Ailleurs: Le village rustique de Holašovice

Après une longue, z'avez droit à une courte (comme dirait mon ex.), de publie, bien entendi... du... bien entendu. Mais attention, bien que courte (la publie), la matière n'en est pas moins de qualité (comme d'hab.) comme importante. Et elle est même tellement importante la matière, qu'elle est classée UNESCO, c'est à dire patrimoine mondial de l'humanité d'à tous, protégé (à priori) par des règles strictes contre les fumiers prévaricateurs, jusqu'à ce que ces derniers ne découvrent qu'il y a du pognon facile à se faire avec (le patrimoine), et bousillent ladite richesse à jamais (intentionnellement ou non).
Celle-ci est ensuite déclassée, sans que les fumiers (prévaricateurs) ne soient poursuivis parce que les règles internationales ne s'appliquent pas dans le pays, et qu'il n'y a pas de pognon pour les poursuites de toute façon. En République Tchèque, on en a 12, des patrimoines mondiaux de l'humanité, et parmi ceux-là se trouve le village de "Holašovice", près de "České Budějovice", en Bohême du Sud. Alors avant tout, faut que je vous donne quelques définitions, sans quoi z'allez être perdus dans des termes parfois spécifiquement tchèques.

- "Selské baroko" ("bauernbarock" en Allemand): baroque rural, baroque populaire, baroque paysan (sans connotation péjorative aucune) voire baroque rustique. Il s'agit d'une adaptation vernaculaire (vraiment unique et originale) du style baroque (églises, palais) pour les besoins spécifiques (et nettement plus humbles) des ruraux (campagnards). Ce style est apparu dans les années 20 du XIX ème siècle (alors que le baroque était en déclin clin), et son apogée est située vers les années 60 du même siècle. Bien que concentrée principalement en Bohême du Sud, cette architecture est présente dans toute la république nostre, un peu dans les pays limitrophes, mais totalement absente des pays latins. L'inspiration baroque est principalement ornementale, et curieusement ne concerne absolument pas l'aspect "construction" (gros oeuvre). L'un des éléments les plus caractéristiques est le fronton circulaire à volutes enroulées (qui ne sont autres que des spirales d'Archimède), mais il existe plein d'autres variantes.

- "náves" ("dorfplatz" en Allemand): place du village, place centrale. Il s'agit du point central des villages dits "návesní vesnice", villages radio-centriques, c'est-à-dire urbanisés autour d'une place centrale. Cette place représente l'élément capital de l'urbanisme de "Holašovice", comme de nombreux villages (et villes) en Europe. La taille, comme la forme (ovale, ronde, carrée, rectangulaire) de la place centrale dépendaient de nombreux paramètres: nombre d'habitants, village fortifié, droit de marché, village de paysans ou d'artisans, village de montagne ou de plaine, peuplement par locateur (?!) ou spontané... Parenthèse. Locateur (?!), en Tchèque (comme en Allemand) "lokátor" ("auch Kolonistenführer, Siedlungsunternehmer"), mais chais pas comment qu'on dit officiellement en Français (locateur ?!): urbaniste moyenâgeux chargé de l'implantation de nouveaux sites en termes d'urbanisme (organisation et aménagement géographique), de peuplement (tissus social = qui, combien, nationalité et couleur) et de cohésion professionnelle (métayer, paysan, artisan, prévôt, curé, chômeur...). Extrêmement en vogue sous "Přemysl Otakar II", ce dernier en fit venir (locateurs) des péniches entières de Germanie afin de coloniser (peupler, cf. la grande colonisation de l'Europe) les terres vierges et sauvages de Bohême (Lecture: "Adrienne Körmendy, Melioratio terrae: Vergleichende Untersuchungen uber die Siedlungsbewegung im ostlichen Mitteleuropa im 13.-14. Jahrhundert"). Concernant notre bourg, la place centrale est rectangulaire et pèse 70 sur 210 mètres de haut en large.

- "Jazykový ostrov" ("sprachinsel" en Allemand): insularité (ou minorité) linguistique. Bourg, village, îlot, dans lequel l'on parle une langue, alors que le reste du coin, région, pays, en parle une autre. Il en existe plein en Europe (cf. Alsace, Corse, Pays Basque... en France), généralement aux frontières des pays et représentent (à mon avis) une richesse culturelle qu'il est indispensable de préserver à tout prix si l'on ne veut pas parler Mc Donald dans toute l'Europe dans 20 ans. Et pour les "schindmacher" (tatillons :-) la différence entre une langue et un dialecte se trouve très bien expliquée dans Wikipédia ("lehr ebs, no kansch ebs", eh!).

