír Strachovský ze Strachovic", qui, apparemment, aurait supervisé le bon déroulement des travaux (véridique, pour vous dire comme c'est important un homme d'église: il supervise puis il appose son blason pour les siècles suivants). Posées sur le sommet du tympan, 3 statues représentent de la gauche vers la droite St Jean Népomucène, une pietà particulièrement rare, et une Marie-Madeleine ou une Ste Monique. Selon François ("František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních") il s'agirait de Ste Monique, et j'aurais tendance à abonder en son sens car l'iconographie de Marie Madeleine est plutôt différente: plus libertine, plus jeune, plus dynamique, généralement les cheveux découverts (parfois les épaules aussi) compte tenu de son passé libidineux. Ste Monique, la mère de St Augustin, veuve dépressive, mélancolique et cul-pincé... enfin comme la statue. Mais bon, pas sûr de qui c'est quoi. Sinon la pietà du centre est remarquable de par le fait que petit Jésus décollé de sa croix ne repose pas sur les genoux de Marie comme dans 92,53% des cas (statistiques issues d'un échantillon représentatif de pietà provenant de ma propre collection de photographies prises à travers le monde, eh oui, rien que ça :-) mais sur les genoux de dieutouppuissant, représenté en évêque mitré. On parle alors de "Gottvaterpieta" (notez la consonance germanique). Parmi les plus célèbres, il est celle d'Albrecht Dürer, xylographie (gravure sur bois) de 1511, qui, reproduite en dizaines (centaines?) d'exemplaires inspira les plus grands, comme "Pieter Coecke" (cf. la Ste trinité), Michelangelo (cf. la pietà de Florence, notez cependant que dieu n'est pas dieu mais Nicomède), El Greco (cf. la trinité de l'autel principal de l'église du "Monasterio de Santo Domingo de Silos (el Antiguo)" dans laquelle église Le Grec reposerait toujours, sans qu'on ne sache vraiment où), jusqu'au retable de "Štětí" (patelin en Tchèque République), fabuleux triptyque de vers 1540 d'auteur inconnu, fidèlement copié sur l'Albrecht, et qui est en ce moment visible à "Litoměřice" dans le cadre d'une fantastique exposition de peinture gothique sur panneaux en bois. Fabuleuse exposition pour laquelle je ne ferai cependant aucune publicité parce qu'il y est interdit d'y photographier, parce qu'il a toujours été interdit d'y photographier, parce que fort probablement lorsque la race humaine aura été engloutie par sa propre connerie il sera encore et toujours interdit d'y photographier, et parce que malgré qu'il soit possible de photographier dans la plupart des galeries d'art du monde de cette galaxie de notre univers, à "Litoměřice" l'on ne photographie pas (d'ailleurs l'on n'a jamais pu et l'on ne pourra sans doute jamais). Primitifs fossilisés!
Bon, mais où réside la curiosité des "Gottvaterpieta"? Si vous regardez bien sur la notre, sur l'église St Laurent, vous verrez que l'évêque mitré porte une auréole en forme de triangle équilatéral. Aucun doute, le triangle représente les 3 hypostases de notre bonhomme de bondieu: le père, le fils et le St esprit. Or sachant que le mystère de dieu réside dans la consubstantialité des 3 hypostases ("Trinitate in unitate et unitate in trinitate") qui participent d'une même essence (sans plomb), comment Jésus pourrait être sur les genoux d'à bondieu, c'est à dire de lui-même (soi-même?), puisque le père et le fils (et le St esprit) sont de même substance tri-hypostatique? La réponse se nomme ubiquité. Dieu est partout (même dans vos toilettes) et sous toutes les formes, couleurs et odeurs (même dans vos toilettes aussi, et peut-être en même temps que vous). Il peut être partout à la fois, prendre n'importe qu'elle apparence, et tout ça en même temps, en une fraction de seconde et dans le monde entier. Ben maintenant, allez me représenter tout ça en sculpture ou en peinture? Vous voyez maintenant oh combien notre pietà sur l'église St Laurent est particulièrement rare? Sinon au centre de la façade, dans la niche, se trouve St Adalbert, sculpture de 1842 et de "František Dvořáček" (j'connais pas du tout!?). Cette façade, qui n'en est pas vraiment une puisqu'il s'agît du mur Nord de la nef principale, est entourée par 2 clochers de 24,5 m terminés en oignon (ou bulbe d'oignon). Puis au centre de l'édifice, est une autre tour circulaire haute de 22,7 m et terminée en lucarne et coupole.
Le dedans de l'église est particulièrement décevant. Pour un édifice quasi millénaire, il ne reste vraiment pas grand chose de notable, mais z'allez voir plus loin, le pourquoi que c'est comme ça. Sur l'autel de droite, il est une peinture de 1693 représentant le martyr de St Laurent (ou l'utilisation des feuilles de laurier dans les grillades), croûte attribuée à un peintre français ou flamand du nom de Jean-Claude Monno (j'connais pas du tout!? Cf. "František Ruth, Kronika královské Prahy a obcí sousedních, R. 1695 malíř Jan Claudius Meono [Menno, Monno], rodem Hollandán nebo Francouz, od r. 1692 měšťan staroměstský, koupil dům za peníze ženiny. Od něho jest obraz sv. Vavřince na hi. oltáři na Petříně"). Sur l'autel de gauche, se trouvait une peinture de "Václav Markovský" (peintre de second rang, si je puis m'exprimer ainsi), représentant St Francois de Sales. Aujourd'hui la peinture n'est plus, remplacée par une statue moderne d'une hauteur de 50 cm représentant la vierge et l'enfant. Dans l'église se trouvait encore une statue de St Laurent (avec son grill à viande), qui, selon mes sources, était attribuée à "František Xaver Lederer". Pareil, elle n'y est plus. Par contre la remplacent un St Jean Népomucène en bois tout noir (sans doute une version sénégalaise de notre saint mondialement connu) et un relief de St Adalbert de 3/4 face (ou 1/4 profil). Malheureusement, je n'ai aucune information concernant les auteurs. En dehors de cela, l'intérieur est plutôt moderne, et d'agencement "Jiří Pelcl", auteur également du crucifié pendu dans le choeur. Ah si, le plafond de la sacristie serait décoré d'une fresque baroque montrant des scènes de la fondation de l'église St Laurent par St Adalbert en 991 (cf. l'histoire plus loin). Je ne puis confirmer, parce que je ne suis pas rentré dans la sacristie. J'ai déjà eu du bol de rentrer dans l'église et de pouvoir photographier, ce qui est suffisamment remarquable pour être signalé ici, alors la sacristie, j'ai pas osé.
