Ville: La tour poudrière est une porte

Alors retour à Prague, en plein centre de Prague... enfin plein centre aujourd'hui, mais en lisière à l'époque. Donc aujourd'hui, je m'en vais vous parler de la tour poudrière ("prašná brána"), un des symboles de notre capitale. Mais avant même d'aborder le sujet, je voudrais d'abord me féliciter moi-même.
Me féliciter d'avoir surmonté ma claustrophobie dans les 186 escaliers d'un couloir large de 75 cm à peine, me féliciter d'avoir surmonté mon tournis dans la spirale qui monte, qui monte... (puis après qui descend, qui descend...), me féliciter d'avoir surmonté mon vertige en haut de la tour afin de vous montrer les splendides vues du tout Prague en 360°, et enfin me féliciter de tous mes efforts bienveillants, car mine de rien, j'ai franchi le cap des 100 publications sur mon blog puisqu'icelle est la 102 ème. Eh ouais! C'est pas cool ça? Alors félicitation à moi, et voilà, bravo hourra (à moi). Ensuite, signalons que le nom commun (substantif) de tour n'est absolument pas approprié à notre édifice, car il s'agit d'une porte, autant dans la traduction littérale de "brána" (car tour se dit "věž" en Tchèque),
que dans la fonction, car une porte médiévale permettait l'entrée et la sortie de la ville fortifiée, pas une tour.

Le premier truc donc en arrivant devant la porte, c'est de trouver l'entrée. Ca semble couillon à dire comme ça, mais si, c'est bien le problème, parce que genre pour un édifice aussi imposant, l'entrée est piètre, minuscule, genre l'anus d'un dromadaire dans une tempête de sable (encore que dans ce cas là c'est la sortie, mais c'est pour donner une idée de grandeur). Ensuite et comme je le disais dans mes auto-félicitations, une simple vue à l'intérieur des escaliers en colimaçon a de quoi décourager 9 curieux passionnés sur 10 (et je ne parle pas des blasés indolents).
Donc je vous préviens d'avance si vous souhaitez visiter, c'est étroit en large comme en travers, c'est abrupt en haut comme en bas, c'est tournant tout l'temps, et c'est unique en accès pour tous, pour ceux qui montent comme pour ceux qui descendent en vomissant sur les précédents.

Origines

Alors malgré ce que l'on vous raconte dans certains écrits, et que la première impression visuelle puisse légitimement suggérer, cette porte n'est pas ancienne, et surtout elle n'est pas gothique... enfin si, de style, de style néogothique, telle que vous la voyez là, maintenant, mais il y a 130 ans d'avant, d'avant 1875, rien de tout ça ne ressemblait à cela, du tout du tout. Déjà dans la première moitié du XIII ème siècle, à l'emplacement de la porte actuelle, il y avait une autre porte, appelée au tout début "U sv. Ambrože" parce qu'il y avait là, à proximité, une vieille église gothique de St Ambroise. Mais dans les années 1650, les moines franciscains venus d'Irlande recatholiser (sans succès) les hérétiques de Bohême la
(église) transformèrent en style baroque. Puis Joseph II désacralisa l'édifice en 1785, lequel fut ensuite transformé au début du XIX ème siècle en douane de style empire (un des rares exemples à Prague) pour être aujourd'hui un théâtre, dit "Dům u Hybernů" ou parfois simplement "Hybernia", en référence aux missionnaires irlandais, puisque l'Irlande se dit en Latin Hibernia, et voilà (mais avec un Y en Tchèque, pour l'Hibernia en Latin). Retour à la tour, re-tour. Cette même tour... enfin cette même porte prit ensuite le nom de "Horská" (après "U sv. Ambrože"), car de là menait une route importante en direction de "Kutná Hora"
("Horská" vient de "Hora" pour les non-slavophones). Elle faisait partie des 7 portes dans les fortifications originelles de la vieille ville de Prague. Mais en 1348, le bon Charles IV (ben ouais, encore) mit en oeuvre la construction de la ville nouvelle ("Nové město pražské"), juste derrière les fortifications, et donc la porte perdit ainsi de sa fonction, de son intérêt, au point qu'elle se délabra et prit le nom de "Odraná" (usée, vieillie, délabrée... voire pourrie d'hier, puis poudrière, plus tard). Pire, en 1383, le roi "Václav IV" déménagea à proximité de la porte, au lieu-dit de la cour royale ("Králův dvůr",
à l'emplacement de l'actuelle maison municipale) pour pouvoir, selon la légende, regarder avidement l'arrivée de son pognon par la fenêtre (en provenance de "Kutná Hora"). Or quand il vit l'horreur délabrée juste devant sa fenêtre et qui lui cachait la vue du pognon en plus, il poussa une bonne gueulante dans les bronches du conseil municipal et fit pendre le bourgmestre par les testicules, sous la porte, en plein courant d'air (selon la légende). Malgré cette furibardise royale, ce n'est que sous W (vous vous souvenez, Vladislav II Jagellon,
dit le Polac, mis en service en 1471) que l'on commença réellement à faire bouger les choses de la porte (celles du bourgmestre ne bougeaient plus depuis longtemps). L'on décapita l'édifice délabré, le bourgmestre suspendu avec, et le 20 mars 1475 l'on mit en chantier une nouvelle porte, toute neuve, mais d'une fonction totalement différente de l'originelle (pendaison de bourgmestre :-) à savoir la collecte des taxes, genre péage municipal, avant l'invention des parcmètres et horodateurs qui font aujourd'hui la joie des citadins déjà payeurs de taxes locales, communales, départementales, régionales, nationales, européennes, et j'en passe...