- "Výměnek" ("grossvaterrecht, auch verbreitungsrecht..." en Allemand): au moyen-âge, n'y avait pas d'asile... de maison de retraite ni de pension (de retraite). Aussi, lorsque le paysan devenait vieux (et parfois con), ben l'avait pas trop le choix. Il cédait sa place (généralement à un fils d'à lui, mais pouvait être un beau-fils, ou n'importe qui, si pas de [beau] fils, mais surtout pas à une fille, ça se néglige une fille), et déménageait dans un bâtiment attenant au corps de ferme (ou à proximité) et prévu à cet effet, pour y vivre sa retraite. Son successeur prenait donc sa relève dans l'exploitation de la ferme, mais se devait de nourrir et d'entretenir le pauv' vieux jusqu'à sa mort. Ce "contrat" s'appelait en Latin parfois "reservatum rusticum", mais en Français, pas la moindre idée.

- "Lán" ("lahn, hufe" en Allemand, et "hide" en Anglais): unité de mesure de terrain aujourd'hui disparue car totalement inconsistante selon les pays ou les types.
En royaume de Bohême, on distinguait le "lán" royal, épiscopal, seigneurial, paysan, terrestre (?!), et germain, chacun ayant une taille différente allant de quelques 7,7 ha jusqu'à presque 30 ha (selon le type, donc). Sachant que cette mesure fut longtemps utilisée par les Anglo-Saxons sous le terme de "hide", qu'un "hide" faisait selon le type de 100 à 120 acres, et qu'une acre faisait 0,5 ha (en gros), un "hide" Brit faisait alors 50 à 60 ha, ce qui est totalement en dehors des limites du "lán" de Bohême (quel que soit le type), et ce qui prouve une fois de plus que les Britanniques sont des exceptions aujourd'hui comme hier. Bref, compte tenu de sa fluctuation, le terme de "lán" est aujourd'hui utilisé pour designer une parcelle de terrain plutôt grande sans mesure fixe.

- "Jitro" ("joch" en Allemand, "iugerum" en Latin, et "acre" en Anglais): se dit "arpent" en Français (mais pas complètement sûr). Unité de mesure de terrain aujourd'hui disparue car totalement inconsistante selon les pays ou les types. Même les noms sont incertains, sans dec, c'est le moyen-âge c'te histoire-là. En royaume de Bohême, 1 "jitro" faisait 0,57 ha alors qu'un arpent représentait 0,34 ha au Québec (pour vous donner une idée). Maintenant si l'on prend le "joch" allemand, il faisait 0,35 ha en Bavière, et 0,33 ha dans le Wurtemberg (à cause du décalage horaire). Mieux, chez les Magyars il faisait 0,43 ha ce qui représente presque une acre française. Bref, compte tenu de sa fluctuation, le terme de "jitro" est aujourd'hui utilisé pour designer rien du tout, parce que fort heureusement on dispose actuellement du mètre fixe, sauf si l'on se rend en Britannie où le moyen-âge, la royauté et le foin archaïque inhérent persistent en raison de la volonté immuable des indigènes locaux (c'est en cours de changement depuis 1995, mais comme il leur a fallut un siècle pour apprendre à se laver les mains une fois par semaine et changer de slip chaque premier du mois, il leur faudra sans doute la même période pour passer réellement au mètre :-)

- "Měřice" ("metze" en Allemand): se dit "mesure" en Français. Unité de volume aujourd'hui disparue car totalement inconsistante selon les pays ou les types. En royaume de Bohême, 1 "měřice" faisait 61,5 l alors que le "metze" allemand faisait 37 l en Bavière, et 6,5 l en Saxe (à cause du décalage horaire, toujours). En France, la mesure était tout autant incertaine puisqu'évaluée par rapport au récipient qui la contenait, lequel servait d'unité (cf. Jean-Baptiste Say, "Traité d'Economie Politique, t.2, p.104" "Il y a plus d'incertitude dans l'estimation des sommes historiques [...] en raison de l'ignorance où nous sommes de la véritable capacité des mesures des grains"). Et encore, c'était dans le cas où il existait une unité. Mais sans récipient? Tiens, exemple, sauriez-vous me dire combien qu'il y a dans la mesure du possible? Eh!