Bon, mais retour à la chronologie. En 1784 l'église St Laurent fut désacralisée par les réformes de Joseph II, et mise en vente sur eBay. Heureusement (ou malheureusement) personne n'en voulut. L'édifice commença alors à prendre l'eau, le vent et la moisissure. Sans doute pour ces raisons, le chapitre de St Guy (alors propriétaire) céda en 1839 l'église à la ville de Prague qui entreprit aussitôt une totale restauration puis qui affilia l'édifice restauré à St Nicolas Petit-Côté, lequel débordait alors de bondieusards lors des messes du dimanche. En 1849, l'église prit feu des suites de l'incendie qui se déclara un peu auparavant dans les bâtiments militaires à proximité. Mais tout fut réparé vitesse grand V, au grand bonheur des bondieusards et les messes dominicales reprirent comme à l'accoutumé. Puis rien d'intéressant, ni de remarquable. En 1926 survint donc une restauration majeure, en parallèle avec des fouilles archéologiques. Rebelote en 1934, mais en moins majeur, les fouilles. Pis guerre, pis con-munistes, pis révolution de velours, et nous voilà en 1994. En 1994, la ville de Prague loua l'église St Laurent à la communauté vieille-catholique, à l'instar des rotondes Marie-Madeleine et Ste Croix mineure. Et maintenant attention messieurs dames: lors du 40 ème synode en date du 11 novembre 1995, il fut décidé de transférer l'évêché de l'église vieille-catholique tchèque depuis la ville de "Varnsdorf" en notre église St Laurent, du coup il ne s'agit plus d'une simple église, mais d'une cathédrale. Ca pousse au respect moi j'dis.
Et maintenant retour au tout-début, lorsque Prague se composait de 3 cahutes, 5 cabanes et 1 gourbi. En ce temps de la fin du X ème siècle, la colline de "Petřín" était couverte d'une forêt touffue pleine de bois, et cette forêt s'étendait jusqu'à la Montagne Blanche (quelques 6 km vers l'Ouest). Et en toute proximité de notre église se trouvait alors un échafaud. D'aucuns présument d'ailleurs que notre église St Laurent serait à l'origine liée aux exécutions, qu'elle aurait servi de confessionnal, d'ultime occasion pour un éventuel repentir. Peu probable cependant, en cette époque où le catholicisme n'avait pas encore infesté la population indigène. Bref. Ici, l'on massacrait les condamnés jusqu'au 14 ème siècle, jusqu'à la construction du "mur de la faim", lorsque le bon roi Charles déménagea l'échafaud sur la colline de "Vítkov", parce que le sang des exécutés coulant le long du mur commençait à cracra-gadouiller la terre sur laquelle l'on faisait aussi pousser de la vigne. Et parmi ces exécutions, il en est quand même des célèbres que je ne peux pas vous passer sous silence.
La première concerne la famille des "Slavníkovci", dont était issu notre St Adalbert en personne, et n'a rien à voir avec "Petřín" (mais faut bien que je vous situe le sujet, non?). En l'an 995 post Jean-Claude, "Boleslav II" fit massacrer les "Slavníkovci" à "Libice nad Cidlinou" pour une sordide affaire de tondeuse prêtée et pas rendue (notez que "Boleslav II" avait pour surnom "le pieux", comme quoi la dévotion et le massacre ont souvent été de paire). Vous pouvez lire toute l'affaire dans "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum, Capitulum vicesimum nonum: at illi ceu lupi inmanes urbis menia irrumpentes, masculum et feminam usque ad unum interficientes, quatuor fratribus sancti Adalberti cum omni prole ante ipsum altare decollatis urbem comburunt, plateas sanguine perfundunt et cruentis spoliis ac crudeli preda onerati hylares ad proprios redeunt lares. Interfecti sunt autem in urbe Lubic quinque fratres sancti Adalberti anno dominice incarnationis DCCCCLXXXXV...". Et parmi les acteurs de la tuerie, se trouvait la famille des "Vršovci", que St Adalbert eut encore le temps de maudire depuis son exil, raison pour laquelle d'ailleurs il échappa au massacre.
Et le maudissement prit comme de la glue époxyde, et colla aux frusques de la famille "Vršovci" pendant plus d'un centenaire. Pareil, vous en trouverez des pleines pages dans la même "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum", mais aussi dans "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon". Les "Přemyslovci" tentèrent de génocider les "Vršovci" par 3 fois en 100 ans, sans jamais vraiment y parvenir. Et pourtant, cette vilaine famille méritait vraiment d'y passer. Jugez-en par vous-mêmes, sur la base des écrits de "Cosmas". Extrait d'un bon conseil du prince "Jaromír" au futur prince "Břetislav": "Ast illos, qui sunt Wrisovici iniquiorum patrum nequam filii, nostri generis hostes domestici, familiares inimici, ut cenosam rotam devites et consorcia eorum declines, quia nobis numquam fuere fideles" (Ainsi et d'autres part non plus, de qui sont les "Vršovci", ignobles pères de fils vauriens, ennemis autochtones de notre espèce, nuisibles envers notre famille, garde t'en comme d'une roue merdeuse et proscris toute relation d'avec, car jamais ils ne nous furent fidèles). Ca parle tout seul de soi-même moi j'dis.