Suite

Au début de la reconstruction, en 1475, ce serait maître "Václav ze Žlutic" qui aurait commencé la nouvelle porte (nom officiel au tout début). Mais comme on ne sait rien du bougre (sinon qu'il aurait commencé la construction), je vous en parle au conditionnel. Ensuite, et c'est déjà vachement plus confirmé, c'est le gaillard "Matěj Rejsek z Prostějova" qui prit la suite.
On lui doit quelques oeuvres splendides au Matthieu, mais plus dans la taille et la sculpture de pierre, comme la chaire gothique de l'église St Laurent à "Kaňk" (près de "Kutná Hora"), ou l'autel en pierre en forme de baldaquin en l'église "Panny Marie před Týnem"... donc plus dans la taille et la sculpture de pierre le Matthieu, que dans l'architecture, malgré qu'il ait terminé la nouvelle porte et surtout, l'église Ste Barbara de "Kutná Hora". En fait, en tant qu'architecte, on lui reprochait son conservatisme gothique de tradition "Petr Parléř" (d'ailleurs la tour poudrière, qui est une porte, est fortement empreinte de l'odeur de la tour du pont Charles côté vieille ville, oeuvre du maître Pierre,
et qui, soit dit en passant, est une porte aussi), alors qu'un de ses contemporains, "Benedikt Ried z Pístova", bâtissait déjà dans le nouveau style renaissance avec le succès qu'on lui connait ("Vladislavský sál" du vieux palais royal, le portail intérieur à colonnes de la basilique St Georges ou encore la mairie de la nouvelle ville). Et même mieux, tiens, Matthieu ne fut nommé architecte de la nouvelle porte que par un heureux concours de circonstances, puisqu'il commença comme sculpteur décorateur du dit édifice en 1476.
En 1477, sous la direction de "Václav ze Žlutic", la porte n'aurait été terminée que jusqu'au niveau du premier étage, et selon une de mes sources (Ottova encyklopedie, Jan Otta a Jakub Malý, Národní encyklopedie česká) l'on devrait en trouver mention sous la corniche de la fenêtre centrale du premier étage côté est (mais d'en bas on ne voit rien). Ce n'est qu'en 1478, que les échevins de la ville décidèrent de le ("Matěj Rejsek z Prostějova") promouvoir architecte, parce que malgré qu'en dehors de la tour (porte) poudrière, personne n'est fiche d'attribuer une autre oeuvre conséquente à "Václav ze Žlutic",
il semblerait que ce dernier était absolument débordé et ne pouvait continuer sur ce chantier (encore un, payé à ne rien foutre, ce faignant du travail). Bref, donc le Matthieu continua les travaux à partir de 1478, mais on ne sait pas jusqu'à quand. On sait qu'en 1483, il y eut une épidémie de peste à Prague (et ailleurs), on sait aussi qu'il y eut une bonne révolte des praguois contre les échevins (défenestration de bougres catholiques des mairies, et coupage de têtes), on sait encore que le roi W retourna vivre au château de Prague laissant la cour royale vide de monde, et on sait donc que vers la fin des années 1480, ne sachant pas quoi faire de la nouvelle porte dont plus personne ne se préoccupait,
l'on posa un toit temporaire et l'on laissa l'édifice en l'état. D'ailleurs on sait même aussi qu'on eut même considéré sa démolition, mais comme avec les déchets nucléaires, compte tenu du coût, de la poussière cancérigène (amiante) et des tracas, on laissa ce fardeau aux générations futures.

