L'épopée slave: 08 - Après la bataille près de Grünwald
Ceux qui ont le plaisir d'être abonnés à mes newsletters, et surtout ceux qui les lisent, ben ceux-là auront déchiffré parmi le tas d'âneries dont je suis le prolixe auteur, qu'il y avait jusqu'au 22 mai 2011, une exposition exceptionnelle au palais des foires de Prague, palais qui n'est autre qu'un des bâtiments de la galerie nationale. Et cette exposition exceptionnelle, ben c'était 5 toiles de la fameuse Epopée Slave d'Alfons Mucha. Eh ouais, rien qu'ça. Cinq chefs-d'oeuvre inouïs, parmi la totalité de 20, pour lesquels j'ai, en son temps, parcouru 200 km rien que pour les voir en "Moravský Krumlov" (où les 15 autres se trouvent encore). Malheureusement, en son temps, il était interdit de photographier en "Moravský Krumlov", puisque les habitants ignoraient jusqu'à l'existence d'un tel matériel (cf. "hic sunt leones et variola"). Mais cette fois-ci si, c'était possible de photographier (à Prague l'on ne vit plus de la chasse et de la cueillette). Du coup, j'ai profité de la journée internationale des musées (où l'entrée était gratuite) pour me rendre au palais des foires, en semaine, pendant ma pause de midi (pour vous dire comme je prends sur moi), et vous cliquer les photos que voilà. Alors je ne vais pas vous parler de l'oeuvre globale (Epopée Slave), puisque vous pouvez lire l'article laconique de Wikipédia. Je ne vais pas non plus vous parler de l'artiste, puisque je garde ça pour une autre publie complète. En fait, je vais plutôt vous parler des oeuvres en particulier, genre la représentation et la symbolique de chaque toile, parce que z'allez voir, c'est très fort en intelligence picturale. En fait, plutôt que d'illustrer des scènes historiques (encore que), Alfons a dépeint des thèmes mettant en situation la dimension humaine, l'allégorie historique. Genre plutôt que de peindre Napoléon à la gare d'Austerlitz, Alfons aurait peint Napoléons en généralempereur dessinateur des départements français, écrivain du code civil, et instigateur de la banque de France, entouré par ses femmes, son cheval Pumpernickel et ses amis-généraux des armées de France. Vous voyez la différence entre la scène historique et la dimension humaine?
Alors la première peinture dont je vais vous parler, et qui se situent en fait en huitième position selon l'échelle de Mucha, donc cette première huitième peinture s'intitule "Après la bataille près de Grünwald" ("Po bitvě u Grunwaldu", "Nach der Schlacht bei Grünwald oder Tannenberg"), et fut peinte en 1924. Ah oui, parce que les armées en présence s'organisaient près de "Grünwald" pour les chevaliers teutoniques, et près de "Tannenberg" pour les Polono-Lituaniens, la bataille "près de Grünwald" s'intitule aussi "Schlacht bei Tannenberg" dans les livres d'histoire allemands, "Bitwa pod Grunwaldem" dans les livres d'histoire polonais, "Žalgirio mūšis" dans les livres d'histoire lituaniens, et "Grünwald suğışı v" dans les livres d'histoire tatars. Ca peut sembler compliqué, mais on se parle bien de la même bataille. Ah oui, et le sous titre, c'est "la solidarité des Slaves du Nord" ("Severoslovanská vzájemnost"), parce que les Slaves du Sud, on sait à quoi s'en tenir en terme de solidarité depuis les années 1990.
Contexte
Bon, les détails, vous les trouverez dans Wikipédia, à nouveau, plutôt condensés, les détails. Maintenant les détails vraiment détaillés, je vous renvoie vers les "Annales seu cronicae incliti Regni Poloniae" de Ioannes Dlugossius. Vous y trouverez jusqu'à la couleur et le nombre de pennons pour chacune des armées (pennon: étendard porté au moyen âge par les chevaliers aux ordres d'un seigneur. Par extension, unité de combat dirigée par ce chevalier). Notez toutefois que la réalité historique est quelque peu... bousculée par l'élan épique et patriotique. Et pour ceux qui n'aiment pas lire, il existe aussi un film en couleur d'Aleksander Ford sur ce sujet.