Et maintenant l'histoire du bled. La Bohême, comme les environs de notre patelin "Holašovice", furent occupés par des hominidés poilus dès le néolithique (vers 7000 à 5000 avant Jean-Claude). Mais inégalement, sporadiquement et de façon éparse, tout autour de l'étang "Dehtář", à seulement 4 km au Nord (cf. les fouilles archéologiques). Puis l'homme des cavernes céda la place aux Celtes, aux Romains, puis aux Slaves vers le VI ème siècle, et partit s'installer dans d'autres régions limitrophes comme la Germanie et l'Autriche, où l'on peut encore en rencontrer des spécimens vivants en diverses occasions comme l'"Oktoberfest".
Ceci-dit compte tenu de sa spécificité géographique (quelques 450 m au-dessus du niveau de la mer, marécages, bourbiers, moustiques et tuberculose), la région n'était point propice à l'implantation humaine, ni à la culture du houblon jusqu'à ce que les cisterciens, en bons pionniers, ne défrichent et "civilisent" les lieux (à partir de la seconde moitié du XII ème siècle). Alors put commencer l'histoire du bled.

Selon certaines sources, l'origine du nom proviendrait des "Holasici", tribu slave qui se serait installée du côté de "Opava" (en Silésie) dans la seconde moitié du IX ème siècle. Hum... d'abord gros doute sur cette tribu depuis quelques années, car son existence n'a jusqu'à présent pas été prouvée (on a juste retrouvé leur nom sur une boîte à lettre), ensuite parce que s'ils étaient Silésiens, que seraient-ils viendus fiche en Bohême du Sud? Qui plus est, il existe en Silésie un bled "Holasovice" (sans le fameux "š" mais avec un simple "s"), qui se dit "Kreuzendorf" en Germain, alors que nos "Holašovice" à nous (avec le fameux "š") se disent "Hol(l)schowitz" en Germain. Je me demande si quelqu'un n'aurait pas fait une grosse bourde quelque part en mélangeant les 2 bourgs? Non, l'origine plus probable serait un nom propre, genre "Holas", "Holásek", noblaillon local qui aurait fondé notre bled dans la première moitié du XIII ème siècle, lors de la grande colonisation. L'origine pourrait même être un certain "Holšov" puisqu'avant "Holašovice", le nom officiel était "Holšovice" (cf. en Germain "Hol(l)schowitz" et non "Hol(l)aschowitz"). Personnellement j'ai encore une autre idée: "holá" signifie en Tchèque rasée, pelée, et "sovice" est une sorte de chouette (un harfang pour être précis).
Et "holá sovice" serait devenu au fil des siècles "Holašovice". Bon, c'est mon interprétation personnelle, et je laisse le soin aux historiens de découvrir en quelles circonstances la chouette aurait perdu son plumage... Bref, la date de pose de la première pierre de "Holašovice" est inconnue, cependant sa première mention écrite remonterait à 1263. Pareil, je n'ai pas trouvé la source de l'information, alors pincettes de rigueur. Explication: selon une source, "Holašovice" faisaient alors partie du bled "Záboří". "Záboří" est mentionné en 1263, lorsque "Čéč z Budějovic" vend le bled au monastère cistercien de "Vyšší Brod" (cf. "Josef Emler, RBM II, p 161" où c'est écrit "1263, 29 Mart. In Budwog, Scech de Budwog vendit monasterio in Hohenfurt villam Zabore..."), mais rien à propos de "Holašovice", ni que le bourg faisait partie du lot "Záboří" (pas trouvé la source de l'information). Par contre 1292 est la vraie date de première