Suite encore

C'est en 1592 que le maire d'alors (ouah trop fort le Strogoff, maire d'alors, sans dec...) bref, en 1592 "Václav Krocín z Drahobejle" (senior) et maire d'alors :-) qui était l'heureux propriétaire de la fameuse maison "U Halánků", anciennement brasserie, aujourd'hui "Náprstkovo muzeum" (place Bethléem), et qui fit construire, la "Staroměstská vodárenská věž" (le château d'eau de la vieille ville), à "Novotného lávka" (musée Smetana), à 3 pas du pont Charles, et dont une rue de Prague 1 porte son nom ("Krocínova", entre "Divadelní" et "Karoliny Světlé"),
donc en 1592, "Václav Krocín z Drahobejle" fit construire les fameux escaliers qui aujourd'hui découragent 9 curieux passionnés sur 10 (et je ne parle pas des blasés indolents) car avant, on accédait à l'édifice par un balcon depuis la cour royale. Faut dire qu'elle (la porte) était aussi 9 m plus bas, dans le fossé de protection de la ville qui sera remblayé après la création de la ville nouvelle (par le bon roi Charles IV) et qui donnera cependant son nom à l'une des plus fameuses rues de Prague, "Na Příkopě". Attention, certaines sources vous diront qu'en cette fin du XVI ème siècle, la porte sera encore agrémentée d'un attique et de 4 bastions latéraux.
C'est faux, comme le prouve le dessin de "Friedrich Bernhard Werner" d'environ 1740, ou alors on a simplifié l'édifice entre temps. Remarquez ce n'est pas exclu non plus, parce qu'on sait qu'en 1711, son état pitoyable faillit lui coûter l'existence, qu'on fit un certain nombre de travaux indispensables pour le maintiendre en vie, et qu'on le transforma en poudrière (nom spécifié sur un document d'archive) vers 1715 se disant que si jamais il explose, ça ne sera pas une grande perte.
A nouveau, et selon les sources, la transformation de la porte en poudrière date du début, du milieu, voire de la fin du XVIII ème siècle. Allez savoir. En 1757, la porte fut sacrément endommagée par les Prussiens lors du siège de Prague (c.f. la guerre de 7 ans). Elle n'explosa pas, mais les décorations en prirent un sérieux coup dans la vue, qu'on dut les descendre entièrement tellement elles risquaient de tomber d'elles-mêmes sur les passants sympas passant par cents par-là (en dessous).
"Ah ben c'est sûr, c'est moche comme ça, sans la déco tout nu" pouvait-on entendre dans la salle du conseil municipal. "Ben ouais mais une fois que t'as dit ça, t'as vachement fait avancer le Schmilblick" rajoutaient certains. "Et on en fait quoi alors de la porte maintenant?" renchérissaient d'autres. "Y a qu'à tout fout' par terre" proposèrent quelques-uns. "T'as une idée du coût, de la poussière cancérigène (amiante) et des tracas?" firent remarquer les plus sagaces. Mais finalement, après avoir payé une petite fortune à un cabinet de consulting en gestion d'expertise des audits financiers et de développement du coaching de l'analyse opérationnelle,
spécialisé (le cabinet) dans l'optimisation stratégique des ressources immobilières vétustes en phase de ruine ergonomique latente, donc finalement, après avoir payé une fortune les 18923 pages de délivrables sous format PowerPoint qui confirmèrent un returne sur investment ultra rapide après un schedulement high performance des benefits versus zeu costs retailorés selon un process de fine-tuning des milestones follow-upés durant le critical path d'atteinte des zobjectives, donc après s'être endettée comme jamais, la municipalité fit apposer en 1823 (parfois 1822) une horloge sur la tour (qui est une porte).
Et l'objectif fut atteint pour un moindre coût (juste l'horloge, le trou pour la mettre dedans avait été gratuitement façonné par les Prussiens en 1757). L'on redonna une fonction nouvelle (donner l'heure) à une ruine, prouvant visiblement à la population oh combien la municipalité est active, innovante tout en épargnant les finances collectives et surtout en repoussant sine-die le problème "démolition". Finement joué, merci monsieur consulting. Ceci dit, les frais d'agence... autre problème... bref... Pis dans les années 70 du XIX ème siècle, la problématique "tour (ou porte) poudrière" commença à se poser de façon plutôt brûlante.
Le 7 septembre 1874, l'empereur sympathiquement barbu François-Joseph (1er, et dernier aussi) invita la capitale de la Bohême, certes pour un court séjour de 2 jours, mais ça eut suffi à ce qu'il aperçoive ce qu'il n'aurait pas dû, et de pousser par voie de conséquence les autorités compétentes en la mise en oeuvre d'une action immédiate.