Sinon en gros, le contexte, c'est que les chevaliers teutoniques catholiques voulaient en découdre avec les Lituaniens païens, et comme les Teutons occupaient le territoire de la PLogne (comme en 39), ben les Polacs s'allièrent aux Lithus contre eux, afin de les fout' à la porte du pays (comme en 45). Et parce que les Slaves, c'est une grande famille (Alfons était emprunt d'idéaux moraux panslaviques), les Polaco-Lithus furent rejoints par les Bohémiens, les Moraves, les Biélorusses, les Tatares (après les grandes invasions de Gengis Khan, nombreux Tatares s'établirent en Europe de l'Est, Lituanie en particulier, fin XIV ème siècle, où ils se spécialisèrent dans la restauration [steak]). Dans les rangs anti-Teutons, l'on put également dénombrer 138 pirates de la Baltique, 26 Ukrainiens sans papiers, et 17 Slovaques d'identité magyare. Bon, et donc le 15 juillet 1410, les Polaco-Lithus mirent une raclée aux chevaliers peu toniques, et c'est une fois la fumée des dessous d'bras dissipée, le calme bucolique revenu dans les herbages, que se situe le portrait en couleur de notre tableau pareil (en couleur).
La scène
Le tableau de 610 x 405 cm (en couleur) se situe à l'aube du lendemain de la bataille, au levé du soleil sur fond de nuage bas, l'astre éclairant d'une pâle lueur blafarde la pile de cadavres froids en avant plan. Sur un monticule, le roi "Władysław II Jagiełło" et son escorte contemplent silencieux l'immonde carnage, partagés par un sentiment de fierté suite à leur incontestable victoire (ça c'est le souverain), et une nausée légitime devant toute cette viande morte (ça c'est l'humain). Notez comme Wladyslaw se couvre la face de son châle, afin de prévenir les miasmes putrides d'atteindre sa noble truffe. L'on peut penser qu'Alfons partagea ces mêmes sentiments 6 ans après la fin de la grande guerre. Une victoire, certes, mais à quel prix? Tout ça pour ça!
Au centre, légèrement à la droite cependant, sur sa cape frappée de la croix teutonique, symbole de l'ordre, gît le grand maître des chevaliers teutons, "Ulrich von Jungingen". Au dessus du Teuton, légèrement à droite cependant aussi, un patriarche orthodoxe bénit et recommande à dieu tout puissant les âmes des défunts tout morts. Derrière lui, sur la gauche du tableau, un tatare prie Allah. Serait-ce le grand khan "Jalal ad Din", meneur de la horde? Notez les capes teutonnes qui jonchent le sol, comme pour bien marquer la défaite des vaincus. Notez également le cheval en avant plan, une flèche (ou un carreau d'arbalète) plantée dans le flanc. Vous retrouverez ce même symbole dans Guernica de Picasso, un cheval avec une lance plantée dans le flanc. Alors on peut y voir ce qu'on veut, et y en a velu sous le coude, mais comme disait Picasso lui-même à propos de son oeuvre, "le cheval est un... cheval". Et faut avouer qu'un cheval mort, là, juste devant, ça fait mieux qu'un panier de concombres espagnols, non?