Alors la première tentative de génocider les "Vršovci" fait suite aux évènements de 1002, lorsqu'iceux ourdirent une rébellion contre le duc de Bohême "Boleslav III" pour une sordide histoire de tondeuse prêtée et pas rendue. Ce dernier dut fuir se planquer en PLogne, mais à son retour (en 1003), il massacra tout naturellement tout c'qu'il put, en commençant par son fumier de gendre, issu de la vilaine famille (cf. "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon: Quod et ita accidit. Enimvero cum Bolizlaus Boemensis cerneret populum suum, execrando ritui deditum, in maxima securitate constitutum, impietatem suam ad confringenda foedera pacis, quam sacramentis firmaverat, in tantum armavit, ut, collectis in unam domum coram se cunctis optimatibus, primo generum suum, gladio in caput ejus merso, ipse occideret, ceterosque inermes in ipsa sancta quadragesima, vir sanguinum et dolosus, nec sibi concessos umquam dignus dimidiare dies, cum suae malitiae fautoribus interficeret").
La seconde tentative de génocider les "Vršovci" est à mettre dans le contexte de 1014, lorsque les frangins "Oldřich" et "Jaromír" se disputaient le trône de Bohême. Sans rentrer dans les détails, laissez-moi toutefois vous situer l'anecdote. Alors que "Oldřich" était au pouvoir et son frangin "Jaromír" banni en exil, il ("Oldřich") eut vent que d'aucuns, et en particulier un certain "Božej" (des "Vršovci", cf. " Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: Bosey, filium Cac, cognatum Mutine; semper enim illam nationem Wrissovici"), alors son gratte-papier, porte-serviette, lèche-bottes puis faux-jeton, épaulaient en cachette le frère déchu ("Jaromír") et préparaient accessoirement un méchant complot en vue de se débarrasser de lui ("Oldřich"). Il fit alors massacrer "Božej", et nombreux autres pour l'exemple (cf. "Thietmari Merseburgensis episcopi Chronicon: Illud etiam adnectendum est, qualiter Othelricus, Boemiorum dux, mammona iniquitatis (Luc. XVI, 9) interpretatus, Bosionem inclitum suimet militem caeterosque complures interfici preceperit, eo quod hos fratrem adjuvare exulem a falsis murmuratoribus audierit, et omnes caute in hiis...").
Pis il est une anecdote que je ne peux vous passer sous silence. En 1034, et afin que ces 2 couillons cessent de se disputer le pouvoir, l'empereur du St Empire romain-germanique Conrad II divisa le trône de bohême entre "Oldřich" et "Jaromír". Ces 2 boug' se devaient de régner en corégence. Mais voilà, "Oldřich" était assoiffé de pouvoir comme une bête sauvage de sang. Aussi afin de prendre complètement le dessus de l'autre, il fit emprisonner son frère "Jaromír", puis il le fit châtrer et aveugler afin d'avoir la paix pour toujours. Bon, c'est très mal, mais c'est pas ça le sujet de la rigolade. A force de se faire massacrer, les "Vršovci" décidèrent de se venger, et un certain "Kohan" (le barbare), le plus grand scélérat de tous (cf. "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: quorum primus et quasi caput tocius iniquitatis erat Kohan vir sceleratissimus et omnium malorum hominum pessimus"), prit entre ses mains le glaive de la vengeance qui s'abattit sans pitié sur le pauv' "Jaromír" ("Oldřich" était alors déjà décédé, et remplacé sur le trône par son fils "Břetislav"). Je vous traduis exactement la scène de l'assassina de "Jaromír", telle que décrite par "Cosmas": "et au bout de peu de temps, Kohan, dont nous vous eûmes parlé précédemment, envoya son bourreau (exécuteur, assassin), et lorsqu'icelui aveugle ("Jaromír"), assis sur les aisances par heure tardive s'en purgeai la bedaine, il (le bourreau) lui perfora par derrière les viscères abdominales à l'aide d'un javelot acéré" ("Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: Nec post multos dies Kohan de quo supra retulimus, misso lictore suo dum ille cecus purgat ventrem in necessario noctis in hora, auctissima sica perforat eum in posteriora usque ad ventris interiora. Sicque iustus vir, velut Dei martyr, dux Iaromir obiit anno dominice incarnationis MXXXVIII"). Mort de rire, on dirait du Rabelais :-)
Et tout ça pour en arriver à la troisième (et dernière) tentative de génocider les "Vršovci" en 1108, tentative qui s'inscrit dans le contexte de ma publie actuelle (enfin! Diront certains). Elle est à mettre au compte cette fois-ci du duc "Svatopluk Olomoucký". Lorsqu'icelui partit mettre une raclée aux Hongrois, il confia la garde de sa tondeuse à un certain "Mutina" (famille "Vršovci"). A son retour, "Svatopluk" trouva l'engin dans un tel état, que sans dec, ça méritait bien une correction. Du coup paf, coup de sang ("Svatopluk" était plus enflammé qu'un poêle qui aurait 7 fois flambé: cf. "Cosmae Pragensis, Chronica Boemorum: sic Zuatopluk intrans stubam sedit in medio super truncum fornacis plus succensus ira quam fornax, qui septies succenditur flamma..."), et massacre des "Vršovci" comme de leurs partisans. Mais cette fois-ci en grand, le massacre. Plus de 3000 personnes selon "Cosmas". La boucherie dura même plusieurs jours. D'aucuns y perdirent la vie ("alii namque in forum ducti ceu bruta animalia sunt mactati, multi in tectis sive in plateis sunt trucidati"), d'autres furent mutilés (aveuglement et coupage de zgeg "qui ilico captus oculis et mentula est privatus"), à Prague ils furent menés "comme bête sauvage" sur notre colline de "Petřín" et occis sans pitié, là où se trouvait l'échafaud, à quelques mètres de notre église ("alii in monte Petrin decollati"), jusqu'aux gosses choppés par le bourreau sanguinaire sous ses aisselles puis égorgés comme cochons ("cum cruentus carnifex ambos ceu porcellos sub ascella interficeret cultello"). Sympa la vie en ces temps du moyen-âge moi j'dis. Et maintenant ironie du sort, les "Vršovci" furent également massacrés à "Libice nad Cidlinou", là où 100 ans plus tôt ils massacrèrent les "Slavníkovci" dont ils récupérèrent les biens. Et ironie du sort toujors, "Svatopluk" fut transpercé par une lance 1 an plus tard (en 1109) fort probablement par un "Vršovec" qui aurait survécu.
