Célébrités: Václav Havel (5/10/1936 - 18/12/2011)
Du coup je ne me rappelle même plus pourquoi l'on s'en traversa l'enceinte du château de Prague avec ma tendresse au miel d'à moi, mais en ce dimanche 18 décembre 2011 après-midi, l'on s'en traversa l'enceinte du château de Prague. "Dis-donc, t'as remarqué les drapeaux noirs en berne?" lui fis-je remarquer. Et l'on se mit tous les 2 à réfléchir de qui c'est qui, qui avait bien pu casser sa pipe soudainement, sans prévenir, un dimanche avant Noël que ça allait forcément encombrer les fêtes en plein moment que ça n'arrangerait personne, forcément. Et j'eus soudain comme une intuition, parce que depuis que le pauv' boug' était sorti de l'hôpital fripé comme une figue et vieilli de 50 ans... "Oh merde" m'exclamai-je, "et si c'était Havel?". Je parcourus frénétiquement l'Internet de ma mûre (BackBlerry) pour en avoir le coeur net, et paf, et ouais, et merde. C'était bien "Václav Havel" qui venait subitement de lâcher la rampe à 75 ans.
C'est marrant, moi qui suis d'un naturel stoïque, cynique, cru et endurci, ben j'eus comme un chagrin, une soudaine tristesse inhabituelle que je n'avais encore jamais (ou alors vraiment peu) ressentie auparavant, à la mort d'une personne publique plutôt éloignée de mon cercle d'accointances. Même la bière à l'Hippopotame avait un goût triste et amer ce jour là. Alors rassurez-vous chers lecteurs, je ne vais pas vous livrer mes états d'âme dans cette publie. Concernant "Václav Havel", tout a été dit et écrit, et je n'ai rien d'autre à rajouter qui pourrait faire avancer le schmilblick plus vite. J'adorais ce gars pour certaines raisons, et je le réprouvais pour d'autres. Mais une chose en lui était remarquable: il était à des kilomètres, à des milliers de kilomètres au-dessus de toute la merde de caniveau mafio-politico-économique actuelle. Les pitoyables fumiers qui aujourd'hui dirigent le pays à tous les niveaux de la hiérarchie étatique dans l'unique et misérable perspective de s'engraisser personnellement les fouilles plutôt que de servir le pays n'arrivent même pas aux poils de la cheville de "Václav Havel". Malheureusement, si aujourd'hui le système politique permet à ces salopards de combinarder impunément, c'est un peu de la faute à "Havel" aussi. Eh ouais, c'était un artiste littéraire, et il n'avait jamais demandé à entrer en politique. Il vint à la politique comme l'aveugle au violon, poussé par l'histoire fourbe et mû par un hasard sournois. Et voilà. Maintenant la situation actuelle du pays, en bien comme en mal, est en partie à mettre sur le compte de ce brav' typ' somme toute sympathique (mais littéraire).
Et comme j'étais en congés de Noël depuis ce week-end du dimanche 18, j'en profitai le lundi 19 en fin de journée pour aller faire quelques photos en ville avant de rejoindre mes potes dans un bistroquet supra-enfumé (j'écris ça pour asticoter ma maman, mais comme je sais qu'elle ne lit pas mes publies, pas trop de risque de prendre des claques). Le peuple s'était spontanément mis à manifester ses condoléances en allumant des cierges sur les lieux significatifs de notre capitale, en particulier sur la place Venceslas, sous la queue du canasson, lieu de tous les grands happenings dans le pays, et sous les arcades du palais "Schirdingovský" (avenue "Národní 118/16"), où se trouve une plaque commémorative de la manif étudiante du 17 novembre 1989 ayant conduit à la révolution de velours puis à la chute de la chienlit con-muniste. Des milliers de bougies, des fleurs, des lettres d'amour et de remerciement jonchaient le sol des 2 lieux. Surprenant je dois dire une telle ferveur populaire spontanée, sincère et naturelle.
Depuis lundi, la dépouille de "Václav" avait été déposée dans l'église désacralisée Ste Anne, et la plèbe pouvait s'y présenter afin de rendre un dernier hommage au défunt. Je voulus initialement m'y rendre afin de prendre des photos, mais les 3h d'attente et la fort probable interdiction de photographier m'y firent renoncer.
Par contre le mercredi 21, j'étais vers 7:33 sur le pont Charles avec mon pote zétasunien John afin de voir passer le convoi mortuaire en direction du château (de Prague. Mon ranking sur Google est en baisse, aussi je dois écrire Prague dans mes publies beaucoup plus souvent). J'insiste à nouveau sur le fait que si je n'avais pas été en congés, je ne me serais sûrement pas rendu à cette cérémonie (que vous n'alliez pas croire que suis sentimental et motif non plus). Le convoi arriva vers 8:07 place des Croisés ("Křižovnické náměstí"), suivi par la veuve Dagmar et sa fille Nina (cf. mes photos). Une fois le corbillard passé devant nous, John et moi suivirent la foule tout naturellement jusqu'à la place de "Malá Strana" (à Prague). "Václav" et sa suite montèrent par la rue Neruda, nous l'on prit par les escaliers, raccourcit nettement plus rapide pour les vivants.