A l'autre bout du tableau, à gauche, 2 tatars portant la classique chapka en poil de bouc trempée 6 mois dans les tripes d'une charogne de yack diarrhéique (procédé original et biologique pour éloigner les mouches) dévisagent les cadavres ennemis. L'on peut reconnaître de la droite vers la gauche "Friedrich von Wallenrode" commandeur de la commanderie de "Ryn" ("Rhein in Ostpreußen", PLogne), et frère de "Konrad", grand maître de l'ordre entre 1391 et 1393, fondateur de cette commanderie (de "Ryn"). Suivi couché de "Albrecht von Schwartzburg", commandeur de je ne sais plus quoi, puis de "Kuno (Konrad) von Liechtenstein", commandeur aussi mais surtout émissaire de l'ordre teutonique auprès du roi de PLogne avant la guerre. Et enfin tout à gauche, avec une verrue sur le nez, la main droite sur sa bourse, "Thomas von Merheim", le trésorier en chef des chevaliers teutoniques, qu'on se demande ce qu'il faisait là, et qui gardait la banque en son absence. Pis y a tous ceux qu'on ne voit pas sur la croûte, parce que soit ils se sont échappés dans les taillis (mais y en a peu [des échappés comme des taillis]), soit ils furent faits prisonniers à fin de rançon (mais y en a peu aussi), soit ils furent inutiles à la scène du tableau. Pour info, les Teutons perdirent en tout 250 des leurs dans la bataille, soit les 2/3 des chevaliers de l'ordre, alors si "Mucha" avait dû tous les représenter, il n'aurait jamais eu le temps d'apprendre à jouer du trombone à piston. Maintenant passons à l'arrière plan.
Derrière Wladyslaw et son monticule se trouvent les chefs alliés en armure. L'on peut reconnaître en particulier le grand duc lituanien Vitold (i.e. "Vytautas"), curieux personnage tantôt païen, tantôt catholique, tantôt pro-Teuton, tantôt pro-Polac. A ses côtés son frère "Lengvenis" (i.e "Simeon Lingwen"), commandant en chef des 3 pennons de Smolensk, et militaire adroit si l'on encroix... croit les archives. Avec son heaume à la Darth Vader, l'air sombre et pensif, le fameux chevalier noir "Zawisza Czarny z Garbowa", l'incarnation de la vertu chevaleresque que toutes les mamans plonaises souhaitèrent marier à toutes leurs filles. Puis à droite de Wlad, et à droite du gnome agenouillé sur une cape teutonique, le gars avec un large heaume en fer blanc (la soupape est à droite), tenant horizontalement son épée des 2 mains. Ben chais pas qui c'est. Mais c'est pas grave, parce que les gars importants sont au-dessus de lui. Le premier, avec un poche-oeil de pirate. C'est le fameux hussite "Jan Žižka" encore jeune, heureux d'avoir quitté la Bohême afin de se faire oublier pour quelques temps des "Rožmberk" sur les terres desquels Jean brigandait comme un diable déchaîné. Alors je ne vais pas vous en dire plus sur "Jan Žižka", vous trouverez tout dans ma publie. Pis à sa gauche, c'est "Jan Sokol z Lamberka", et de celui-là, je vais vous en souffler 2 mots quand même. En fait "Jan Sokol" est historiquement resté dans l'ombre de "Jan Žižka", et pourtant, il eut tout autant d'importance que ce dernier, sinon encore plus, puisqu'il fut son mentor, son modèle, et que sans "Sokol", fort probablement pas de "Žižka".
De sa jeunesse, on ne sait pas grand chose, sinon que très vite, il sombra du côté obscure de la force, et devint mercenaire, pilleur, gangster à son propre service, comme au service des puissants qui voulaient fout' le foin sur les terres d'autres puissants. En l'époque, c'était un vrai métier, fouteur de m... sur les terres des autres, afin qu'ils aient de quoi s'occuper et ne pensent pas à venir faire de l'ombre (dans la politique par exemple, aujourd'hui, un métier équivalent est exercé par les soubrettes de l'hôtel Sofitel de New York :-) Sa première vraie grosse connerie dûment consignée dans les annales du pays remonte à 1397, lorsqu'avec une poignée de potes, il alla piller les domaines des chapitres de "Kroměříž" et "Olomouc", comme c'était de coutume en ces samedi soirs où les discothèques n'existaient pas encore. Evidemment, cela déplut sérieusement à