Maintenant un autre qui perdit sa tête près de l'église St Laurent sur la colline de "Petřín" était un certain "Ctibor", dit tête savante (cf. La Chronique de Dalimil: "Ctibor múdrá hlava [...]Toho rady v zemi poslušno bieše, a však často nemúdřě mluvieše řka: "Já mohu i bohu radu dáti a mohl by mne každý rád v svú radu pojímati." Opět řka: "Musil by bóh mnoho mysliti, by mě mohl chuda učiniti", si savant qu'il aurait pu conseiller dieutouppuissant en personne). Dans les années 1247-1248, le roi "Václav I" perdit tellement de points dans les sondages que sa côte de popularité chuta au plus bas. Tu m'étonnes, aller imposer les très riches à 75% était non seulement une mesure démagogique accouchée par un esprit dérangé, mais surtout une initiative nuisible et hasardeuse. En effet, les très riches (la noblesse) se mirent alors rapidement à comploter afin de renverser le roi. Et afin de ne pas laisser croire aux média qu'il se fomentait un coup d'état putschiste ou une révolution des classes, ils voulurent asseoir sur le trône de Bohême le descendant du despote, le jeune fils de "Václav I", le futur roi "Přemysl Otakar II", lequel était totalement opposé à un tel impôt qu'il jugeait personnellement inique, dommageable et infondé (cf. La Chronique de Dalimil: "Pro to sě někteří páni proti králi vzdrastichu, a syna jeho Přěmysla proti jemu vzbudichu"). L'affaire alla si loin, que le père et le fils se firent la guerre pendant pratiquement 1 an. Les victoires des uns succédaient aux défaites des autres, jusqu'en août 1249, lorsque les 2 partis firent la paix. "Václav I" mit cependant son morveux au gnouf pendant quelques jours, histoire de lui apprendre les bonnes manières plutôt qu'à balancer des tomates sur la police. Puis réalisant que "Přemysl" était son unique fils et donc seul successeur, que sa femme Cunégonde fertilisait les pissenlits depuis 1 an et que ses figues (à "Václav I") n'étaient plus des fruits de printemps, il refit ami-ami avec son boug' de rejeton pour le bien du pays. Il passa cependant sa colère sur les autres conspirateurs, les plus riches, ceux qui étaient du côté de son fils, et tout particulièrement sur "Ctibor" tête savante, meneur des insurgés, et sur son fils "Jaroš", descendant malencontreux et potentiel emmerdeur si vivant. Le 29 décembre 1250, la tête savante du père "Ctibor" fut décollée de son corps à "Petřín", tandis que son fils fut roué en dehors des murs de la ville (cf. La Chronique de Dalimil pour les vers et la rime: "Král káza Čstiborovi na Petříně hlavu sstrčiti, a jeho syna Jarošě na kolo vzbíti. Ten, jenž dieše, by uměl i bohu radu dáti, neumě sebe ni syna smrti zbaviti", cf. "Fontes Rerum Bohemicarum I., Josef Emler, Pragae 1878: Eodem anno Cztibor iudez IV Kal. Januarii in Petrzin monte gladio decollatus est, et filius eius Jaros extra muros civitatis rotatus est" pour la date et les faits).
Et puisqu'on parle d'exécution et de brigands... Vers la fin de la guerre de 30 ans, la colline de "Petřín" abrita la plus belle brochette de coupe-gorges et de malandrins que Prague ait connue. Initialement pauv' boug' sans famille, sans logis et sans ressources qui traînaillaient leurs guêtres dans la forêt touffue, ils enfilèrent tout naturellement l'habit du forban malfaiteur afin de se livrer à la rapine d'ampleur industrielle. Rapidement ils s'organisèrent bien propre, formant une troupe nombreuse, et se donnèrent des noms d'actualité de la StarAc comme "Königsmark" ("Hans Kristofer"), "Piccolomini" ("Ottavio"), "Montecúccoli" ("Raimondo"), "Thurn" ("Jindřich Matyáš"), "Colloredo-Waldsee" ("Rudolf"), "Wrangel" ("Carl Gustaf")... mélangeant joyeusement les grades et les nationalités. On les appelait les "Petrovští", du nom de la colline de "Petřín" sur laquelle ils sévissaient. Sortes de Robin des bois baroques, nos forbans s'en prenaient aux riches (commerçants, nobles, bourgeois...), mais contrairement au bougre Brit originel, les "Petrovští" ne distribuaient rien aux pauvres. Sur le principe de "qui donne aux pauvres prête à rire" (Francis Blanche), les canailles gardaient tout le butin pour eux, et rien que pour eux (ce n'est pas en rendant les riches moins riches que l'on rend les pauvres moins pauvres). Alors un jour quand même, les riches (surtout les "très" riches qui ne voulaient pas devenir "simples" riches) en eurent assez. Ils firent ratisser les bois par l'armée, ce qui s'avéra être d'une totale inefficacité. Aussi afin d'en finir radicalement avec cette pègre "Petřínienne", la diète des Etats (de Bohême) accoucha le 7 août 1650 d'une patente unique en désaccord total d'avec les principes des Droits de l'homme:
- de un, complètement désarmer les vilains (nous étions à la fin de la guerre de 30 ans, et les armes traînaient de partout)
- de deux, déboiser sur 150 m de part et d'autre les routes à risque
- de trois, autoriser les tribunaux de débarrasser séance tenante de cette terre tout membre du gang arrêté, ou tout simplement suspect
- de quatre, offrir récompense pour tout membre du gang arrêté, tué ou dénoncé
- de cinq, instaurer un visa de circulation pour toute personne amenée à voyager
- de six, assener amende velue à tout propriétaire de terrain sur lequel un brigand aurait séjourné plus de 2 jours
- de sept, faire surveiller les gardes-chasse par les seigneurs afin qu'ils ne se livrent pas à des débordements envers la plèbe
- de huit, suspendre l'activité des pourvoyeurs-porteurs-livreurs suspectés d'approvisionner les malandrins
- de neuf, que les vignerons ne doivent en aucun cas tolérer la présence de vagabonds dans leurs cahutes ou leurs pressoirs
- de dix, faire surveiller attentivement par les seigneurs toutes les auberges, tavernes, et maisons isolées, et les raser si besoin est
Ceci-dit, il fallut plus de 50 ans afin que les "Petrovští" cessent de figurer en premières pages des dossiers criminels, autrement dit, c'est plus par manque de vocation des jeunes générations et par extinction des générations anciennes que ces brigands disparurent, plutôt que par la législation ou l'activité des forces de l'ordre.