Suite toujours

"Ah ben voilà, bien vu les gars, on est dedans jusqu'au cou, mais alors grave, j'vous l'dis moi. Parce que du pognon, y en pas c'te année pour les coûts de démolition, de recyclage de la poussière cancérigène (amiante) sans parler des tracas" pouvait-on entendre de la bouche du maire (d'alors :-) de Prague "Josef Huleš". "Ben maire d'alors!" reprirent en choeur les membres du conseil municipal, "qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire, dis-donc?" Et soudain l'idée de génie illumina l'esprit de la serpillèreuse qui promenait son chiffon humide au bout d'un manche sur le parquet de la salle du conseil.
La serpillèreuse: "Z'avez qu'à magouiller un restaurage en loucedé avec le Josef là, le Mocker."
Le maire: "Certes madame, l'idée est plaisante, mais il est déjà bien occupé le brave homme."
La serpillèreuse: "Ouah l'aut', z'y va monseigneur. Ok, il besogne déjà d'la couenne sur la cathé-catho, sur l'ersatz phallique du Ponté Carolina côté vieux-bled, mais après plus rien, keud, plus qu'à peigner la girafe. Alors enfourguez-lui donc vot' foutu tabernacle, l'est plus à ça près maintenant. Tiens, chuis sûre que si vous lui cirez grassement la paluchette histoire de lui corser le velours hors taxe, il va vous chier du miracle comme de la graine de niais à Lourdes.
Enfin moi c'que j'en dis, hein, c'est histoire d'vous sortir du margouilli."


Et l'idée bonarde fut acceptée à l'unanimité par le conseil municipal. Du coup ben c'est à nouveau "Josef Mocker" qui s'y colla entre les années 1875 (1878 selon certaines sources, 1879 selon d'autres) et 1886 (1909 parfois), en pure style néogothique, comme d'hab, vu que c'est dans ça qu'il excellait (voir mes précédentes publies).
Il est même des informations, qu'en fait, Joseph aurait, déjà en 1856, soumis de sa propre initiative une offre de reconstruction. Quoi qu'il en soit, l'apparence actuelle de la porte est clairement l'oeuvre de "Josef Mocker". Il fit supprimer l'horloger, reboucher le trou, mettre une promenade au faîte, construire un toit kitch en ardoise, coller 4 tourelles angulaires (de 6 m de haut chacune), remodeler les fenêtres, et hop, le tour était joué: la copie parfaite de la tour du pont Charles (côté vieux-bled). Mais bon, hein, que voulez-vous, il a été payé au schwartz (ou au black, comme vous voulez), et on ne lui a pas demandé de l'original mais du propre.
Et faut avouer que c'est propre, genre ça en jette de la vue dans les mirettes, non?