l'évêque (de "Olomouc") Nicolas, qui prononça aussitôt l'excommunication sur la tête des vilains bougres. Mais après l'intervention du margrave "Jošt" de Moravie, la promesse de faire repentance et ne jamais plus rapiner les domaines de l'évêque, l'excommunication fut levée en 1403 (curieux qu'un hussite se sente concerné par une excommunication catholique?). Qu'à cela ne tienne, il en restait plein d'autres des domaines, et "Jan Sokol z Lamberka" n'était ni en manque d'idée, ni en manque de commande. Ainsi en grimpant les échelons du gangstérisme semi-légal d'ampleur industrielle (aujourd'hui on parlerait de terrorisme d'état, ou de secret-défense), notre forban se retrouva au contact du roi "Václav IV", pour le compte duquel il prit en charge le pourrissement de la vie des "Rožmberk", noble famille du Sud de la Bohême soutenue par les Habsbourg, et qui prenait aux yeux du souverain que trop d'importance. Et justement, trop d'importance prenaient également les chevaliers teutons au Nord, qui, soutenus par le pape, s'en voulaient envahir la Prusse (alors païenne) et la Lituanie. Et tout ça, ben ça faisait beaucoup trop de cathos au Nord (Teutons), à l'Ouest (Teutons) et au Sud (Habsbourg, presque Teutons). Aussi lorsque le roi plonais "Władysław II Jagiełło" lui demanda de lever une armée de mercenaires et venir se joindre à la bonne fête près de "Grünwald", qu'il y aurait grillade-merguez en fin de journée, "Jan Sokol" ne se fit point prier. A la bataille, il reçut le commandement du 4 ème pennon polac fort de 1500 cavaliers. Une fois la victoire donc acquise le 15 juillet 1410, les bougres prirent encore d'assaut les restes appartenant aux chevaliers en déroute, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de leur souvenir sur les terres du Wladyslaw. Bien entendu "Jan Sokol" était de la partie, et "Jan Žižka" fort probablement aussi. Pis l'on arrive au 27 septembre de la même année 1410, à "Toruń" (en PLogne, entre Berlin et Varsovie, un peu au Nord, et un peu plus près de Varsovie quand même), alors que le roi plonais avait invité ses potes, dont "Jan Sokol", à une petite fête, afin de se reposer un peu des massacres de Teutons. Tôt le lendemain matin (le 28 septembre donc), notre hussite se plaignit de maux de ventre, puis il eut des crampes, des vomissements, et avant même que n'arrive le SAMU anti-concombre, il décéda (tout froid) à l'âge de 55 ans. Alors z'allez rire, mais le médecin légiste imputa la mort à unempoissonnement... empoiZonnement au poisson. "Pas frais le poisson d'Ordralfabetix", aurait dit Cétautomatix. Alors que l'empoisonnement ne fait aucun doute, le poisson quant à lui n'est qu'un alibi bon-dos. Bien qu'on n'ait aucune certitude, les sources de l'époque étant peu fiables, le motif semble élémentaire. A force de faire la coqueluchouchou du roi, au point qu'icelui le couvrit d'innombrables cadeaux de valeur et de bonnes grâces sentimentales, les seigneurs polacs jaloux engraissèrent rancune, haine et mauvaise bile. Ainsi l'un, ou une coalition de plusieurs, passèrent à l'acte de s'en débarrasser à toujours... jamais. Et voilà. Mieux, une théorie farfelue, mais cependant plausible, laisserait à imaginer que l'empoisonneur ne serait autre que "Jan Žižka" en personne. Et pour cause, presque totalement absent des pages d'histoire avant 1410, il entre lentement en scène entre 1410 et 1419, pour devenir le DSK du vélin-people à partir de 1420.
Anecdotes
Alors selon Jan Długosz, le commandeur "Werner von Tettingen" de "Elbląg" fut pris de panique lors de l'attaque, et battit lâchement en retraite jusqu'à sa ville, où il fut chassé par la population tellement la honte leur pesait sur les épaules. D'autres sources prétendent qu'il fut gravement malade (et trop vieux), et ne put prendre part au combat.
Toujours selon Jan Długosz, le commandant tchèque "Jan Sarnovský" se comporta comme "Werner", sauf que lui fut chassé de la couche maritale par son épouse, tellement la honte lui pesait sur les épaules (à elle, mais pas trop à lui).