Pis maintenant, une gentille légende bien catholique qui va vous expliquer comment est née l'église St Laurent. Vous en trouverez l'histoire complète dans la Chronique tchèque ("Kronika česká", 1541) recueil de bonnes farces écrit par le saugrenu "Wáczlaw Hayek z Libočan" ("Václav Hájek z Libočan" en Tchèque moderne). D'un point de vue factuel et historique, cette chronique est à proscrire totalement. Maintenant pour s'endormir la nuit sur des historiettes rigolotes... Ceci-dit la légende que je m'en vais vous raconter est bien réelle. Elle date de Mathusalem qui la racontait déjà à Hérode (ou l'inverse), et plusieurs sources antérieures à "Wáczlaw Hayek" l'abordent également (mais en moins drôle). Et donc il était une fois, en 991 après Jean-Claude, des carriéristes qui arrachaient la pierre aux carrières de la colline de "Petřín" afin de construire cette splendide ville de Prague. En hiver, et pour de se réchauffer la couenne lorsque la tempiotte tombait aussi bas que la côte de popularité du p'tit Nicolas, les carriéristes... quoi? Ah bon? Le travailleur dans une carrière est un carriéreux et pas un carriériste? Bon, alors par temps froid, les carriéreux faisaient un feu. Et un jour, ils virent comme des farfadets dansant dans les flammes, tout plein de partout qu'il y en avait, du farfadet. Pris d'une trouille bleue caca-falzar, les carriéreux s'enfuirent à toutes jambes, et en quelques jours, le bruit que la colline abriterait des dieux païens courait dans les 4 rues du village de Prague (à l'époque). Aussitôt, et sous l'effet de l'opium populaire, la plèbe crédule accourut idolâtrer les dieux sur notre colline, près d'un grand chêne multi centenaire pour faire plus vrai, et de bruler encens, sorcières, feux rouges et autres sacrifices afin d'exaucer les prétendus homoncules. Et tout ceci dans un ahurissant pétard de boucan, accompagné de chants barbares, d'alcool et de débauche inhérente, que c'en était techno-rave-party au lupanar de Méphisto organisée par Alighieri. Au bout d'un moment quand même, "Boleslav II" le bigot en eut assez, parce que si vous regardez bien sur une carte, le château de Prague n'est pas si éloigné de "Petřín" (quand même), et pour ceux qui n'auraient jamais été en contact avec une techno-party (rave hardcore house), j'peux vous dire qu'un tel chambard vous décroche la lune de son orbite pour peu qu'elle passe juste au dessus. Il fit donc mettre un terme à la joyeuse nouba: éteindre les feux, déraciner le chêne, et disperser la foule au gaz qui pique. Bon, ça le fit pour un moment, mais au bout de quelques semaines, les feux, les nains et les fêtards étaient de retour. Ben tiens, le croyant, même païen, a de la suite dans les idées. "N'di diou" se dit "Boleslav", "et j'fais quoi maintenant?" Puis de passer un coup de fil à son pote l'évêque (alors en voyage chez les Ritals), et de lui expliquer la situation tendue. Genre si l'Adalbert n'aurait pas comme une bonne idée afin de régler la situation une fois pour toute. Ben comme l'évêque conseilla, le duc oeuvra. Tout d'abord il fit raser la surface du site hérétique. Ensuite il inonda la terre avec des hectolitres d'eau bénite. Et une fois bien asséchée, la terre, il fit ériger céans une église consacrée à St Laurent, parce que depuis que le martyrisé eut grillé à la broche (véridique), il est non seulement ignifuge mais empêche de surcroît le feu de reprendre. Bon, mais il fallut quand même encore attendre une bonne paire de semaines avant que le peuple ne se mette à fréquenter notre église, parce qu'on ne va pas se la raconter non plus, hein, la religion catholique, c'est d'un chiant...
Et tiens, vu qu'on parle de catholique... Alors c'est une histoire assez longue, mais vous me connaissez, je vais faire succinct concis sinon vous allez louper le film du dimanche soir (et ma maman la météo). En fait, je vous en parle parce que c'est bien entendu lié à notre église St Laurent, mais surtout parce que c'est extrêmement intéressant de voir comment tout se combine tout autour, z'allez voir. Il était une fois donc, un certain "Heřman Černín (z Chudenic)" (1576 - 1651), sans grand intérêt dans les premiers temps de sa vie. En 1589, il hérita involontairement d'un beau-frère en la personne de "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" (1564 - 1621) dont la vie fut si mouvementée qu'il en faudrait rédiger une publie complète. Du coup je ne vous dis rien, et peut-être qu'un jour... quand j'aurai le temps... Ah si, son nom rigolo. "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" se dit en Latin "Christofer Nothus Postcochlearensis Sinesatellitensisque", soit en Français "Christophe Bâtard d'Aprècuillères et Sansatellites". Et c'est pas une blague, véridique bien réel. Mort de rire. Mais retour à l'histoire.
En 1597, la soeur de "Kryštof Harant" et la femme de "Heřman" décéda. Ce dernier prit aussitôt son téléphone, et appela son beauf. "Dis-donc Kryštof, tu sais ce qui m'arrive? Ah bon, tu sais? Bon, et tu fais quoi dans les prochaines années?" Et comme dans les prochaines années il ne faisait rien, "Heřman" partit en 1598 avec son ex-beauf "Kryštof Harant" en terre sainte. Partis pour partis, ils en profitèrent aussi pour visiter d'autres coins, Venise, Rome... Bon, mais c'est pas important. En 1599, nos bougres furent de retour en Europe, et tandis que "Kryštof Harant" s'en retourna immédiatement en Bohême afin d'entreprendre une carrière professionnelle dans la fonction publique, "Heřman" s'en alla vadrouiller en Espagne, d'où qu'il ouït que les femmes seraient particulièrement belles (et poilues). De retour en son pays en 1603, "Heřman" entra également dans la fonction publique, en tant que sous-officier de bouche auprès de la chambre impériale, alors que son ex-beauf "Kryštof Harant" occupait alors la position d'officier de bouche maître, et était de ce fait son supérieur. "Heřman" commença alors à développer une antipathie viscérale envers "Kryštof Harant", antipathie inversement proportionnelle à l'évolution de sa carrière professionnelle. Ambitieux et arriviste cependant, l'envieux restait dans l'ombre de son brillant (ex) beau-frère, malgré ses nombreuses tentatives de lui grimper ne serait-ce qu'à la cheville.