Déco

Pis rendons à César ce qui est assez zard, parce que la déco extérieure a fichtrement été inspirée par l'historien, homme politique et pédagogue (malheureusement prautrichien, néanmoins auteur d'une oeuvre historique remarquable) "Václav Vladivoj Tomek".
Les thèmes s'accentuent autour du pouvoir séculier, du pouvoir céleste, et du pouvoir monarchique. On commence par l'extérieur, au niveau du premier étage, vue de la rue "Hybernská", le dos face au théâtre "Hybernia". Sont représentés là les rois "Přemysl Otakar II" et le bon roi Charles IV. Au même niveau, mais derrière, dans la rue "Celetná", les rois "Jiří z Poděbrad" et Vladislav II (dit W). Autour d'eux sont apposés les blasons de leurs royaumes, aux angles les allégories des vertus de la noblesse (sagesse, bravoure, discernement, prudence, courage et gros kiki... enfin lisez les dialogues de Platon à ce sujet).
Au-dessus des rois, il y a des anges, quelconques, avec des ailes dorées comme des mouches à viande à marier... avariée. Notez sous la fenêtre centrale (rue "Celetná") le blason de la vieille ville de Prague, utilisé depuis la réunification des 4 villes en 1784 comme blason unique de la ville (unifiée), et sous le blason, le bonhomme barbu, que c'est l'autoportrait du gaillard "Matěj Rejsek z Prostějova" en personne. Un original de 1474 selon mes sources, mais personnellement je pense plutôt à 1476 ou 77, car le coup de ciseau est plus mature tandis que la main est plus douce, sans parler de la mention sous le buste "Raysek de Prostieyov Baccalareus Pragensis 1477".
On passe au deuxième étage, avec les Sts patrons de la Bohême entourant d'un côté le St Jésus (face est), et de l'autre (face ouest) la Ste Marie à l'enfant (Jésus aussi). En plus petit, toujours au second étage, rue "Celetná", se trouvent encore Adam et Eve. Vous ne pouvez pas les louper, ils sont à poils. De l'autre côté, rue "Hybernská", se trouvent St Pierre et St Paul. Vous ne pouvez pas les louper non plus, ils sont à barbe, donc d'une certaine façon à poils aussi. Pis encore au-dessus, au niveau des créneaux de la promenade tout autour de la porte, sont apposés les blasons des villes royales de Bohême
(ville royale: qui appartient au roi, comme une chaussette, une armoire, ou un slip kangourou, et de laquelle il extorque le pognon dont il a besoin pour vivre, l'exploiteur. D'ailleurs comme pour les chaussettes, les armoires, ou les slips kangourou, il faut plusieurs villes royales pour bien vivre, une quarantaine en Bohême au XVI ème siècle, pour vous donner un exemple). Bon, et les artistes qui mirent leur talent au service de cette oeuvre sculpturale sont... ah oui, mais attention, certains éléments sont d'origine, du XV ème siècle (le blason de la ville, le buste du Matthieu...), mais les originels sont rares.