Et encore selon Jan Długosz, après l'affrontement, les ruisseaux au bas du champ de bataille aurait tourné au rouge vif à cause du sang des chevaliers massacrés à la tonne, à la hache et Allah akbar. En fait l'origine pourpre est tout' autre. Lorsque les Slaves et leurs alliés atteignirent le QG de campagne des Teutons, ils y découvrirent le magasin (de campagne aussi), et tout particulièrement les nombreuses barriques de vin sur lesquelles ils se jetèrent goulûment. Voyant cela, et afin d'éviter que la fête militaire ne se termine comme un congrès du parti con-muniste, Wladyslaw fit percer les tonneaux dont le contenu se répandit dans les ruisseaux, à la grande joie des truites et des pêcheurs.
Sous les con-munistes, les historiens soviétiques essayèrent vainement d'expliquer la victoire polaco-lituanienne par la présence parmi le commandement de généraux russes aux cotés des vainqueurs dans l'un des (sinon LE) plus grands conflits moyenâgeux d'Europe. Aussi l'on pouvait lire dans les livres d'histoire des années 60, que le "parti des forces polono-soviétiques gagna la bataille contre l'impérialisme fasciste teuton". Mais aujourd'hui, l'on sait qu'il n'en fut rien, que malgré tous les efforts des historiens archéologues bolcheviques, pas une trace de général russe ne fut retrouvée. Parmi la troupe à boucherie oui, y avait des Russes (et encore, signalons qu'en l'époque, Smolensk n'était pas russe mais lituanienne), mais aux commandes de la direction, non, pas un seul Ruskof.
Alors pour ceux qui voudraient se rendre sur le champ de bataille de "Grünwald", sachez tout d'abord que ce n'est pas en République Tchèque mais en PLogne. Ensuite si vous souhaitez toujours vous y rendre, sachez encore que c'est vraiment loin, au Nord de Varsovie, entre la capitale et Gdansk. Et si vous avez encore et toujours l'intention de vous y rendre, sachez qu'il n'y a pas d'autoroute, que des routes de campagne étroites avec des trous gros comme celui de la Sécu en plein milieu (des routes). Et si malgré tout ça, vous insistez encore obstinément pour vous y rendre quand même, sachez que ma copine "Małgorzata", originaire de la région, affirme que même les lycanthropes (particulièrement nombreux en ce pays) assistent à la messe quotidienne matin et soir. Enfin bon, si vraiment après tout ça cependant néanmoins, ben c'est là: 53°29'13.737"N, 20°7'21.779"E.
Alors la première peinture dont je vais vous parler, et qui se situent en fait en huitième position selon l'échelle de Mucha, donc cette première huitième peinture s'intitule "Après la bataille près de Grünwald" ("Po bitvě u Grunwaldu", "Nach der Schlacht bei Grünwald oder Tannenberg"), et fut peinte en 1924. Ah oui, parce que les armées en présence s'organisaient près de "Grünwald" pour les chevaliers teutoniques, et près de "Tannenberg" pour les Polono-Lituaniens, la bataille "près de Grünwald" s'intitule aussi "Schlacht bei Tannenberg" dans les livres d'histoire allemands, "Bitwa pod Grunwaldem" dans les livres d'histoire polonais, "Žalgirio mūšis" dans les livres d'histoire lituaniens, et "Grünwald suğışı v" dans les livres d'histoire tatars. Ca peut sembler compliqué, mais on se parle bien de la même bataille. Ah oui, et le sous titre, c'est "la solidarité des Slaves du Nord" ("Severoslovanská vzájemnost"), parce que les Slaves du Sud, on sait à quoi s'en tenir en terme de solidarité depuis les années 1990.
Contexte
Bon, les détails, vous les trouverez dans Wikipédia, à nouveau, plutôt condensés, les détails. Maintenant les détails vraiment détaillés, je vous renvoie vers les "Annales seu cronicae incliti Regni Poloniae" de Ioannes Dlugossius. Vous y trouverez jusqu'à la couleur et le nombre de pennons pour chacune des armées (pennon: étendard porté au moyen âge par les chevaliers aux ordres d'un seigneur. Par extension, unité de combat dirigée par ce chevalier). Notez toutefois que la réalité historique est quelque peu... bousculée par l'élan épique et patriotique. Et pour ceux qui n'aiment pas lire, il existe aussi un film en couleur d'Aleksander Ford sur ce sujet.