Mais en 1616, la chance sourit à "Heřman" sous la forme d'une mission officielle pour le compte de l'empereur "Matthias" auprès du sultan ottoman "Ahmet". Il fut de retour à Prague un an plus tard, juste à temps pour assister à la fameuse défenestration de Prague (23 mai 1618). Et justement, suite à cet évènement, les catholiques n'en menaient pas large dans le pays. Aussi lorsqu'assistant à la messe en notre église St Laurent sur la colline de "Petřín", "Heřman Černín (z Chudenic)" eut vent qu'il semblerait qu'il serait sur le point de se faire arrêter afin d'expliquer le montant de ses notes de frais (et tout particulièrement de petit-déjeuner) lorsqu'il se trouvait en mission à Constantinople, ce dernier quitta brusquement la messe encore chaude et franchit la frontière d'avec la Saxe avant même que le curé n'ait eu prononcé l'"ite, missa est".
Entre-temps, "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" avait parcouru un sacré bout de chemin. D'officier de bouche maître auprès de l'empereur, il devint le commandant en chef de l'artillerie de l'armée des Etats de Bohême sous le commandement du comte "Jindřich Matyáš Thurn". Devenu carrément proche pote de ce dernier, "Kryštof Harant" se convertit même au protestantisme. Le 6 juin 1619, l'armée des Etats de Bohême se présenta devant la capitale de l'empire, Vienne, afin de faire valoir par la force ce que ce bon bougre de Rudolf II avait offert à la Bohême et que ce fumier de Ferdinand II s'apprêtait à reprendre: la liberté de culte. Maigrement équipé d'une petite dizaine de pièces d'artillerie de campagne, "Kryštof Harant" fit cependant péter quelques boulets savamment dirigés sur le palais impérial, et l'un d'entres-eux atterrit directement dans la soupe de Ferdinand, après avoir traversé la fenêtre PVC double vitrage de la salle-à-manger, fenêtre que l'empereur venait récemment de faire installer dans un souci d'économie financière comme d'isolation phonique. Selon les mémoires de son majordome parues en 1657 sous le titre "Moi qui ai servi l'empereur d'Autriche", Ferdinand se fit dessus (enfin dedans, dans ses collants) en plein milieu du banquet et des invités de marque (italienne). Il n'oublia jamais. Ferdinand n'oublia jamais cette honte, cette infâme humiliation occasionnée par un insignifiant Bohémien du nom ridicule de "Christophe Bâtard d'Aprècuillères et Sansatellites", humiliation occasionnée devant la cour impériale et les invités de son altesse sérénissime l'empereur d'Autriche et du St Empire romain-gerbatique. Le siège de Vienne prit fin très rapidement, car en faible nombre, mal équipée, l'armée des Etats de Bohême ne put pénétrer dans la ville et battit en retraite dès l'arrivée des premiers renforts impériaux. De retour à Prague, "Kryštof Harant" occupa le poste de président de la diète des Etats, genre président de la chambre des députés.
Le 8 novembre 1620 eut lieu la triste bataille de la Montagne Blanche. Les Etats de Bohême prirent une cinglante raclée, Ferdinand II reprit le contrôle du pays, et se mit à régler ses comptes avec les insurgés protestants. Lorsque "Heřman Černín (z Chudenic)" apprit la nouvelle de la victoire des Habsbourg sur les Etats de Bohême, il se dépêcha de rentrer au pays, puis de s'impliquer intensément dans la politique afin de faire son trou parmi les opportunistes catholiques. En 1620, il devint maire de la vieille ville de Prague (je rappelle qu'en cette époque il n'existait pas 1 ville de Prague mais 4), puis c'est au titre de juge d'exception qu'il assista à l'exécution des 27 notables qu'il avait en partie jugés et condamnés (sous la direction de Charles Ier de Liechtenstein). Le 21 juin 1621, les acteurs de la défenestration de Prague furent rattrapés par la vengeance impériale comme catholique, et 27 notables montèrent alors sur l'échafaud tout spécialement installé sur la place de la vieille ville afin que la populace s'imprime bien dans sa tête que tout était fini, que dorénavant ce seraient les Habsbourg et le catholicisme qui règneraient sur la Bohême, un point c'est tout. Bien entendu, parmi les 27 se trouvait "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic", que le Ferdinand n'avait pas oublié. Mais parmi les 27 se trouvait également le frère de "Heřman Černín (z Chudenic)", "Diviš Černín (z Chudenic)", capitaine de la garde du château au moment de la défenestration en 1618, et qui fut condamné pour avoir laissé entrer dans l'enceinte le peuple en furie. Il fut le seul catholique parmi les 27 à être condamné, mais il en fallait bien un afin que l'opinion internationale n'aille pas croire en une rancoeur religieuse. Une fois décapité, la tête et le corps de "Diviš" furent rendus à sa famille afin qu'il puisse être inhumé "catholiquement". D'autres n'eurent pas cette chance (si l'on peut dire, parce qu'une fois mort, hein...). Leurs corps furent morcelés, et à l'instar de leurs têtes, ils furent exposés en divers endroits de la capitale (en particulier sur le ponts Charles). Ce n'est qu'à l'invasion des armées saxonnes en novembre 1631 que les "fameuses 11 têtes" furent dépendues, et depuis, l'on a complètement perdu leur trace. C'est d'ailleurs encore et toujours la quête du graal des archéologuistoriens en herbe: retrouver les 11 têtes des exécutés de la place de la vieille ville. Aujourd'hui, lorsque vous vous promenez sur cette place, vous pouvez apercevoir 27 croix sur le pavé, parfois 28 :-) juste au coin de l'horloge astronomique, en souvenir de cette exécution inique.