mention, et ce, lorsque le roi "Václav II" fait cadeau de plusieurs patelins (dont "Holašovice") au monastère cistercien de "Vyšší Brod" (cf. "Josef Emler, RBM II, p 680" où c'est écrit "Pragae, 3 Jul. 1292, Nos Wencezlaus, rex Boemiae [...] circa civitatem nostram Budiuoyz [...] ad monasterium in Alto Vado [...] villas nostras dictas [...] Holaschawicz [...] in perpetuum possidendas"). Ah oui, attends, faut que j'explique un peu. Donc en 1263, "Čéč z Budějovic" vend "Holašovice" par l'intermédiaire de "Záboří" à "Vyšší Brod" (pas sûr). Mais quelques années plus tard, le roi "Přemysl Otakar II" rachète "Záboří" au monastère.
Puis en 1292, "Václav II", fils de "Přemysl Otakar II", fait cadeau de "Holašovice" comme de "Záboří" (et d'autres) aux cisterciens. Vous suivez? Parenthèse. Le splendide monastère cistercien de "Vyšší Brod", en Latin "Altovado" (i.e. "Alto Vado, Altum Vadum" et " Hohenfurth" en Allemand) mérite vraiment un coup d'oeil, pour son histoire, pour son architecture, pour sa fabuleuse bibliothèque, et pour sa galerie de peinture. Mais comme il est strictement interdit d'y photographier, je n'en ferai pas une publie. Et pourtant, croyez-moi, il le mériterait. Mais tant pis pour eux, pas de photo, pas de publie, eh oui. Na! Parenthèse. Ceux qui me lisent régulièrement savent que je suis tombé amoureux des toiles de "François Palko" représentant St Simon et St Bartholomé (i.e. Barthélemy), se trouvant au palais "Schwarzentruc". Ben ces mêmes toiles, du même barbouilleur, se trouvent dans la galerie de peintures du monastère de "Vyšší Brod", ces 2 apôtres précis plus les 10 autres de la douzaine, contrairement au palais "Schwarzenpaff" qui n'en a que 2 (comme moi :-) Alors bien évidemment, stupéfaction et interrogation. Malheureusement le guide local n'en savait rien, aussi dès mon retour à Prague, je pris mes 10 doigts dans la main droite et écrivit un Email à l'un des contacts de la galerie nationale trouvé sur leur site Internet. En substance, ça disait que: le savez-vous, comment cela se fait-il, et lesquels sont authentiques?
Ben croyez-le ou non, l'affable "PhDr. Tomáš Hladík" (encore merci pour les informations cher docteur) me fit une réponse le lendemain: tous les tableaux sont authentiques, et le fait qu'une telle série d'apôtres existe en plusieurs exemplaires n'a rien d'étonnant. Ces commandes semblaient être courantes auprès des élèves (du maître) de l'académie de Vienne par les moines de l'un, de l'autre ou même d'un X ème monastère. Elles étaient des copies parfaites de l'oeuvre originelle. Ainsi les croûtes de Prague seraient les survivantes (de la douzaine complète) commandée par le monastère cistercien de "Osek" (Nord-Ouest). Ben ouais, mais ça ne dit rien sur lesquels tableaux furent peints par "Palko", et lesquels furent peints par ses élèves? Enfin pas grave, après-tout, hein... Et donc les cisterciens de "Vyšší Brod" survécurent les reformes sécularisatrices joséphiennes de la fin du XVIII ème (seul monastère cistercien à avoir survécu), et les moines purent ainsi traire le village (vous saviez que le verbe "traire" n'a pas de passé simple?) jusqu'en 1848 (soit 550 ans), lorsque furent définitivement abolies les corvées (attention, le servage fut aboli en 1781 en Bohême, mais les corvées subsistèrent jusqu'en 1848).