Sinon en gros, le contexte, c'est que les chevaliers teutoniques catholiques voulaient en découdre avec les Lituaniens païens, et comme les Teutons occupaient le territoire de la PLogne (comme en 39), ben les Polacs s'allièrent aux Lithus contre eux, afin de les fout' à la porte du pays (comme en 45). Et parce que les Slaves, c'est une grande famille (Alfons était emprunt d'idéaux moraux panslaviques), les Polaco-Lithus furent rejoints par les Bohémiens, les Moraves, les Biélorusses, les Tatares (après les grandes invasions de Gengis Khan, nombreux Tatares s'établirent en Europe de l'Est, Lituanie en particulier, fin XIV ème siècle, où ils se spécialisèrent dans la restauration [steak]). Dans les rangs anti-Teutons, l'on put également dénombrer 138 pirates de la Baltique, 26 Ukrainiens sans papiers, et 17 Slovaques d'identité magyare. Bon, et donc le 15 juillet 1410, les Polaco-Lithus mirent une raclée aux chevaliers peu toniques, et c'est une fois la fumée des dessous d'bras dissipée, le calme bucolique revenu dans les herbages, que se situe le portrait en couleur de notre tableau pareil (en couleur).
La scène
Le tableau de 610 x 405 cm (en couleur) se situe à l'aube du lendemain de la bataille, au levé du soleil sur fond de nuage bas, l'astre éclairant d'une pâle lueur blafarde la pile de cadavres froids en avant plan. Sur un monticule, le roi "Władysław II Jagiełło" et son escorte contemplent silencieux l'immonde carnage, partagés par un sentiment de fierté suite à leur incontestable victoire (ça c'est le souverain), et une nausée légitime devant toute cette viande morte (ça c'est l'humain). Notez comme Wladyslaw se couvre la face de son châle, afin de prévenir les miasmes putrides d'atteindre sa noble truffe. L'on peut penser qu'Alfons partagea ces mêmes sentiments 6 ans après la fin de la grande guerre. Une victoire, certes, mais à quel prix? Tout ça pour ça!
Au centre, légèrement à la droite cependant, sur sa cape frappée de la croix teutonique, symbole de l'ordre, gît le grand maître des chevaliers teutons, "Ulrich von Jungingen". Au dessus du Teuton, légèrement à droite cependant aussi, un patriarche orthodoxe bénit et recommande à dieu tout puissant les âmes des défunts tout morts. Derrière lui, sur la gauche du tableau, un tatare prie Allah. Serait-ce le grand khan "Jalal ad Din", meneur de la horde? Notez les capes teutonnes qui jonchent le sol, comme pour bien marquer la défaite des vaincus. Notez également le cheval en avant plan, une flèche (ou un carreau d'arbalète) plantée dans le flanc. Vous retrouverez ce même symbole dans Guernica de Picasso, un cheval avec une lance plantée dans le flanc. Alors on peut y voir ce qu'on veut, et y en a velu sous le coude, mais comme disait Picasso lui-même à propos de son oeuvre, "le cheval est un... cheval". Et faut avouer qu'un cheval mort, là, juste devant, ça fait mieux qu'un panier de concombres espagnols, non?