Mais retour à cette bourrique de "Heřman Černín (z Chudenic)". Une fois l'ordre restauré dans Prague, après 1621, notre larron se mit à commercer avec les biens confisqués aux protestants (cf. une précédente publie sur le pillage de la Bohême après la défaite de la Montagne Blanche). Il devint rapidement riche, énormément riche, et pour ainsi dire l'un des plus riches du royaume. Son trou parmi les opportunistes catholiques s'agrandit également. En 1625, il devint le chef de l'intendance des armées impériales, alors sous-traitées à cette vile gouape de Wallenstein avec lequel il devint pote, puis il fut fait comte par l'empereur en personne en 1627, avec lequel il devint pote aussi. Bon, mais attendez la meilleure. Après avoir perdu sa première épouse en 1597, "Kryštof Harant z Polžic a Bezdružic" perdit encore la seconde (ce maladroit), et se maria pour la 3 ème fois en 1609 avec "Anna Salomena Hradišťská z Hořovic a na Vildštejně". Devenue veuve en 1621, après que son mari "Kryštof Harant" eut perdu (encore?!) sa tête sur le billot, elle se convertit au catholicisme, mit les gosses chez les jésuites, son honneur au clou, et en 1625, elle épousa l'ex-beauf de son défunt mari: "Heřman Černín (z Chudenic)", le premier mari de la soeur de son ex-mari devenu nouveau mari ("Heřman"). C'est énorme moi j'dis. "Heřman" et "Anna" vécurent apparemment heureux, jusqu'en 1632 lorsqu'icelle décéda. Notre bougre se remaria une dernière fois avec un tendron de 30 ans plus jeune, et vécu avec elle (apparemment heureux également) jusqu'en 1651, lorsqu'à l'âge de 75 ans il expira (enfin) à son tour. Il fut inhumé en notre cathédrale tri-saintale, puis fut rejoint sous terre par sa dernière femme en 1664 lorsqu'elle-même décéda. "Heřman Černín (z Chudenic)" passa toute sa vie à amasser une fortune, à acheter des domaines et investir dans le foncier. Il eut 3 femmes, servit 4 empereurs, mais n'eut pas le moindre rejeton, même pas une fille. Aussi il légua en 1651 sa fortune à son arrière-neuve, "Humprecht Jan Černín z Chudenic", qui, grâce à tout ce pognon, mit en chantier le palais "Černín" ("Černínský palác"), l'un des (sinon le) plus vaste palais de notre capitale, et siège aujourd'hui du ministère des affaires étrangères. Ben c'est en ce palais "Černín", qu'en mars 1948 eut lieu la troisième défenestration de Prague. N'est-ce pas énorme comme tout est lié et comme tout se combine d'avec truc et machin?
Et pour terminer, je vous signale encore quelques édifices à proximité de l'église St Laurent. Tout d'abord une chapelle de 1735, dite "calvaire", décorée bien plus tard de sgraffites du génie "Mikoláš Aleš", représentant la résurrection (de Jésus). Et tiens, si vous êtes amateurs de notre artiste, j'ai recensé dans cette même base de données POI.CZ tous les lieux où vous pouvez voir des oeuvres de "Mikoláš". Il s'agit principalement de fresques sur des maisons, visibles de l'extérieur, donc si vous disposez d'un GPS (ou non), téléchargez gratuitement cette base de données, et laissez-vous guider vers ces fabuleuse peintures éparpillées dans toute la République. Au Sud de l'église se trouve une autre chapelle de 1737, dite "du St Sépulcre", et qui est la copie conforme de l'Edicule de Jérusalem. Elle est percée d'une petite fenêtre volontairement positionnée de telle façon qu'à Pâques, à 3 heures de l'après-midi très exactement (Pâques = 3 jours, 3 nuits, 3 heures, 3 mousquetaires... c'est tout dans la bib'...), un rayon de soleil illumine la pierre sacrificielle au centre de la chapelle. Et depuis cette chapelle du St Sépulcre jusqu'au monastère de "Strahov" (enfin en sens inverse) mène un chemin de croix, originellement nanti de 6 étapes, et d'une longueur de 500 m correspondant plus ou moins à la vraie distance d'entre le gnouf de la vieille ville de Jérusalem et le Calvaire. En fait, et contrairement au Marathon qui est de longueur fixe au mètre près (42195 m très exactement) et sans étape, l'épreuve du chemin de croix est de longueur variable, généralement d'entre 500 et 600 m, mais parfois même plusieurs kilomètres, avec pour particularité le port d'une croix d'un poids d'environ 20 à 60 Kg selon que l'on considère l'épreuve féminine, c'est à dire simplement d'avec la poutre transversale, ou d'un poids d'environ 100 à 140 Kg si l'on considère l'épreuve masculine, c'est à dire la croix complète avec les clous, le marteau, la tenaille... enfin l'équipement intégral des outils de la passion (cf. Mr Bricolage). Aujourd'hui, les athlètes faignants parcourent l'épreuve sans croix (à de rares exceptions près qui tiennent plus de la démence que du sport). De même les étapes, originellement au nombre de 14, peuvent être de nombre quelconque mais supérieur à zéro, auquel cas le chemin de croix s'intitule "visitation chez la belle-doche". Les étapes rappellent le parcours du tout premier crucifixien, et permettent aux athlètes actuels de se souvenir du sacrifice de Jésus, d'éveiller un sentiment de compassion et de gratitude pour celui qui n'a pas hésité à donner sa vie pour participer à l'épreuve.