Il se faisait dans les 8 heures 47 minutes à peu près, et l'esplanade du château était déjà noire de monde. L'angoisse pour trouver la place qui va bien, j'te dis pas l'effort. De plus comme le corbillard devait descendre depuis la Lorette vers le château (de Prague), les autorités avaient délimité l'accès par des barrières et une garde d'horreur. Du coup impossible de se mouvoir sur la place et encore moins de se rendre du côté du palais archiépiscopal où qu'il y avait forcément moins de monde vu qu'on ne pouvait pas y accéder. Bon, tant pis, l'on trouva un coin pour poser nos pieds sur un maigre piédestal contre un mur du palais Marie-Thé, dans la cour d'honneur du castel. Pas de quoi pavoiser ni tout voir comme il aurait fallu, mais suffisant quand même pour voir un peu de tout. Il faisait froid, le vent soufflait par rafale afin de nous rappeler qu'on était en décembre, et par intermittence le soleil faisait péter un rayon afin de dérider l'ambiance macabre. La foule se hissait pour mieux voir partout où cela était possible. Moi, je réglai mon 17-55 mm en me maudissant muettement de ne pas avoir embarqué mon 70-200 mm, justement acquis pour ces occasions où que je suis loin de la scène principale. Ach, couillon que je suis parfois, sans dec. Claque à moi. Vers 9:30 la musique militaire se mit à jouer le "Pax Vobis" de "Julius Fučík". Fort joliment je dois dire. Je ne suis pas amateur des marches funèbres, mais là, c'était d'à-propos et joliment joué. Ca réchauffait un peu dans ce froid presqu'hivernal sans buvette et sans bière. Puis vers 10:00, le cortège se mit en route, et descendit doucement la route menant depuis la Lorette. Tout au devant du cortège, la musique de la garde présidentielle, suivie des portes étendards, suivis par 6 canassons à robe noire tirant "Václav" en bière sur le même affût de canon que celui utilisé en 1937 pour l'enterrement du premier président tchécoslovaque "Tomáš Garrigue Masaryk", suivis par le cortège des invités (dont cette graine de courge de Tatav), suivis par l'armée, suivis par... Bon, pis on en eut marre, parce qu'il faisait trop froid, parce qu'on voyait trop mal, et parce que ça touchait trop à sa fin. Vers 10:47, John et moi s'en rendîmes dans le premier troquet à touristes ouvert et fîmes péter 2 grogs trop bien serrés. Di diou c'qu'on avait froid... et c'qu'on a payé cher les grogs...
Pis un jour, il fallut quand même nettoyer les milliers de cierges que le peuple de République Tchèque avait déposés de ci et de là. Aussi un groupe d'artistes eut l'idée bonarde de récupérerer la cire, fondre tout ce foin et mouler un coeur géant pour "Havel". Le résultat assez surprenant fut exposé en février dans la cour du théâtre national (cf. mes photos). Personnellement oui, bôf, ça ressemblait plutôt à un gros gâteau d'anniversaire loupé plein de couleurs bien chimiques, mais bon, après tout pourquoi pas, ça n'a pas mangé trop de pain recyclé et ça a permis aux artistes de s'exprimer (c'est important pour les artistes, de s'exprimer).
En janvier, mon pote l'indien Tom de "Karlovy Vary" vint me rendre visite (malgré qu'il soit tchèque pure souche, il ressemble vraiment trop à un Apache: cheveux longs, profil aquilin, teint basané, odeur macérée de bison qui fume...). En fait son déplacement était motivé par 2 raisons. La première étant ma prodigieuse compagnie, mon exceptionnelle connaissance des tavernes praguoises à bière excellente, et mon hospitalité légendaire permettant aux pauv' âmes de nuiter gracieusement en mon palace classé au patrimoine des monuments historiques de la ville, privilège généralement réservé à la gente féminine naturellement pourvue d'un potentiel de conviction supérieur à la lettre E. La seconde raison était un pèlerinage. Tom s'était mis en tête de venir déposer un cierge sur la tombe de "Václav Havel". Du coup, je fus rassuré sur ma santé mentale après avoir ressenti comme une émotion à l'annonce de la mort de notre ex-président. Tom avait été autrement plus secoué et les symptômes de ses séquelles étaient autrement plus fâcheux que mon émoi d'à moi. Et c'est ainsi que le samedi 28 janvier, nous nous rendîmes sur la tombe des "Havel", où reposaient déjà les parents de "Václav" et sa première femme Olga (cf. mes photos). Rassurez-vous amis lecteurs, Tom en est revenu sain d'esprit. Profondément athéiste orthodoxe comme moi, il ne sut même pas prononcer une prière du reste bien inutile, aussi nous primes rapidement la direction d'une bonne taverne sur-enfumée (heureusement que ma maman ne lit pas mes publies, chuis une vraie tête à claques) et vidèrent moult chopes en débattant de politique, de religion, de philosophie et autres matières maléfiques que le commun des mortels ne peut aborder sobre sans s'exposer à l'aliénation des viscères du dedans de sa tête.
Alors voilà, on est plusieurs mois après, et qui se souvient encore de "Václav Havel", ne serait-ce que par moment? Heureusement que l'humain possède cette fabuleuse faculté d'oublier, sinon il deviendrait louftingue grave. Malheureusement personne n'a remplacé notre "dissident" au poste de conscience nationale (voire supranationale). Personne pour dénoncer les malversations des prévaricateurs locaux (archi-fumiers). Personne pour refroidir l'outrecuidant Tatav lorsqu'il se masturbe l'égo en public. Personne pour défendre l'idée européenne lorsque les imbéciles qui siègent à Bruxelles (et parfois à Strasbourg pour que ça coûte inutilement bien cher en temps de crise) dirigent l'Union à sa perte. Ca fout les boules moi j'dis. Bon vent "Václav". Un jour ce sera à mon tour de m'habiller en sapin, et je me demande bien qui écrira une publie aussi sympa sur mon insolente carcasse? Ceci-dit je ne suis pas vraiment pressé, aussi il me reste encore un peu de temps afin d'apprivoiser un disciple "continuatio Strogoffae pragensis" :-)
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