A l'autre bout du tableau, à gauche, 2 tatars portant la classique chapka en poil de bouc trempée 6 mois dans les tripes d'une charogne de yack diarrhéique (procédé original et biologique pour éloigner les mouches) dévisagent les cadavres ennemis. L'on peut reconnaître de la droite vers la gauche "Friedrich von Wallenrode" commandeur de la commanderie de "Ryn" ("Rhein in Ostpreußen", PLogne), et frère de "Konrad", grand maître de l'ordre entre 1391 et 1393, fondateur de cette commanderie (de "Ryn"). Suivi couché de "Albrecht von Schwartzburg", commandeur de je ne sais plus quoi, puis de "Kuno (Konrad) von Liechtenstein", commandeur aussi mais surtout émissaire de l'ordre teutonique auprès du roi de PLogne avant la guerre. Et enfin tout à gauche, avec une verrue sur le nez, la main droite sur sa bourse, "Thomas von Merheim", le trésorier en chef des chevaliers teutoniques, qu'on se demande ce qu'il faisait là, et qui gardait la banque en son absence. Pis y a tous ceux qu'on ne voit pas sur la croûte, parce que soit ils se sont échappés dans les taillis (mais y en a peu [des échappés comme des taillis]), soit ils furent faits prisonniers à fin de rançon (mais y en a peu aussi), soit ils furent inutiles à la scène du tableau. Pour info, les Teutons perdirent en tout 250 des leurs dans la bataille, soit les 2/3 des chevaliers de l'ordre, alors si "Mucha" avait dû tous les représenter, il n'aurait jamais eu le temps d'apprendre à jouer du trombone à piston. Maintenant passons à l'arrière plan.
Derrière Wladyslaw et son monticule se trouvent les chefs alliés en armure. L'on peut reconnaître en particulier le grand duc lituanien Vitold (i.e. "Vytautas"), curieux personnage tantôt païen, tantôt catholique, tantôt pro-Teuton, tantôt pro-Polac. A ses côtés son frère "Lengvenis" (i.e "Simeon Lingwen"), commandant en chef des 3 pennons de Smolensk, et militaire adroit si l'on en
De sa jeunesse, on ne sait pas grand chose, sinon que très vite, il sombra du côté obscure de la force, et devint mercenaire, pilleur, gangster à son propre service, comme au service des puissants qui voulaient fout' le foin sur les terres d'autres puissants. En l'époque, c'était un vrai métier, fouteur de m... sur les terres des autres, afin qu'ils aient de quoi s'occuper et ne pensent pas à venir faire de l'ombre (dans la politique par exemple, aujourd'hui, un métier équivalent est exercé par les soubrettes de l'hôtel Sofitel de New York :-) Sa première vraie grosse connerie dûment consignée dans les annales du pays remonte à 1397, lorsqu'avec une poignée de potes, il alla piller les domaines des chapitres de "Kroměříž" et "Olomouc", comme c'était de coutume en ces samedi soirs où les discothèques n'existaient pas encore. Evidemment, cela déplut sérieusement à l'évêque (de "Olomouc") Nicolas, qui prononça aussitôt l'excommunication sur la tête des vilains bougres. Mais après l'intervention du margrave "Jošt" de Moravie, la promesse de faire repentance et ne jamais plus rapiner les domaines de l'évêque, l'excommunication fut levée en 1403 (curieux qu'un hussite se sente concerné par une excommunication catholique?). Qu'à cela ne tienne, il en restait plein d'autres des domaines, et "Jan Sokol z Lamberka" n'était ni en manque d'idée, ni en manque de commande. Ainsi en grimpant les échelons du gangstérisme semi-légal d'ampleur industrielle (aujourd'hui on parlerait de terrorisme d'état, ou de secret-défense), notre forban se retrouva au contact du roi "Václav IV", pour le compte duquel il prit en charge le pourrissement de la vie des "Rožmberk", noble famille du Sud de la Bohême soutenue par les Habsbourg, et qui prenait aux yeux du souverain que trop d'importance. Et justement, trop d'importance prenaient également les chevaliers teutons au Nord, qui, soutenus par le pape, s'en voulaient envahir la Prusse (alors païenne) et la Lituanie. Et tout ça, ben ça faisait beaucoup trop de cathos au Nord (Teutons), à l'Ouest (Teutons) et au Sud (Habsbourg, presque Teutons). Aussi lorsque le roi plonais "Władysław II Jagiełło" lui demanda de lever une armée de mercenaires et venir se