Par exemple sur le côté de la tour, face à la maison municipale, vous pourrez voir des restes de sculptures gothiques, mais dans un triste état. Et de l'autre côté, opposé à la maison municipale, il y a un encorbellement (donc pas une sculpture) qui aurait servi, selon mes sources, de toilette, vous savez, genre cabanon en bois accolé aux murs des édifices médiévaux. Aujourd'hui il y a une fenêtre à la place, donc n'allez pas vous y défroquer, on verrait votre lune de la rue. Mais retour à la déco extérieure donc, et surtout aux statues pompeuses et nouvelles qui sont donc de:
- "Ludvík Šimek": la vierge Marie et St Venceslas sur notre porte poudrière, mais aussi auteur du fameux chevalier "Bruncvík", sous le pont Charles, côté "Kampa" au niveau des "boat trips", plus auteur de quelques broutilles sur le Rudolfinum,
- "Bernard Otto Seeling": sculpteur de l'Adam et de l'Eve, du St Prokop et du St Adalbert, du roi "Přemysl Otakar II" et du bon roi Charles IV, des allégories de la sagesse, de la bravoure et de la force, plus encore de quelques angelots virevoltant de ci, de là, et comme le précédent, de quelques broutilles sur le Rudolfinum,
- "Josef Strachovský": auteur sur le théâtre national des allégories de la vérité et de la beauté, ou de la statue de "Jan Žižka z Trocnova" sur la place centrale de "Tábor", mais sur la tour poudrière en forme de porte, chais pas, on voit mal d'en bas,
- "Jindřich Čapek": donc là c'est clair (même d'en bas), il n'a fait que des restaurations sur l'édifice, comme les fresques (en 1919) sur la fantastique maison à la minute ("Dům U Minutky") place de la vieille ville. Ce qu'il a par contre sculpté, ce sont les statues de St Venceslas et de Ste Barbara à "Kutná Hora", mais ce n'est pas à Prague,
- "Eduard Veselý": pareil, pas la moindre idée de ce qu'il a fait sur la tour poudrière ni sur la porte, d'autant plus qu'il s'était spécialisé dans la sculpture sur bois. On lui devait notamment les statuettes tournantes sur l'horloge de la vieille ville, mais elles ont entièrement brûlé dans l'incendie de mai 1945 (lorsqu'un reste de nazis bombardait le centre ville à coup de canon depuis la colline de "Letna", fumiers). Il reste cependant de son oeuvre les St Patrons de la Bohême le long de la rampe d'escaliers qui mènent à la chaire en l'église "Matky Boží před Týnem",
- "Bohuslav Schnirch": il est aussi cité dans mes sources, mais qu'a-t-il fait? D'autant plus qu'il était à fond sur le théâtre national... enfin si quelqu'un sait, fait-moi dire, genre, ça m'intéresserait.