Globalement, le village fut maudit des glandes, z'allez-voir. En tant que possession du monastère de "Vyšší Brod", l'on présume que le patelin aurait été copieusement harcelé et pillé par les troupes hussites lors de la guerre civile (1420-1434), mais c'est une hypothèse basée sur l'histoire des patelins environnants, parce que concernant notre bourg, rien d'écrit n'existe. Un siècle plus tard (1520-1521), une épidémie de peste extermina la deux-centaine de villageois.
Seuls 2 d'entres-eux (soit 1%) survécurent, afin d'enterrer les morts. Le charnier se trouve au Nord du bled, et au dessus fut construite une colonne de la peste en souvenir de la maladie. Mais comme les moines avaient besoin de leurs esclaves, ils s'empressèrent de repeupler le village avec des serfs en provenance des leurs colonies autrichiennes et allemandes (origine du foin futur, z'allez-voir). Alors qu'en 1510 le cadastre comptait en majorité des noms à consonance slave, le cadastre de vers 1530 mentionnant 17 fermes comportait presqu'uniquement des noms à consonance germanique (en dehors des 2 pauv' boug' qui survécurent à la peste afin d'enterrer les mourus). Au fur et à mesure, le village se repeuplait, mais pas velu bésef puisqu'en 1651 (après la guerre de 30 ans, premier recensement des assujettis selon leur foi, cf. "Soupis poddaných podle víry z roku 1651") la liste abbatiale des esclaves de "Holašovice" ne comptait que 14 fermes et 52 habitants âgés de plus de 10 ans (en dessous, ils ne sont bons qu'à jouer au docteur avec les évêques irlandais, pas vraiment qualifiés pour le travail de la terre). Ceci-dit, bien que mentionnant nombreuses informations (nom, qualité, religion, descendance, âge...) des pauv' boug', ce recensement établi par les intendants des propriétaires terriens était plutôt boiteux bancal, et comme dirait mon directeur des ventes, les gars n'étaient visiblement pas souvent sur le terrain (cf. Matthieu 22 ans, épouse Ursule 16 ans, et leur fille Katarina 14 ans). Un document plus soigné (et pour cause) est la première liste des payeurs d'impôts ("Berní rula", ou "Catastrum Rollare" en Latin) établie en 1654, où l'on apprend, outre les informations susmentionnées, la composition des "biens" possédés (terres, immobilier, outils, bétails...). Pour info, la liste du bétail communal de "Holašovice" était de 43 vaches, 37 génisses, 95 brebis et 30 cochons, cependant ni leur religion ni leur nationalité ne sont mentionnées. Entre 1785 et 1789, Joseph II ordonna un recensement encore plus détaillé ("Josefský katastr", le cadastre d'à Zepp), puisqu'il intègre en plus une estimation du rendement approximatif des terres, des forêts comme des étangs.
Pour info, et selon ce cadastre, la commune de "Holašovice" représentait en "jiter" (pluriel de "jitro", cf. plus haut) 348 de terres cultivables, 92 de prairie, 69 de pâturage et 48 de forêt. En termes de rendement annuel, l'on estimait 261 mesures de blé, 3257 mesures de seigle, 1978 mesures d'orge, 1442 mesures d'avoine... et tout ça, pour que les pauv' diables payent la taxe et l'impôt bien convenablement, même lorsque les récoltes étaient pourraves.

Sinon la "germanisation" du XVI ème siècle eut des conséquences plutôt douloureuses au XX ème. Alors qu'en 1910 (dernier recensement sous l'empire d'Autruchon-gris) la totalité de la population du village parlait Allemand, mais était austro-hongroise, après l'avènement de la Tchécoslovaquie (1918), 70% des habitants se déclarèrent de nationalité allemande en 1921 (premier recensement tchécoslovaque) et 30% de nationalité tchèque. Et alors me direz-vous? Attends-voir, j'explique. "Holašovice" n'eurent jamais d'école sous l'empire. En 1784, fut crée une école communale à "Čakov" (3 km au Nord-est de notre bled), et les gosses de "Holašovice" s'y rendaient pour y recevoir une éducation bilingue tchéco-allemande. Bon, tout allait bien. Pis en 1873, se créa une nouvelle école communale à "Lipanovice" (2,5 km au Nord-ouest de notre bled), mais d'enseignement uniquement allemand. Et les gosses de "Holašovice" n'avaient pas le choix, c'était l'école germanophone de "Lipanovic" obligatoire. Bon, tout allait bien aussi puisque la totalité du bled parlait allemand. Avec l'avènement de la nouvelle république en 1918, la totalité germanophone passa de 100% à 70%, et les 30% de tchécophones souhaitaient de plus en plus une éducation en langue tchèque, d'autant plus qu'ils étaient chez eux, en Tchécoslovaquie (cf. renaissance nationale, oppression de l'empire austro-hongrois, condescendance [perçue] germanique, etc...). Les autorités tchécoslovaques d'alors n'y voyaient aucun inconvénient, bien au contraire, puisqu'il y avait même un réel support de l'administration afin de promouvoir ce projet et "s'émanciper du Germain".
Le problème était plus matériel: où donc implanter cette école? Les bâtiments du village étaient tous habités ou utilisés, quant au pognon juste après-guerre... Finalement on trouva une parade provisoire dans une petite salle en 1925... puis finalement une vraie école en 1928... Pis arrivèrent les accords de Munich, et en 1938 "Holašovice" furent incorporées au Reich, à la région du "Oberdonau". Cette initiative est à mettre au compte de la population germanique du bourg, qui oeuvra au possible afin que se réalise ce dessein séparatiste. La population tchèque déménagea alors sur le territoire restant de la Bohême-Moravie, administrativement protectorat allemand. Pis en 1946, et suite aux accords de Potsdam, puis aux décrets du président "Beneš", les Allemands de "Holašovice" furent expulsés et les fermes du village occupées par la population tchécoslovaque. Sans parler des dégâts directs engendrés par la guerre, le fossé d'incompréhension creusé entre les populations slaves et germaniques est encore aujourd'hui malheureusement (bien?) ouvert. Alors que pendant des siècles (depuis avant même "Přemysl Otakar II", XIII ème siècle) les Slaves et les Germains vivaient en Europe centrale cote à cote et en bonne harmonie (ou alors les journaux ne parlaient pas des querelles en l'époque), la période 1938 - 1946 mit un point final à cet oecuménisme des nationalités. Ouvrez Google si vous souhaitez en savoir plus sur ces tristes évènements qui mirent en avant la bravoure des résistants de la dernière heure.
Nul doute cependant que le bourg se trouve encore aujourd'hui en plein coeur de l'îlot linguistique dit de "České Budějovice" ("Budweis" en Allemand), puisque nous fûmes accueillis en l'auberge par un "Tu si můžete sitznout" (au lieu de "Tady si můžete sednout", "sitznout" de l'Allemand "setzen").