Bref, notre épreuve praguoise du chemin de croix partait donc du monastère de "Strahov", longeait le mur protégeant la ville sur 500 m et en 6 étapes, puis se terminait devant le St Sépulcre à "Petřín". Elle fut la toute première épreuve de ce type en Bohême, et dès le milieu du XVIII ème siècle elle rencontra un succès énorme auprès de la population bigote, particulièrement à Pâques. En cette saison, non seulement les pèlerins se précipitaient pour tenter l'épreuve, mais même mieux, le père "Norbert Saazer" vendait à l'arrivée des saucisses grillées, des frites, des glaces, des Coca-Schweppes-Orangina, des parapluies, des boules à neige avec l'église St Laurent... Un vrai business du tonnerre de d'là à prix obscènes, qu'il se monta le goupillonneux. Et ce bougre mercantile n'était clairement pas en manque d'idée pour faire du grisbi. Cependant lorsqu'il se mit à carambouiller des grâces, des privilèges, et des indulgences, sa hiérarchie, qui jusqu'alors fermait les yeux, se sentit comme concurrencée, voire dépassée, et elle y mit le holà aussitôt. "Norbert Saazer" fut accusé de déprédation, de prévarication, puis déclaré coupable, il fut exilé en dehors de la Bohême où il décéda pour toujours. Une fois l'église St Laurent désacralisée par les reformes joséphiennes (en 1784), les édifices environnants perdirent en intérêt aux yeux des bondieusards, et le site se mit à pourrir.
Au bout d'un certain bout d'temps, certains Praguois en manque d'épreuve physique se mirent alors dans l'idée de rétablir l'épreuve du chemin de croix. Et sous l'impulsion du jardinier "Jiří Breu", de la grenouille de bénitier "Blažena Müllerová" et du plus haut burgrave du royaume de Bohême, le comte "Karel Chotek z Chotkova", l'on mit en chantier la réfection du parcours de santé entre 1836 et 1838. Parenthèse. "Karel Chotek z Chotkova" fut un personnage clé pour Prague comme pour le royaume de Bohême. Il fut le dernier burgrave tchèque administrant sur place le pays (après lui, le royaume était dirigé depuis Vienne par des fonctionnaires autrichiens), et Prague lui doit en particulier les premiers égouts et canalisations, le pavement des rues et des places, l'urbanisation verte de la ville (création de vergers et d'allées boisées). La rue serpentant depuis la station "Malostranská" empruntée par chaque touriste qui se rend au château de Prague par tram plutôt qu'à pied se nomme "Chotkova", et la station suivante "Chotkovy sady" (les vergers de ...). "Karel Chotek z Chotkova" est présent avec sa famille sur l'une des plus anciennes photos-portrait de type Daguerre. Le daguerréotype fut annoncé au monde en août 1839, et cette photo fut prise à Munich seulement 2 mois plus tard, fin octobre 1839. Et finalement "Karel Chotek z Chotkova" fut le grand-père de "Žofie Chotková", épouse de François-Ferdinand, assassinés en 1914 à Sarajevo ("Tak nám zabili Ferdinanda [...] toho z Konopiště, toho tlustýho, nábožnýho"). Bon, mais retour au chemin de croix. Aux 6 étapes originelles de 1738-40, furent rajoutées 8 autres (en 1836-38), afin de convenir aux standards de l'épreuve. La direction du chantier (restauration/construction des 14 étapes) fut confiée à "Josef Kranner", architecte peu connu mais qui pourtant est à l'origine de la restauration puis du projet de finition de la cathédrale tri-saintale (mais décédé trop tôt, l'édifice monumental ne comporte aujourd'hui pratiquement rien de son projet). Quand à la décoration, elle fut confiée à "Josef Führich", peintre également peu connu et spécialisé dans les thèmes à caractère religieux. Malheureusement, victimes d'une trop grande dévotion, les fresques s'effritèrent rapidement (baisement, touchement, recueillement, extasiement, allumement [de bougies]... tout ça vous bousille une fresque en moins d'deux) et durent être repeintes en 1884. Cette fois-ci c'est "Jakub Schikaneder" qui fut en charge. Pareil, il s'agit d'un peintre peu connu, mais bourré-plein de bonnes idées bien pertinentes: "ben tiens, si les fresques s'effritent, j'peux vous les peindre sur fer, genre émaillées. Et avec une bonne couche de verni d'ssus, même les Martiens pourront s'agenouiller d'vant le p'tit Jésus dans 10.000 ans". Ben oui mais non. L'idée bonarde retenue fut celle du maire d'alors (ah ben ouais, ça faisait longtemps que je ne vous l'avais pas faite celle-là, le maire d'alors), parce que comme tout le monde sait, les meilleurs idées viennent toujours du chef. Et selon l'idée du maire (d'alors) donc, les 14 étapes du chemin de croix furent munies de volets qu'un employé municipal ouvrait le matin et fermait le soir. Bien entendu, cela n'empêchait aucunement le baisement, touchement, recueillement, extasiement, allumement [de bougies]... en journée, mais cette fois-ci, les fresques tinrent le coup (vive les volets) car mes sources ne mentionnent plus aucune restauration depuis 1884, ce dont je doute fort, compte tenu de leur excellente apparence. Vous pouvez les admirer en cliquant ici. Notez sur les photos les gonds pour les volets.
Bon, eh bien il ne me reste plus qu'à vous informer encore que sur la façade de l'église, se trouve une plaque en laiton signalant que l'édifice se trouve à 327 et quelques mètres au dessus du niveau de la mer, et hop, ma publie est complète. Je m'en vais donc éteindre mon ordinateur, fout' à la porte mon pote le chat de la voisine qui dormait sur mes cuisses, et aller coucher ma viande dans le torchon parce qu'avec l'heure tardive qu'il se fait, j'te vous dis pas les valises oculaires qui vont me pendre à la hure demain au réveil. L'église St Laurent se trouve ici: 50°4'59.052"N, 14°23'46.010"E.
Commentaires
Mais non, je déconne, c'est pas vrai du tout, j'adore écrire mes publies, et ce n'est aucunement un martyr. Mais oui, j'avoue que mes publies sont longues et détaillées. Maintenant l'avantage, c'est que tu peux briller en société lors d'un dîner avec Monsieur l'Ambassadeur par exemple, le 14 juillet (j'espère que tu es invitée?). L'inconvénient, c'est que l'église St Laurent à Petřín c'est coton-tordu à placer dans la discussion :-)