La déco intérieure, elle, est tout à fait négligeable. En fait il n'y a rien, et ce qu'il y a, c'est du made by "Josef Mocker". Donc même si les bouffonnes statuettes au départ des arrêtes de voûtes rappellent des gargouilles cathédraliennes gothiques, c'est du neuf, du fin XIX ème siècle.
Au premier étage le plafond est en voûtes d'étoiles, au second en voutes en réseau, mais toujours de la fin XIX ème siècle. Ca fait bien gothique, certes, mais inutile de perdre votre temps, passez directement à la suite.

Curiosités

Alors signalons que la tour poudrière qui est en fait une porte, était le point de départ de la route royale (parfois appelée route du couronnement, aujourd'hui boulevard à couillons) et qui menait jusqu'au château (de Prague, en la cathédrale St Truc, St Machin et St Bidule précisément) en passant par la place de la vieille ville, le pont Charles, et la rue "Nerudova".
Les futurs rois de Bohême l'empruntaient le jour du couronnement, et selon la légende, chantaient le Te deum laudamus (...te Dominum confitemur [...] Heilig, heilig, heilig der Herr, der Gott der Scharen! Voll sind Himmel und Erde von deiner hohen Herrlichkeit. Ca sonne vachement bien auf Deutsch, trouvez pas? :-) tandis que le peuple, analphabète en Latin, beuglait "Hospodine, pomiluj ny" en Tchèque. Le premier à l'avoir empruntée (la route) fut Albrecht II (Habsbourg), couronné en 1438, et le dernier fut Ferdinand 1er d'Autriche (Ferdinand V en Bohême, dit le bon, avec un b, Ferdinand Charles Léopold Joseph François Marcellin de ses vrais prénoms).
Son successeur, l'empereur sympathiquement barbu François-Joseph (1er, et dernier aussi) refusa d'être couronné en Bohême, mais il refusa également en Hongrie, en Dalmatie, en Croatie, en Slavonie, en Galicie-Lodomérie et Illyrie, en Toscane, en Lorraine, en Franconie, en Styrie et Carinthie, en Carniole, en Bucovine, en Transylvanie, en Moravie, en Haute et Basse Silésie, en Haute et Basse Lusace, au Tyrol, en Istrie et en Voïvodie serbe, juste à Vienne qu'il voulut bien, prétextant qu'il n'avait pas que ça à foutre, à faire le tour de l'Europe en calèche dorée tirée par 4 fougueux lipizzans,
et surtout parce qu'il ne voulait pas avoir l'air con comme la reine d'Angleterre aux célébrations de ses 80 automnes pluvieux, sans pour autant préciser si l'air con était lié au ridicule chapeau de madame en abat-jour saugrenu de couleur toxique et repousse-mouche ou à celui de monsieur, originellement en poils d'ours noir du Canada, remplacés (les poils) par du foin de d'ssous d'bras d'Andalouse depuis que le précédent animal fut porté sur la liste rouge des espèces menacées d'extinction.
Et afin d'ôter toute confusion dans l'esprit du lecteur, Albrecht II ne fut pas le premier roi couillonné... couronné, mais le premier qui emprunta la route du couronnement, depuis la tour poudrière jusqu'en la cathédrale, pour être couronné, na! Donc ça, c'était la route du couronnement dans le sens du dedans de la ville. Mais il eut également un grand départ vers le dehors de la ville, et ce n'est pas ce qu'on raconte dans certaines sources mal informées. En effet, en novembre 1465 partit bien une délégation mandée par le roi
"Jiří z Poděbrad" vers les cours d'Europe, dans le but de signer un traité établissant une grande paix européenne en 255 feuillets, rédigé pendant 14 ans par le moine dément "Valerius Giscardae d'Estaingnus", mais cette délégation là ne partit point de notre porte poudrière, mais comme tout le monde sait, du château de "Blatná", lieu de résidence de l'ambassadeur "Jaroslav Lev z Rožmitálu" et gendre du roi "Jiří" (lectures: "Z Čech až na konec světa, Alois Jirásek"). Eh non, la délégation qui partit de la tour poudrière (qui est une porte) en direction de Rome est en fait celle de mars 1462, menée par "Zdeněk Kostka z Postupic", bras droit du roi "Jiří z Poděbrad",
qui en 1459 acquit une des maisons à l'emplacement de l'actuel "Menhartovský dům" rue "Celetná 17/595" (aujourd'hui palais baroque d'environ l'an 1700) à seulement 150 mètres de notre porte poudrière, et dont le mandat consistait à faire re-reconnaître par cette enflure papale Pie secondesque ("Enea Silvio Piccolomini") les compacta de Bâle (de 1436). Signalons pour l'anecdote que cet immonde cureton rédigea promptement en 1458 un ouvrage (Historia Bohemica) sur l'histoire de la Bohême tandis qu'il soignait sa goutte purulente en thalasso à Viterbo (Italie), ouvrage basé sur des auteurs antérieurs ("Kosmas", "Přibík Pulkava z Radenína"...) pour la période VII ème - XV ème siècle,
donc sans aucun intérêt, mais historiquement étonnant pour la période hussite (première moitié du XV ème siècle), dans lequel l'immonde pontife présentait la Bohême et ses habitants comme un ramassis de canailles hérétiques, luxurieuses, paillardes et incultes, et malheureusement, ouvrage de référence sur le pays Tchèque dans l'Europe d'alors pendant plusieurs siècles. "Et tu t'attendais à quoi d'un pape romain hypocrite qui vilipendait le péché hussite d'un côté, tandis qu'il écrivait des bouquins de cul de l'autre" me rétorqua à raison ma femme de ménage. Bref...