Mais revenons à la chronologie. A partir de 1858, "Holašovice" faisaient partie du bled de "Záboří" (comme apparemment en 1263, cf. plus haut), et depuis 1964, le bled est rattaché à "Jankov", où se trouve également la mairie et la niche du chien. Déjà en 1960, sous les con-munistes, certaines maisons furent inscrites sur la liste du patrimoine culturel du pays. En 1995 "Holašovice" furent déclarées réserve patrimoniale (ça ne veut rien dire "památková rezervace" en Français, alors retenez que c'est important d'un point de vue "patrimoine culturel"), et en 1998 l'apothéose: inscription du bled sur la liste du patrimoine culturel et naturel de l'humanité toute entière, dite "liste UNESCO". "Holašovice" comptait au dernier recensement de 2006 une population 130 à 140 habitants (selon les sources, et selon qu'ils étaient chez eux au moment du décompte ou au bistrot).

Quelques mots sur l'architecture et l'urbanisme maintenant, puisque après-tout, c'est bien là l'attrait du bourg. Donc comme dit, le bourg s'articule autour de la place centrale (210 x 70 m) rectangulaire, avec en son centre son étang, son épicerie ("koloniál") et son églisette de fabrique St Jean Népomucène. Parenthèse.
Bien que désuet, le mot "koloniál" désignait une épicerie dans laquelle on pouvait se procurer divers produits alimentaires (mais pas que), et principalement en provenance des "colonies" (mais pas tchèques, les colonies, parce que contrairement à d'autres pays, la Bohême n'a jamais été colonisatrice ni belliqueuse). Du reste l'étymologie "d'épicerie" est identique à "koloniál" puisqu'on y vendait des épices en provenances des colonies (eh!). Sinon l'épicerie du bourg et la maison d'à côté (numéro 22 et 23) étaient avant et respectivement la maison du forgeron et sa forge. Sur le fronton de cette dernière, se trouvent peints en relief les outils du forgeron. Le fait que cet artisan habitait (et oeuvrait) au centre du village prouve son importance pour la communauté, non seulement comme forgeron, maréchal-ferrant, mais également dentiste (arracheur de dents) et accessoirement guérisseur voire chirurgien (véridique). Selon mes sources, la forge et son forgeron étaient encore en activité juste après la seconde guerre mondiale (mais la licence de dentiste lui avait été retirée quelques années auparavant). Parenthèse seconde: l'étang au milieu du village ne servait pas uniquement à tremper ses pieds dedans entre juillet et août. Sa vocation première était de servir de réservoir d'eau en cas d'incendie. Implanté en plein milieu du village, il était ainsi rapidement accessible et proche de toutes les habitations des alentours, parce qu'une grange pleine de foin, ça crame plutôt vite. Les Germains ont d'ailleurs un mot spécifique pour ces étangs à vocation pare-feu en plein centre des bleds: "Feuerlöschteich", de feu/incendie, d'éteindre ("löschen") et d'étang, soit étang-éteint-cendie. Vous en trouverez dans la plupart des bleds à vocation agraire de notre république.