joindre à la bonne fête près de "Grünwald", qu'il y aurait grillade-merguez en fin de journée, "Jan Sokol" ne se fit point prier. A la bataille, il reçut le commandement du 4 ème pennon polac fort de 1500 cavaliers. Une fois la victoire donc acquise le 15 juillet 1410, les bougres prirent encore d'assaut les restes appartenant aux chevaliers en déroute, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de leur souvenir sur les terres du Wladyslaw. Bien entendu "Jan Sokol" était de la partie, et "Jan Žižka" fort probablement aussi. Pis l'on arrive au 27 septembre de la même année 1410, à "Toruń" (en PLogne, entre Berlin et Varsovie, un peu au Nord, et un peu plus près de Varsovie quand même), alors que le roi plonais avait invité ses potes, dont "Jan Sokol", à une petite fête, afin de se reposer un peu des massacres de Teutons. Tôt le lendemain matin (le 28 septembre donc), notre hussite se plaignit de maux de ventre, puis il eut des crampes, des vomissements, et avant même que n'arrive le SAMU anti-concombre, il décéda (tout froid) à l'âge de 55 ans. Alors z'allez rire, mais le médecin légiste imputa la mort à un
Anecdotes
Alors selon Jan Długosz, le commandeur "Werner von Tettingen" de "Elbląg" fut pris de panique lors de l'attaque, et battit lâchement en retraite jusqu'à sa ville, où il fut chassé par la population tellement la honte leur pesait sur les épaules. D'autres sources prétendent qu'il fut gravement malade (et trop vieux), et ne put prendre part au combat.
Toujours selon Jan Długosz, le commandant tchèque "Jan Sarnovský" se comporta comme "Werner", sauf que lui fut chassé de la couche maritale par son épouse, tellement la honte lui pesait sur les épaules (à elle, mais pas trop à lui).
Et encore selon Jan Długosz, après l'affrontement, les ruisseaux au bas du champ de bataille aurait tourné au rouge vif à cause du sang des chevaliers massacrés à la tonne, à la hache et Allah akbar. En fait l'origine pourpre est tout' autre. Lorsque les Slaves et leurs alliés atteignirent le QG de campagne des Teutons, ils y découvrirent le magasin (de campagne aussi), et tout particulièrement les nombreuses barriques de vin sur lesquelles ils se jetèrent goulûment. Voyant cela, et afin d'éviter que la fête militaire ne se termine comme un congrès du parti con-muniste, Wladyslaw fit percer les tonneaux dont le contenu se répandit dans les ruisseaux, à la grande joie des truites et des pêcheurs.
Sous les con-munistes, les historiens soviétiques essayèrent vainement d'expliquer la victoire polaco-lituanienne par la présence parmi le commandement de généraux russes aux cotés des vainqueurs dans l'un des (sinon LE) plus grands conflits moyenâgeux d'Europe. Aussi l'on pouvait lire dans les livres d'histoire des années 60, que le "parti des forces polono-soviétiques gagna la bataille contre l'impérialisme fasciste teuton". Mais aujourd'hui, l'on sait qu'il n'en fut rien, que malgré tous les efforts des historiens archéologues bolcheviques, pas une trace de général russe ne fut retrouvée. Parmi la troupe à boucherie oui, y avait des Russes (et encore, signalons qu'en l'époque, Smolensk n'était pas russe mais lituanienne), mais aux commandes de la direction, non, pas un seul Ruskof.
Alors pour ceux qui voudraient se rendre sur le champ de bataille de "Grünwald", sachez tout d'abord que ce n'est pas en République Tchèque mais en PLogne. Ensuite si vous souhaitez toujours vous y rendre, sachez encore que c'est vraiment loin, au Nord de Varsovie, entre la capitale et Gdansk. Et si vous avez encore et toujours l'intention de vous y rendre, sachez qu'il n'y a pas d'autoroute, que des routes de campagne étroites avec des trous gros comme celui de la Sécu en plein milieu (des routes). Et si malgré tout ça, vous insistez encore obstinément pour vous y rendre quand même, sachez que ma copine "Małgorzata", originaire de la région, affirme que même les lycanthropes (particulièrement nombreux en ce pays) assistent à la messe quotidienne matin et soir. Enfin bon, si vraiment après tout ça cependant néanmoins, ben c'est là: 53°29'13.737"N, 20°7'21.779"E.
Commentaires