Alors je vous disais, un peu hâtivement sans doute, que l'intérieur est sans intérêt. Oui, enfin non, il y a quand même des trucs pittoresques, pour les curieux qui veulent chercher. D'abord, il y a sur certaines pierres (à l'intérieur) les signatures, les marques des tailleurs de pierre.
On appelle ça une marque de tâcheron, car autrefois, les tailleurs de pierre étaient payés à la tâche (les temps ont vachement changé), au nombre de pierres taillées (et non au nombre d'heures de grève), donc au delà d'une signature de vanité que bon nombre de récents crétins anonymes et insignifiants ont laissée (leur signature) dans la tour (porte), cette marque de tâcheron permettait à l'artisan de prouver son travail et de se faire payer. Je vous en ai trouvé une, en forme d'étoile (au premier étage), mais il y en a encore d'autres, au second étage, à vous de les trouver. Tiens, et vu qu'on parle des signatures à la con d'ordinaires imbéciles, il y en a aussi des, plutôt anciennes, surtout sur la promenade en haut du toit, avec la vue sur tout Prague.
La plus ancienne serait de 1821 (source P.I.S., c.f. plus loin), mais je ne l'ai pas trouvée. La plus ancienne que j'ai vue était de 1844. Alors ceux qui suivent me demanderont "mais comment c'est-il donc possible, puisque la promenade date du Josef Mocker, fin XIX ème?" Ben j'en sais fichtre rien. Soit ces pierres se trouvaient là déjà avant (toiture?), soit l'architecte a utilisé des pierres provenant d'un autre endroit de notre édifice, enfin j'en sais fichtre rien, mais c'est curieux.

Au premier étage, derrière les escaliers en bois du XIX ème siècle, se trouve un reste de cheminée assez intéressant, avec une hotte saillante en briques.
Bon, chuis pas René Brisach, mais il semblerait que cet élément (selon les braves dames de l'accueil) soit assez ancien. J'ouïs XV ème ou XVI ème siècle. Ensuite les dalles de pierre servant de banc, sur les côtés des fenêtres, seraient également d'origine, de l'époque de la construction de l'édifice. Compte tenu de leur usure, de leur forme concave (particulièrement la première dalle à droite, en entrant dans la salle du premier étage), on peut présumer que moult nobles séants se reposèrent dessus au cours des siècles. Et même des séants osseux démangés par des vers ou des hémorroïdes, ou frénétiquement agités par la vue des chariots à boeufs débordants de pièces d'argent frappées à "Kutná Hora".

Quelques chiffres: la porte poudrière serait haute de 65 m, et la promenade sur le toit serait à 44 m de hauteur (43 m parfois, selon les sources).
Sa surface forme un carré, dont les murs possèdent une épaisseur moyenne de 2,10 m, ce qui fait dire à certains qu'elle aurait pu être deux fois plus haute. Etait-ce le dessein initial (mais inachevé) du premier architecte "Václav ze Žlutic"?

Pis pour finir, notez que l'ancienne poudrière est sous l'administration du P.I.S. ("Pražská informační služba", service d'information de Prague) dont je pense le plus grand bien, vraiment. D'abord parce que j'ai eu l'occasion de faire un grand nombre de visites insolites avec leur personnel compétent et dévoué, ensuite parce que ces personnes, généralement passionnées, sont souriantes, affables, courtoises, et engageantes (une fois même séduisante, elle était fort séduisante même une fois, une personne du P.I.S.), ce qui mérite d'être souligné en ce pays. Le prix d'entrée est symbolique (50 CzK, 1.75 €), et l'on peut faire des photos dedans, SI SI, on peut prendre des photos, avec flash (mais sans statif). Donc si vous êtes au centre ville, si vous avez 1h devant vous, courrez à la porte poudrière, et admirez, le dehors comme le dedans.

Commentaires

Anonyme a dit…
Prague est ma ville natale mais cela fait bien une dizaine d'année que je n'y suis pas retourné.
Belles photos et bonne documentation
Strogoff a dit…
Quoi, depuis 10 ans, mais c'est énorme, impossible, comment c'est-il pourquoi donc? Sans dec... Enfin merci pour l'appréciation.
Anonyme a dit…
C'est le but de mes prochaines vacances, c'est promis! ;-)
Anonyme a dit…
J'habite à Prague depuis un an et je viens de découvrir votre blog . Quelle documentation, Bravo ! Si j'avais su lorsque je me suis installé ici, je n'aurai pas payé un guide :)

Bonne continuation !
Strogoff a dit…
Merci pour l'appréciation Donatien. Heureux d'avoir pu rendre service, c'est en fait le but de ce blog, informer. Alors bonne lecture, et bonne information. Chuis sûr que tu trouveras des idées de balades dans la ville :-)

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