L'églisette baroque dédiée à St Jean Népomucène date de 1755, et contient dedans une statuette de St Jean Népomucène (ben tiens?). Compte tenu de sa taille d'églisette (voire de chaplette) et non d'église (ni de chapelle), le curé célébrait plusieurs messes (mais plus courtes) pour les habitants qui s'y rendaient par ordre alphabétique et heures fixes prédéterminés à l'avance.
Quant à la communion de l'eucharistie (la distribution de l'hostie sur la langue) après l'office, elle avait lieu dans l'après-midi à l'heure du goûter, soit sur le gazon par beau temps, soit dans l'auberge par temps de pluie. Il y avait encore sur la place une bergerie communale à usage des bergers nomades, mais elle fut démolie dans les années cinquante par manque de bergers, de moutons comme de chèvres.

Selon donc le cadastre de vers 1530, il y avait là 17 fermes, et selon les experts, cette disposition datait déjà de l'urbanisation originelle du XIII ème siècle. Dans le courant des siècles suivants et jusqu'au XX ème, certaines parcelles se seraient "dissociées" des constructions d'avant, ce qui amène aujourd'hui le nombre de "domaines" à 22 (autour de la place centrale). En fait, c'est grâce à la "faiblesse économique" des habitants, à l'éloignement (relatif) de toute grande agglomération comme de toute route (principale) que ce village a pu conserver son caractère moyenâgeux authentique. Bien que des constructions plus "modernes" soient apparues par la suite, elles furent élevées en dehors du "vrai centre historique", mais depuis donc le XIII ème siècle, la disposition des habitations, le nombre de parcelles, leur taille, tout ça subsiste tel quel dans une harmonie unique et selon une urbanisation rationnelle planifiée il y a pratiquement 750 ans.

Sinon chaque corps de ferme se composait de:
- une habitation principale pour le paysan et sa famille dont l'antichambre donnait sur...
- une étable pour les veaux vaches poules et cochons,
- en face de l'habitation principale, de l'autre côté de la cour, une habitation secondaire faisant office de maison de retraite (pour le "Grossvater", cf. les définitions ci-dessus),
- contre laquelle se trouvaient d'autres bâtiments de ferme (hangars...),
- et au fond de la cour, une grange fermant le "U", derrière laquelle se trouvaient...
- un grand champ rectangulaire avec des nains en plâtre de partout, fermé par des murets en pierre que l'on distingue parfaitement de haut,
- sans oublier des greniers, des combles, des caves, des celliers, parfois des pigeonniers, et devant les maisons des fontaines à piston en bois (genre de pompes à manche qu'il faut tirer dessus, jamais vu avant!?).
Signalons que la grange s'ouvrait des 2 côtés, permettant ainsi de traverser le corps de ferme depuis la place centrale (par le portail) jusque dans le champ derrière le corps (de ferme). Existaient des corps de ferme dit "doubles" (2 "Lány" de surface au lieu d'1 "Lán") qui possédaient alors en leur centre (de la cour) un grenier (à grains) ressemblant à un mini-bergfried. Les frontons des habitations (principales comme de retraite) sont tous orientés vers la place centrale, et un massif portail d'entrée, généralement joliment décoré, les sépare (cf. mes photos).

Pis arriva le XIX ème siècle, et avec lui le baroque rural. Malheureusement, il ne reste rien des plans (s'il y en eut), ni des dessins, ni de rien, et donc on ne sait même pas qui furent les architectes qui laissèrent là ce que l'on voit aujourd'hui, ni d'où vint leur inspiration. Seules indications, le cadastre de 1827 qui indique les bâtiments en pierre (résidences principales et les silos), et les bâtiments en bois (granges), ce qui est déjà atypique puisqu'en ce temps, la plupart des maisons étaient en bois ("roubenka", genre de cahute canadienne en rondins, poutrelles, et crotte de chèvre dans les interstices). La transformation du patelin s'étale selon les experts d'entre 1840 à 1890, en pleine période d'émancipation et de libéralisation des paysans (auparavant asservis et corvéables à souhait).
Elle (transformation) est mettre sur le compte d'artisans maçons qui, selon toute vraisemblance (maîtrise de la technique), eurent déjà oeuvrés en d'autres bourgs de la région (et peut-être même sur d'autres édifices que des corps de ferme: châtelets, églises...). Ces splendides façades inspirées des maisons et palais baroques devaient ainsi affirmer la nouvelle ascension sociale de leurs propriétaires. Et justement, les formes et les couleurs des frontons (comme des portails) étaient-elles suggérées par les propriétaires ou par les artisans-maçons? L'on ne le saura sans doute jamais. Quoi qu'il en soit "Holašovice" sont un bourg "vivant", c'est à dire que les maisons sont habitées (et généralement possédées par leurs habitants) contrairement aux écomusées, Disneyland bio pour hippies en retraite. Alors évidemment, se pose la question de la conservation "en l'état" versus l'évolution naturelle des normes d'hygiène imposées à coups de pied au cul par l'Union Européenne: genre chiottes, lavabos, tout a les goûts assez p'tique, etc... ? De ce que j'ai pu voir en l'auberge du village, tout s'y trouve: les toilettes (certes minuscules), l'eau courante, le savon, les serviettes, les tables, les chaises, couteaux, fourchettes, assiettes sel et poivre, et même un loufiat baroque pour faire le service. Mais on n'a pas spécialement visité le dedans des maisonnettes, parce qu'on était en début de saison (avril), et que malgré qu'on était en saison, tout était fermé parce qu'il faisait froid comme en fin de saison (octobre), et qu'il faisait un temps gris dégueu comme vous pouvez vous en rendre compte sur mes photos toutes grises, et que tout ça pour vous dire qu'il faut y aller quand il fait beau, et en pleine saison.

Pour finir, sachez qu'il y a chaque année un festival folklorique à "Holašovice", avec musique, bonne bouffe, théâtre de rue, etc... Si vous êtes dans le coin (le 24 et 25 juillet cette année 2010), ne le loupez pas, c'est une super occasion de découvrir la culture du pays. Signalons aussi pour faire un peu moins UNESCO, un peu moins bio-rustique, et un peu plus polémique pour rigoler, que depuis le parking du bourg de "Holašovice", on a une fabuleuse vue sur la centrale nucléaire de "Temelín".
Si vous regardez au Nord, quelques 30 km devant vous, vous ne pouvez louper les 4 cheminées de refroidissage que nos voisins autrichiens nous envient tant :-) Depuis des années, ces bougres de couillons s'acharnent sur "Temelín" au motif que c'est dangereux, pas fiable, et que si ça pète, la récolte de fruits et légumes en Autriche sera pourrite pour plusieurs semaines. Oui et non. Si ça pète, ça va clairement pourraver la récolte de fruits et légumes dans toute l'Europe, et grave même, c'est vrai. Maintenant du nucléaire, ils en ont tout autour d'eux, en Allemagne, en Hongrie, en Slovaquie, et du autrement plus dangereux et moins fiable que "Temelín", suffit de voir comment qu'ils conduisent sur les routes ces bougres là (et je ne parle pas des Suisses). Sans compter qu'ils sont bien contents d'avoir notre électricité tchèque à bas-prix, les Autrichiens. Alors comment qu'on ferait si on n'avait pas "Temelín"? Hum? Evidemment, personne ne veut du nucléaire impopulaire, mais personne ne veut du charbon-pollue non plus, et personne ne veux de l'éolienne mongolienne (j'ai rien trouvé de mieux comme rime, sorry) alors on fait comment? On augmente le prix? Sûr que ça va plaire aux écolos autrichiens qui vivent de la cueillette afin de dépenser leurs 3 sous en chichon afghan et nippe tibétaine en poils de caribou. Remarquez ils s'en foutent un peu les écolos, du prix de l'électricité, ils vivent à la lumière des chandelles et à la chaleur du fumier, alors l'électricité... Allez j'en reste là avec la polémique :-) Global Paysan System: 48°58'10.5"N, 14°16'21.31"E.

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